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PHILOSOPHIE D'Emmanuel Lévinas à Benny Lévy 1. Emmanuel Lévinas : le retour du pharisien Paradoxe : que Lévinas dont l'existence s'est déroulée "entre l'hitlérisme inces-samment pressenti et l'hitlérisme se refusant à tout oubli "puisse être dans le même temps celui sous la plume de qui surgit à plusieurs reprises l'exclamation : "Qu'il fait bon d'être juif !". Ce paradoxe exprime l'essentiel du mouvement de pensée de Lévinas relativement à l'existence juive : le fait de pointer ce qu'il appelle, dans un article capital intitulé " le virement inattendu de la malédiction en exultation. "Malédiction : Auschwitz, "expérience inversée de l'universalité", expérience de la solitude extrême d'Israël au moment de la tourmente. Expérience de l'irrémissibilité de l'être juif, être rivé à soi, sans issue de secours : voilà la tragédie. C'est en même temps le lieu de bascule selon Lévinas. L'êtrerivé du juif à son être juif implique une nouvelle façon de penser l'être - les lecteurs de Lévinas savent que ce fut là l'un des efforts essentiels du Lévinas philosophe. Autrement qu'être : être, non pas au monde, puisque le monde pouvait au cœur du XX° siècle vomir les juifs, mais être en tant que créature (là encore une notion centrale dans la philosophie de Lévinas), c'est-à-dire être sous l'impératif de la création et du commandement, être-enjoint. À partir du malheur extrême, ramener le juif à sa vérité : le pharisien. Que ce mouvement soit central dans la pensée de Lévinas ne signifie certes pas que cette pensée se réduise à lui. Outre des expériences pré-philosophiques, renvoyant aux "grandes littératures nationales " comme à ce que Lévinas appelait le " sensé biblique ", les sources de la pensée de Lévinas sont philosophiques et, plus particulièrement, phénoménologiques. Et Lévinas est un grand penseur aussi par le travail qu'il a imposé aux notions phénoménologiques héritées de Husserl et de Heidegger. Lévinas phénoménologue ? Oui, mais là aussi paradoxe : grand phénoménologue Lévinas l'est en tant qu'il perturbe la phénoménologie, en tant qu'il introduit dans le langage même de la philosophie le " vent de 38 INFORMATION JUIVE Décembre 2007 Emmanuel Lévinas Benny Levy PAR GILLES HANUS* crise " qui préside aux formulations les plus typiques de son écriture, celles qui avaient frappé Derrida par exemple. 2. Benny Lévy : la pensée du Retour. Dans le courant des années 70, un jeune dirigeant maoïste vit une expérience singulière, inédite : pour penser sa sortie du gauchisme, il mène un dialogue long et suivi avec l'un des plus grands philosophes français du XX° siècle, Jean-Paul Sartre. Au cœur de ce dialogue, une remise en question de la phénoménologie sartrienne par le biais d'une réflexion sur le retournement totalitaire de la révolution et des rapports des hommes entre eux hors l'espace du pouvoir. Benny Lévy relit durant les années 77-78 Lévinas. Il le lit à Sartre. C'est la première rencontre. Sartre mort, B. Lévy peut mener à bien son dialogue avec Lévinas. Il en résultera deux livres importants : Visage continu. La pensée du Retour chez Emmanuel Lévinas, et Être juif, paru juste après la mort de B. Lévy. Le premier est une reconnaissance de dette envers le maître qui le " saisit, au fond de l'embarras, pour [le] projeter vers les lettres - oubliées, semble-t-il depuis toujours - de l'Écriture". Le second une lecture exigente des textes du maître, visant à penser " avec Lévinas en dépit de Lévinas ". Les deux ouvrages prétendent mettre en œuvre une réelle fidélité au geste de pensée lévinassien, ce qui implique de ne jamais réduire sa pensée à quelque chose de simple, de remettre en mouvement les notions les plus célèbres et les moins comprises, comme l'éthique ou le visage pour empêcher que la pensée lévinassienne ne se fige. Pour ce faire, s'installer au cœur de l'ambiguïté de la pensée lévinassienne et, de là, surveiller les tours et détours de sa pensée. Par ailleurs, ne pas se contenter des allusions aux sources préphilosophiques de la pensée de Lévinas, aller aux textes du Talmud allégués, les étudier et confronter ce qu'ils disent à ce qu'en dit Lévinas pour éclairer sa pensée. Il en résulte une lecture totalement inattendue de Lévinas, déroutante, mais toujours stimulante. À découvrir de toute urgence. *Professeur de philosophie

Badenheim 1939 Tous les ans, dès l'arrivée des beaux jours, le groupe habituel des vacanciers juifs se retrouve dans l'hôtel de Badenheim, charmante station thermale à 200 kilomètres de Vienne. Le maître d'œuvre du festival musical de la station, l'impresario Papenheim se démène avec son orchestre pour inviter régulièrement des artistes de renom. Mais en ce printemps 1939 une nouveauté inattendue, l'ouverture d'un service sanitaire, laisse perplexe nos touristes. Bientôt, il va être demandé aux juifs de s'y faire enregistrer, ce qu'ils acceptent avec une certaine fierté, se considérant comme l'élite de la bourgeoisie. Petit à petit, cette antenne se transforme en office prônant le retour des juifs en Pologne. Dans l'hôtel des vacanciers, les conversations vont bon train : retour au pays des racines ancestrales, vie qui ne peut être que meilleure, avenir radieux, et pourquoi pas ? Les journées s'écoulent, festives et insouciantes, à peine troublées par l'annonce d'une barrière gardée par des sentinelles empêchant maintenant entrées ou sorties de la station à l'exception des camions de ravitaillement. Mais bientôt l'étau se resserre avec " Notre devoir de mémoire doit être parfait pour transmettre aux générations suivantes ce qui nous est arrivé … " écrit l'auteur dans cet ouvrage consacré à l'histoire de sa famille durant la Seconde Guerre mondiale. Son père, Marcel, est arrivé en France en 1924. Il y épouse la belle Estelle qui met au monde deux garçons, Robert, l'aîné et Haïm, le narrateur, né en 1935. Lorsque la guerre éclate, la famille vit modestement à Marseille. Elle échappe miraculeusement aux rafles des 22 et 23 janvier 1943 dans la ville phocéenne mais tout bascule sans retour lorsque la Gestapo sonne au domicile, le 20 mars 1944. Paulette Bertrand, la fille des voisins de palier réussit à soustraire les deux enfants aux griffes nazies mais les parents, trop confiants dans les dires d'une voyante consultée quelques jours auparavant sont emmenés, enfermés dans la prison des Baumettes et déportés vers les Aharon Appelfeld PAR AHARON APPELFELD l'arrivée de juifs arrachés de leurs villes pour compléter le contingent des délocalisés forcés vers la Pologne, l'arrêt du ravitaillement, la faim qui s'installe, le soulagement du départ imminent. Une description fascinante de la crédulité de l'homme empêtré dans ses petites mesquineries face à l'enchaînement inéluctable du plus grand génocide de l'Histoire. (Editions de l'Olivier - 17,50€) Sauvés ! Mais à quel prix ? camps de la mort. Robert et Haïm sont cachés, puis envoyés avec un groupe d'élèves à Aurillac dans le Massif Central, hébergés dans un hospice où les nuits de cauchemar se succèdent avant d'être recueillis par les familles Laybros pour Haïm et son cousin et Tête pour Robert. Après la guerre ils retrouveront leur Taille 42 LIVRES PAR MALIKA FERDJOUKH ET CHARLES POLLAK En septembre 1939, au moment de la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, Charles Pollak a 11 ans. Son père Eugène et sa mère Mindel/Marguerite venus de Hongrie sont installés à Paris. Le père est un petit tailleur spécialisé dans la confection des gilets, la mère se consacre à l'éducation de ses enfants. Comment cette modeste famille a survécu aux affres de la guerre, ce récit autobiographique et absolument véridique va nous le raconter. Charles, le narrateur, est un enfant timide - il bégaie souvent - mais poussé par son instituteur, M. Bloch, il obtient son certificat d'études à l'âge de 12 ans. Sa vie s'articule autour des copains, de leurs farces et titres de gloire, de son frère aîné André, de Ginette trop tôt disparue et de Madeleine, les grandes sœurs. Son rêve ? Devenir tailleur, comme son père. Grâce à des relations, Eugène trouve un travail de tailleur dans la Baie de Somme, à Feuquières petit village à 18 kms du Mur de l'Atlantique où il fera venir sa famille. Le déménagement, en juin 1942, est épique. L'emménagement se fera dans un petit logement accolé à la Kommandantur et à l'école qui abrite la garnison allemande. Confection de vêtement contre faux- papiers, lutte contre la faim omniprésente, liaison involontaire avec un officier allemand tailleur dans le civil, la vie est jalonnée d'astuces pour survivre, survivre à tout prix. Ce récit se dévore comme le plus imaginatif des romans, drôle et émouvant. (Editions Médium - 9,80 €) PAR HAÏM MIZRAHI grand'mère qui les élèvera. En parallèle à son histoire familiale, l'auteur développe citations de la Bible et dates marquantes du programme d'extermination des juifs durant cette guerre. (Editions L'Harmattan - 23€) Odette Lang INFORMATION JUIVE Décembre 2007 39

Ba<strong>de</strong>nheim 1939<br />

Tous les ans, dès l'arrivée<br />

<strong>de</strong>s beaux jours, le<br />

groupe habituel <strong>de</strong>s vacanciers<br />

juifs se retrouve dans<br />

l'hôtel <strong>de</strong> Ba<strong>de</strong>nheim, charmante<br />

station thermale à 200<br />

kilomètres <strong>de</strong> Vienne. Le<br />

maître d'œuvre du festival<br />

musical <strong>de</strong> la station, l'impresario<br />

Papenheim se démène<br />

avec son orchestre pour inviter<br />

régulièrement <strong>de</strong>s artistes<br />

<strong>de</strong> renom. Mais en ce<br />

printemps 1939 une nouveauté<br />

inattendue, l'ouverture<br />

d'un service sanitaire,<br />

laisse perplexe nos touristes.<br />

Bientôt, il va être <strong>de</strong>mandé<br />

aux juifs <strong>de</strong> s'y faire enregistrer,<br />

ce qu'ils acceptent avec<br />

une certaine fierté, se considérant comme<br />

l'élite <strong>de</strong> la bourgeoisie. Petit à petit, cette<br />

antenne se transforme en office prônant le<br />

retour <strong>de</strong>s juifs en Pologne. Dans l'hôtel<br />

<strong>de</strong>s vacanciers, les conversations vont bon<br />

train : retour au pays <strong>de</strong>s racines ancestrales,<br />

vie qui ne peut être que meilleure, avenir<br />

radieux, et pourquoi pas ? Les journées<br />

s'écoulent, festives et insouciantes, à peine<br />

troublées par l'annonce d'une barrière gardée<br />

par <strong>de</strong>s sentinelles empêchant maintenant<br />

entrées ou sorties <strong>de</strong> la station à l'exception<br />

<strong>de</strong>s camions <strong>de</strong> ravitaillement.<br />

Mais bientôt l'étau se resserre avec<br />

" Notre <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> mémoire doit être<br />

parfait pour transmettre aux générations<br />

suivantes ce qui nous est arrivé … " écrit<br />

l'auteur dans cet ouvrage consacré à l'<strong>histoire</strong><br />

<strong>de</strong> sa famille durant la Secon<strong>de</strong><br />

Guerre mondiale. Son père, Marcel, est<br />

arrivé en France en 1924. Il y épouse la<br />

belle Estelle qui met au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux garçons,<br />

Robert, l'aîné et Haïm, le narrateur,<br />

né en 1935. Lorsque la guerre éclate, la<br />

famille vit mo<strong>de</strong>stement à Marseille. Elle<br />

échappe miraculeusement aux rafles <strong>de</strong>s<br />

22 et 23 janvier 1943 dans la ville phocéenne<br />

mais tout bascule sans retour lorsque<br />

la Gestapo sonne au domicile, le 20<br />

mars 1944. Paulette Bertrand, la fille <strong>de</strong>s<br />

voisins <strong>de</strong> palier réussit à soustraire les<br />

<strong>de</strong>ux enfants aux griffes nazies mais les<br />

parents, trop confiants dans les dires d'une<br />

voyante consultée quelques jours auparavant<br />

sont emmenés, enfermés dans la prison<br />

<strong>de</strong>s Baumettes et déportés vers les<br />

Aharon Appelfeld<br />

PAR AHARON APPELFELD<br />

l'arrivée <strong>de</strong> juifs arrachés <strong>de</strong> leurs villes<br />

pour compléter le contingent <strong>de</strong>s délocalisés<br />

forcés vers la Pologne, l'arrêt du ravitaillement,<br />

la faim qui s'installe, le soulagement<br />

du départ imminent.<br />

Une <strong>de</strong>scription fascinante <strong>de</strong> la crédulité<br />

<strong>de</strong> l'homme empêtré dans ses petites<br />

mesquineries face à l'enchaînement<br />

inéluctable du plus grand génoci<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

l'Histoire.<br />

(Editions <strong>de</strong> l'Olivier - 17,50€)<br />

Sauvés ! Mais à quel prix ?<br />

camps <strong>de</strong> la mort. Robert et Haïm sont<br />

cachés, puis envoyés avec un groupe d'élèves<br />

à Aurillac dans le Massif Central,<br />

hébergés dans un hospice où les nuits <strong>de</strong><br />

cauchemar se succè<strong>de</strong>nt avant d'être<br />

recueillis par les familles Laybros pour<br />

Haïm et son cousin et Tête pour Robert.<br />

Après la guerre ils retrouveront leur<br />

Taille 42<br />

LIVRES<br />

PAR MALIKA FERDJOUKH ET CHARLES POLLAK<br />

En septembre 1939, au moment <strong>de</strong><br />

la déclaration <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale,<br />

Charles Pollak a 11 ans. Son père<br />

Eugène et sa mère Min<strong>de</strong>l/Marguerite<br />

venus <strong>de</strong> Hongrie sont installés à <strong>Paris</strong>. Le<br />

père est un petit tailleur spécialisé dans la<br />

confection <strong>de</strong>s gilets, la mère se consacre<br />

à l'éducation <strong>de</strong> ses enfants. Comment cette<br />

mo<strong>de</strong>ste famille a survécu aux affres <strong>de</strong> la<br />

guerre, ce récit autobiographique et absolument<br />

véridique va nous le raconter.<br />

Charles, le narrateur, est un enfant timi<strong>de</strong><br />

- il bégaie souvent - mais poussé par son<br />

instituteur, M. Bloch, il obtient son certificat<br />

d'étu<strong>de</strong>s à l'âge <strong>de</strong> 12 ans. Sa vie s'articule<br />

autour <strong>de</strong>s copains, <strong>de</strong> leurs farces et<br />

titres <strong>de</strong> gloire, <strong>de</strong> son frère aîné André, <strong>de</strong><br />

Ginette trop tôt disparue et <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine,<br />

les gran<strong>de</strong>s sœurs. Son rêve ? Devenir tailleur,<br />

comme son père. Grâce à <strong>de</strong>s relations,<br />

Eugène trouve un travail <strong>de</strong> tailleur dans<br />

la Baie <strong>de</strong> Somme, à Feuquières petit village<br />

à 18 kms du Mur <strong>de</strong> l'Atlantique où il<br />

fera venir sa famille. Le déménagement, en<br />

juin 1942, est épique. L'emménagement se<br />

fera dans un petit logement accolé à la<br />

Kommandantur et à l'école qui abrite la garnison<br />

alleman<strong>de</strong>. Confection <strong>de</strong> vêtement<br />

contre faux- papiers, lutte contre la faim<br />

omniprésente, liaison involontaire avec un<br />

officier allemand tailleur dans le civil, la vie<br />

est jalonnée d'astuces pour survivre, survivre<br />

à tout prix.<br />

Ce récit se dévore comme le plus imaginatif<br />

<strong>de</strong>s romans, drôle et émouvant.<br />

(Editions Médium - 9,80 €)<br />

PAR HAÏM MIZRAHI<br />

grand'mère qui les élèvera.<br />

En parallèle à son <strong>histoire</strong> familiale, l'auteur<br />

développe citations <strong>de</strong> la Bible et dates<br />

marquantes du programme d'extermination<br />

<strong>de</strong>s juifs durant cette guerre.<br />

(Editions L'Harmattan - 23€)<br />

O<strong>de</strong>tte Lang<br />

INFORMATION JUIVE Décembre 2007 39

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