histoire - Consistoire de Paris

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BICENTENAIRE Un notable parisien : Baruch Weil ( 1780 - 1828 ) Sans doute, le jugement de l'avocat Michel Beer est-il bien sévère lorsqu'il écrit au sujet de Baruch Weil : " …il a assurément toute la morgue d'un parvenu, sans éducation, mais il est entièrement irréprochable comme négociant et comme homme privé, et si sa piété est très peu éclairée, elle est au moins sincère. " Fut-il vraiment orgueilleux et ambitieux, lui qui refusa de siéger à l'Assemblée des Notables et au Grand Sanhédrin et qui était l'un des rares à circoncire gratuitement les nouveaux-nés ? A étudier de près la communauté à cette époque, il semble que Baruch Weil ait toujours été très dévoué à la cause juive. C'est peut-être par modestie qu'il n'a pas souhaité participer aux grandes réunions napoléoniennes, aux côtés des notables et des rabbins et qu'il restera toujours un homme discret sur ses activités que ce soit en tant qu'élu au Consistoire israélite de Paris ou en tant que bienfaiteur. Originaire d'une famille alsacienne établie à Fontainebleau vers 1784, Baruch Weil est né à Paris en 1780, du moins est-ce ce qu'il déclare en 1808. Cette information peut sembler douteuse car faute d'obtenir des renseignements d'état civil avant les mesures révolutionnaires puis napoléoniennes, les juifs préféraient alors donner le lieu où ils résidaient. Il est donc fort possible qu'il soit plutôt né à Niedernai en Alsace. Le milieu est très modeste du fait que son père est un petit artisan en porcelaine. D'ailleurs, Baruch Weil, qui n'a pas eu une éducation poussée, poursuivra l'œuvre paternelle et la fera prospérer au point de devenir un notable parisien. Breveté par Louis XVIII, il compte parmi sa clientèle la duchesse de Berry. En 1827, la croix de Chevalier de la Légion d'honneur lui sera remise par Charles X pour ses activités professionnelles. Auparavant, il s'est marié deux fois suite au décès de sa première épouse. De ces unions, il aura 8 enfants dont le pamphlétaire Godchaux Weil (qui signe sous le pseudonyme Ben Lévi) et l'architecte Moïse (Maurice) Weil. Nathé, le fils aîné de son second mariage sera le grand-père de Marcel Proust. Baruch Weil est ainsi l'arrière grand-père de l'écrivain. Traditionaliste, Baruch Weil s'intéresse très tôt aux affaires communautaires et lorsque le Consistoire israélite de Paris est créé, c'est tout naturellement qu'il est choisi pour être l'un de ses membres . Il a déjà eu l'occasion de montrer ses dons d'organisateur en étant l'un des membres influents de la confrérie du cimetière ashkénaze de Montrouge. Aussi, dès 1809, devient-il le receveur de la synagogue rue du Cimetière Saint André des Arts pour réunir les taxes sur le culte. Comme les autres notables, il souhaite promouvoir l'ascension de ses coreligionnaires par l'éducation. Celle-ci constitue pour lui un moyen d'échapper au paupérisme et de s'intégrer dans la société. 26 INFORMATION JUIVE Décembre 2007 © ACIP - DSI PAR PHILIPPE LANDAU Aussi est-il l'un des principaux bienfaiteurs de la première école primaire israélite de Paris en 1819. C'est lui qui propose David Drach pour en devenir le directeur. Ce dernier ne lui est pas inconnu car il fut le précepteur de ses enfants à partir de 1813. De même, il est dévoué à la Société d'Encouragement et de Secours fondée en 1809 et dont les tâches sont nombreuses, en particulier " veiller les malades pauvres " et " suivre en cas de décès le convoi. " Toutefois, il sait se montrer sévère. Dans un règlement consistorial, il impose que tout israélite pauvre qui sera ivre ou en train de jouer aux cartes dans un estaminet se verra privé des aides communautaires. Régénération oblige ! Bien évidemment, il est l'un des premiers à souhaiter l'édification d'une grande synagogue parisienne. Il se démène pour recueillir les fonds nécessaires à la construction de la synagogue Nazareth dès 1819. Elle sera inaugurée en grandes pompes le 5 mars 1822. Le grand rabbin Abraham de Cologna rendra aux administrateurs (dont Baruch Weil) un vibrant hommage dans son discours d'inauguration. Baruch Weil repose avec nombre de ses enfants dans le carré israélite au cimetière du Père Lachaise. Ordonnance royale du 29 juin 1819, qui autorise la construction de la synagogue de la rue Nazareth

La synagogue de la rue Nazareth Les deux synagogues de la rue Sainte Avoie et de la rue de Chaume qui subsistent à la fin de l'Empire sont devenues exiguës suite au nombre croissant des israélites parisiens soit environ 6 000 âmes. Soucieux de donner au culte juif une image nouvelle au sein de la cité, les notables consistoriaux décident alors l'édification d'une nouvelle synagogue, qui ne serait plus une " schule " selon l'expression judéo-allemande mais deviendrait un temple. Dès 1817, le projet germe mais l'institution n'a pas les moyens financiers pour entreprendre pareille entreprise. Néanmoins, plusieurs bourgeois dont Olry Worms de Romilly, Baruch Weil, Léon Lan, Jacques Javal et bien d'autres, réunissent les fonds nécessaires pour acquérir un terrain dans le VIe arrondissement de l'époque où se trouve la grande majorité de la population juive. En octobre 1818, ils achètent enfin une parcelle rue Neuve Saint-Laurent dans un quartier en expansion, non loin de la future place de la République. Par ordonnance du 29 juin 1819, le roi Louis XVIII autorise la construction d'un lieu de culte. Des titres d'action de cinq cents francs sont alors nécessaires pour réunir la somme suffisante à l'édification. John Hatzfeld est nommé trésorier tandis que Worms de Romilly et Baruch Weil contactent l'architecte Sandrié de Jouy. Pour ce dernier, l'édifice doit rester discret. Il ne prévoit pas une ouverture solennelle côté rue. Un sobre pavillon et une cour doivent précéder le lieu de culte. Le style sera néo-classique, une seule décoration ornera l'Arche : " Sache devant qui tu te trouves. " La disposition reste conforme à la tradition avec au centre la bima où les fidèles lisent la Torah., La galerie des femmes se trouve au premier étage avec des tribunes grillagées et étroites. Unique concession à la modernité : une chaire est installée en face de la bima afin que le rabbin puisse affirmer son autorité sur les fidèles. Une pièce annexe est cependant réservée aux Israélites dits portugais qui, en 1851, auront leur propre synagogue rue Lamartine. En grandes pompes la synagogue est inaugurée le 5 mars 1822. Le grand rabbin Cologna remercie les notables et les donateurs puis rend grâce à Dieu et au roi : " Dieu de clémence et de bonté, répands tes bienfaits sur Louis le juste ! Que la tige des Bourbons croisse et s'élève ! Accorde à tous les enfants de notre immortelle patrie d'innombrables années de bonheur et de paix ! " Le grand rabbin Michel Seligmann officiera en ce lieu jusqu'à sa mort ; il sera ensuite remplacé par Marchand Ennery. Hélas, bâtie avec peu de moyens et à la hâte, la synagogue présente de nombreuses fissures à partir de 1842 et menace de s'écrouler. Le Consistoire israélite de Paris envisage dès lors une reconstruction. Afin de répondre aux souhaits des 20 000 israélites parisiens, il est décidé d'édifier une synagogue plus vaste et plus fastueuse. Le président de l'époque, le docteur Moïse Cahen, confie le projet à l'architecte Jean-Alexandre Thierry. La Ville de Paris entend participer aux frais pour moitié. L'architecte fait disparaître la cour intérieure et certaines annexes pour obtenir davantage d'espace car près de 1 200 BICENTENAIRE places sont prévues. En référence aux douze tribus qui symbolisent le peuple d'Israël, il décide d'organiser le plan avec douze arcades. Thierry justifie ainsi son choix : " Ce nombre 12 exprime une pensée religieuse ; il représente les 12 tribus, de même qu'au premier étage, dans la grande tribune des dames, les 3 arcades figurent les 3 prophètes… " Il s'inspire aussi des styles byzantin et de la Renaissance avec des ornements mauresques pour embellir la synagogue. Ainsi, lorsqu'elle est inaugurée le 1er avril 1852 en présence du préfet, la synagogue de la rue de Nazareth est la première à être de style romanobyzantin. Cette vision architecturale de l'art synagogal définira l'ensemble des édifices israélites sous le Second Empire. Le rappel de critères orientaux constituera la principale différence d'avec les églises. Fromenthal Halévy dirige alors les chœurs au son de l'orgue puis le grand rabbin de Paris Lazard Isidor prend la parole. Il rappelle que l'esprit du judaïsme n'est pas mort et ne mourra jamais. Pour lui, ce majestueux édifice est le reflet d'un judaïsme moderne et authentiquement français car " …nous formons une nouvelle génération, et nous apportons à la société une somme de travail égale à celle de nos frères des autres cultes… " Jusqu'à la perte de l'Alsace-Lorraine en 1871, la synagogue réunit principalement des juifs de souche parisienne, des Allemands et des Hollandais. Par la suite, elle est davantage alsacienne. Les parents de Léon Blum la fréquenteront. Ouverte au public pendant l'Occupation, elle est victime d'un attentat perpétré par des collaborateurs en octobre 1941 . Le rabbin Joseph Sacks veille à maintenir les offices malgré les difficultés et les arrestations. Le 6 février 1944, avec sa femme, il est arrêté, transféré à Drancy puis déporté. Durant plusieurs années, la communauté de la rue Nazareth panse ses plaies et accueille désormais des fidèles originaires d'Europe centrale et de l'Est. A partir des années soixante, même si elle est consacrée au rite ashkénaze, son public devient majoritairement séfarade. Elle connaît à nouveau un regain de dynamisme. Ph. L © ACIP - DSI INFORMATION JUIVE Décembre 2007 27

BICENTENAIRE<br />

Un notable parisien :<br />

Baruch Weil<br />

( 1780 - 1828 )<br />

Sans doute, le jugement <strong>de</strong> l'avocat Michel Beer<br />

est-il bien sévère lorsqu'il écrit au sujet <strong>de</strong> Baruch<br />

Weil : " …il a assurément toute la morgue d'un<br />

parvenu, sans éducation, mais il est entièrement<br />

irréprochable comme négociant et comme<br />

homme privé, et si sa piété est très peu éclairée,<br />

elle est au moins sincère. " Fut-il vraiment orgueilleux et<br />

ambitieux, lui qui refusa <strong>de</strong> siéger à l'Assemblée <strong>de</strong>s Notables<br />

et au Grand Sanhédrin et qui était l'un <strong>de</strong>s rares à circoncire<br />

gratuitement les nouveaux-nés ?<br />

A étudier <strong>de</strong> près la communauté à cette époque, il semble<br />

que Baruch Weil ait toujours été très dévoué à la cause juive.<br />

C'est peut-être par mo<strong>de</strong>stie qu'il n'a pas souhaité participer aux<br />

gran<strong>de</strong>s réunions napoléoniennes, aux côtés <strong>de</strong>s notables et<br />

<strong>de</strong>s rabbins et qu'il restera toujours un homme discret sur ses<br />

activités que ce soit en tant qu'élu au <strong>Consistoire</strong> israélite <strong>de</strong><br />

<strong>Paris</strong> ou en tant que bienfaiteur.<br />

Originaire d'une famille alsacienne établie à Fontainebleau<br />

vers 1784, Baruch Weil est né à <strong>Paris</strong> en 1780, du moins est-ce<br />

ce qu'il déclare en 1808. Cette information peut sembler<br />

douteuse car faute d'obtenir <strong>de</strong>s renseignements d'état<br />

civil avant les mesures révolutionnaires puis<br />

napoléoniennes, les juifs préféraient alors donner le lieu<br />

où ils résidaient. Il est donc fort possible qu'il soit plutôt<br />

né à Nie<strong>de</strong>rnai en Alsace. Le milieu est très mo<strong>de</strong>ste du<br />

fait que son père est un petit artisan en porcelaine.<br />

D'ailleurs, Baruch Weil, qui n'a pas eu une éducation<br />

poussée, poursuivra l'œuvre paternelle et la fera prospérer<br />

au point <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir un notable parisien. Breveté par Louis<br />

XVIII, il compte parmi sa clientèle la duchesse <strong>de</strong> Berry.<br />

En 1827, la croix <strong>de</strong> Chevalier <strong>de</strong> la Légion d'honneur lui<br />

sera remise par Charles X pour ses activités<br />

professionnelles.<br />

Auparavant, il s'est marié <strong>de</strong>ux fois suite au décès <strong>de</strong><br />

sa première épouse. De ces unions, il aura 8 enfants dont<br />

le pamphlétaire Godchaux Weil (qui signe sous le<br />

pseudonyme Ben Lévi) et l'architecte Moïse (Maurice)<br />

Weil. Nathé, le fils aîné <strong>de</strong> son second mariage sera le<br />

grand-père <strong>de</strong> Marcel Proust. Baruch Weil est ainsi l'arrière<br />

grand-père <strong>de</strong> l'écrivain.<br />

Traditionaliste, Baruch Weil s'intéresse très tôt aux<br />

affaires communautaires et lorsque le <strong>Consistoire</strong> israélite<br />

<strong>de</strong> <strong>Paris</strong> est créé, c'est tout naturellement qu'il est choisi<br />

pour être l'un <strong>de</strong> ses membres . Il a déjà eu l'occasion <strong>de</strong><br />

montrer ses dons d'organisateur en étant l'un <strong>de</strong>s membres<br />

influents <strong>de</strong> la confrérie du cimetière ashkénaze <strong>de</strong><br />

Montrouge. Aussi, dès 1809, <strong>de</strong>vient-il le receveur <strong>de</strong> la<br />

synagogue rue du Cimetière Saint André <strong>de</strong>s Arts pour<br />

réunir les taxes sur le culte. Comme les autres notables,<br />

il souhaite promouvoir l'ascension <strong>de</strong> ses coreligionnaires<br />

par l'éducation. Celle-ci constitue pour lui un moyen<br />

d'échapper au paupérisme et <strong>de</strong> s'intégrer dans la société.<br />

26 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />

© ACIP - DSI<br />

PAR PHILIPPE LANDAU<br />

Aussi est-il l'un <strong>de</strong>s principaux bienfaiteurs <strong>de</strong> la première école<br />

primaire israélite <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> en 1819. C'est lui qui propose David<br />

Drach pour en <strong>de</strong>venir le directeur. Ce <strong>de</strong>rnier ne lui est pas<br />

inconnu car il fut le précepteur <strong>de</strong> ses enfants à partir <strong>de</strong> 1813.<br />

De même, il est dévoué à la Société d'Encouragement et <strong>de</strong><br />

Secours fondée en 1809 et dont les tâches sont nombreuses, en<br />

particulier " veiller les mala<strong>de</strong>s pauvres " et " suivre en cas <strong>de</strong><br />

décès le convoi. " Toutefois, il sait se montrer sévère. Dans un<br />

règlement consistorial, il impose que tout israélite pauvre qui<br />

sera ivre ou en train <strong>de</strong> jouer aux cartes dans un estaminet se<br />

verra privé <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s communautaires. Régénération oblige !<br />

Bien évi<strong>de</strong>mment, il est l'un <strong>de</strong>s premiers à souhaiter<br />

l'édification d'une gran<strong>de</strong> synagogue parisienne. Il se démène<br />

pour recueillir les fonds nécessaires à la construction <strong>de</strong> la<br />

synagogue Nazareth dès 1819. Elle sera inaugurée en gran<strong>de</strong>s<br />

pompes le 5 mars 1822. Le grand rabbin Abraham <strong>de</strong> Cologna<br />

rendra aux administrateurs (dont Baruch Weil) un vibrant<br />

hommage dans son discours d'inauguration.<br />

Baruch Weil repose avec nombre <strong>de</strong> ses enfants dans le carré<br />

israélite au cimetière du Père Lachaise.<br />

Ordonnance royale du 29 juin 1819, qui autorise la construction <strong>de</strong> la synagogue<br />

<strong>de</strong> la rue Nazareth

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