histoire - Consistoire de Paris
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Israël : La question de la double reconnaissance Judéopostale : L’histoire juive par le timbre Histoire : Eliezer Ben Yehuda Dieu, la Bible et moi par Philippe Sollers Hanouka : lumière d’espérance N°274 - DÉCEMBRE 2007 - 3€ M 01907 - 274 - F: 3,00 E 3:HIKLTA=\UXUUU:?a@c@r@o@a;
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Israël : La question <strong>de</strong> la<br />
double reconnaissance<br />
Judéopostale : L’<strong>histoire</strong><br />
juive par le timbre<br />
Histoire : Eliezer<br />
Ben Yehuda<br />
Dieu,<br />
la Bible<br />
et moi<br />
par Philippe Sollers<br />
Hanouka : lumière<br />
d’espérance<br />
N°274 - DÉCEMBRE 2007 - 3€<br />
M 01907 - 274 - F: 3,00 E<br />
3:HIKLTA=\UXUUU:?a@c@r@o@a;
N°274 - DÉCEMBRE 2007<br />
21<br />
4<br />
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12<br />
8 18<br />
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AU SOMMAIRE DE<br />
JUDAÏSME<br />
4- Hanouka, lumière d'espérance par Philippe Haddad<br />
6- Le rappel d'une existence menacée par Elie Botbol<br />
DOSSIER : JUIFS ET CHRÉTIEN<br />
8- Les conditions d'un véritable dialogue<br />
par Josy Eisenberg et Paul Thibaud<br />
CULTURE<br />
12- Dieu, la Bible et moi<br />
Entretien avec Philippe Sollers<br />
ISRAËL<br />
14- La question <strong>de</strong> la double reconnaissance<br />
par Denis Charbit<br />
17- La bonne nouvelle…<br />
Entretien avec Yehouda Lancry<br />
JUDÉPOSTALE<br />
18- L'<strong>histoire</strong> juive par les timbres<br />
Entretien avec Clau<strong>de</strong> Wainstain<br />
LA VIE DE L’ACIP<br />
21- Entretien avec le ministre <strong>de</strong> l’intérieur Michèle Alliot-Marie<br />
COMMUNAUTÉS<br />
24- Etre juif à Sarcelles Entretien avec Richard Halimi<br />
25- La communauté juive <strong>de</strong> Marseille Entretien avec Zvi Ammar<br />
BICENTENAIRE<br />
26- Un notable <strong>Paris</strong>ien : Baruch Weil (1780-1828)<br />
27- La synagogue <strong>de</strong> la rue Nazareth<br />
par Philippe Landau<br />
PENSÉE JUIVE<br />
34- Quand l’âme <strong>de</strong> Moïse touche à sa plénitu<strong>de</strong><br />
Entretien avec Betty Rojtman<br />
HISTOIRE<br />
36- Eliezer Ben Yehuda par Mireille Hadas-Lebel<br />
PHILOSOPHIE<br />
38- D’Emmanuel Lévinas à Benny Levy par Gilles Hanus<br />
Editorialiste : Josy Eisenberg<br />
Chroniqueur : Guy Konopnicki<br />
Comité <strong>de</strong> rédaction : Josy Eisenberg,<br />
Michel Gurfinkiel, Victor Malka,<br />
Joël Mergui, Philippe Meyer<br />
Collaborateurs : Armand Abécassis,<br />
Anne-Julie Bémont, Albert Bensoussan,<br />
Paul Giniewski, Hélène Hadas-Lebel,<br />
Carol Iancu, Gérard Israël, André Kaspi,<br />
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Direction Administrative<br />
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JUDAÏSME<br />
Hanouka,<br />
lumière d'espérance<br />
Hanouka, la fête <strong>de</strong><br />
l'inauguration du Beth<br />
Hamikdash (Temple) a<br />
été instituée par nos<br />
sages suite à un<br />
événement historique<br />
majeur : la victoire <strong>de</strong>s troupes <strong>de</strong> Juda<br />
Macchabée contre l'armée syro-grecque<br />
<strong>de</strong> Antiochus Epiphane (vers -165), la<br />
libération <strong>de</strong> Jérusalem et la purification<br />
du Temple. L'enjeu était <strong>de</strong> taille : il<br />
s'agissait d'affirmer les valeurs éthiques<br />
du monothéisme contre le paganisme<br />
autoritaire d'un <strong>de</strong>s successeurs<br />
d'Alexandre le Grand.<br />
Le livre <strong>de</strong>s Maccabim<br />
(Macchabées), qui n'a pas été<br />
canonisé par les sages <strong>de</strong> Yavné,<br />
décrit la situation avant la<br />
révolte judéenne. L'i<strong>de</strong>ntité<br />
juive se trouvait en danger,<br />
non pas dans son corps,<br />
mais dans son âme et<br />
dans son esprit. Notre<br />
peuple a connu tant<br />
d'horreurs au cours du<br />
vingtième siècle, entre la<br />
Shoah et les guerres<br />
d'Israël, qu'il peut<br />
nous arriver<br />
d'oublier l'autre<br />
danger qui<br />
guette notre<br />
peuple :<br />
l'assimilation.<br />
Et pourtant,<br />
à bien y<br />
réfléchir, il<br />
s'agit d'un<br />
véritable<br />
danger <strong>de</strong><br />
disparition.<br />
Le grand-prêtre<br />
Matatiahou (Mattathias),<br />
père <strong>de</strong> Juda<br />
Macchabée, avait<br />
compris le danger que représentait le<br />
projet assimilationniste d'Antiochus IV :<br />
la fin du peuple juif en tant que tel.<br />
Imaginons à quoi aurait abouti le discours<br />
normatif d'Antiochius ? A la disparition<br />
4 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
pure et simple <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité juive, à<br />
l'absorption " du plus petit peuple " dans<br />
l'estomac géant et réducteur d'un mon<strong>de</strong><br />
grec, terriblement séducteur par ailleurs.<br />
Cette séduction avait d'ailleurs commencé<br />
à montrer ses effets, puisque le livre <strong>de</strong>s<br />
Macchabées nous apprend que la lutte<br />
pour délivrer le Temple <strong>de</strong> Jérusalem fut<br />
menée également contre <strong>de</strong>s juifs<br />
hellénisés.<br />
Transmettre pour survivre :<br />
Pour un juif, l'assimilation commence<br />
par le refus d'assumer<br />
l'alliance du Sinaï, le<br />
rejet du " joug <strong>de</strong> la<br />
royauté du Ciel et<br />
le joug <strong>de</strong>s<br />
mitsvoth<br />
© Tracy Martinez / fotolia<br />
(comman<strong>de</strong>ments)<br />
", elle se poursuit<br />
en se désolidarisant<br />
<strong>de</strong> l'<strong>histoire</strong> juive.<br />
Tant que le cœur<br />
juif vibre pour<br />
l'<strong>histoire</strong><br />
juive,<br />
il existe l'espérance d'un avenir. Depuis<br />
l'époque antique <strong>de</strong>s prophètes jusqu'à<br />
notre temps contemporain, la vigilance a<br />
été et doit rester maintenue. La lutte<br />
contre l'assimilation n'implique pas qu'en<br />
PAR PHILIPPE HADDAD*<br />
tant que communauté ou en tant que<br />
peuple nous nous enfermions dans un<br />
ghetto i<strong>de</strong>ntitaire ; mais cela appelle une<br />
attention et une vigilance quant à la<br />
transmission aux jeunes générations, à la<br />
formation <strong>de</strong>s maîtres et à la mise en<br />
place <strong>de</strong> structures religieuses répondant<br />
au questionnement du temps présent.<br />
Pour autant, nos sages n'ont pas<br />
sacralisé la victoire militaire. Pour nos<br />
maîtres, ce triomphe n'était que la partie<br />
émergente d'un message plus profond et<br />
essentiel pour le judaïsme : la victoire <strong>de</strong><br />
la lumière. Cette lumière nous l'allumons,<br />
selon la halakha, à la tombée <strong>de</strong> la nuit,<br />
c'est-à-dire lorsque l'obscurité recouvre<br />
le mon<strong>de</strong>. Non seulement cette petite<br />
lumière repousse la noirceur <strong>de</strong> la nuit,<br />
mais chaque flamme sera suivie par la<br />
suivante qui augmentera la lumière. Au<br />
huitième soir, huit bougies illumineront<br />
nos foyers. N'est-ce pas les principes <strong>de</strong><br />
solidarité et d'espérance qui se trouvent<br />
ici soulignés ?<br />
Solidarité entre chaque juif porteur <strong>de</strong><br />
sa propre flamme, <strong>de</strong> sa propre ferveur et<br />
sa propre lumière ? Espérance qui jaillit<br />
dans la nuit sombre pour rappeler que<br />
notre <strong>histoire</strong> continue,<br />
malgré les épreuves et<br />
les dénégations.<br />
Hanouka nous<br />
invite autant à<br />
gar<strong>de</strong>r la flamme<br />
allumée qu'à<br />
transmettre le<br />
flambeau à notre<br />
jeunesse.<br />
Telle est la nature <strong>de</strong> notre véritable<br />
combat : une flamme, non pour brûler,<br />
mais pour briller.<br />
*Philippe Haddad est rabbin
JUDAÏSME<br />
Le rappel d'une<br />
existence menacée<br />
Méfiance et respect :<br />
c'est ce qui<br />
pourrait qualifier<br />
l'attitu<strong>de</strong> du judaïsme<br />
face à la<br />
culture grecque.<br />
Méfiance, car lorsque Ben Dama<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Rabbi Yichmaël, son oncle,<br />
s'il peut étudier la sagesse grecque,<br />
celui-ci lui répond que ce ne serait<br />
possible qu'à un moment qui ne serait<br />
ni jour ni nuit…Dans le traité Sota (49b),<br />
on est plus explicite : l'interdit<br />
d'enseigner à son fils la sagesse grecque<br />
est catégorique. Mais respect également<br />
: dans la Michna Méguila (1, 8),<br />
Rabbi Chim'on fils <strong>de</strong> Gamliel n'autorise<br />
l'écriture d'un séfer Tora en langue<br />
étrangère que s'il s'agit du grec car<br />
"l'esthétique <strong>de</strong> Yéphet est apte à rési<strong>de</strong>r<br />
dans les tentes <strong>de</strong> Chem " (Meg. 9b).<br />
Comment expliquer ce paradoxe ? Si<br />
cette langue peut être intégrée dans le<br />
rouleau sacré pour exprimer la parole<br />
<strong>de</strong> Dieu, n'est-ce pas parce que sa<br />
culture véhicule <strong>de</strong>s concepts proches<br />
<strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> la tradition juive ? D'ailleurs,<br />
avant même la promulgation <strong>de</strong>s décrets<br />
d'Antiochus IV menaçant la liberté<br />
religieuse en Judée, bien <strong>de</strong>s juifs<br />
avaient librement choisi <strong>de</strong><br />
s'assimiler aux Grecs.<br />
N'est-ce pas là le signe<br />
d'une proximité <strong>de</strong><br />
culture ?<br />
Il semble bien qu'il<br />
existe un parallèle<br />
entre la tentation<br />
<strong>de</strong> l'hellénisme à<br />
l'époque <strong>de</strong><br />
Hanouka (165<br />
av. e.c.) et celle<br />
<strong>de</strong> l'assimilation<br />
à l'époque mo<strong>de</strong>rne.<br />
La tentation<br />
a été<br />
gran<strong>de</strong>, car ce sont<br />
les Grecs qui ont le<br />
mieux et le plus<br />
clairement énoncé les<br />
grands principes éthiques<br />
que le judaïsme a défendus<br />
<strong>de</strong>puis toujours. En s'assimilant,<br />
ces juifs avaient l'impression <strong>de</strong> ne<br />
rien renier et <strong>de</strong> ne renoncer à rien<br />
d'essentiel <strong>de</strong> leur patrimoine. Tout<br />
6 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
juste passaient-ils du registre du<br />
particularisme à celui <strong>de</strong> l'universel et,<br />
dans ce sens, ils n'y voyaient que <strong>de</strong>s<br />
avantages. Comment expliquer à ces<br />
juifs qu'ils font fausse route et que le<br />
judaïsme n'est ni dépassé ni, désormais,<br />
réalisable à travers l'humanisme<br />
universel grec ?<br />
Le particularisme du judaïsme ne doit<br />
pas être compris comme un repli sur soi<br />
ou un manque d'ouverture d'esprit.<br />
L'esprit critique du Talmud et<br />
l'acceptation <strong>de</strong> la contradiction en son<br />
sein témoignent <strong>de</strong> sa maturité<br />
intellectuelle et <strong>de</strong> sa capacité à s'ouvrir<br />
au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s idées. Que cache alors<br />
ce particularisme et comment peut-il se<br />
justifier aujourd'hui comme hier ? Il<br />
nous semble que c'est là que rési<strong>de</strong>nt<br />
tout le génie du judaïsme et le miracle<br />
<strong>de</strong> sa pérennité. L'excellence<br />
intellectuelle <strong>de</strong> l'humanisme<br />
universel a montré<br />
ses limites autant chez les<br />
Grecs que dans<br />
l'<strong>histoire</strong><br />
contemporaine.<br />
C o m m e n t<br />
comprendre que<br />
la Grèce qui a<br />
révélé au mon<strong>de</strong><br />
la démocratie,<br />
l'éthique et la<br />
philosophie ait pu, en<br />
même temps, accepter<br />
en son empire les<br />
gynécées (l'équivalent<br />
<strong>de</strong>s harems),<br />
PAR ELIE BOTBOL<br />
l'esclavage et le droit <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong> mort<br />
<strong>de</strong>s parents sur leurs enfants ? Le<br />
particularisme juif s'oppose précisément<br />
à cette dérive permanente <strong>de</strong><br />
l'universalisme. Par sa recommandation<br />
d'une discipline <strong>de</strong> vie rigoureuse, il<br />
veille à préserver du risque <strong>de</strong> voir<br />
débor<strong>de</strong>r le charnel <strong>de</strong>s mœurs sur le<br />
spirituel <strong>de</strong>s vérités morales. Les valeurs<br />
universelles voyagent facilement, mais<br />
où gar<strong>de</strong>nt-elles leur véritable visage ?<br />
Le véritable engagement, selon la tradition juive,<br />
commence par celui qui porte sur sa propre<br />
existence<br />
Par leurs concepts, les Grecs ont certes<br />
facilité la gestion mentale <strong>de</strong> la vie<br />
intellectuelle mais, en même temps, ils<br />
n'ont rien appris aux hommes sur la<br />
gestion morale <strong>de</strong>s dures réalités du<br />
quotidien. Il existe nécessairement une<br />
érosion <strong>de</strong>s vérités lorsqu'elles ne sont<br />
transmises qu'en état d'abstractions.<br />
D'ailleurs, reste-t-il <strong>de</strong>s juifs parmi les<br />
<strong>de</strong>scendants <strong>de</strong> ceux qui ont voulu<br />
émanciper les juifs en les dépouillant<br />
<strong>de</strong> leurs rites et <strong>de</strong> leur tradition ? Le<br />
véritable engagement, selon la tradition<br />
juive, commence avant tout par celui<br />
qui porte sur sa propre existence.<br />
Comment ? En faisant <strong>de</strong> sa vie une<br />
expérience où la quête du sens se fait<br />
au travers <strong>de</strong>s actes ordinaires <strong>de</strong> la vie<br />
quotidienne, et pas seulement au<br />
contact <strong>de</strong>s seuls concepts intellectuels<br />
- parce que, précisément, la connaissance<br />
<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers sert à éclairer<br />
chaque instant <strong>de</strong> la vie.<br />
La célébration <strong>de</strong> la fête <strong>de</strong> Hanouka a<br />
été instituée dans le calendrier<br />
hébraïque pour nous rappeler que<br />
l'existence juive est constamment<br />
menacée, y compris par ceux qui<br />
partagent avec elle <strong>de</strong>s valeurs<br />
communes. Si le récit <strong>de</strong> cette<br />
<strong>histoire</strong> n'a pas intégré le canon<br />
biblique, c'est parce que celle-ci<br />
se déroule encore sous nos yeux. A<br />
nous d'en mesurer le défi et d'être à<br />
sa hauteur.<br />
E.B
UN ENTRETIEN AVEC GIL TAIEB<br />
Notre combat<br />
contre l'exclusion<br />
IJ : C'est une gran<strong>de</strong> responsabilité qui<br />
vient <strong>de</strong> vous être confiée.<br />
Gil Taieb : Je n'ai pas hésité à l'accepter.<br />
J'ai toujours considéré ce combat pour la<br />
Tsédaka comme un combat pour rétablir<br />
une justice. Au <strong>de</strong>meurant je n'oublie<br />
jamais que Tsédaka et Tsé<strong>de</strong>k (la justice)<br />
ont une même racine. Je n'ai pas hésité<br />
parce que je sais la solitu<strong>de</strong>, le handicap,<br />
la maladie et la pauvreté touchent également<br />
notre communauté. Peut-on rester<br />
au bord <strong>de</strong> la route et rester indifférent<br />
au sort <strong>de</strong> ceux qui souffrent ?<br />
IJ : La campagne <strong>de</strong> communication dure un<br />
mois. N'est-ce pas un peu long ?<br />
G.T. : Cela peut paraître long en effet<br />
mais un tel délai est nécessaire si l'on veut<br />
sensibiliser les donateurs, les informer et<br />
obtenir <strong>de</strong>s résultats. Il est évi<strong>de</strong>nt que la<br />
collecte reste, aujourd'hui comme hier,<br />
notre objectif premier. Sans elle en effet<br />
comment pourrions-nous mener à bien<br />
les projets déjà engagés et en concevoir<br />
<strong>de</strong> nouveaux ?<br />
Je veux rappeler ici que cette<br />
campagne s'inscrit dans un partenariat<br />
entre le FSJU et les pouvoirs publics. Il<br />
ne s'agit pas ici <strong>de</strong> communau-tarisme.<br />
L'action que nous menons <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s<br />
années a une dimension universelle : elle<br />
tend à combattre l'exclusion laquelle<br />
touche l'ensemble <strong>de</strong> la société. Mais<br />
nous souhaitons donner une réponse<br />
spécifique à une attente elle-même<br />
spécifique.<br />
J'ai rendu visite à nombre d'associations.<br />
J'en retiens notamment l'affection<br />
et la tendresse offertes à <strong>de</strong> jeunes adultes<br />
autistes. Et comment ne pas penser à ces<br />
regards tristes, presque éteints <strong>de</strong> ceux<br />
qui sont accablés par le sort ? L'un <strong>de</strong> nos<br />
textes les plus sublimes, celui du prophète<br />
Isaïe, nous dit que le véritable jeûne<br />
consiste à vêtir ceux qui sont nus et à ne<br />
pas être indifférents à la souffrance <strong>de</strong><br />
nos concitoyens.<br />
APPEL NATIONAL DE LA TSÉDAKA<br />
Notre ami Gil Taieb dont chacun connaît le militantisme au sein<br />
<strong>de</strong> la communauté a été nommé prési<strong>de</strong>nt pour cette année<br />
<strong>de</strong> la Campagne <strong>de</strong> l'Appel national <strong>de</strong> la Tsédaka.<br />
Il explique ci-<strong>de</strong>ssous l'importance qu'il confère à cette mission. Gil Taïeb<br />
Après <strong>de</strong> telles visites, on sort<br />
convaincu d'avoir fait le bon choix : ce<br />
combat vaut assurément d'être mené.<br />
C'est pour moi l'occasion <strong>de</strong> féliciter<br />
celles et ceux qui sont au quotidien au<br />
coeur <strong>de</strong> l'action. Ils déploient <strong>de</strong>s efforts<br />
exceptionnels et je leur en sais gré<br />
personnellement.<br />
C'est aussi l'occasion pour moi <strong>de</strong><br />
remercier Joël Mergui, le prési<strong>de</strong>nt du<br />
<strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> pour la soli<strong>de</strong><br />
collaboration et le soutien <strong>de</strong> tous les<br />
instants qu'il apporte<br />
à cette campagne.<br />
IJ : Ces visites, vous les<br />
avez faites en compagnie<br />
<strong>de</strong> Michel Jonasz, le parrain<br />
<strong>de</strong> la campagne cette<br />
année.<br />
G.T. : C'est pour moi<br />
l'occasion <strong>de</strong> le<br />
remercier <strong>de</strong> nous<br />
avoir offert sa<br />
générosité et sa<br />
sincérité, toutes choses<br />
que l'on trouve dans<br />
ses chansons et sa musique.<br />
Ensemble, nous<br />
avons pu visiter différentes<br />
institutions sociales<br />
<strong>de</strong> la communauté<br />
: un centre <strong>de</strong><br />
jour pour les personnes<br />
âgées et atteintes <strong>de</strong> la<br />
maladie d'Al-zheimer,<br />
un centre pour jeunes<br />
han-dicapés et une<br />
mai-son <strong>de</strong> retraite. Et savez-vous ce<br />
qu'il a retenu <strong>de</strong> ces visites : "<strong>de</strong> la joie<br />
" m'a-t-il dit. Il ajoute aussi : "Ce sont vos<br />
mères, vos pères, vos frères et sœurs qui<br />
vous appellent. Et ils vous appellent<br />
parce qu'ils ont besoin <strong>de</strong> vous"<br />
Cela a été pour nous l'occasion <strong>de</strong><br />
constater l'ampleur <strong>de</strong>s besoins et<br />
l'importance du travail qui nous attend.<br />
Nous voulons ensemble donner un peu<br />
d'espoir et <strong>de</strong> bonheur à ces hommes et<br />
à ces femmes qui aujourd'hui comptent<br />
sur nous.<br />
Nous mènerons ce combat <strong>de</strong>puis le<br />
15 novembre et jusqu'au 17 décembre,<br />
date à laquelle nous organisons un<br />
grand concert <strong>de</strong> la solidarité au Palais<br />
<strong>de</strong>s Congrès<br />
J'ajoute que <strong>de</strong> tous les combats que<br />
j'ai eu l'occasion <strong>de</strong> mener dans mes<br />
Michel Jonasz, parrain <strong>de</strong> la Tsédaka 2007<br />
© Javky Azoulai<br />
différents engagements au sein <strong>de</strong>s<br />
institutions <strong>de</strong> la communauté juive,<br />
celui-là me paraît le plus noble et le plus<br />
indispensable.<br />
Puisse chacun <strong>de</strong> vos lecteurs prendre<br />
conscience - ainsi que l'ont dit nombre<br />
<strong>de</strong> nos Sages - que les besoins matériels<br />
<strong>de</strong> nos coreligionnaires sont pour nous<br />
tous <strong>de</strong>s besoins spirituels.<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 7
DOSSIER<br />
JUIFS ET CHRÉTIENS<br />
Les conditions<br />
d'un véritable dialogue PAR PAUL THIBAUD ET JOSY EISENBERG<br />
Après la mort du cardinal Lustiger, nous avions publié dans notre numéro d'octobre, un article <strong>de</strong> Josy Eisenberg<br />
accompagné <strong>de</strong> la lettre que lui avait adressée à ce propos Jacques Duquesne, une lettre dans laquelle l'essayiste<br />
s'élevait contre une certaine confusion entretenue à<br />
propos du dialogue judéo-chrétien. M. Duquesne<br />
écrivait entre autres : "Le christianisme n'accomplit<br />
pas le judaïsme. Il est une révolution… Le Dieu <strong>de</strong><br />
Jésus n'est pas celui <strong>de</strong> Moïse". Nous avons reçu à ce<br />
Les lettres <strong>de</strong> Josy Eisenberg et <strong>de</strong> Jacques<br />
Duquesne dans Info J me paraissent apprécier le<br />
cas singulier du cardinal Lustiger d'une manière<br />
contestable. D'où les quelques remarques qui<br />
suivent, d'abord sur la "double appartenance", puis<br />
sur la question <strong>de</strong> la substitution :<br />
1° Josy Eisenberg a bien sûr raison du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la<br />
législation rabbinique et <strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce israélienne. Mais<br />
cela suffit-il pour régler la question ?<br />
2° L'opinion juive me paraît avoir considéré les choses<br />
différemment, une bonne partie <strong>de</strong> celle-ci ayant, je crois,<br />
adopté le "cardinal juif", sans trop s'embarrasser du règlement.<br />
Ce fait est important, sauf si l'on n'y voit qu'un effet media, ce<br />
qui serait injuste. L'opinion juive a <strong>de</strong> cette manière avalisé la<br />
diminution <strong>de</strong> la méfiance entre chrétiens et juifs, dont Josy<br />
Eisenberg s'est par ailleurs hautement réjoui. Sa réaction reflétait<br />
également <strong>de</strong>s changements qui relèvent, d'autres l'ont dit, <strong>de</strong><br />
la démocratisation <strong>de</strong>s moeurs, du décloisonnement <strong>de</strong>s<br />
appartenances. On peut redouter la confusion qui menace, on<br />
peut aussi se réjouir du progrès <strong>de</strong> l'acceptation mutuelle et <strong>de</strong><br />
la tolérance envers les choix <strong>de</strong>s autres.<br />
3° la double appartenance a été longtemps admise par les<br />
8 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
propos une lettre du philosophe Paul Thibaud, ancien<br />
directeur <strong>de</strong> la revue Esprit. Nous la publions ci<strong>de</strong>ssous<br />
en même temps que la réponse <strong>de</strong> Josy<br />
Eisenberg.<br />
En vérité, il s'agit bien plus que d'une simple réponse.<br />
Le texte du rabbin Eisenberg constitue un véritable<br />
Josy Eisenberg<br />
document essentiel à la compréhension aujourd'hui<br />
<strong>de</strong>s relations judéo-chrétiennes.<br />
Paul Thibaud<br />
Un cardinal scandaleux ? PAR PAUL THIBAUD<br />
Eglises chrétiennes, du moins certaines d'entre elles (cf le<br />
Dialogue avec Tryphon <strong>de</strong> Justin vers 150). L'affirmation<br />
d'incompatibilité est venue <strong>de</strong>s synagogues. Si bien que<br />
Lustiger/Eisenberg pourrait bien être la répétition <strong>de</strong> la "scène<br />
primitive" judéo-chrétienne.<br />
Sur la question <strong>de</strong> la substitution, je crois que Josy Eisenberg<br />
confond accomplissement et substitution. JM Lustiger employait<br />
très fréquemment le premier mot, jamais le second.<br />
L'accomplissement a lieu au présent : j'accomplis mon <strong>de</strong>voir,<br />
la volonté <strong>de</strong> Dieu... Dans l'ordre moral et surtout spirituel, on<br />
n'en a jamais fini d'accomplir. Substitution évoque au contraire<br />
une ligne temporelle où l'on remplace quelqu'un qui a terminé<br />
son office. Pour ce qui est du judaïsme JML a toujours affirmé<br />
que son rôle n'était pas fini. Certes, dit Josy Eisenberg , mais<br />
il a incarné la substitution par sa conversion. Mais en affirmant<br />
sa fidélité au judaïsme, le converti Lustiger non seulement<br />
manifestait sa conviction que le judaïsme lui restait<br />
irremplaçable, mais il démentait toute la théologie <strong>de</strong> la<br />
substitution. Il y a donc une contradiction entre les <strong>de</strong>ux<br />
reproches faits par le rabbin au cardinal.<br />
En ce qui concerne l'affirmation abrupte <strong>de</strong> Jacques Duquesne<br />
sur la discontinuité totale entre judaïsme et christianisme, elle<br />
me paraît négliger ce qu'il connaît très bien, à savoir<br />
© Marc CHAUMEIL / fe<strong>de</strong>photo
l'acharnement <strong>de</strong>s auteurs du Nouveau Testament à justifier<br />
par l'Ancien leurs professions <strong>de</strong> foi et leurs christologies. Dire<br />
qu'il a eu une révolution chrétienne ne suffit pas pour conclure<br />
On peut redouter la confusion<br />
qui menace, on peut aussi<br />
se réjouir du progrès <strong>de</strong> l'acceptation<br />
mutuelle et <strong>de</strong> la tolérance envers<br />
les choix <strong>de</strong>s autres.<br />
à une discontinuité radicale. Il y a eu révolution "dans le<br />
judaïsme", comme d'autres fois, à Yavné en particulier.<br />
Considérer la révolution chrétienne comme une liquidation ou<br />
une perversion du judaïsme est un choix, pas le seul possible.<br />
Toutes choses égales d'ailleurs, cela rappelle les débats sur la<br />
Révolution française. Certains ont cru qu'après ce n'était plus<br />
Incompréhensions<br />
Cher Paul Thibaud, Mes observations<br />
concernant le cardinal Lustiger, ainsi que les<br />
réflexions <strong>de</strong> Jacques Duquesne publiées<br />
dans Information Juive, ont donné lieu à<br />
quelques incompréhensions dont témoigne<br />
votre lettre, et qu'il est <strong>de</strong> mon <strong>de</strong>voir <strong>de</strong><br />
dissiper. Je ne puis le faire sans évoquer longuement divers<br />
aspects, rarement évoqués, <strong>de</strong>s relations judéo-chrétiennes.<br />
J'aimerais commencer par une profession <strong>de</strong> foi personnelle.<br />
Les profon<strong>de</strong>s réserves que j'ai exprimées sur le cas Lustiger ne<br />
sont aucunement polémiques envers le christianisme, et pas<br />
davantage à l'égard <strong>de</strong> l'amitié judéo-chrétienne à laquelle je<br />
suis profondément attaché. Vous ne l'ignorez point puisque votre<br />
institution m'a naguère honoré <strong>de</strong> son grand prix. Les milliers<br />
<strong>de</strong> lettres amicales émanant <strong>de</strong> chrétiens que j'ai reçues tout au<br />
long <strong>de</strong> ma carrière à la télévision pour me remercier <strong>de</strong> mon<br />
ouverture d'esprit sont un éclatant témoignage <strong>de</strong> ma constante<br />
fidélité au dialogue. De plus, notamment dans mon <strong>de</strong>rnier livre<br />
d'<strong>histoire</strong>, je tresse longuement <strong>de</strong>s couronnes aux multiples<br />
aspects du nouveau regard jeté par l'Eglise sur les juifs que je<br />
présente comme l'une <strong>de</strong>s révolutions les plus significatives <strong>de</strong><br />
l'<strong>histoire</strong> juive contemporaine.<br />
Dans mon esprit, cela va sans dire. Cependant, quelques amis<br />
chrétiens semblent redouter que mes prises <strong>de</strong> position<br />
constituent un coup <strong>de</strong> canif dans le contrat <strong>de</strong> confiance si<br />
manifestement établi entre juifs et chrétiens. D'où mes précisions.<br />
Ce n'est pas le chrétien Lustiger que je conteste, mais son rapport<br />
à la judéité. Ce rapport pose <strong>de</strong> très fondamentales questions<br />
qui me contraignent à élargir le débat, non sans répondre<br />
préalablement aux légitimes interrogations que vous m'adressez,<br />
avec, au <strong>de</strong>meurant, une amicale courtoisie dont je vous<br />
sais gré.<br />
1) S'agissant <strong>de</strong>s réactions juives. Elles relèvent<br />
manifestement davantage du " politiquement correct " que du<br />
débat d'idées. Elles émanent généralement <strong>de</strong> personnalités<br />
juives agnostiques ou ignorantes, souvent les <strong>de</strong>ux à la fois,<br />
Cardinal Lustiger<br />
© Melanie FREY / Fe<strong>de</strong>photo<br />
DOSSIER<br />
le même pays, d'autres si, qui<br />
ont même fait <strong>de</strong> l'événement<br />
une clé pour lire l'i<strong>de</strong>ntité<br />
nationale.<br />
Ceci dit, je ne pense pas<br />
que la position du cardinal<br />
soit au- <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> toute<br />
critique possible. En ignorant<br />
les ruptures, acrimonies et<br />
exclusions <strong>de</strong> l'<strong>histoire</strong>, en se<br />
plaçant au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> celle-ci,<br />
dans une position que l'on<br />
pourrait dire mystique ou<br />
eschatologique, il posait un<br />
témoignage mais il s'épargnait<br />
un travail d'examen critique<br />
du christianisme historique<br />
qui reste nécessaire. P.T<br />
PAR JOSY EISENBERG<br />
ainsi que <strong>de</strong> quelques rares rabbins, qui, eux, sont rarement<br />
agnostiques, mais chez lesquels l'esprit <strong>de</strong> concor<strong>de</strong> l'emporte<br />
inopinément sur l'esprit <strong>de</strong> vérité. A cela vient s'ajouter la<br />
légitime reconnaissance <strong>de</strong> divers milieux juifs, en général<br />
ar<strong>de</strong>nts défenseurs du <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> mémoire, pour l'empathie que<br />
le cardinal manifesta pour tout ce qui touche à la Shoah et sa<br />
dénonciation sans équivoque <strong>de</strong> toute forme d'antisémitisme.<br />
J'ajoute qu'il ne faut pas confondre le judaïsme et les juifs,<br />
notamment les institutions qui sont censées les représenter. Pour<br />
la plupart, elles ont une vocation politique - défendre les juifs<br />
et Israël - ou communautaire. il s'agit alors d'œuvres caritatives,<br />
également d'inspiration laïque, mais dont les objectifs <strong>de</strong> charité<br />
et <strong>de</strong> solidarité expriment bien évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong>s valeurs<br />
fondamentales <strong>de</strong> la Torah. Quoi qu'il en soit, il faut toujours<br />
avoir à l'esprit qu'il existe, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la foi, une sociologie<br />
juive et que ce qu'il est convenu d'appeler la judéité -<br />
l'appartenance au peuple ou à la communauté - n'a quelquefois<br />
que <strong>de</strong> très lointains rapports avec la théologie.<br />
1) S'agissant <strong>de</strong> la double appartenance. Elle a d'une part<br />
été rendue impossible par un double phénomène <strong>de</strong> rejet mutuel<br />
au début <strong>de</strong> l'ère chrétienne et <strong>de</strong> l'autre par une rupture<br />
hautement affirmée tant du côté juif que du côté chrétien. Je<br />
vous renvoie à l'immense littérature historique parue sur ce<br />
Ce n'est pas le chrétien Lustiger<br />
que je conteste, mais son rapport<br />
à la judéité.<br />
sujet. Notamment <strong>de</strong>ux sommes récentes tout à fait<br />
remarquables : <strong>de</strong> Dan Joffé " Le judaïsme et l'avènement du<br />
christianisme " (Cerf) et <strong>de</strong> Jean Hirsh " Regard talmudique sur<br />
la condition chrétienne " (Connaissances et Savoirs). Enfin, les<br />
plus éminents représentants <strong>de</strong> la foi juive, <strong>de</strong>puis le Talmud<br />
jusqu'aux plus grands rabbins contemporains en passant par<br />
les théologiens juifs du Moyen-âge ont affirmé avec force qu'on<br />
ne pouvait être à la fois juif et chrétien.<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 9
DOSSIER<br />
Entendons-nous bien sur ce <strong>de</strong>rnier point. En fait, tout chrétien<br />
est naturellement un peu juif. Ses sources sont juives ; sa liturgie<br />
également, tout comme les concepts qu'il utilise : les dons,<br />
l'appel, la foi et les autres vertus théologales. Aussi orientée que<br />
soit la lecture chrétienne <strong>de</strong> ces concepts, ils manifestent une<br />
incontestable et irréversible filiation juive. Aussi bien, si un<br />
chrétien se convertit au judaïsme, ne fait-il somme toute que<br />
revenir à la religion que Jésus n'a jamais cessé <strong>de</strong> pratiquer et<br />
on voit difficilement qui pourrait lui en faire reproche. Observons<br />
que le judaïsme ne fait pas - ou plus - <strong>de</strong> prosélytisme,<br />
considérant qu'il n'y a rien <strong>de</strong> plus légitime pour un non-juif<br />
que d'être chrétien. Rappelons au passage une <strong>de</strong>s plus<br />
étonnantes affirmations <strong>de</strong> l'Eglise : " Judaisare - pratiquer le<br />
judaïsme - est un délit grave pour un chrétien mais non<br />
punissable par l'Eglise quand il s'agit d'un juif ! " On revient <strong>de</strong><br />
loin. Bien entendu, pour sa part, la synagogue n'a jamais<br />
considéré qu'il y aurait une quelconque " faute " pour un chrétien<br />
d'être chrétien. En revanche, le <strong>de</strong>venir, pour un juif, a toujours<br />
été considéré dans la foi juive comme une impardonnable<br />
transgression.<br />
Sait-on que, <strong>de</strong>s siècles durant, lorsqu'un membre d'une<br />
famille juive se convertissait, sa famille prenait le <strong>de</strong>uil comme<br />
s'il avait disparu ? Cet usage peut paraître choquant, tout comme<br />
le fait que le judaïsme accepte le principe d'une conversion dans<br />
un sens et non dans l'autre. Cela mérite une explication qui<br />
nous conduit tout naturellement au fond du problème : la<br />
dissimilarité <strong>de</strong> la vocation juive et <strong>de</strong> la vocation chrétienne.<br />
Etre juif procè<strong>de</strong> d'un appel <strong>de</strong> Dieu : c'est l'élection et c'est<br />
l'Alliance. Etre chrétien, à l'inverse, procè<strong>de</strong> du choix <strong>de</strong> l'homme<br />
: c'est une adhésion volontaire. Cette dissymétrie repose sur<br />
une observation dont je m'étonne qu'elle n'ait jamais été mise<br />
en avant. A savoir, que les juifs sont appelés par Dieu - les<br />
fameux dons et l'appel dont parle Saint-Paul - alors que, dans<br />
le Nouveau Testament, rien ne ressemble à un appel : Dieu y<br />
est muet. C'est Paul qui appelle les Gentils à rejoindre le Christ.<br />
On n'y trouve jamais les expressions courantes <strong>de</strong> la Bible juive<br />
telles " l'Eternel parla à Moïse " ou " Ainsi parla l'Eternel ".<br />
Autrement dit, ce que l'on appelle l'Ancien et le Nouveau<br />
Testament ne sont pas homologues. Le premier est révélation<br />
et contrainte, le second est interprétation et choix personnel.<br />
Paul Ricoeur avait jadis perçu cela et l'avait exprimé par une<br />
formule saisissante. Il n'y a pas <strong>de</strong>ux Bibles, <strong>de</strong>ux Torahs, <strong>de</strong>ux<br />
Obsèques du Cardinal Jean-Marie Lustiger à la cathédrale Notre-Dame <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>.<br />
Un kaddish, prière juive d'accompagnement <strong>de</strong>s morts, est prononcé sur le parvis <strong>de</strong> la cathédrale<br />
10 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
révélations. Il n'y en a qu'une : la Bible juive, sur laquelle se<br />
sont greffées <strong>de</strong>ux interprétations juives : le Talmud d'une part,<br />
donnant naissance au judaïsme, et <strong>de</strong> l'autre les Evangiles et<br />
les Epîtres. Il disait : la véritable opposition n'est pas entre<br />
l'Ancien et le Nouveau Testament, mais entre Paul et Hillel. De<br />
ce fait, l'expression même <strong>de</strong> Nouveau Testament - Nouvelle<br />
Alliance - me parait inappropriée : la seule Alliance<br />
expressément proclamée est celle du Sinaï : la Torah. Ce n'est<br />
pas Dieu qui proclame une nouvelle alliance, c'est Paul - nous<br />
Il faut toujours avoir à l'esprit<br />
qu'il existe, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la foi,<br />
une sociologie juive et que ce qu'il<br />
est convenu d'appeler la judéité -<br />
l'appartenance au peuple ou<br />
à la communauté - n'a quelquefois<br />
que <strong>de</strong> très lointains rapports<br />
avec la théologie.<br />
y reviendrons - qui fait <strong>de</strong> Jésus la nouvelle Alliance. Paul<br />
Ricoeur avait bien compris la nature du contentieux théologique<br />
: dans le judaïsme, la médiation se fait par la Torah, la Loi ; dans<br />
le christianisme, par Jésus. En fait, il y a là davantage<br />
complémentarité que conflit. Karl Barth a fort justement écrit :<br />
" Les Juifs, qui ont connu directement le Père, n'ont pas besoin<br />
du Fils pour connaître le Père : les chrétiens, eux, en ont besoin."<br />
Comme disait Rosenzweig, il y a <strong>de</strong>ux voies du salut. Sauf<br />
que les juifs ont reçu une " lettre <strong>de</strong> mission " particulière. Ils<br />
sont appelés par Dieu dans la Bible : "peuple <strong>de</strong> prêtres " : " Vous<br />
serez pour Moi un peuple <strong>de</strong> prêtres et une Nation sainte "<br />
(Exo<strong>de</strong> 19, 5) : c'est le " sacerdos in aeternitatem". La seule liberté<br />
dont jouit un juif, c'est son libre-arbitre. Il peut résister à cet<br />
appel, le nier, refuser d'y croire et d'en tirer les conséquences :<br />
l'observance <strong>de</strong>s 613 comman<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la Torah. Mais s'il le<br />
fait, et davantage encore s'il se convertit, c'est purement et<br />
simplement un reniement et un abandon <strong>de</strong> poste.<br />
Il y a un mystère <strong>de</strong> la<br />
naissance. Pourquoi suis-je juif et<br />
pourquoi vous, Paul Thibaud, ne<br />
l'êtes pas ! C'est l'étrange choix<br />
divin, mais qui suis-je pour le<br />
contester ou, pire, le récuser ?<br />
C'est une idée qui ne viendrait<br />
pas à un juif qui connaît la Torah<br />
et y voit tout autre chose qu'une<br />
contrainte : un privilège et une<br />
joie. De ce point <strong>de</strong> vue, il faut<br />
accor<strong>de</strong>r au cardinal les<br />
circonstances atténuantes : ses<br />
parents ne lui avaient pas transmis<br />
le patrimoine ancestral.<br />
En d'autres termes, renoncer à<br />
l'étu<strong>de</strong> et à la pratique <strong>de</strong> la Torah<br />
c'est, pour un juif, s'opposer au<br />
désir <strong>de</strong> Dieu. C'est pourquoi toute<br />
conversion d'un juif est scandale
pour le judaïsme : elle bafoue<br />
l'obligation première <strong>de</strong> celui qui<br />
est né dans le judaïsme <strong>de</strong> par le<br />
choix <strong>de</strong> Dieu : Le connaître par le<br />
biais <strong>de</strong> la Loi. C'est rompre<br />
unilatéralement l'Alliance entre<br />
Dieu et Israël, répétée <strong>de</strong>s dizaines<br />
<strong>de</strong> fois dans la Bible. Qu'il soit un<br />
simple converti ou un cardinal ne<br />
change rien à l'affaire : il<br />
transgresse la loi <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité et<br />
n'observe pas les comman<strong>de</strong>ments<br />
les plus fondamentaux <strong>de</strong> sa foi<br />
d'origine : le chabbat, certains <strong>de</strong>s<br />
dix comman<strong>de</strong>ments, sans parler<br />
du reste. De plus, s'il <strong>de</strong>vient<br />
prêtre, il renonce au tout premier<br />
comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la Bible :<br />
transmettre la vie. Il quitte aussi le<br />
navire. Or, après la Shoah, et<br />
l'extermination <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
cinquièmes du peuple juif, nous<br />
comptons les survivants. Chaque<br />
juif est <strong>de</strong>venu plus précieux encore, et chaque conversion<br />
affaiblit notre communauté.<br />
Enfin et surtout, le substrat <strong>de</strong> toute conversion, c'est le choix<br />
d'une vie spirituelle plus satisfaisante que celle que l'on quitte.<br />
Il est donc évi<strong>de</strong>nt que, même si l'on atténue aujourd'hui la<br />
théologie <strong>de</strong> la substitution, elle démontre spectaculairement<br />
les insuffisances <strong>de</strong> la religion d'origine. Or, le postulat du<br />
judaïsme, en raison <strong>de</strong> l'origine divine <strong>de</strong> la Loi, c'est qu'elle est<br />
parfaite -accomplie - et, pour un juif, se suffit à elle-même.<br />
Psaumes XIX, VIII : " La Torah <strong>de</strong> l'Eternel est parfaite… "<br />
En revanche, pour un païen qui n'a pas reçu la Loi, adhérer<br />
au monothéisme par la foi et le Christ constitue une incontestable<br />
promotion et une véritable révolution spirituelle aux multiples<br />
facettes. Les plus grands penseurs juifs ont certes contesté<br />
quelques dogmes <strong>de</strong> l'Eglise : l'incarnation, la messianité <strong>de</strong><br />
Jésus ; mais ils ont rendu hommage à l'évangélisation du mon<strong>de</strong>,<br />
qui ouvrit à <strong>de</strong>s myria<strong>de</strong>s <strong>de</strong> personnes la voie <strong>de</strong> ce<br />
monothéisme que le judaïsme n'était point en état <strong>de</strong> prêcher.<br />
Bien entendu, cette " promotion " ne saurait concerner les<br />
juifs. Elle est le ca<strong>de</strong>au, à travers Paul, que le judaïsme a légué<br />
à l'humanité. L'apôtre <strong>de</strong>s Gentils l'a clairement dit en s'adressant<br />
aux non-juifs : " Etrangers à toute Alliance, sans espérance et<br />
sans Dieu dans le mon<strong>de</strong>, vous avez été rapprochés par le sang<br />
<strong>de</strong> Jésus-Christ, vous êtes rentrés dans l'Alliance. " Ephésiens<br />
2 11-12<br />
Pas <strong>de</strong> christianisme sans Christ, pas <strong>de</strong> judaïsme sans Torah.<br />
Mais, me direz-vous, que faites-vous <strong>de</strong>s juifs athées ou non<br />
pratiquants ? Sont-ils plus juifs que cet homme <strong>de</strong> foi qu'était<br />
le cardinal ? N'est-ce point absur<strong>de</strong> et paradoxal ? Non, parce<br />
que, pour la pensée rabbinique, tout homme - et donc, tout juif<br />
- a la potentialité <strong>de</strong> retrouver Dieu. C'est la Techouva : l'éternel<br />
retour du retour à l'Eternel. C'est pourquoi l'abandon <strong>de</strong> la<br />
pratique religieuse ne délégitimera jamais un juif. Dieu attend<br />
patiemment le retour <strong>de</strong> l'enfant prodigue : en tout cas, tant qu'il<br />
n'a pas officiellement déserté.<br />
2) S'agissant <strong>de</strong> la discontinuité entre le judaïsme et le<br />
christianisme. Vous n'êtes pas d'accord avec Jacques Duquesne.<br />
Je lui donne cependant raison : la filiation n'exclut ni la<br />
Le pape Jean-Paul II à la synagogue <strong>de</strong> Rome<br />
DOSSIER<br />
discontinuité ni la rupture. La " mort du père " existe également<br />
au sein <strong>de</strong>s familles religieuses. Aussi étonnant que cela puisse<br />
paraître, alors que jamais dans l'<strong>histoire</strong> n'a régné une telle et<br />
fraternelle concor<strong>de</strong> entre juifs et chrétiens, un véritable abîme<br />
sépare la foi juive - sa vision du mon<strong>de</strong> - <strong>de</strong> la foi chrétienne. A<br />
part quelques concepts fondamentaux - l'existence d'un Dieu-<br />
Un ( et encore, avec la Trinité,…) Créateur et Juge <strong>de</strong>s hommes<br />
- et la conscience d'une pré<strong>histoire</strong> commune, il n'y a<br />
véritablement pas une seule <strong>de</strong>s croyances <strong>de</strong> nos <strong>de</strong>ux religions<br />
qui ne soit l'objet <strong>de</strong> divergences profon<strong>de</strong>s, voire <strong>de</strong><br />
contradictions radicales. Rapi<strong>de</strong>ment : l'élection, la loi, la liberté<br />
et la grâce, le salut par la Torah ou le salut en Jésus, les places<br />
respectives <strong>de</strong> la justice et <strong>de</strong> la charité, la nature <strong>de</strong>s Béatitu<strong>de</strong>s,<br />
le pluralisme religieux et, last but not least, la conception du<br />
royaume <strong>de</strong> Dieu. Pour les Evangiles Il n'est pas <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>,<br />
alors que la substantifique moëlle du judaïsme, c'est que l'homme<br />
n'a été créé qu'en vue d'instaurer ce royaume sur terre.<br />
Ce tour d'horizon, qui n'est pas bref mais pourrait être plus<br />
long, n'est en rien un constat pessimiste et encore moins un<br />
jugement <strong>de</strong> valeur. Souligner les différences et savoir écouter<br />
la différence est, au contraire, la première condition d'un<br />
véritable dialogue. Il naît précisément <strong>de</strong> la rencontre <strong>de</strong>s<br />
différences. Qu'on me pardonne cette comparaison : qu'y a-t-il<br />
<strong>de</strong> plus différent qu'un homme et une femme ? Pourtant, c'est<br />
<strong>de</strong> leur rencontre que naissent l'amour et la vie. Ce face à face<br />
dans le respect et l'amour <strong>de</strong> l'autre, ce dialogue judéo-chrétien,<br />
l'<strong>histoire</strong> les a rendus encore plus impérieux, non seulement en<br />
réparation <strong>de</strong>s fautes passées, mais parce que dans un mon<strong>de</strong><br />
sans Dieu, le judaïsme et le christianisme, ainsi d'ailleurs qu'un<br />
Islam revisité, sont <strong>de</strong>s alliés naturels. Leurs divergences, qui<br />
ten<strong>de</strong>nt au <strong>de</strong>meurant à s'atténuer, sont aujourd'hui moins une<br />
source <strong>de</strong> conflits qui n'ont plus <strong>de</strong> raison d'être qu'une possibilité<br />
d'échanges, <strong>de</strong> clarifications mutuelles, et <strong>de</strong> renforcement<br />
fraternel <strong>de</strong>s convictions respectives. A condition que chacun<br />
sache qui il est. Comme disait Socrate : " Connais-toi toi-même".<br />
Bernard Shaw a dit un jour une phrase très méchante : " Le<br />
christianisme ? Quelle belle religion ! Dommage que personne<br />
n'ait jamais essayé ! " C'est évi<strong>de</strong>mment excessif. Et - ce serait<br />
aussi un peu excessif - on pourrait quelquefois en dire autant<br />
du judaïsme… Tirons une leçon <strong>de</strong> cette bouta<strong>de</strong> : frères juifs,<br />
essayez d'être juifs ; frères chrétiens, soyez chrétiens. Dieu<br />
reconnaîtra les siens, c'est-à-dire, vous et nous. J.E<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 11
CULTURE<br />
UN ENTRETIEN AVEC PHILIPPE SOLLERS<br />
“Dieu,<br />
la Bible et moi !”<br />
Dans le nouveau livre qu'il publie aux éditions Plon<br />
(21 euros) " Un vrai roman. Mémoires ", Philippe Sollers<br />
raconte " son existence réelle ". Il y est souvent question,<br />
entre autres, <strong>de</strong> la Bible, <strong>de</strong> l'hébreu, du Talmud,<br />
<strong>de</strong> ses rapports avec les spiritualités, <strong>de</strong>s lieux<br />
où souffle l'esprit etc…<br />
Nous avons rencontré l'écrivain.<br />
IJ : D'où vient le fait que vous connaissiez<br />
la Bible à la perfection ? Vous dites même<br />
que vous la lisez " à la loupe ". De plus, vous<br />
aimez les références bibliques. Est-ce parce<br />
que vous avez rêvé <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir prêtre ?<br />
Philippe Sollers : Cela vient d'une<br />
gran<strong>de</strong> curiosité suscitée par une gran<strong>de</strong><br />
Bible <strong>de</strong> 18ème siècle qui contient<br />
d'admirables illustrations. Je tirais ce livre<br />
<strong>de</strong> la bibliothèque parce que je me<br />
rendais compte que les adultes ne s'en<br />
servaient pas. Ma première impression<br />
était donc visuelle Il y a eu ensuite<br />
évi<strong>de</strong>mment l'émotion religieuse. Je<br />
trouvais le rituel catholique extrême-ment<br />
touchant et poétique. Ma famille était<br />
radicalement anglophile et je cherchais<br />
<strong>de</strong>puis à la bougie un Français dont les<br />
parents étaient tournés d'abord vers<br />
Londres. Ce qui fait que l'arrestation <strong>de</strong>s<br />
juifs et l'apparition <strong>de</strong> l'étoile jaune<br />
constituaient pour l'enfant que j'étais un<br />
scandale. J'ai ensuite lu la Bible dans<br />
différentes versions. J'en ai fait une lecture<br />
12 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
Bible en Hebreu<br />
© DR<br />
intensive très tôt. Ce que je veux dire par<br />
"intensive" ? Eh bien, cela signifie que je<br />
peux dire ce qui se passe dans la Torah.<br />
Là encore, j'ai été très étonné d'observer<br />
qu'aucun intellectuel français n'avait eu<br />
la curiosité d'entrer dans ce mon<strong>de</strong>. J'ai<br />
raconté tout cela avec <strong>de</strong> nombreuses<br />
références dans mon livre Paradis.<br />
IJ : Comment réagissez-vous quand vous<br />
lisez chez Voltaire que l'Ecclésiaste est un<br />
livre impie et que le Cantique <strong>de</strong>s Cantiques<br />
est une rhapsodie inepte ?<br />
P.S. : Cela m'amuse. Les occurrences<br />
<strong>de</strong> la Bible chez Voltaire sont considérables.<br />
Voltaire n'était certainement pas<br />
doué pour la poésie mais il avait une<br />
oreille exceptionnelle quand il s'agissait<br />
<strong>de</strong> décaper les dévotions et les bêtises.<br />
IJ : Quel est votre héros préféré dans le Premier<br />
Testament ?<br />
P.S. : C'est le roi David. C'est d'ailleurs<br />
le prénom que j'ai donné à mon fils.<br />
Philippe Sollers<br />
Exemple <strong>de</strong> la bêtise française : certains<br />
m'ont <strong>de</strong>mandé pourquoi ne pas avoir<br />
appelé mon fils Christophe ?<br />
L'extraordinaire poésie <strong>de</strong>s Psaumes me<br />
bouleverse toujours.<br />
IJ : Vous écrivez également que vous auriez<br />
"aimé aller à fond dans l'hébreu". Vous vous<br />
étonnez même qu'il y ait ce que vous appelez<br />
"une effarante ignorance <strong>de</strong> l'hébreu" Je suppose<br />
que vous ne plaisantez pas !<br />
P.S. : Pas du tout ! L'hébreu a tenu le<br />
coup à travers le temps <strong>de</strong> façon<br />
miraculeuse et cela m'a intrigué très tôt.<br />
J'ai commencé à étudier un peu l'hébreu<br />
comme j'ai tenté d'étudier le chinois.<br />
J'ajoute que la Bible sans l'hébreu me<br />
paraît comme quelque chose <strong>de</strong><br />
discutable.<br />
Vous connaissez sans doute la blague<br />
fameuse <strong>de</strong> la dame qui voit un homme<br />
assis à un banc en train <strong>de</strong> lire un livre.<br />
- "Que lisez-vous ? " lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>-t-elle.<br />
Il répond : "Je lis la Bible".<br />
- "En quelle langue la lisez-vous"<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>-t-elle encore.<br />
- "En hébreu".<br />
- "Vous voulez dire qu'elle a déjà été<br />
traduite en hébreu ?"<br />
Je réfléchis souvent à ce que signifie<br />
le Nom <strong>de</strong> Dieu surgissant du Buisson<br />
ar<strong>de</strong>nt : Ehyé acher Ehyé. Pour moi, c'est<br />
le vrai Nom <strong>de</strong> Dieu : Je suis.<br />
IJ : Vous dites que vous parlez au Révérend<br />
Quignard, entre autres, en hébreu. Vraiment ?<br />
P.S. : Il s'agit là d'une plaisanterie. En<br />
vérité, je ne parle pas l'hébreu mais je<br />
tiens à ce Ehyé acher Ehyé !<br />
IJ : Plus loin, on trouve dans votre livre cette<br />
annotation : " Le Talmud, si je m'y mets, va me<br />
prendre un certain temps ". Quand on sait les
attaques qu'il a subies <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s Pères <strong>de</strong><br />
l'Eglise et même <strong>de</strong> Voltaire et Di<strong>de</strong>rot. Qu'estce<br />
qui vous attire dans le Talmud ?<br />
P.S. : Je suppose que vous ne contestez<br />
pas le fait que si je me mettais au Talmud,<br />
cela me prendrait <strong>de</strong>s dizaines et <strong>de</strong>s<br />
dizaines d'années. Je redis que je ne suis<br />
pas quelqu'un qui ignore la Bible. Ce n'est<br />
pas là une chose courante pour un<br />
écrivain français. Les gens du XIII ème<br />
siècle ne savaient pas <strong>de</strong> quoi ils<br />
parlaient. L'Encyclopédie serait à refaire<br />
intégralement puisque nous sommes à<br />
une époque d'ignorance et <strong>de</strong> déca<strong>de</strong>nce<br />
totale. Un éditeur allemand m'a d'ailleurs<br />
proposé récemment <strong>de</strong> refaire l'article<br />
Chine qui figure dans l'Encyclopédie. Cet<br />
article ferait aujourd'hui cinquante pages.<br />
Je veux dire que pour quelqu'un qui,<br />
comme moi, est né en 1936 - et après<br />
tout ce qui s'est passé <strong>de</strong>puis - il est<br />
absolument impossible <strong>de</strong> faire comme<br />
si la Bible n'avait pas existé.<br />
IJ : Vous trouvez " lumineuse " l'<strong>histoire</strong> <strong>de</strong><br />
l'Eglise. Elle ne l'a pas toujours été. Au <strong>de</strong>meurant,<br />
vous considérez la religion catholique<br />
" comme la plus diabolique <strong>de</strong> toutes ".<br />
P.S. : C'est une formule que<br />
j'emprunte à Bau<strong>de</strong>laire qui disait que<br />
nul n'est plus catholique que le diable.<br />
Il s'agit du regard du catholicisme sur<br />
le mal radical, sur Satan (qui dans les<br />
Evangiles apparaît comme un<br />
personnage impor-tant). Selon moi, le<br />
catholicisme a <strong>de</strong>s choses à nous dire<br />
sur la perversion et sur le mal<br />
fondamental. L'<strong>histoire</strong> <strong>de</strong> l'Eglise est<br />
quand même lumineuse. Je n'en veux<br />
pour preuve que le grand tournant -<br />
auquel j'ai été immédiatement sensible<br />
- et qui a été entrepris par ce pape<br />
polonais, Jean-Paul II qui est pour moi<br />
une très gran<strong>de</strong> figure.<br />
Une page du Talmud<br />
IJ : Julia Kristeva, votre épouse, est désormais<br />
traduite en hébreu. Elle est, dites-vous,<br />
athée alors que vous-même vous ne vous<br />
considérez pas comme croyant mais " à<br />
l'écoute ". Qu'est-ce que cela signifie ?<br />
P.S. : Les juifs savent ce que veut dire<br />
le mot "écoute". Ne disent-ils pas "Chema<br />
Israël" ? Dieu parle. J'écoute et j'essaie <strong>de</strong><br />
comprendre et d'interpréter ce que cela<br />
dit. Je suis très sensible au langage et,<br />
O D A S E J<br />
CULTURE<br />
pour moi, Dieu sans le langage c'est une<br />
faribole totale.<br />
IJ : Parmi les lieux où souffle l'esprit<br />
vous citez Jéricho mais guère Jérusalem. Pourquoi<br />
?<br />
P.S. : Le silence <strong>de</strong> Jéricho - une <strong>de</strong>s<br />
plus vieilles villes du mon<strong>de</strong> sinon la plus<br />
vieille - m'impressionne <strong>de</strong> manière<br />
considérable.<br />
IJ : Vous évoquez " la tragique <strong>histoire</strong> <strong>de</strong><br />
l'Europe, un océan <strong>de</strong> crimes ". Vous ajoutez<br />
que toute l'Europe a été antisémite. Mais vous<br />
vous sentez Européen.<br />
P.S. : J'observe qu'aucun intellectuel<br />
français ne s'intéresse aujourd'hui à<br />
l'Europe. Les intellectuels français ne<br />
s'intéressent qu'au Proche Orient et aux<br />
Etats-Unis et à ce qui se passe dans cette<br />
région géographique. Moi, je me sens<br />
profondément européen d'origine<br />
française. Je crois, pour tout vous dire,<br />
extraordinairement dommageable ce rejet<br />
et cette exclusion <strong>de</strong> la culture européenne.<br />
Contrairement à ce que pensent<br />
certains, l'Europe n'a pas échoué. Elle a<br />
été dévastée par le totalitarisme - dans<br />
l'ordre- <strong>de</strong> Staline et <strong>de</strong> Hitler. Je ne vois<br />
pas pourquoi je me plierais aujourd'hui à<br />
l'ignorance américaine et à sa dévastation<br />
<strong>de</strong> la planète.<br />
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INFORMATION JUIVE Décembre 2007 13
ISRAËL<br />
La question <strong>de</strong><br />
la double reconnaissance<br />
PAR DENIS CHARBIT<br />
Au cours <strong>de</strong> la conférence <strong>de</strong> presse organisée en<br />
l'honneur du ministre français <strong>de</strong>s affaires<br />
étrangères, Bernard Kouchner, son homologue<br />
israélien, Mme Tsipi Livni, a réitéré la ligne du<br />
gouvernement israélien favorable à la création d'un<br />
Etat palestinien. Le propos n'est pas neuf: mis à<br />
part Benjamin Netanyahou et les partis situés à la droite du<br />
Likoud, la majorité <strong>de</strong> la classe politique s'est rangée à cette<br />
idée inéluctable. Cette conversion au principe <strong>de</strong> "<strong>de</strong>ux Etats<br />
pour <strong>de</strong>ux peuples" est l'aboutissement d'un long processus <strong>de</strong><br />
maturation politique au terme duquel les Israéliens ont fini par<br />
consentir, avec la bénédiction <strong>de</strong> Georges W. Bush qui l'a repris<br />
lui aussi à son compte, à ce qui était, il convient <strong>de</strong> le rappeler,<br />
le slogan officiel du parti communiste israélien <strong>de</strong>puis 1976.<br />
C'est dire le chemin parcouru. Certes, on n'est pas parvenu à<br />
cette conclusion par souci égalitaire d'accor<strong>de</strong>r aux Palestiniens<br />
le droit à l'autodétermination que le peuple juif a revendiqué<br />
et réalisé pour sa part <strong>de</strong>puis 1948. Pragmatisme et réalisme<br />
ont dicté ce changement: l'occupation coûte cher en termes <strong>de</strong><br />
vies humaines, elle a un prix économique et social dont les<br />
Israéliens pâtissent, enfin elle affecte lour<strong>de</strong>ment le prestige<br />
moral d'Israël dans le mon<strong>de</strong>, son "image" comme on dit<br />
aujourd'hui. Les Israéliens souhaitent foncièrement la paix, et<br />
ils se résignent bon gré, mal gré, au retrait global sinon total<br />
<strong>de</strong>s territoires occupés, requis par la communauté inter-nationale<br />
et le mon<strong>de</strong> arabe pour mettre fin au conflit une bonne fois pour<br />
toutes. Perspicacité politique <strong>de</strong> notre part? Sans doute, si ce<br />
n'est que cinq ans, dix ans, n'ont pas suffi pour en arriver là: il<br />
Tsipi Livni, ministre <strong>de</strong>s Affaires étrangères<br />
14 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
aura fallu attendre pas moins <strong>de</strong> vingt ans <strong>de</strong>puis la première<br />
Intifada, et quarante ans - plus d'une génération - <strong>de</strong>puis la<br />
guerre <strong>de</strong>s Six jours. On ne peut vraiment pas dire que<br />
l'adhésion israélienne à la solution la plus réaliste politiquement<br />
et la plus juste moralement ait été précipitée et instantanée.<br />
Ayant souvent la mémoire courte et l'intelligence politique<br />
rétrospective, la plupart <strong>de</strong>s Israéliens qui soutiennent<br />
aujourd'hui la création d'un Etat palestinien sont persuadés d'y<br />
avoir toujours été favorables alors qu'il y a vingt encore, lors du<br />
premier soulèvement palestinien déclenché en décembre 1987,<br />
cette revendication n'était seulement partagée que par 10 % <strong>de</strong>s<br />
Israéliens d'origine juive. Mieux encore, elle apparaissait alors<br />
aux yeux <strong>de</strong> la majorité non comme une option possible mais<br />
déclinée pour diverses raisons, mais bien comme une "solution<br />
finale", illégitime, révolutionnaire, la catastrophe qui précipitera<br />
la fin d'Israël. Ce refus israélien n'était pas sans motif: le<br />
mouvement national palestinien visant ouvertement la<br />
<strong>de</strong>struction <strong>de</strong> l'Etat d'Israël, les Juifs d'Israël estimaient juste<br />
et justifié d'adopter une condamnation symétrique, sans toujours<br />
percevoir la différence qu'il y a entre l'aspiration à détruire un<br />
Etat qui existe bel et bien et la volonté d'empêcher la création<br />
d'un Etat qui n'existe toujours pas.<br />
Si la négation palestinienne d'Israël a pu être une aubaine et<br />
un alibi pour poursuivre les objectifs d'expansion territoriale,<br />
l'opposition à une Palestine indépendante était, pour nombre<br />
d'Israéliens, un refus conditionnel et, <strong>de</strong> fait, conditionné par<br />
la reconnaissance préalable d'Israël par les Palestiniens et son<br />
représentant politique, l'O.L.P.<br />
L'écart et la marge<br />
La gauche israélienne pourrait se réjouir <strong>de</strong> voir accomplie<br />
par d'autres l'œuvre qu'elle aurait dû réaliser elle-même si elle<br />
avait eu plus <strong>de</strong> courage politique. Si elle ne pavoise pas, c'est<br />
que ce consentement à un Etat palestinien n'est pas irréversible.<br />
C'est qu'entre les déclarations et le passage à l'acte, entre les<br />
intentions et la réalité, l'écart est encore substantiel, la marge<br />
encore trop gran<strong>de</strong>. Un paradoxe mérite d'être souligné: au fur<br />
et à mesure qu'on a reconnu la légitimité d'un Etat palestinien,<br />
on a parallèlement exclu la possibilité d'y parvenir à brève<br />
échéance. Un pas en avant, <strong>de</strong>ux pas en arrière, en quelque<br />
sorte. C'est l'affaire <strong>de</strong> dix, quinze ou vingt ans, entend-on<br />
souvent. La paix n'est pas pour notre génération, ce sera le lot<br />
<strong>de</strong> nos enfants, voire <strong>de</strong> nos petits-enfants. La paix, <strong>de</strong>main<br />
peut-être, après-<strong>de</strong>main sans doute, mais certes pas la paix<br />
maintenant. On comprend dès lors pourquoi les partisans du<br />
"Grand Israël" ne désarment pas puisque la paix pourrait aussi<br />
bien être remise aux calendres grecques ou à l'ère messianique.<br />
Tsipi Livni ne s'est pas contenté <strong>de</strong> réitérer ce leitmotiv.<br />
Précisant ses convictions profon<strong>de</strong>s, elle a ajouté que le futur<br />
Etat palestinien constituera une "solution nationale" pour tous<br />
les Palestiniens - ceux qui rési<strong>de</strong>nt en Cisjordanie et à Gaza, et<br />
les réfugiés qui croupissent encore dans les camps au Liban et<br />
en Jordanie et réintègreraient ainsi la patrie palestinienne (mais<br />
non les villes et villages qu'ont dû abandonner leurs parents en<br />
1948). Enfin, créant la surprise sinon le scandale, elle a ajouté<br />
que l'Etat palestinien sera également une solution nationale<br />
pour les Arabes israéliens. L'indignation et la protestation <strong>de</strong>s<br />
députés arabes à la Knesset furent <strong>de</strong>s plus vives, d'autant que<br />
Tsipi Livni n'a pas cru bon <strong>de</strong> dissiper les malentendus suscités<br />
par ses propos. Pour le député Mohamed Baraké, elle a révélé
ainsi le vieux fonds "raciste" et "fasciste" (sic!) <strong>de</strong> la droite<br />
révisionniste dont elle est issue. Son collègue Ahmed Tibi a lu<br />
dans cette déclaration intempestive l'expression <strong>de</strong> l'inconscient<br />
sioniste. Elle aurait exprimé tout haut ce que les Juifs souhaitent<br />
tout bas: en leur for intérieur, ils rêvent, prient et veulent que<br />
les Arabes s'en aillent. Selon Tibi, même pour un sioniste modéré<br />
comme elle l'est assurément, un Arabe est toujours un Arabe <strong>de</strong><br />
trop; un Arabe qui ferait mieux <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir un sujet <strong>de</strong> l'Etat<br />
palestinien plutôt que <strong>de</strong> rester un citoyen israélien puisqu'il<br />
n'est pas juif. Bref, Livni aurait donné sa bénédiction au<br />
"transfert", qui désigne en hébreu, par euphémisme, l'expulsion<br />
<strong>de</strong>s Arabes hors d'Israël. Puisqu'il n'est plus possible comme en<br />
1948 <strong>de</strong> les jeter <strong>de</strong>hors manu militari, elle aurait montré gran<strong>de</strong><br />
ouverte la porte <strong>de</strong> l'exclusion symbolique. Baraké a enfin<br />
rappelé que c'est l'Etat d'Israël qui est venu et s'est imposé aux<br />
Arabes <strong>de</strong> Palestine contre leur gré, reproduisant ainsi le narratif<br />
palestinien dominant d'après lequel il y a, d'un côté, <strong>de</strong>s<br />
autochtones et, <strong>de</strong> l'autre, <strong>de</strong>s immigrants.<br />
Que penser <strong>de</strong> cette polémique? On peut bien sûr la<br />
disqualifier et la réduire à une joute parlementaire traditionnelle<br />
faisant feu <strong>de</strong> tout bois et incendie d'une brindille. Il serait plus<br />
juste cependant <strong>de</strong> reconnaître l'hyper-sensibilité à fleur <strong>de</strong> peau<br />
<strong>de</strong>s Arabes israéliens toutes les fois que <strong>de</strong>s Juifs en Israël se<br />
piquent <strong>de</strong> leur faire <strong>de</strong>s recommandations sur ce qu'ils <strong>de</strong>vraient<br />
ou ne <strong>de</strong>vraient pas faire. Il y a dans cette tendance à repérer<br />
l'expulsion partout <strong>de</strong> l'excès bien sûr, <strong>de</strong> la paranoïa sans doute.<br />
Et cependant, il convient <strong>de</strong> ne pas être sourd et aveugle à leur<br />
hantise. Les Palestiniens d'Israël ne peuvent pas effacer <strong>de</strong> leur<br />
mémoire ce que fut le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> sept cent mille <strong>de</strong> leurs pères,<br />
quand bien même Israël ne saurait être tenue pour le<br />
responsable exclusif <strong>de</strong> leur malheur, pas plus que nous ne<br />
saurions oublier le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> six millions <strong>de</strong> nos pères en exil,<br />
ISRAËL<br />
quand bien même il n'y a pas d'i<strong>de</strong>ntité entre Shoah et Nakba.<br />
Les Arabes israéliens ont toujours le sentiment que leur présence<br />
au sein <strong>de</strong> l'Etat d'Israël est toujours conditionnelle, en sursis,<br />
que leurs droits sont toujours partiels et susceptibles d'être remis<br />
en cause, bref qu'ils sont indésirables. La réaction <strong>de</strong>s pouvoirs<br />
publics <strong>de</strong>vraient être <strong>de</strong> les rassurer eu égard à cette angoisse<br />
qui n'est pas feinte, même si, bien souvent, l'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s hommes<br />
politiques arabes consiste à expérimenter les limites <strong>de</strong> notre<br />
tolérance, à exaspérer par d'inutiles provocations une opinion<br />
juive majoritaire en apparence, mais suffisamment fragile, <strong>de</strong><br />
Pour faciliter le consentement<br />
palestinien à la revendication<br />
israélienne, une épithète <strong>de</strong> plus<br />
me paraît indispensable: que l'Etat<br />
d'Israël soit explicitement reconnu<br />
comme "juif et démocratique".<br />
par son <strong>histoire</strong>, pour se sentir à son tour, menacée, contestée,<br />
elle aussi, tenue pour indésirable. Le noeud est tragique, et nul<br />
n'est innocent. Lorsque Baraké a recours à cette opposition<br />
binaire immigrants/autochtones pour décrire la situation, le déni<br />
<strong>de</strong> réalité n'est pas loin: jusqu'à quelle date les Juifs en Israël<br />
seront-ils <strong>de</strong>s immigrants ? Quand les percevra-t-il comme <strong>de</strong>s<br />
autochtones au même titre que lui? "Immigrants" est un<br />
euphémisme pour désigner les Juifs comme <strong>de</strong>s "envahisseurs"<br />
et <strong>de</strong>s "étrangers".<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 15
ISRAËL<br />
Il eut été plus pru<strong>de</strong>nt pour Tsipi Livni <strong>de</strong> ne pas associer le<br />
sort <strong>de</strong>s Arabes israéliens au <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> l'Etat palestinien.<br />
Cependant, cette réserve mise à part, il faut bien convenir que<br />
ses propos sont frappés du sceau <strong>de</strong> l'évi<strong>de</strong>nce. Tout d'abord,<br />
en tenant l'Etat palestinien pour la solution nationale offerte à<br />
tout Palestinien quel qu'il soit, où qu'il soit, - et ce point n'a été<br />
souligné par personne au cours <strong>de</strong> la polémique - Tsipi Livni a<br />
admis l'unité du peuple palestinien à travers le mon<strong>de</strong>, quels<br />
que soient les avatars politiques et les cadres étatiques qui sont<br />
les siens actuellement. Elle a, en quelque sorte, appliqué au<br />
peuple palestinien la même grille d'analyse qui vaut pour le<br />
peuple juif: dispersé <strong>de</strong> facto, mais disposant d'un centre<br />
politique et national qui est le coeur <strong>de</strong> la nation.<br />
Si la Palestine indépendante est la solution nationale pour<br />
les Palestiniens, elle entendait signifier par là qu'Israël ne l'est<br />
pas et ne le sera jamais. Les Palestiniens doivent l'admettre<br />
quand bien même il n'échappe à personne que Nazareth, Jaffa,<br />
Ramlé, Beer-Sheva sur lesquelles Israël est souveraine font<br />
partie dans la conscience d'un Palestinien d'Israël <strong>de</strong> la patrie<br />
palestinienne - historiquement, culturellement, affectivement<br />
- mais non politiquement; <strong>de</strong> même que Naplouse, Hébron et<br />
Jéricho font partie d'Eretz Israël dans la conscience juive,<br />
historique, culturelle, affective, à l'exclusion du politique.<br />
Deux options<br />
Un Arabe israélien qui choisira <strong>de</strong> rester en Israël le fera<br />
d'abord et avant tout parce que la ville ou le village où il rési<strong>de</strong><br />
fait partie <strong>de</strong> sa Palestine historique. Or, cet attachement à la<br />
terre natale ne va pas sans sacrifice, a tenu à rappeler Livni:<br />
celui <strong>de</strong> la convergence entre la terre, la nation, la patrie et<br />
l'Etat. Si en tant qu'Etat juif et démocratique, Israël doit accor<strong>de</strong>r<br />
droits politiques, civiques, civils et sociaux aux Arabes israéliens,<br />
à leur langue, leur religion et à leur culture, Israël ne répond<br />
pas et ne répondra pas à leurs aspirations nationales, lesquelles<br />
se traduisent par une hégémonie symbolique et effective. Qui<br />
parmi les Arabes Israéliens souhaite une telle adéquation<br />
rejoindra la Palestine arabe, ce qui implique en contrepartie le<br />
sacrifice <strong>de</strong> sa rési<strong>de</strong>nce en sa ville ou son village natals. Tsipi<br />
Livni aurait été bien inspirée <strong>de</strong> souligner que si les <strong>de</strong>ux options<br />
existent, les Arabes Israéliens déclarent rester <strong>de</strong>s citoyens<br />
israéliens, trouvant dans la création d'un Etat palestinien à côté<br />
d'Israël la satisfaction <strong>de</strong> leur revendication historique.<br />
Satisfaction maximale? Non, soyons luci<strong>de</strong>s, c'est là pour eux<br />
une solution optimale, le bien qui est l'ennemi du mieux.<br />
Cette polémique doit être<br />
mise en rapport avec le<br />
débat non moins vif autour<br />
<strong>de</strong> l'exigence adressée aux<br />
Palestiniens <strong>de</strong> reconnaître<br />
non seulement le fait<br />
politique israélien mais le<br />
droit <strong>de</strong>s Juifs à une patrie<br />
que reflète le caractère juif<br />
<strong>de</strong> l'Etat d'Israël. Comment<br />
interpréter cette exigence?<br />
Elle est assurément la leçon<br />
<strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> Intifada qui<br />
a ébranlé chez les<br />
Israéliens le sentiment que<br />
les Palestiniens avaient<br />
consenti, bon gré mal gré,<br />
au partage. D'une manière<br />
générale, le débat sur cette<br />
question n'a pas tourné sur<br />
le fond mais sur<br />
l'opportunité: on est<br />
globalement d'accord pour<br />
que cette reconnaissance<br />
soit explicitement inscrite<br />
dans un traité <strong>de</strong> paix, mais<br />
alors que certains en font<br />
16 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
La Conférence d’Annapolis<br />
un préalable (pour empêcher le démarrage <strong>de</strong> la négociation),<br />
les autres, plus pragmatiques acceptent que la discussion soit<br />
repoussée à plus tard pourvu que la mention apparaisse au final.<br />
Le refus palestinien est à la fois compréhensible et<br />
simultanément étrange: compréhensible dans la mesure où ni<br />
l'Egypte ni la Jordanie n'ont eu à signer une clause <strong>de</strong> ce type;<br />
compréhensible dans la mesure où en acquiesçant à une telle<br />
définition, l'Etat palestinien coupe l'herbe sous les pieds <strong>de</strong>s<br />
Arabes israéliens qui oeuvrent avec les moyens du politique<br />
pour aménager une définition moins exclusive <strong>de</strong> l'Etat d'Israël.<br />
Cependant, le refus palestinien est tout aussi étrange: l'O.L.P.<br />
prétend avoir reconnu <strong>de</strong>puis 1988 la résolution 181 <strong>de</strong> l'O.N.U.,<br />
le fameux plan <strong>de</strong> partage du 29 novembre 1947 rejeté à l'époque<br />
par la direction politique palestinienne. Or, cette résolution<br />
stipule bien, et en toutes lettres, la création d'un Etat juif (a<br />
jewish state) et d'un Etat arabe. Autrement dit, cette précision<br />
qu'ils enten<strong>de</strong>nt refuser aujourd'hui, ils l'ont déjà acceptée.<br />
Cette exigence israélienne est légitime. A quoi répond-elle?<br />
A la crainte que l'ambiguïté sur cette question <strong>de</strong> la<br />
reconnaissance d'un Etat juif ne pave la voie à un irré<strong>de</strong>ntisme<br />
interne (celui <strong>de</strong>s Arabes israéliens) et externe (celui <strong>de</strong> la<br />
Palestine). Si on ne peut son<strong>de</strong>r les intentions secrètes présentes<br />
et futures <strong>de</strong>s gens, on peut au moins, faire en sorte que si cet<br />
irré<strong>de</strong>ntisme se concrétise, comme beaucoup <strong>de</strong> Juifs le<br />
redoutent, il apparaisse au moins comme une violation explicite<br />
<strong>de</strong> la lettre et <strong>de</strong> l'esprit du traité <strong>de</strong> paix, ce qui placera ainsi<br />
Israël en état <strong>de</strong> légitime défense. Mais cette ambiguïté peut<br />
être également imputée à Israël vis-vis <strong>de</strong> la Judée-Samarie<br />
qu'elle aura cédée à l'Etat palestinien. Aussi le traité <strong>de</strong> paix<br />
<strong>de</strong>vrait inclure cette double reconnaissance: la Palestine comme<br />
territoire exclusif <strong>de</strong> l'Etat-nation du peuple arabe palestinien<br />
et Israël comme territoire exclusif <strong>de</strong> l'Etat-nation du peuple<br />
juif.<br />
Pour faciliter le consentement palestinien à la revendication<br />
israélienne, une épithète <strong>de</strong> plus me paraît indispensable: que<br />
l'Etat d'Israël soit explicitement reconnu comme "juif et<br />
démocratique". Ainsi les dispositions constitutionnelles envers<br />
les Arabes d'Israël ne seraient pas conditionnelles ou facultatives,<br />
mais pleinement assumées et obligatoires.<br />
Le plan <strong>de</strong> partage dont on célèbre aujourd'hui le soixantième<br />
anniversaire le prévoyait également. D.C
UN ENTRETIEN AVEC YEHOUDA LANCRY *<br />
“La bonne nouvelle<br />
c'est la reprise du dialogue<br />
israélo-palestinien”<br />
IJ : Comment jugez-vous les négociations<br />
actuelles entre Israël et les Palestiniens<br />
?<br />
Yehouda Lancry : La bonne nouvelle<br />
c'est que le Premier ministre qui jusqu'à<br />
présent poursuivait la politique unilatérale<br />
calamiteuse <strong>de</strong> son prédécesseur<br />
Ariel Sharon semble désormais avoir<br />
trouvé la voie du dialogue avec les Palestiniens.<br />
Et je considère personnellement<br />
que sans ce dialogue entre les <strong>de</strong>ux par-<br />
ties, il n'y a point <strong>de</strong> salut. Je considère<br />
donc comme une chose éminemment<br />
positive le fait que l'on dialogue <strong>de</strong>puis<br />
quelques mois avec les responsables<br />
palestiniens. La conférence d'Annapolis<br />
souhaitée par Bush et son administration<br />
était inévitable. De plus, elle redonne un<br />
cadre à ce dialogue voulu par les uns et<br />
les autres. Les résultats que l'on attend<br />
<strong>de</strong> cette conférence internationale sont<br />
plutôt réduits, mo<strong>de</strong>stes. Pourquoi ? Parce<br />
que les <strong>de</strong>ux protagonistes sont marqués<br />
par une gran<strong>de</strong> faiblesse. Chacun sait que<br />
le schisme palestinien ampute gravement<br />
la capacité d'action <strong>de</strong> Mahmoud Abbas.<br />
Celui-ci, après son élection, avait entamé<br />
une marche assez laborieuse pour asseoir<br />
son autorité. Depuis l'émergence du<br />
Hamas, cette autorité est très nettement<br />
amoindrie. J'ajoute que nous Israéliens,<br />
avons une certaine responsabilité dans<br />
cette émergence. En effet, Ariel Sharon<br />
tenait à sa politique unilatérale et il avait<br />
contribué à diminuer le rôle <strong>de</strong> lea<strong>de</strong>r<br />
d'Abou Mazen : cela a sans doute suscité<br />
l'émergence du Hamas.<br />
D'un autre côté, Ehoud Olmert a certes<br />
une coalition qui en surface est certes<br />
confortable mais elle est extrêmement<br />
hétéroclite sur les plans idéologique et<br />
politique. De sorte que sa marge <strong>de</strong><br />
manœuvre est considérablement réduite,<br />
sans compter qu'il traîne désormais un<br />
certain nombre <strong>de</strong> casseroles sur le plan<br />
judiciaire. Il reste certes impopulaire mais<br />
je considère que la majorité du peuple<br />
israélien souhaite une solution. Encore<br />
faut-il qu'il y ait une capacité réelle <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>ux parties à mettre cette solution en<br />
application.<br />
Cette conférence d'Annapolis donnera<br />
sans doute lieu à une déclaration <strong>de</strong> principes<br />
comparable à celle d'Oslo. Peut-être<br />
Aussi longtemps que le Hamas n'est pas rattrapé<br />
par les accords d'Oslo qui fon<strong>de</strong>nt la<br />
reconnaissance mutuelle, ce sera difficile.<br />
mettra-t-elle en exergue les étapes qui<br />
<strong>de</strong>vraient suivre comme la mise en application<br />
<strong>de</strong> la feuille <strong>de</strong> route laquelle prévoit<br />
du côté palestinien non seulement<br />
une réforme institutionnelle politique<br />
mais également sécuritaire. Ce qui signifie<br />
la mise au pas <strong>de</strong>s groupes terroristes<br />
palestiniens. Mahmoud Abbas est-il en<br />
mesure d'assurer cela en prenant les résolutions<br />
nécessaires ? La question se pose.<br />
Mais on peut s'interroger également<br />
sur la capacité du gouvernement israélien<br />
à démanteler les implantations<br />
sauvages et à réduire l'expansion <strong>de</strong><br />
celles qui existent. Tous ces éléments<br />
me semblent suffisamment<br />
lourds pour pouvoir imaginer une<br />
réussite exceptionnelle <strong>de</strong> cette<br />
conférence. Cela étant, je me félicite<br />
tout <strong>de</strong> même que cette conférence<br />
ait pu exister : nous sortons<br />
enfin d'une pério<strong>de</strong> d'effacement du<br />
processus <strong>de</strong> paix.<br />
IJ : Un certain nombre d'intellectuels<br />
et d'écrivains israéliens ont <strong>de</strong>mandé au<br />
gouvernement <strong>de</strong> prendre l'initiative <strong>de</strong><br />
dialoguer avec le Hamas. Qu'en pensezvous<br />
?<br />
Y.L : C'est évi<strong>de</strong>mment une<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> raisonnable à la seule<br />
condition que les responsables du<br />
Hamas le veuillent également.<br />
ISRAËL<br />
Yehouda Lancry<br />
Aussi longtemps que le Hamas n'est pas<br />
rattrapé par les accords d'Oslo qui fon<strong>de</strong>nt<br />
la reconnaissance mutuelle, ce sera<br />
difficile. Je ne doute pas personnellement<br />
qu'une fois que le Hamas acceptera la<br />
reconnaissance <strong>de</strong> l'Etat d'Israël les<br />
choses pourront avancer plus facilement.<br />
IJ : Y a-t-il aujourd'hui en Israël une majorité<br />
disposée à faire <strong>de</strong>s concessions aux<br />
Palestiniens ?<br />
Y.L : Il faut d'abord dire qu'il y a une<br />
majorité qui se dégage très clairement,<br />
<strong>de</strong> façon stable, durable et constante sur<br />
la validité d'un Etat palestinien coexistant<br />
dans la paix aux côtés <strong>de</strong> l'Etat d'Israël.<br />
A propos <strong>de</strong>s concessions qu'il convient<br />
<strong>de</strong> faire, les attitu<strong>de</strong>s changent d'un camp<br />
à l'autre. Je rappelle qu'en l'an 2000 ,<br />
lorsque Barak avait conçu son plan <strong>de</strong><br />
paix - il avait alors évoque la possibilité<br />
d'un retrait territorial <strong>de</strong> 95 % avec<br />
quelques rectifications <strong>de</strong> frontière<br />
mineures -, l'opinion publique semblait<br />
soutenir majoritairement ce projet. On<br />
sait que c'est l'intifada qui a ruiné ces<br />
espérances.<br />
*Ancien ambassa<strong>de</strong>ur d'Israël en<br />
France et aux Nations Unies.<br />
Ehud Olmert, Geoges Bush et Mahmoud Abbas<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 17
JUDÉOPOSTALE<br />
UN ENTRETIEN AVEC CLAUDE WAINSTAIN<br />
L'<strong>histoire</strong> juive par les<br />
timbres et le courrier<br />
Clau<strong>de</strong> Wainstain est mé<strong>de</strong>cin. Depuis son enfance,<br />
il collectionne les timbres. L'idée lui est venue d'écrire<br />
un livre où il raconte l'<strong>histoire</strong> <strong>de</strong>s juifs par le timbre et le<br />
courrier. Il ne s'agit pas seulement cependant d'un<br />
catalogue <strong>de</strong> philatélie. Clau<strong>de</strong> Wainstain<br />
IJ : Votre livre est une autre façon <strong>de</strong><br />
raconter la gran<strong>de</strong> et la petite <strong>histoire</strong> <strong>de</strong>s juifs.<br />
Comment vous est venue l'idée <strong>de</strong> raconter l'<strong>histoire</strong><br />
par la philatélie ?<br />
Clau<strong>de</strong> Wainstain : Au début, je<br />
collectionnais les timbres comme tout le<br />
mon<strong>de</strong>, en achetant les <strong>de</strong>rnières<br />
parutions <strong>de</strong> la poste. C'est dans les<br />
années soixante-dix que j'ai imaginé<br />
constituer un petit album <strong>de</strong> personnages<br />
juifs sur timbres, alignés comme les<br />
effigies <strong>de</strong> rois ou <strong>de</strong> chefs d'état dans<br />
toutes les couleurs et toutes les valeurs<br />
faciales. J'ai établi une liste approximative,<br />
et les marchands à qui je l'ai<br />
montrée m'ont orienté vers <strong>de</strong>s<br />
collectionneurs chevronnés. Avec leur<br />
ai<strong>de</strong>, je suis <strong>de</strong>venu, à mon tour, un<br />
spécialiste <strong>de</strong> la thématique "Judaïca". J'ai<br />
commencé à rédiger <strong>de</strong>s rubriques sur ce<br />
thème en 1981. Non seulement les<br />
timbres sont beaux, mais ils sont aussi un<br />
prétexte à raconter <strong>de</strong>s <strong>histoire</strong>s. Comme<br />
ils proviennent <strong>de</strong> pays étrangers, les<br />
personnalités ou les événements qu'ils<br />
commémorent n'ont parfois qu'une<br />
renommée locale, si bien que je fais<br />
découvrir au lecteur <strong>de</strong>s aspects inédits<br />
et insolites d'un mon<strong>de</strong> juif exprimé dans<br />
toutes les langues et tous les alphabets.<br />
Parfois, je tombe sur un sujet énigmatique<br />
: Berkovitch, le cinéaste inconnu, Morris<br />
Cohen, le mystérieux espion soviétique,<br />
Leila Mourad, la diva du Caire, Irène<br />
Cahen d'Anvers et son tableau volé,<br />
Petlioura et son timbre fatal, le couple<br />
Blum <strong>de</strong>s îles Salomon, autant <strong>de</strong> sujets<br />
passionnants sur lesquels j'ai passé <strong>de</strong>s<br />
mois en recherches journalistiques et<br />
historiques.<br />
IJ : Pourquoi y a-t-il eu un engouement <strong>de</strong>s<br />
juifs pour le timbre poste ?<br />
C.W. : Pour une diaspora, communiquer<br />
n'est pas un acte anodin. Depuis toujours,<br />
les lettres étaient transportées <strong>de</strong><br />
communauté en communauté par les<br />
quêteurs, les commerçants, les voyageurs<br />
et les rabbins, et elles maintenaient le lien<br />
entre les juifs du mon<strong>de</strong> entier, <strong>de</strong><br />
18 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
l'Ukraine au Yémen et <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> aux<br />
Antilles. Elles préservaient aussi l'hébreu,<br />
langue du sacré et garant <strong>de</strong>s échanges,<br />
à une époque où, d'une région à l'autre,<br />
ni l'idiome, ni la monnaie, ni les poids et<br />
mesures n'étaient les mêmes. Cette<br />
correspondance perpétuelle qui circulait<br />
le long du maillage communautaire, sans<br />
souci <strong>de</strong>s empires, <strong>de</strong>s frontières et <strong>de</strong>s<br />
conflits, donnait aux juifs, dans leur vécu<br />
quotidien, la conviction d'être <strong>de</strong>s citoyens<br />
du mon<strong>de</strong>. De là leur tendance à<br />
privilégier l'universel dans tous les<br />
domaines <strong>de</strong> la pensée, et leur<br />
engouement pour le timbre-poste.<br />
IJ : Les juifs furent-ils vraiment les premiers<br />
graveurs et les premiers collectionneurs <strong>de</strong> timbres<br />
?<br />
C.W. : Quelques années à peine après<br />
leur introduction en Angleterre, en 1840,<br />
le mon<strong>de</strong> entier collectionnait déjà les<br />
timbres. Des artistes juifs participèrent à<br />
leur création, comme Jacques Wiener, qui<br />
grava le premier timbre belge en 1849, ou<br />
Abraham Staffel, qui grava le premier<br />
timbre <strong>de</strong> Pologne russe en 1860. Parmi<br />
les grands collectionneurs juifs, Alberto<br />
Bolaffi édita à Turin son premier catalogue<br />
en 1890, tandis qu'Arthur <strong>de</strong> Rothschild<br />
publia un livre sur l'<strong>histoire</strong> du Timbre en<br />
1872. Ce jeune homme avait reçu pour<br />
ses dix-huit ans un ca<strong>de</strong>au très original :<br />
son père, Nathaniel <strong>de</strong> Rothschild, avait<br />
en effet obtenu <strong>de</strong> la Poste impériale<br />
l'émission <strong>de</strong> timbres à l'effigie <strong>de</strong><br />
Napoléon III, mais <strong>de</strong> texture différente<br />
<strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s timbres courants, et qui lui<br />
étaient spécialement réservés ! C'est<br />
émission Rothschild, <strong>de</strong> 1869, qui est<br />
aujourd'hui excessivement rare et chère.<br />
IJ : Qu'appelez-vous " la Gran<strong>de</strong> Geste <strong>de</strong>s<br />
Juifs " ?<br />
C.W. : Feuilleter ce livre, c'est survoler<br />
- le terme Judéopostale est évocateur - un<br />
univers miniature et splendi<strong>de</strong> qui raconte<br />
l'<strong>histoire</strong> <strong>de</strong>s juifs dans leur diversité,<br />
toutes origines et langues confondues.<br />
C'est comme la Tapisserie <strong>de</strong> Bayeux :<br />
l'<strong>histoire</strong> se déroule, au sens propre du<br />
terme, sous nos yeux. Ainsi ai-je pensé au<br />
terme médiéval <strong>de</strong> "Gran<strong>de</strong> Geste <strong>de</strong>s<br />
Juifs".<br />
IJ : Les lettres <strong>de</strong> l'alphabet hébraïque figurent<br />
sur bien <strong>de</strong>s lettres que vous donnez. Il y<br />
a même un mèm sur un timbre…<br />
C.W. : La collection Judaïca comprend<br />
les timbres sur lesquels figurent <strong>de</strong>s lettres<br />
hébraïques, isolées, sous forme <strong>de</strong> mots<br />
ou sous forme <strong>de</strong> phrases. J'ai choisi pour<br />
mon livre un timbre <strong>de</strong> Monaco <strong>de</strong> 1995<br />
qui montre un mêm. On sait que le mêm<br />
s'écrit sous sa forme ouverte lorsqu'il est<br />
au milieu d'un mot, et sous sa forme<br />
fermée, le Mem final , lorsqu'il est à la fin.<br />
Or il existe dans Isaïe 9-6 le cas unique<br />
Feuilleter ce livre, c'est survoler un univers<br />
miniature et splendi<strong>de</strong> qui raconte l'<strong>histoire</strong><br />
<strong>de</strong>s juifs dans leur diversité, toutes origines<br />
et langues confondues.<br />
d'un Mem final qui se trouve au milieu<br />
d'un mot ! Ce n'est pas une étour<strong>de</strong>rie <strong>de</strong><br />
copiste, puisque le Talmud enseigne que<br />
"pas un mot, pas une syllabe, pas une<br />
lettre <strong>de</strong> la Torah ne sont là par hasard."<br />
Quel est le message caché sous cette<br />
anomalie ? Bar Kappara, dans Sanhédrin,<br />
149, y voit un signe messianique, mais<br />
Blaise Pascal en nie la signification<br />
symbolique : "Je ne pense pas que le<br />
Mem d'Isaïe soit mystérieux", écrit-il dans<br />
ses Pensées. Rabbi Hisda, lui, constate<br />
simplement que "la lettre Mem ne tient<br />
<strong>de</strong>bout que par miracle." Et à la réflexion,<br />
n'est-ce pas là notre lot à tous ?
IJ : Qui fut Lucien Bernheim dont la tombe,<br />
au cimetière Montparnasse à <strong>Paris</strong>, est surmontée<br />
du mot Chalom ?<br />
C.W. : Qui, parmi nous, connaît la vie<br />
aventureuse <strong>de</strong> Lucien Bernheim ? Voilà<br />
un bel exemple <strong>de</strong> ce que le timbre peut<br />
apporter à la transmission <strong>de</strong> notre<br />
<strong>histoire</strong>. Lucien Bernheim est un jeune<br />
juif <strong>de</strong> Mulhouse qui, à quatorze ans,<br />
s'engage dans un corps franc pendant la<br />
guerre <strong>de</strong> 1870. Une fois démobilisé, il<br />
s'embarque pour l'Indochine, vit en<br />
Australie, arrive enfin en Nouvelle-<br />
Calédonie où avec son petit salaire, il<br />
réussit à s'acheter un gisement <strong>de</strong> nickel<br />
exploitable à ciel ouvert. Le succès est<br />
foudroyant. Il acquiert d'autres mines,<br />
fon<strong>de</strong> les sociétés "Le Nickel" et "Le<br />
Chrome ", bref, <strong>de</strong>vient un industriel<br />
puissant et respecté, tout en restant un<br />
homme <strong>de</strong> cœur. Pour épouser sa fiancée,<br />
qui vit en Suisse, il a juré qu'il reviendra<br />
vivre en Europe. Mais avant <strong>de</strong> partir, il<br />
fait un geste : il offre cent mille francs<br />
pour la construction d'une bibliothèque<br />
à Nouméa. Cette bibliothèque, qui porte<br />
toujours son nom, est représentée sur<br />
<strong>de</strong>ux timbres <strong>de</strong> Nouvelle-Calédonie,<br />
sous l'effigie du généreux donateur.<br />
Lucien Bernheim meurt à <strong>Paris</strong> en 1917,<br />
et sur sa tombe, au cimetière<br />
Montparnasse, est inscrit en hébreu le<br />
mot "chalom".<br />
IJ : On apprend grâce à vous<br />
que l'Albanie fut le seul pays<br />
d'Europe occupée où les juifs<br />
ne connurent ni la délation ni<br />
la persécution. Comment explique-t-on<br />
cela ?<br />
C.W. : En me documentant<br />
sur un timbre<br />
albanais intitulé "Holocauste",<br />
en juillet 1999, j'ai<br />
découvert une page<br />
d'<strong>histoire</strong> lumineuse et<br />
pourtant inconnue en<br />
France, au point que mon<br />
article philatélique a été une<br />
première. Quand les<br />
Allemands succédèrent aux<br />
Italiens, à l'automne 1943,<br />
les Albanais considérèrent<br />
les persécutions antisémites<br />
comme intolérables, et<br />
contrairement aux juifs du<br />
Kosovo, qui furent déportés<br />
en masse, ceux d'Albanie,<br />
mille cinq cents environ,<br />
furent cachés dans les<br />
montagnes, habillés en<br />
paysans et munis <strong>de</strong> faux<br />
papiers aux prénoms<br />
typiquement musulmans.<br />
Cette attitu<strong>de</strong> s'explique par<br />
le kanoun, la coutume<br />
d'hospitalité qui fait <strong>de</strong> l'hôte un être<br />
sacré. Quiconque, dans un village, aurait<br />
dénoncé un juif, en aurait été banni et sa<br />
maison démolie. L'Albanie fut ainsi le seul<br />
pays d'Europe occupée où les juifs ne<br />
déplorèrent aucune perte humaine. J'ai<br />
bien failli ne pas pouvoir raconter cette<br />
<strong>histoire</strong>, car le Bhoutan et l'Albanie sont<br />
les <strong>de</strong>ux seules administrations postales<br />
sur soixante-<strong>de</strong>ux à m'avoir refusé le droit<br />
<strong>de</strong> reproduire leurs timbres. J'ai mis<br />
longtemps à en comprendre la raison,<br />
mais cela est une autre <strong>histoire</strong>, une<br />
péripétie surprenante à l'issue heureuse,<br />
et dont vous aurez l'explication dans le<br />
livre.<br />
IJ : Quel est, <strong>de</strong> tous les documents que vous<br />
publiez dans ce livre, celui qui vous semble<br />
le plus représentatif <strong>de</strong> cette <strong>histoire</strong> ?<br />
C.W. : Est-ce la lettre enthousiaste<br />
qu'un jeune couple <strong>de</strong> Bialystok écrit en<br />
1898, juste après le <strong>de</strong>uxième Congrès<br />
sioniste <strong>de</strong> Bâle, ou celle que mon père,<br />
à peine libéré d'Auschwitz par les Russes,<br />
JUDÉOPOSTALE<br />
écrit à ma mère, en 1945 ? Est-ce la lettre<br />
recommandée envoyée <strong>de</strong> Mazagan en<br />
mars 1900 par la poste privée d'Isaac<br />
Brudo, ou le télégramme reçu d'Ukraine<br />
en 1904 <strong>de</strong>mandant une ai<strong>de</strong> urgente<br />
après un pogrome ? Est-ce le timbre<br />
Voilà un bel exemple <strong>de</strong> ce que le timbre peut<br />
apporter à la transmission <strong>de</strong> notre <strong>histoire</strong>.<br />
consacré à Maïmoni<strong>de</strong>, à Chagall ou à<br />
Einstein, ou celui honorant une<br />
personnalité atypique, un tsar <strong>de</strong><br />
Bulgarie, une princesse <strong>de</strong> Monaco, un<br />
magicien, un cosmonaute, un marchand<br />
<strong>de</strong> yaourts, ou un aventurier auto- promu<br />
roi <strong>de</strong> la Terre <strong>de</strong> feu ? Je trouve pour ma<br />
part très belle cette anecdote sur Else<br />
Lasker-Schüler, la "Muse <strong>de</strong> Berlin", qui<br />
fut l'égérie <strong>de</strong> la bohème artistique<br />
alleman<strong>de</strong> et qui s'exila en Suisse en 1933<br />
avant <strong>de</strong> finir ses jours à Jérusalem. Son<br />
oeuvre mystique et passionnée exalte<br />
l'amour <strong>de</strong> Sion dans un allemand<br />
expressif qui bouscule la syntaxe et la<br />
grammaire. Un jour, à un écrivain qui lui<br />
proposait <strong>de</strong> traduire ses poèmes en<br />
hébreu, elle répondit "Mais ils sont déjà<br />
en hébreu !"<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 19
LA VIE DE L’ACIP<br />
Visite du ministre <strong>de</strong> l'intérieur<br />
Michèle Alliot-Marie<br />
au <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong><br />
Evénement exceptionnel. Le minsistre <strong>de</strong> l'intérieur s'est rendu le 22 novembre à un déjeuner <strong>de</strong><br />
travail au <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>. Le ministre a notamment réaffirmé les liens <strong>de</strong> confiance<br />
existant entre la République et l’Institution consistoriale.<br />
Le ministre <strong>de</strong> l'intérieur<br />
Madame Michèle Alliot-<br />
Marie, accompagné <strong>de</strong> plusieurs<br />
<strong>de</strong> ses collaborateurs,<br />
s'est rendu mercredi 22<br />
novembre à un déjeuner <strong>de</strong><br />
travail au <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> Ile <strong>de</strong><br />
France en présence du Grand Rabbin <strong>de</strong><br />
<strong>Paris</strong> David Messas, du Prési<strong>de</strong>nt du<br />
<strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> Joël Mergui, ainsi<br />
que <strong>de</strong>s administrateurs membres du<br />
Bureau du <strong>Consistoire</strong>.<br />
Dans ses propos d'introduction, le Prési<strong>de</strong>nt<br />
Joël Mergui a tout d'abord chaleu-<br />
© Erez Lichtfeld<br />
reusement remercié Madame le ministre<br />
<strong>de</strong> l'intérieur pour sa venue et pour les<br />
liens très étroits qu'elle entretient avec le<br />
<strong>Consistoire</strong>. Après un rappel <strong>de</strong> l'<strong>histoire</strong>,<br />
<strong>de</strong> l'importance, <strong>de</strong>s missions et du fonctionnement<br />
<strong>de</strong> l'institution, Joël Mergui<br />
a présenté les grands projets d'avenir et<br />
a souhaité une écoute <strong>de</strong>s pouvoirs<br />
publics aux préoccupations <strong>de</strong> la communauté<br />
juive.<br />
Madame Alliot-Marie a tenu à son tour<br />
à remercier le <strong>Consistoire</strong> pour son<br />
20 INFORMATION JUIVE Octobre 2007<br />
accueil. Le ministre a rappelé " l'importance<br />
qu'attachait l'Etat à l'existence d'institutions<br />
représentatives fortes telles que<br />
le <strong>Consistoire</strong> ", pour la qualité <strong>de</strong> ses<br />
relations avec les gran<strong>de</strong>s religions. Indiquant<br />
que l'Homme a besoin <strong>de</strong> repères<br />
forts et structurés, notamment dans sa vie<br />
spirituelle, le ministre <strong>de</strong>s cultes a tout <strong>de</strong><br />
suite tenu à témoigner une nouvelle fois<br />
<strong>de</strong> toute sa confiance dans le <strong>Consistoire</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, notamment dans le rôle central<br />
qu'il joue dans l'organisation et la vie <strong>de</strong><br />
la communauté juive, et en déclarant qu'il<br />
fallait continuer <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong>r à remplir sa<br />
mission.<br />
Le ministre <strong>de</strong> l'intérieur avec le grand rabbin <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>,<br />
le Prési<strong>de</strong>nt du <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> Joël Mergui et les membres du bureau du <strong>Consistoire</strong><br />
Compte tenu <strong>de</strong> l'importance <strong>de</strong>s questions<br />
financières dans le fonctionnement<br />
<strong>de</strong> l'Institution, le trésorier du <strong>Consistoire</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>Paris</strong> Joseph Haddad a présenté au<br />
ministre <strong>de</strong> façon détaillée la situation<br />
financière actuelle en la replaçant en<br />
perspective historique et en rappelant la<br />
transparence qui prévaut dans la préparation,<br />
la publication et l'application du<br />
budget.<br />
Plusieurs thèmes clé concernant le<br />
cœur même <strong>de</strong> la vie juive, et qui pour<br />
© David ADEMAS / Fe<strong>de</strong>photo<br />
certains d'entre eux représentent autant<br />
<strong>de</strong> préoccupations essentielles voire d'inquiétu<strong>de</strong>s<br />
réelles pour la communauté<br />
juive, ont alors été successivement abordés<br />
par les différents membres du Bureau.<br />
On citera notamment les questions liées<br />
à l'entretien et à la rénovation du patrimoine<br />
synagogual du <strong>Consistoire</strong> - le plus<br />
important <strong>de</strong> France et d'Europe, à la fiscalité<br />
<strong>de</strong>s dons, à la Cacherout, au projet<br />
du grand centre culturel juif du 17ème<br />
arrondissement, aux places dans les carrés<br />
confessionnels juifs dans les cimetières,<br />
à la sécurité et à l'antisémitisme, au<br />
calendrier <strong>de</strong>s examens pour les élèves<br />
et les étudiants juifs, et plus généralement<br />
aux différents aspects <strong>de</strong>s conditions<br />
nécessaires au bien être <strong>de</strong> la communauté<br />
juive.<br />
Pour chacun <strong>de</strong> ces thèmes, le ministre<br />
<strong>de</strong> l'intérieur a apporté <strong>de</strong>s assurances<br />
<strong>de</strong> réflexions et d'actions à court terme<br />
en étroite coopération avec le <strong>Consistoire</strong>.<br />
On retiendra notamment que le ministre<br />
a proposé au Prési<strong>de</strong>nt du <strong>Consistoire</strong><br />
<strong>de</strong> mettre en place un groupe <strong>de</strong> travail,<br />
en collaboration avec les collectivités locales<br />
et les ministères concernés, chargé<br />
d'une mission <strong>de</strong> préfiguration du futur<br />
centre du judaïsme dans le 17ème arrondissement<br />
<strong>de</strong> <strong>Paris</strong> dont le terrain vient<br />
d'être obtenu par le <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong><br />
et sur lequel <strong>de</strong>vra être construit le plus<br />
grand centre culturel et cultuel juif <strong>de</strong><br />
France.<br />
A l'issue <strong>de</strong> ces débats fructueux, qui<br />
se sont déroulés dans un climat chaleureux<br />
<strong>de</strong> réelle confiance réciproque et <strong>de</strong><br />
profond respect mutuel, ren<strong>de</strong>z-vous a<br />
été pris pour un suivi permanent et un<br />
bilan régulier <strong>de</strong>s actions menées au quotidien<br />
entre l'Etat et le <strong>Consistoire</strong> et qui,<br />
à entendre la volonté sans faille <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
partenaires, ne pourront être désormais<br />
que renforcées.<br />
P.M.
© Erez Lichtfeld<br />
L'ENTRETIEN DE MADAME LE MINISTRE<br />
MICHÈLE ALLIOT-MARIE À INFORMATION JUIVE<br />
“Le <strong>Consistoire</strong> est<br />
un acteur <strong>de</strong> la cohésion<br />
<strong>de</strong> la République”<br />
IJ : Vous vous êtes rendue, le 22<br />
novembre, au déjeuner auquel vous a<br />
conviée le <strong>Consistoire</strong> Israélite <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>.<br />
Quels étaient les objectifs <strong>de</strong> cette visite ?<br />
Michèle Alliot-Marie : J'ai répondu<br />
avec grand plaisir à l'invitation amicale<br />
du prési<strong>de</strong>nt du <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> et<br />
du grand rabbin <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>. Pleinement<br />
à l'écoute <strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong>s<br />
différentes religions, je leurs rends<br />
régulièrement visite, dans le cadre <strong>de</strong><br />
mes fonctions <strong>de</strong> ministre chargé <strong>de</strong>s<br />
cultes. L'Etat est aujourd'hui un acteur<br />
dynamique <strong>de</strong> la liberté religieuse dans<br />
notre pays. A ce titre, je conduis un<br />
dialogue régulier avec les institutions<br />
qui représentent les cultes dans leurs<br />
relations avec l'Etat, et notamment avec<br />
le <strong>Consistoire</strong>. L'Etat a besoin<br />
d'interlocuteurs institutionnels forts et<br />
représentatifs. Le <strong>Consistoire</strong> est l'un<br />
d'eux.<br />
IJ : Quelles conclusions avez-vous tirées<br />
<strong>de</strong> cette rencontre ?<br />
Michèle Alliot-Marie : J'ai proposé<br />
au prési<strong>de</strong>nt du <strong>Consistoire</strong> que nous<br />
continuions à travailler ensemble sur<br />
plusieurs sujets concrets. Outre les<br />
Madame le ministre accueillie au <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong><br />
par le grand rabbin <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> David Messas<br />
et le Prési<strong>de</strong>nt Joël Mergui<br />
questions traitées dans le prolongement<br />
<strong>de</strong> la Commission Machelon,<br />
nous <strong>de</strong>vons réfléchir au cadre<br />
juridique le plus adéquat pour le projet<br />
LA VIE DE L’ACIP<br />
<strong>de</strong> Centre européen du judaïsme porté<br />
par le <strong>Consistoire</strong>. Il exigera le moment<br />
venu la mobilisation <strong>de</strong> très nombreux<br />
acteurs dans le périmètre étatique et<br />
au-<strong>de</strong>là.<br />
IJ : A l'occasion <strong>de</strong>s vœux <strong>de</strong> Roch<br />
Hachana que vous aviez adressés à la communauté<br />
juive, vous avez déclaré que "le<br />
<strong>Consistoire</strong> contribuait à la cohésion <strong>de</strong> la<br />
République". Qu'enten<strong>de</strong>z-vous par là ?<br />
Michèle Alliot-Marie : Le <strong>Consistoire</strong><br />
est responsable <strong>de</strong> l'exercice<br />
concret du culte juif dans notre pays.<br />
Il permet à nombre <strong>de</strong> nos compatriotes<br />
<strong>de</strong> pratiquer leur foi. Il permet à la foi<br />
<strong>de</strong> s'inscrire dans le cadre du pacte<br />
français <strong>de</strong> tolérance et <strong>de</strong> respect <strong>de</strong>s<br />
croyances et <strong>de</strong>s consciences. Il est<br />
donc un acteur <strong>de</strong> la cohésion <strong>de</strong> la<br />
République.<br />
IJ : L'année prochaine, les <strong>Consistoire</strong>s<br />
célèbrent le bicentenaire <strong>de</strong> leur création.<br />
Quelles réflexions vous inspire cet anniversaire<br />
?<br />
Michèle Alliot-Marie : La création<br />
<strong>de</strong>s consistoires, voulue par Napoléon,<br />
a été un acte d'une gran<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité.<br />
Elle permet aujourd'hui à l'Etat<br />
<strong>de</strong> disposer d'un interlocuteur<br />
institutionnel organisé et<br />
structuré. Ce <strong>de</strong>ux centième<br />
anniversaire marque la<br />
permanence et la force d'une<br />
gran<strong>de</strong> institution,<br />
indispensable pour l'exercice<br />
du culte, incontournable pour<br />
le dialogue avec les autorités<br />
étatiques.<br />
IJ : Avez-vous le sentiment que<br />
les actes <strong>de</strong> caractère ou d'inspiration<br />
antisémite qui étaient<br />
naguère en augmentation ont diminué<br />
Michèle Alliot-Marie : Les<br />
actes <strong>de</strong> caractère antisémite<br />
sont en diminution. Il s'agit d'une<br />
réalité objective dont je me réjouis. La<br />
clarté et la fermeté du gouvernement,<br />
le lien <strong>de</strong> confiance étroit et permanent<br />
Michèle Alliot-Marie<br />
que nous entretenons avec les<br />
différents représentants <strong>de</strong>s institutions<br />
juives, la mobilisation <strong>de</strong>s acteurs<br />
locaux sont autant <strong>de</strong> facteurs qui ont<br />
porté leurs fruits. Pour autant, nous<br />
<strong>de</strong>vons <strong>de</strong>meurer vigilants face à une<br />
menace qui n'est pas éteinte.<br />
Le <strong>Consistoire</strong>, une gran<strong>de</strong><br />
institution indispensable pour<br />
l'exercice du culte, incontournable<br />
pour le dialogue avec les autorités<br />
étatiques.<br />
Nous <strong>de</strong>vons réfléchir au cadre<br />
juridique le plus adéquat pour le<br />
projet <strong>de</strong> Centre européen du<br />
judaïsme porté par le <strong>Consistoire</strong>.<br />
Les actes <strong>de</strong> caractère antisémite<br />
sont en diminution. Il s'agit d'une<br />
réalité objective dont je me réjouis.<br />
La communauté juive <strong>de</strong> France,<br />
parfaitement intégrée à la République,<br />
est la plus importante <strong>de</strong> tous les pays<br />
d'Europe. Elle est dépositaire d'une<br />
tradition religieuse et culturelle plurimillénaire<br />
qui a profondément inspiré<br />
les valeurs <strong>de</strong> notre République.<br />
IJ : D'une manière générale, quelle perception<br />
avez-vous du fait juif en France ?<br />
Michèle Alliot-Marie : C'est une<br />
donnée importante <strong>de</strong> la société<br />
française. La communauté juive <strong>de</strong><br />
France, parfaitement intégrée à la<br />
République, est la plus importante <strong>de</strong><br />
tous les pays d'Europe. Elle est<br />
dépositaire d'une tradition religieuse<br />
et culturelle pluri-millénaire qui a<br />
profondément inspiré les valeurs <strong>de</strong><br />
notre République. Les Français <strong>de</strong><br />
confession juive ont toujours été <strong>de</strong> très<br />
grands patriotes. En toutes circonstances,<br />
souvent au péril <strong>de</strong> leur vie, ils<br />
ont défendu les idéaux <strong>de</strong> justice et <strong>de</strong><br />
liberté et les valeurs <strong>de</strong> la République.<br />
INFORMATION JUIVE Novembre 2007 21
LA VIE DE L’ACIP<br />
Réunion <strong>de</strong> travail avec les préfets<br />
<strong>de</strong> <strong>Paris</strong> et <strong>de</strong> la région parisienne<br />
Le prési<strong>de</strong>nt du <strong>Consistoire</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, Joël Mergui,<br />
entouré <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong><br />
son bureau ainsi que du<br />
grand rabbin <strong>de</strong> <strong>Paris</strong><br />
M. David Messas ont reçu le<br />
vendredi 30 novembre pour une réunion<br />
<strong>de</strong> travail et d'échanges, le préfet <strong>de</strong> police<br />
<strong>de</strong> <strong>Paris</strong> accompagné <strong>de</strong>s préfets <strong>de</strong>s<br />
départements <strong>de</strong> la région Ile <strong>de</strong> France.<br />
Cette rencontre entre dans le cadre <strong>de</strong> celles<br />
que le <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> organise<br />
régulièrement avec les représentants <strong>de</strong>s<br />
pouvoirs publics.<br />
Dans la brève allocution qu'il a prononcée<br />
à cette occasion, le prési<strong>de</strong>nt du<br />
<strong>Consistoire</strong> a tenu à remercier les forces<br />
<strong>de</strong> police, <strong>de</strong>vant une centaine <strong>de</strong> leurs<br />
représentants, pour leur travail mené au<br />
quotidien dans la surveillance et la protection<br />
<strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> culte <strong>de</strong> la communanuté<br />
juive. Il a insisté sur le fait que la<br />
vigilance <strong>de</strong>s policiers et <strong>de</strong>s CRS -<br />
notamment lors <strong>de</strong>s fêtes <strong>de</strong> Tichri - était<br />
digne d'éloges. Par ailleurs, le prési<strong>de</strong>nt<br />
Mergui a tenu à dire que ces réunions<br />
étaient d'une très gran<strong>de</strong> utilité pour les<br />
uns et les autres. " Nous voulons, a-t-il<br />
dit, vous faire connaître les préoccupations,<br />
les soucis et les problématiques qui<br />
VERBATIM<br />
JOSÉ SOCRATES.<br />
Premier ministre portugais :<br />
"Plus l'Europe regar<strong>de</strong>ra vers le<br />
Proche Orient et l'Afrique du Nord,<br />
plus il y aura <strong>de</strong> chances pour la<br />
paix ".<br />
ERIC ZEMMOUR.<br />
Journaliste et essayiste :<br />
"Les enfants juifs sont interdits d'école<br />
publique dans nombre <strong>de</strong> banlieues<br />
et sont contraints <strong>de</strong> se replier sur les<br />
écoles confessionnelles".<br />
CLAUDE IMBERT.<br />
Editorialiste au Point :<br />
" Le Nuremberg du communisme<br />
n'existe pas "<br />
22 INFORMATION JUIVE Octobre 2007<br />
sont les nôtres ". Au cours <strong>de</strong> la réunion,<br />
<strong>de</strong> nombreux sujets concrets relatifs à la<br />
vie quottidienne <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la communanuté<br />
juive en ont été abordés. On<br />
citera notamment l'ouverture le dimanche<br />
<strong>de</strong> permanences dans les préfectures<br />
en liaison avec le <strong>Consistoire</strong> pour<br />
traiter les cas <strong>de</strong>s décès, la nouriture<br />
cacher dans les hôpitaux, les systèmes<br />
d'entrées <strong>de</strong> certains immeubles le Chabbat,<br />
ou la mise aux normes <strong>de</strong> sécurité<br />
<strong>de</strong>s synagogues et <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> culte.<br />
Le préfet <strong>de</strong> police <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> et ses collègues<br />
<strong>de</strong> la région <strong>de</strong> parisienne ont suc-<br />
ALAIN FINKIELKRAUT.<br />
Philosophe :<br />
" La culture s'éclipse <strong>de</strong> la société<br />
<strong>de</strong> la connaissance où nous entrons<br />
joyeusement "<br />
BRAD PITT.<br />
Comédien :<br />
"La tragédie, pour moi, c'est <strong>de</strong> se<br />
voir piégé à un carrefour parce<br />
qu'on est incapable <strong>de</strong> choisir son<br />
propre chemin ".<br />
EHOUD OLMERT.<br />
Premier ministre d'Israël :<br />
" Nous avons établi, Mahmoud<br />
Abbas et moi, une forme <strong>de</strong><br />
confiance personnelle, une volonté<br />
mutuelle d'écouter les critiques, les<br />
griefs, les soupçons et les besoins<br />
que chaque partie a accumulés en<br />
Les préfets réunis au <strong>Consistoire</strong><br />
cessivement pris la parole pour mettre<br />
l'accent sur l'intérêt <strong>de</strong> telles réunions<br />
entre le <strong>Consistoire</strong> et les autorités <strong>de</strong><br />
l'Etat <strong>de</strong>stinées à reflechir et à travailler<br />
ensemble sur nombre <strong>de</strong> <strong>de</strong>s sujets <strong>de</strong><br />
préoccupation <strong>de</strong> la communanuté juive.<br />
Avec le directeur du SPCJ, les uns et les<br />
autres ont fait le point <strong>de</strong>s actes d'antisémitisme<br />
constatés dans les villes dont ils<br />
ont la charge.<br />
La réunion s'est achevée par un cocktaildéjeuner<br />
auquel ont été invités nombre<br />
<strong>de</strong> commissaires <strong>de</strong> police et <strong>de</strong> fonctionnaires.<br />
tant que nation <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s<br />
générations "<br />
BAR REFAELI.<br />
Top-modèle israélien :<br />
" Pourquoi mourir pour son pays ?<br />
C'est quand même mieux <strong>de</strong> vivre<br />
à New York, non ? " (L'amie <strong>de</strong><br />
Léonardo Di Caprio a décidé <strong>de</strong> se<br />
soustraire à ses obligations<br />
militaires en Israël)<br />
FRANZ- OLIVIER GIESBERT.<br />
Journaliste. Ecrivain :<br />
" La presse, comme l'étourneau,<br />
aime aller d'un arbre à l'autre ".<br />
MOUAMMAR KADDAFI.<br />
Chef <strong>de</strong> l'Etat libyen :<br />
" Le système démocratique à<br />
l'occi<strong>de</strong>ntale est une imposture,<br />
une falsification "
UN ENTRETIEN AVEC LE GRAND RABBIN GUGENHEIM*<br />
Le difficile parcours<br />
<strong>de</strong> la conversion<br />
Nombre <strong>de</strong> nos lecteurs se posent la question <strong>de</strong>s délais nécessaires<br />
pour une conversion. Ils s'interrogent également sur les conditions<br />
exigées par les responsables du service <strong>de</strong>s conversions au<br />
<strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> pour déclarer valable une conversion.<br />
Nous avons posé ces questions au grand rabbin Michel Gugenheim,<br />
directeur du Séminaire israélite <strong>de</strong> France.<br />
IJ : On entend souvent dire que les rabbins sont intransigeants<br />
à propos <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> conversion au judaïsme. Qu'en est-il en<br />
vérité ?<br />
Michel Guegenheim : En vérité, les rabbins ne font que suivre<br />
ce que leur dicte leur conscience et ce que la loi juive leur<br />
impose. Chacun peut comprendre qu'en la matière la responsabilité<br />
du rabbin est considérable. En effet, il n'a pas droit à<br />
l'erreur. Le risque qu'il court, s'il se trompe, c'est <strong>de</strong> déclarer<br />
vali<strong>de</strong> une conversion qui ne l'est pas aux yeux <strong>de</strong> la Halakha<br />
( ce qui signifie que quelqu'un qui n'est pas juif va se considérer<br />
comme juif avec toutes les conséquences que cela peut<br />
entraîner).L'autre implication est que, même si la conversion<br />
reste valable aux yeux <strong>de</strong> la Halakha, elle peut être dommageable<br />
pour l'individu lui-même comme pour la communauté.<br />
Il faut se rappeler en effet que l'individu non-juif - s'il accomplit<br />
les sept comman<strong>de</strong>ments donnés aux enfants <strong>de</strong> Noé et que<br />
l'on appelle les lois noachi<strong>de</strong>s - a droit au mon<strong>de</strong> futur. En revanche,<br />
s'il <strong>de</strong>vient juif et qu'il ne pratique pas les comman<strong>de</strong>ments,<br />
cela constitue pour lui un échec et le rabbin y a sa part <strong>de</strong> responsabilité.<br />
IJ : Que la précipitation ne soit pas <strong>de</strong> mise en cette matière, on le<br />
comprend aisément mais pourquoi le processus <strong>de</strong> la conversion estil<br />
si long ? Ne pourrait-on pas le réduire ?<br />
M.G : Ce processus est le résultat <strong>de</strong> la procédure elle-même.<br />
LA VIE DE L’ACIP<br />
Le Choulhane Aroukh exige qu'une première enquête soit faite<br />
sur le candidat à la conversion. De plus on doit procé<strong>de</strong>r à trois<br />
tentatives <strong>de</strong> dissuasion. Quand on adapte cela aux<br />
circonstances d'aujourd'hui, on se rend compte qu'on a besoin<br />
<strong>de</strong> temps quand ce ne serait que pour tester la validité et la<br />
sincérité <strong>de</strong> l'engagement. Le facteur temps est à cet égard<br />
important :on a en effet observé qu'au bout d'un certain temps,<br />
<strong>de</strong>s candidats se découragent.<br />
IJ : Quels sont les critères retenus par le judaïsme pour permettre à<br />
un non- juif l'accès à la judéité ?<br />
M.G : Il y a <strong>de</strong>ux niveaux .Le premier est souhaité : le<br />
judaïsme place la barre un peu haut si l'on ose dire puisqu'il<br />
exige un engagement totalement désintéressé. Il faut que<br />
l'initiative <strong>de</strong> la conversion ne soit le résultat d'aucun intérêt<br />
qu'il soit matériel, affectif ou social. Sans quoi la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est<br />
disqualifiée.<br />
L'autre niveau, qui est rédhibitoire, concerne la pratique juive.<br />
Cela fait partie <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> l'acceptation <strong>de</strong> la candidature.<br />
Il faut que le candidat accepte <strong>de</strong> pratiquer les comman<strong>de</strong>ments<br />
du judaïsme.<br />
IJ : Combien <strong>de</strong> candidats à la conversion y a-t-il chaque année au<br />
<strong>Consistoire</strong> et quelle est la proportion que vous acceptez ?<br />
M.G : Le <strong>Consistoire</strong> reçoit environ 2.000 lettres <strong>de</strong><br />
candidature chaque année. A la suite <strong>de</strong> quoi 300 dossiers sont<br />
ouverts par les services spécialisés, sous la prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong><br />
Monsieur le rabbin Meyer Malka, qui accomplit là un travail<br />
considérable et à qui je tiens à rendre un vibrant hommage Le<br />
Beth Din <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> procè<strong>de</strong> à environ 200 conversions par an.<br />
Un niveau spirituel extrême<br />
LE GRAND RABBIN<br />
MICHEL GUGENHEIM<br />
Rappelons que dans le livre qu'il vient d'éditer sous le titre "<br />
Et tu marcheras dans Ses voies " (Association S. et O. Lévy) -<br />
un splendi<strong>de</strong> ouvrage que nous présenterons prochainement<br />
à nos lecteurs - le grand rabbin Michel Gugenheim consacre<br />
un chapitre à ce qu'il appelle " le difficile parcours <strong>de</strong> la conversion<br />
".Il y écrit notamment : " La position <strong>de</strong> principe du Droit<br />
rabbinique est <strong>de</strong> récuser toute candidature inspirée par la<br />
recherche d'un quelconque avantage personnel. D'emblée se<br />
<strong>de</strong>ssine ainsi l'approche juive en la matière : si le judaïsme<br />
jette un regard très positif sur l'acte <strong>de</strong> conversion, ce n'est<br />
qu'à condition qu'il soit l'expression d'un engagement <strong>de</strong> très<br />
haute qualité, d'un niveau spirituel extrême "<br />
INFORMATION JUIVE Novembre 2007 23
COMMUNAUTÉS<br />
UN ENTRETIEN AVEC RICHARD HALIMI*<br />
Etre juif à Sarcelles<br />
La communauté juive <strong>de</strong> Sarcelles est une <strong>de</strong>s plus importantes et sans doute<br />
<strong>de</strong>s plus dynamiques <strong>de</strong> la région parisienne. Comment est-elle organisée et<br />
quels problèmes se posent à ceux qui la dirigent ?<br />
Nous avons rencontré M. Richard Halimi.<br />
IJ : La communauté juive <strong>de</strong> Sarcelles<br />
est une <strong>de</strong>s plus connues et <strong>de</strong>s plus importantes<br />
<strong>de</strong> la région parisienne. Depuis quand<br />
est-elle organisée ?<br />
Richard Halimi : Elle existe <strong>de</strong>puis<br />
1957 avec l'arrivée <strong>de</strong> juifs égyptiens<br />
suite à la crise <strong>de</strong> Suez. Elle a alors commencé<br />
à s'organiser avec la création d'une<br />
synagogue et d'un Talmud torah. Après<br />
l'indépendance <strong>de</strong> l'Algérie en 1962 un<br />
nombre très important <strong>de</strong> juifs est arrivé<br />
à Sarcelles.<br />
La communauté a commencé alors à<br />
se structurer avec la création d'une commission<br />
administrative rattachée au<br />
consistoire <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>.<br />
La construction <strong>de</strong> la synagogue que<br />
l'on connaît aujourd'hui a démarré en<br />
1964 pour être inaugurée en juillet 1965<br />
par le Baron Alain <strong>de</strong> Rothschild.<br />
Le rabbin René Guedj a été nommé au<br />
début <strong>de</strong> l'année 1964 et a œuvré avec les<br />
différentes commissions administratives<br />
pour faire grandir cette communauté en<br />
même temps qu'arrivaient <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong><br />
juifs d'autres pays du Maghreb. Le rabbin<br />
Laurent Berros a ensuite rejoint la<br />
communauté <strong>de</strong> Sarcelles où<br />
il continue l'action du grand<br />
rabbin Guedj en y apportant<br />
toute l'expérience acquise à<br />
Montpellier. Il est <strong>de</strong>venu rabbin<br />
du Val d'Oise en mai <strong>de</strong>rnier.<br />
Aujourd'hui, Sarcelles<br />
abrite la plus gran<strong>de</strong> communauté<br />
juive <strong>de</strong> France en proportion<br />
<strong>de</strong> la population <strong>de</strong> la<br />
ville, soit environ 12000 juifs<br />
pour 60000 habitants.<br />
Dans l'enceinte même <strong>de</strong> la<br />
synagogue sont organisés chaque<br />
Shabbat neuf offices différents.<br />
De plus, il existe dans la ville<br />
une dizaine d'autres offices,<br />
répartis dans les différents<br />
quartiers et qui fonctionnent<br />
tous les jours.<br />
24 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
Plusieurs écoles juives ont vu le jour au<br />
début <strong>de</strong>s années 70. Le réseau <strong>de</strong>s écoles<br />
d'Otzar Hatorah représente la majorité<br />
<strong>de</strong>s enfants fréquentant <strong>de</strong>s écoles<br />
juives. Il existe également <strong>de</strong>s écoles<br />
représentant d'autres courants comme les<br />
institutions Loubavitch.<br />
Dans le quartier autour <strong>de</strong> la synagogue,<br />
on compte <strong>de</strong> nombreux restaurants,<br />
boulangeries, pâtisseries, épiceries cacher<br />
qui permettent à la population juive <strong>de</strong><br />
Sarcelles et <strong>de</strong> ses environs <strong>de</strong> trouver<br />
tous types <strong>de</strong> produits cacher.<br />
D'autres institutions au service <strong>de</strong> la<br />
communauté ont été créées comme <strong>de</strong>s<br />
crèches, <strong>de</strong>s centres d'étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la torah,<br />
<strong>de</strong>s mikvés, centre communautaire.<br />
A l'instar <strong>de</strong> la communauté nationale,<br />
la communauté juive et en particulier<br />
celle <strong>de</strong> Sarcelles compte hélas <strong>de</strong> nombreuses<br />
familles nécessiteuses .Les associations<br />
existantes (Guemilout Hassadim,<br />
ASA, Réseau EZRA ..) apportent dans la<br />
mesure du possible le soutien qui leur est<br />
nécessaire. L'arrivée en septembre 2007<br />
du CASIP COJASOR dans la ville com-<br />
Synagogue <strong>de</strong> Sarcelles<br />
Richard Halimi<br />
plétera, sans doute, ce dispositif.<br />
La principale force <strong>de</strong> la communauté<br />
est sa richesse dans sa diversité, une vie<br />
juive intense aussi bien en semaine que<br />
le Shabbat et les fêtes, la multiplication<br />
<strong>de</strong>s endroits où nos fidèles peuvent se<br />
rencontrer, dialoguer et débattre.<br />
IJ : Quelles sont les réalisations dont vous<br />
êtes fiers et les projets que vous caressez ?<br />
R.H : Beaucoup <strong>de</strong> projets se sont<br />
réalisés an cours <strong>de</strong> cette année (création<br />
d'un centre d'étu<strong>de</strong> dans la synagogue,<br />
mise en conformité <strong>de</strong>s locaux en matière<br />
<strong>de</strong> sécurité, agrandissement <strong>de</strong> la salle<br />
<strong>de</strong>s dames dans le grand office) et<br />
d'autres sont en cours <strong>de</strong> réalisation mais<br />
le grand projet en passe d'aboutir est<br />
l'agrandissement <strong>de</strong> la synagogue. Une<br />
extension attenante à la synagogue<br />
contenant plusieurs salles va être créée.<br />
Cela permettra à la jeunesse <strong>de</strong> se<br />
retrouver et d'avoir <strong>de</strong>s activités dans les<br />
mouvements <strong>de</strong> jeunesse et les<br />
associations pour lesquels ces moyens<br />
seront mis à disposition.<br />
*Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la communauté juive <strong>de</strong><br />
Sarcelles.
UN ENTRETIEN AVEC ZVI AMMAR*<br />
“La gran<strong>de</strong> vitalité <strong>de</strong> la<br />
communauté juive <strong>de</strong> Marseille”<br />
IJ : Qu'est-ce caractérise aujourd'hui la<br />
communauté juive <strong>de</strong> Marseille ?<br />
Zvi Ammar : Le dynamisme important<br />
d'un segment <strong>de</strong> la communauté alors<br />
même que paradoxalement l'assimilation<br />
touche, hélas, une part croissante <strong>de</strong><br />
la population juive <strong>de</strong> la ville. C'est une<br />
communauté particulièrement bien intégrée<br />
dans la ville mosaïque qui fut pendant<br />
<strong>de</strong>s siècles la porte <strong>de</strong> l'Orient. Une<br />
petite communauté ashkénaze ainsi<br />
qu'une communauté <strong>de</strong> juifs levantins<br />
fonctionnent toujours à Marseille; mais<br />
la majeure partie <strong>de</strong> la population juive<br />
est originaire <strong>de</strong>s pays arabes et a fortement<br />
revitalisé la communauté entre 1950<br />
et 1970.<br />
IJ : Comment est-elle organisée ?<br />
Z.A : Le <strong>Consistoire</strong> israélite <strong>de</strong><br />
Marseille régit la vie juive <strong>de</strong>puis près <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux siècles et représente la plus<br />
importante institution <strong>de</strong> la communauté.<br />
Le grand rabbinat <strong>de</strong> Marseille et le Beth-<br />
Din <strong>de</strong> la ville font partie intégrante <strong>de</strong><br />
l'institution consistoriale ; ils encadrent la<br />
vie juive <strong>de</strong> Marseille et <strong>de</strong> sa région. De<br />
nombreuses associations, dans les<br />
domaines les plus divers, structurent la<br />
vie juive marseillaise et sont fédérées au<br />
sein du CRIF Marseille-Provence. Le<br />
F.S.J.U. est également représenté et œuvre<br />
parallèlement dans les domaines sociaux,<br />
culturels et éducatifs. Les associations<br />
sionistes à l'exemple du K.K.L. font<br />
également un travail important en<br />
partenariat avec les représentations<br />
israéliennes.<br />
IJ : Quelle en est l'importance numérique ?<br />
Z.A : Il est bien sûr très difficile<br />
d'apporter un chiffrage précis mais <strong>de</strong>s<br />
sources concordantes évaluent la<br />
population juive <strong>de</strong> la ville aux environs<br />
<strong>de</strong> 70.000 âmes. La vie juive est<br />
géographiquement localisée dans trois<br />
quartiers <strong>de</strong> la cité.<br />
IJ : Quel rôle y joue la religion ?<br />
Z.A : Un rôle essentiel ; la vie juive est<br />
foncièrement traditionaliste. La ville<br />
compte 47 synagogues, 17 écoles juives,<br />
<strong>de</strong>s yéchivots et Beth Midrach, ainsi que<br />
<strong>de</strong> nombreux centres, restaurants et<br />
associations cultuelles et culturelles. Cette<br />
dimension religieuse s'affirme d'année en<br />
année et cela explique la vitalité<br />
incroyable <strong>de</strong> toutes les actions qui<br />
mettent la Torah au centre <strong>de</strong> leurs projets.<br />
Il n'y a jamais eu dans l'<strong>histoire</strong> <strong>de</strong> cette<br />
communauté autant d'enfants scolarisés<br />
dans les écoles juives, autant <strong>de</strong> cours <strong>de</strong><br />
pensée juive dispensés quotidiennement<br />
et <strong>de</strong> structures où les juifs <strong>de</strong> tout âge (<strong>de</strong><br />
la crèche à la maison <strong>de</strong> retraite) peuvent<br />
être accueillis. Il n'est pas rare <strong>de</strong><br />
rencontrer <strong>de</strong>s juifs qui quittent une autre<br />
ville <strong>de</strong> la France pour venir s'installer à<br />
Marseille et pouvoir bénéficier <strong>de</strong> la vie<br />
juive qui irrigue la cité.<br />
IJ : Quelles sont vos réalisations et vos<br />
projets ?<br />
Z.A : Le <strong>Consistoire</strong> œuvre<br />
inlassablement <strong>de</strong>puis 1999 (année <strong>de</strong><br />
l'élection <strong>de</strong> notre équipe) au développement<br />
du judaïsme à Marseille et dans<br />
sa région. Cette politique se concrétise<br />
notamment par un soutien vigoureux aux<br />
associations qui promeuvent l'éducation<br />
juive, formelle ou informelle. Nous avons<br />
aussi fortement resserré les liens qui<br />
unissent la communauté à Israël et nous<br />
avons défendu la population juive contre<br />
toutes les formes d'agression qui ont pu<br />
COMMUNAUTÉS<br />
La communanuté juive <strong>de</strong> Marseille est la <strong>de</strong>uxième plus importante <strong>de</strong><br />
France. La religion y joue un rôle essentiel à travers une vie juive<br />
traditionnaliste, dynamique et tournée vers l'avenir. Le dialogue inter-religieux<br />
occupe une place centrale dans la vie <strong>de</strong> la cité. Rencontre avec le Prési<strong>de</strong>nt du<br />
<strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> Marseille, Zvi Ammar. Zvi Ammar<br />
© José Nicolas / fe<strong>de</strong>photo<br />
Synagogue <strong>de</strong> Yavné à Marseille<br />
survenir. Le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> mémoire n'a jamais<br />
été aussi intense avec pour point d'orgue<br />
l'élévation du Mur <strong>de</strong>s Noms, un<br />
Mémorial pour les milliers <strong>de</strong> juifs <strong>de</strong><br />
Marseille déportés.<br />
Le développement d'un judaïsme<br />
authentique est toujours au cœur <strong>de</strong> nos<br />
objectifs ; il ne peut se réaliser qu'à travers<br />
la multiplication <strong>de</strong>s cadres permettant la<br />
vie juive. Ainsi, le <strong>Consistoire</strong> veut<br />
favoriser la multiplication <strong>de</strong>s commerces<br />
“cacher” pour qu'une véritable concurrence<br />
puisse exister et ainsi rendre la<br />
consommation accessible au plus grand<br />
nombre.<br />
La jeunesse juive est au centre <strong>de</strong> nos<br />
priorités. Nous n'avons pas pu finaliser la<br />
création d'un complexe sportif <strong>de</strong> la<br />
jeunesse malgré l'acquisition d'un terrain<br />
dans le parc <strong>de</strong>s calanques ; mais nous<br />
<strong>de</strong>meurons attachés à concrétiser<br />
prochainement ce projet ambitieux car il<br />
s'inscrit dans la lutte contre l'assimilation<br />
et la multiplication <strong>de</strong>s mariages mixtes.<br />
IJ : Quels types <strong>de</strong> projets entretenez-vous<br />
avec nos amis chrétiens et musulmans dans la<br />
ville ?<br />
Z.A : Je pense pouvoir affirmer que les<br />
relations entre les religions sont<br />
exemplaires et qu'aucune autre ville ne<br />
peut se targuer d'une telle harmonie entre<br />
les différentes communautés qui font<br />
Marseille. L'existence <strong>de</strong> l'association<br />
Marseille- Espérance en constitue la<br />
démonstration flagrante. A titre d'exemple,<br />
je veux signaler que la communauté juive<br />
a rendu un hommage officiel en<br />
organisant, à la fin <strong>de</strong> l'année <strong>de</strong>rnière,<br />
une réception en l'honneur <strong>de</strong> Mgr<br />
Georges Pontier qui venait d'être nommé<br />
archevêque <strong>de</strong> Marseille. Nos liens avec<br />
l'Islam sont d'une égale qualité et le<br />
<strong>Consistoire</strong> a tenu à participer -<br />
symboliquement - au financement <strong>de</strong> la<br />
construction <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Mosquée qui<br />
doit enfin être érigée à Marseille.<br />
*Prési<strong>de</strong>nt du <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> Marseille ;<br />
vice-prési<strong>de</strong>nt du <strong>Consistoire</strong> central.<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 25
BICENTENAIRE<br />
Un notable parisien :<br />
Baruch Weil<br />
( 1780 - 1828 )<br />
Sans doute, le jugement <strong>de</strong> l'avocat Michel Beer<br />
est-il bien sévère lorsqu'il écrit au sujet <strong>de</strong> Baruch<br />
Weil : " …il a assurément toute la morgue d'un<br />
parvenu, sans éducation, mais il est entièrement<br />
irréprochable comme négociant et comme<br />
homme privé, et si sa piété est très peu éclairée,<br />
elle est au moins sincère. " Fut-il vraiment orgueilleux et<br />
ambitieux, lui qui refusa <strong>de</strong> siéger à l'Assemblée <strong>de</strong>s Notables<br />
et au Grand Sanhédrin et qui était l'un <strong>de</strong>s rares à circoncire<br />
gratuitement les nouveaux-nés ?<br />
A étudier <strong>de</strong> près la communauté à cette époque, il semble<br />
que Baruch Weil ait toujours été très dévoué à la cause juive.<br />
C'est peut-être par mo<strong>de</strong>stie qu'il n'a pas souhaité participer aux<br />
gran<strong>de</strong>s réunions napoléoniennes, aux côtés <strong>de</strong>s notables et<br />
<strong>de</strong>s rabbins et qu'il restera toujours un homme discret sur ses<br />
activités que ce soit en tant qu'élu au <strong>Consistoire</strong> israélite <strong>de</strong><br />
<strong>Paris</strong> ou en tant que bienfaiteur.<br />
Originaire d'une famille alsacienne établie à Fontainebleau<br />
vers 1784, Baruch Weil est né à <strong>Paris</strong> en 1780, du moins est-ce<br />
ce qu'il déclare en 1808. Cette information peut sembler<br />
douteuse car faute d'obtenir <strong>de</strong>s renseignements d'état<br />
civil avant les mesures révolutionnaires puis<br />
napoléoniennes, les juifs préféraient alors donner le lieu<br />
où ils résidaient. Il est donc fort possible qu'il soit plutôt<br />
né à Nie<strong>de</strong>rnai en Alsace. Le milieu est très mo<strong>de</strong>ste du<br />
fait que son père est un petit artisan en porcelaine.<br />
D'ailleurs, Baruch Weil, qui n'a pas eu une éducation<br />
poussée, poursuivra l'œuvre paternelle et la fera prospérer<br />
au point <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir un notable parisien. Breveté par Louis<br />
XVIII, il compte parmi sa clientèle la duchesse <strong>de</strong> Berry.<br />
En 1827, la croix <strong>de</strong> Chevalier <strong>de</strong> la Légion d'honneur lui<br />
sera remise par Charles X pour ses activités<br />
professionnelles.<br />
Auparavant, il s'est marié <strong>de</strong>ux fois suite au décès <strong>de</strong><br />
sa première épouse. De ces unions, il aura 8 enfants dont<br />
le pamphlétaire Godchaux Weil (qui signe sous le<br />
pseudonyme Ben Lévi) et l'architecte Moïse (Maurice)<br />
Weil. Nathé, le fils aîné <strong>de</strong> son second mariage sera le<br />
grand-père <strong>de</strong> Marcel Proust. Baruch Weil est ainsi l'arrière<br />
grand-père <strong>de</strong> l'écrivain.<br />
Traditionaliste, Baruch Weil s'intéresse très tôt aux<br />
affaires communautaires et lorsque le <strong>Consistoire</strong> israélite<br />
<strong>de</strong> <strong>Paris</strong> est créé, c'est tout naturellement qu'il est choisi<br />
pour être l'un <strong>de</strong> ses membres . Il a déjà eu l'occasion <strong>de</strong><br />
montrer ses dons d'organisateur en étant l'un <strong>de</strong>s membres<br />
influents <strong>de</strong> la confrérie du cimetière ashkénaze <strong>de</strong><br />
Montrouge. Aussi, dès 1809, <strong>de</strong>vient-il le receveur <strong>de</strong> la<br />
synagogue rue du Cimetière Saint André <strong>de</strong>s Arts pour<br />
réunir les taxes sur le culte. Comme les autres notables,<br />
il souhaite promouvoir l'ascension <strong>de</strong> ses coreligionnaires<br />
par l'éducation. Celle-ci constitue pour lui un moyen<br />
d'échapper au paupérisme et <strong>de</strong> s'intégrer dans la société.<br />
26 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
© ACIP - DSI<br />
PAR PHILIPPE LANDAU<br />
Aussi est-il l'un <strong>de</strong>s principaux bienfaiteurs <strong>de</strong> la première école<br />
primaire israélite <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> en 1819. C'est lui qui propose David<br />
Drach pour en <strong>de</strong>venir le directeur. Ce <strong>de</strong>rnier ne lui est pas<br />
inconnu car il fut le précepteur <strong>de</strong> ses enfants à partir <strong>de</strong> 1813.<br />
De même, il est dévoué à la Société d'Encouragement et <strong>de</strong><br />
Secours fondée en 1809 et dont les tâches sont nombreuses, en<br />
particulier " veiller les mala<strong>de</strong>s pauvres " et " suivre en cas <strong>de</strong><br />
décès le convoi. " Toutefois, il sait se montrer sévère. Dans un<br />
règlement consistorial, il impose que tout israélite pauvre qui<br />
sera ivre ou en train <strong>de</strong> jouer aux cartes dans un estaminet se<br />
verra privé <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s communautaires. Régénération oblige !<br />
Bien évi<strong>de</strong>mment, il est l'un <strong>de</strong>s premiers à souhaiter<br />
l'édification d'une gran<strong>de</strong> synagogue parisienne. Il se démène<br />
pour recueillir les fonds nécessaires à la construction <strong>de</strong> la<br />
synagogue Nazareth dès 1819. Elle sera inaugurée en gran<strong>de</strong>s<br />
pompes le 5 mars 1822. Le grand rabbin Abraham <strong>de</strong> Cologna<br />
rendra aux administrateurs (dont Baruch Weil) un vibrant<br />
hommage dans son discours d'inauguration.<br />
Baruch Weil repose avec nombre <strong>de</strong> ses enfants dans le carré<br />
israélite au cimetière du Père Lachaise.<br />
Ordonnance royale du 29 juin 1819, qui autorise la construction <strong>de</strong> la synagogue<br />
<strong>de</strong> la rue Nazareth
La synagogue<br />
<strong>de</strong> la rue Nazareth<br />
Les <strong>de</strong>ux synagogues <strong>de</strong> la rue Sainte Avoie et <strong>de</strong><br />
la rue <strong>de</strong> Chaume qui subsistent à la fin <strong>de</strong><br />
l'Empire sont <strong>de</strong>venues exiguës suite au nombre<br />
croissant <strong>de</strong>s israélites parisiens soit environ 6 000<br />
âmes. Soucieux <strong>de</strong> donner au culte juif une image<br />
nouvelle au sein <strong>de</strong> la cité, les notables<br />
consistoriaux déci<strong>de</strong>nt alors l'édification d'une nouvelle<br />
synagogue, qui ne serait plus une " schule " selon l'expression<br />
judéo-alleman<strong>de</strong> mais <strong>de</strong>viendrait un temple.<br />
Dès 1817, le projet germe mais l'institution n'a pas les moyens<br />
financiers pour entreprendre pareille entreprise. Néanmoins,<br />
plusieurs bourgeois dont Olry Worms <strong>de</strong> Romilly, Baruch Weil,<br />
Léon Lan, Jacques Javal et bien d'autres, réunissent les fonds<br />
nécessaires pour acquérir un terrain dans le VIe arrondissement<br />
<strong>de</strong> l'époque où se trouve la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> la population<br />
juive. En octobre 1818, ils achètent enfin une parcelle rue Neuve<br />
Saint-Laurent dans un quartier en expansion, non loin <strong>de</strong> la<br />
future place <strong>de</strong> la République. Par ordonnance du 29 juin 1819,<br />
le roi Louis XVIII autorise la construction d'un lieu <strong>de</strong> culte.<br />
Des titres d'action <strong>de</strong> cinq cents francs sont alors nécessaires<br />
pour réunir la somme suffisante à l'édification. John Hatzfeld<br />
est nommé trésorier tandis que Worms <strong>de</strong> Romilly et Baruch<br />
Weil contactent l'architecte Sandrié <strong>de</strong> Jouy. Pour ce <strong>de</strong>rnier,<br />
l'édifice doit rester discret. Il ne prévoit pas une ouverture<br />
solennelle côté rue. Un sobre pavillon et une cour doivent<br />
précé<strong>de</strong>r le lieu <strong>de</strong> culte. Le style sera néo-classique, une seule<br />
décoration ornera l'Arche : " Sache <strong>de</strong>vant qui tu te trouves. "<br />
La disposition reste conforme à la tradition avec au centre la<br />
bima où les fidèles lisent la Torah., La galerie <strong>de</strong>s femmes se<br />
trouve au premier étage avec <strong>de</strong>s tribunes grillagées et étroites.<br />
Unique concession à la mo<strong>de</strong>rnité : une chaire est installée en<br />
face <strong>de</strong> la bima afin que le rabbin puisse affirmer son autorité<br />
sur les fidèles. Une pièce annexe est cependant réservée aux<br />
Israélites dits portugais qui, en 1851, auront leur propre<br />
synagogue rue Lamartine.<br />
En gran<strong>de</strong>s pompes la synagogue est inaugurée le 5 mars<br />
1822. Le grand rabbin Cologna remercie les notables et les<br />
donateurs puis rend grâce à Dieu et au roi : " Dieu <strong>de</strong> clémence<br />
et <strong>de</strong> bonté, répands tes bienfaits sur Louis le juste ! Que la tige<br />
<strong>de</strong>s Bourbons croisse et s'élève ! Accor<strong>de</strong> à tous les enfants <strong>de</strong><br />
notre immortelle patrie d'innombrables années <strong>de</strong> bonheur et<br />
<strong>de</strong> paix ! " Le grand rabbin Michel Seligmann officiera en ce<br />
lieu jusqu'à sa mort ; il sera ensuite remplacé par Marchand<br />
Ennery.<br />
Hélas, bâtie avec peu <strong>de</strong> moyens et à la hâte, la synagogue<br />
présente <strong>de</strong> nombreuses fissures à partir <strong>de</strong> 1842 et menace <strong>de</strong><br />
s'écrouler. Le <strong>Consistoire</strong> israélite <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> envisage dès lors une<br />
reconstruction. Afin <strong>de</strong> répondre aux souhaits <strong>de</strong>s 20 000<br />
israélites parisiens, il est décidé d'édifier une synagogue plus<br />
vaste et plus fastueuse. Le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'époque, le docteur<br />
Moïse Cahen, confie le projet à l'architecte Jean-Alexandre<br />
Thierry. La Ville <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> entend participer aux frais pour moitié.<br />
L'architecte fait disparaître la cour intérieure et certaines<br />
annexes pour obtenir davantage d'espace car près <strong>de</strong> 1 200<br />
BICENTENAIRE<br />
places sont prévues. En référence aux douze tribus qui<br />
symbolisent le peuple d'Israël, il déci<strong>de</strong> d'organiser le plan avec<br />
douze arca<strong>de</strong>s. Thierry justifie ainsi son choix : " Ce nombre 12<br />
exprime une pensée religieuse ; il représente les 12 tribus, <strong>de</strong><br />
même qu'au premier étage, dans la gran<strong>de</strong> tribune <strong>de</strong>s dames,<br />
les 3 arca<strong>de</strong>s figurent les 3 prophètes… " Il s'inspire aussi <strong>de</strong>s<br />
styles byzantin et <strong>de</strong> la Renaissance avec <strong>de</strong>s ornements<br />
mauresques pour embellir la synagogue. Ainsi, lorsqu'elle est<br />
inaugurée le 1er avril 1852 en présence du préfet, la synagogue<br />
<strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> Nazareth est la première à être <strong>de</strong> style romanobyzantin.<br />
Cette vision architecturale <strong>de</strong> l'art synagogal définira<br />
l'ensemble <strong>de</strong>s édifices israélites sous le Second Empire. Le<br />
rappel <strong>de</strong> critères orientaux constituera la principale différence<br />
d'avec les églises. Fromenthal Halévy dirige alors les chœurs<br />
au son <strong>de</strong> l'orgue puis le grand rabbin <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> Lazard Isidor<br />
prend la parole. Il rappelle que l'esprit du judaïsme n'est pas<br />
mort et ne mourra jamais. Pour lui, ce majestueux édifice est le<br />
reflet d'un judaïsme mo<strong>de</strong>rne et authentiquement français car<br />
" …nous formons une nouvelle génération, et nous apportons<br />
à la société une somme <strong>de</strong> travail égale à celle <strong>de</strong> nos frères <strong>de</strong>s<br />
autres cultes… "<br />
Jusqu'à la perte <strong>de</strong> l'Alsace-Lorraine en 1871, la synagogue<br />
réunit principalement <strong>de</strong>s juifs <strong>de</strong> souche parisienne, <strong>de</strong>s<br />
Allemands et <strong>de</strong>s Hollandais. Par la suite, elle est davantage<br />
alsacienne. Les parents <strong>de</strong> Léon Blum la fréquenteront.<br />
Ouverte au public pendant l'Occupation, elle est<br />
victime d'un attentat perpétré par <strong>de</strong>s collaborateurs en octobre<br />
1941 . Le rabbin Joseph Sacks veille à maintenir les offices<br />
malgré les difficultés et les arrestations. Le 6 février 1944, avec<br />
sa femme, il est arrêté, transféré à Drancy puis déporté.<br />
Durant plusieurs années, la communauté <strong>de</strong> la rue Nazareth<br />
panse ses plaies et accueille désormais <strong>de</strong>s fidèles originaires<br />
d'Europe centrale et <strong>de</strong> l'Est. A partir <strong>de</strong>s années soixante, même<br />
si elle est consacrée au rite ashkénaze, son public <strong>de</strong>vient<br />
majoritairement séfara<strong>de</strong>. Elle connaît à nouveau un regain <strong>de</strong><br />
dynamisme. Ph. L<br />
© ACIP - DSI<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 27
JUDÉITÉ<br />
Les choix<br />
d'Abraham Drucker<br />
C'est, sauf erreur, la<br />
première fois que<br />
Michel Drucker révèle<br />
ainsi que ses parents<br />
étaient d'origine juive,<br />
venus en France <strong>de</strong><br />
Czernowitz <strong>de</strong>venue Tchernovtsy. Son<br />
père Abraham, mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> campagne a<br />
élevé ses enfants dans " un milieu <strong>de</strong><br />
pu<strong>de</strong>ur, <strong>de</strong> décence et <strong>de</strong> discrétion ".<br />
Pourquoi déci<strong>de</strong>-t-il un jour, contre l'avis<br />
<strong>de</strong> sa femme, <strong>de</strong> baptiser ses trois enfants<br />
et <strong>de</strong> leur faire faire la communion ( pas<br />
la bar-mitsva) ? L'animateur <strong>de</strong> télévision<br />
ne s'explique guère là-<strong>de</strong>ssus si ce n'est<br />
en écrivant que le père avait " la<br />
culpabilité du juif survivant " et que, pour<br />
lui, " après avoir porté l'étoile jaune, il ne<br />
fallait pas la ramener ".Le fils ajoute que,<br />
pour le père, " étudier était la seule façon<br />
<strong>de</strong> découdre l'étoile jaune ". Michel<br />
Drucker raconte cependant que " pendant<br />
<strong>de</strong>s années, ce baptême a suscité <strong>de</strong>s<br />
engueula<strong>de</strong>s à travers la maison ". " Ma<br />
mère - écrit Michel Drucker - a toujours<br />
soutenu Israël, presque aveuglément, face<br />
© Tracy Martinez / fotolia<br />
28 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
à un mari et à <strong>de</strong>s enfants beaucoup<br />
moins sionistes qu'elle ".<br />
Tout cela n'empêchera pas Abraham<br />
Drucker - processus classique -, sans<br />
doute parce qu'il a tenu à gar<strong>de</strong>r malgré<br />
tout son prénom biblique, <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s<br />
confrères antisémites tout faire pour<br />
empêcher son installation. On apprend<br />
au fil <strong>de</strong>s pages que l'auteur ne s'est rendu<br />
qu'une seule fois en Israël, sur le tournage<br />
<strong>de</strong> Rambo, voir Sylvester Stallone, qu'il<br />
ne va pas à la synagogue, qu'il ne fait pas<br />
kippour mais qu'il a envie " au moins une<br />
fois " <strong>de</strong> revenir sur les lieux <strong>de</strong> ses<br />
racines. Michel Drucker ajoute comme<br />
on ferait une confession : " Peut-être<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>-t-on davantage aux enfants <strong>de</strong>s<br />
familles juives, l'inquiétu<strong>de</strong> y est un<br />
penchant naturel…Chez nous l'argent<br />
était sans valeur. Le summum <strong>de</strong> la<br />
réussite aurait été d'écrire <strong>de</strong>s livres ou<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>venir violoniste - à la maison on<br />
écoutait Isaac Stern, Yehudi Menuhin et<br />
Rostropovitch ". On apprend également<br />
que la mère <strong>de</strong> Michel achetait les<br />
Michel Drucker<br />
cornichons chez Gol<strong>de</strong>nberg et que le<br />
dimanche soir, à la maison, on dégustait<br />
" l'incontournable stru<strong>de</strong>l ".<br />
Lorsqu'il épousera à la va-vite, à Las<br />
Vegas, entre 11 heures et midi, Dany<br />
Saval, Michel note : " Au fond <strong>de</strong> leur<br />
Normandie, mes parents n'auraient pas<br />
à découvrir à la une <strong>de</strong> la presse<br />
populaire la photo <strong>de</strong> leur fils épousant<br />
une actrice divorcée avec un enfant, goy<br />
<strong>de</strong> surcroît ". Bien que baptisé, il arrive<br />
que Michel reçoive <strong>de</strong>s lettres<br />
antisémites, que <strong>de</strong>s croix gammées<br />
soient taguées sur le capot <strong>de</strong> sa voiture<br />
et que <strong>de</strong>s étoiles jaunes tombent <strong>de</strong><br />
certaines enveloppes. Et Drucker<br />
d'observer : " Souvent je me dis que si<br />
Internet et les portables avaient existé<br />
sous l'Occupation, la Gestapo aurait<br />
gagné beaucoup <strong>de</strong> temps. Le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong><br />
mémoire dans notre pays reste aussi un<br />
<strong>de</strong>voir <strong>de</strong> vigilance " (Mais qu'est-ce qu'on<br />
va faire <strong>de</strong> toi ? par Michel Drucker.<br />
Editions Robert Laffont 21 E)<br />
J.S
Juifs et Noirs<br />
Il y avait ceux qui considèrent (et<br />
parfois nous l'écrivent) que les juifs sont<br />
plus intelligents que les autres ( un grand<br />
rabbin en Israël a fait une retentissante et<br />
affligeante déclaration dans ce sens il y a<br />
quelques jours ) et ceux qui, comme James<br />
Watson, prix Nobel <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine en 1962<br />
et co-découvreur <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> l'ADN<br />
qui déclarent froi<strong>de</strong>ment que les Africains<br />
seraient moins intelligents que les Occi-<br />
Les “versets” du Talmud<br />
<strong>de</strong>ntaux. M. James Watson a indiqué que<br />
" ceux qui ont à traiter avec <strong>de</strong>s employés<br />
noirs savent qu'il n'est pas vrai que tout le<br />
mon<strong>de</strong> soit égal ". Et nous, nous disons que<br />
les <strong>de</strong>ux démarches procè<strong>de</strong>nt d'un i<strong>de</strong>ntique<br />
racisme. Comme si seuls les uns - et<br />
pas les autres- étaient " créés à l'image <strong>de</strong><br />
Dieu "….<br />
Question : les juifs originaires d'Afrique<br />
( Ethiopiens par exemple) sont-ils, en tant<br />
que juifs, plus intelligents que les autres<br />
ou, en tant que noirs, moins intelligents ?<br />
On peut vouloir écrire un livre sur le Christ sans forcément savoir ce qu'est le Talmud<br />
- cela a été le cas pendant <strong>de</strong>s siècles ; on peut être le directeur d'une publication<br />
comme Le Mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s religions et ne jamais avoir eu sous les yeux un <strong>de</strong>s traités du Talmud<br />
: il n'y a pas <strong>de</strong> mal à ça. Mais pourquoi, au lieu <strong>de</strong> parler <strong>de</strong>s versets du Talmud<br />
ainsi que le fait Frédéric Lenoir dans son livre Le Christ philosophe ( Editions Plon, page<br />
33) ne pas se donner la peine <strong>de</strong> se renseigner auprès <strong>de</strong> tel <strong>de</strong> ses collaborateurs ou<br />
bien en consultant telle ou telle anthologie ?<br />
Non, M.Lenoir, il n'y a pas <strong>de</strong> versets ( ni sataniques ni autres ) dans le Talmud. Parler<br />
du verset 43a ou du verset 170b ainsi que vous le faites est simplement grotesque.<br />
Vous avez dit grotesque ? Si vous aviez pris connaissance <strong>de</strong> l'œuvre <strong>de</strong> l'humoriste Cholem<br />
Aleikhem, vous y auriez observé qu'il dit ne s'adresser ainsi (en évoquant les versets<br />
du Talmud) qu'aux ignorants, à ceux que le judaïsme appelle " ammé haaretz ".<br />
Les langues juives<br />
Juives originaires d’Ethiopie<br />
Pour marquer le départ à la retraite <strong>de</strong> Moshé Bar Asher, professeur à l'Université<br />
hébraïque <strong>de</strong> Jérusalem et prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'Académie hébraïque, un colloque scientifique<br />
consacré à l'hébreu et aux " langues juives " et réunissant un grand nombre <strong>de</strong> personnalités<br />
du mon<strong>de</strong> culturel israélien a eu lieu à Jérusalem. Parmi les thèmes abordés<br />
au cours <strong>de</strong> ce colloque citons " l'hébreu <strong>de</strong>la Bible ", "la langue <strong>de</strong>s maîtres du Talmud",<br />
"l'araméen dans le Talmud ", " l'hébreu au Moyen Age " et " les langues juives ".<br />
REPÈRES<br />
Sauvés !<br />
Mais à quel prix ?<br />
Le Prix <strong>de</strong> la Paix a été attribué, à<br />
l'historien israélien Saül Friedlan<strong>de</strong>r , le<br />
14octobre <strong>de</strong>rnier, à la Foire <strong>de</strong> Francfort.<br />
Ce prestigieux prix est traditionnellement<br />
décerné par les libraires allemands. Il est<br />
doté <strong>de</strong> 25.000 euros.<br />
Friedlan<strong>de</strong>r est né en 1932 à Prague <strong>de</strong><br />
parents juifs germanophones qui furent<br />
exterminés au camp <strong>de</strong> concentration<br />
d'Auschwitz. Il s'était installé en 1948 en<br />
Israël. Son livre le plus connu est consacré<br />
à L'Allemagne nazie et les juifs ( Editions<br />
du Seuil )<br />
Moshé Morrovitch<br />
Bernard Morrot, le journaliste qui<br />
vient <strong>de</strong> nous quitter, avait été directeur <strong>de</strong><br />
la rédaction ou rédacteur en chef <strong>de</strong> divers<br />
quotidiens ou hebdomadaires à <strong>Paris</strong>.<br />
A France Soir notamment, il avait pris l'initiative<br />
d'une vigoureuse campagne <strong>de</strong><br />
presse contre le Front national et son chef.<br />
Dans le livre qu'il a publié en 2000 " France<br />
ta presse fout le camp " ( Editions <strong>de</strong> l'Archipel),<br />
il raconte que sa chevauchée<br />
contre le FN provoqua dans le journal un<br />
afflux <strong>de</strong> lettres <strong>de</strong> protestations. Le directeur<br />
du quotidien M.Chaisemartin lui en<br />
remit un jour une dans laquelle le correspondant<br />
" échafaudait l'hypothèse suivant<br />
laquelle je n'étais peut-être pas un chrétien<br />
pur jus, mais un juif ayant francisé son<br />
nom afin <strong>de</strong> mieux tromper les vrais produits<br />
du terroir ". Bernard Morrot ajoute :<br />
" C'était, je m'en souviens, un colonel du<br />
cadre <strong>de</strong> réserve que j'appelai aussitôt pour<br />
lui confirmer qu'il avait vu juste puisque<br />
j'étais connu dans toutes les synagogues<br />
<strong>de</strong> l'Hexagone sous ma véritable i<strong>de</strong>ntité<br />
<strong>de</strong> Moshe Morrovitch (j'épelai). Il parut<br />
rassuré. Je terminai en lui lançant : Mazel<br />
Tov "<br />
La rue<br />
Yehouda Halévy<br />
De nombreux poètes israéliens dont<br />
notre ami HaïmGouri ont organisé à Jérusalem<br />
une manifestation à la mémoire du<br />
poète Yehouda Halévy dans le but <strong>de</strong> réclamer<br />
<strong>de</strong> la municipalité <strong>de</strong> la ville qu'elle<br />
restitue à une <strong>de</strong>s rues du quartier Rehavia<br />
le nom du poète du Moyen Age. En<br />
effet, Menahem Ussishkin avait, en 1930,<br />
décidé <strong>de</strong> transformer la dénomination <strong>de</strong><br />
cette rue et <strong>de</strong> lui donner son propre nom.<br />
Des poèmes <strong>de</strong> Yehouda Halévy ont été<br />
lus à cette occasion . En signe <strong>de</strong> protestation,<br />
ils ont également été collés sur les<br />
bâtiments <strong>de</strong> la rue.<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 29
DIASPORA<br />
Des synagogues<br />
au pays <strong>de</strong> la salsa<br />
DCuba, la plus gran<strong>de</strong> île <strong>de</strong>s Caraïbes - 110.861<br />
km2 (1/5 <strong>de</strong> la France) pour 12 millions<br />
d'habitants - offre aux visiteurs une belle<br />
architecture coloniale espagnole notamment à<br />
Trinidad, dans le Vieux Havane, et à Santiago,<br />
<strong>de</strong>s paysages époustouflants - Vallée <strong>de</strong>s<br />
Mogotes près <strong>de</strong> Vinalès, Parc Humboldt près <strong>de</strong> Baracoa -, <strong>de</strong>s<br />
plages et <strong>de</strong>s petits orchestres oeuvrant jour et nuit, le jour pour<br />
accompagner les touristes, la nuit pour le plaisir <strong>de</strong>s autochtones.<br />
Lorsque Christophe Colomb y débarque en 1492, il croit<br />
toucher les terres du Grand Khan qui peuplent ses rêves. La<br />
domination espagnole perdurera, jusqu'en 1898, quatre siècles<br />
d'oppression pour les indigènes et les esclaves importés<br />
d'Afrique. La pério<strong>de</strong> qui suit l'indépendance <strong>de</strong> 1898 n'est pas<br />
moins mouvementée entre les interventions américaines (1906<br />
à 1917) et les dictateurs cubains qui se succè<strong>de</strong>nt. En 1952,<br />
Fi<strong>de</strong>l Castro, jeune avocat <strong>de</strong> 26 ans issu d'une excellente famille<br />
(fortunée) domiciliée à Biran commence à tenir <strong>de</strong>s discours<br />
révolutionnaires. L'année suivante, le 26 juillet 1953, il lance<br />
l'attaque contre la caserne Moncada à Santiago <strong>de</strong> Cuba qui se<br />
sol<strong>de</strong> par un échec. Emprisonné, libéré en mai 55, il part au<br />
Mexique où il rencontre Ernesto Che Guevara et programme<br />
son retour à bord du Granma. Nouvel échec et fuite dans la<br />
sierra Maestra d'où sa guérilla s'organise et finit par triompher.<br />
Batista fuit à Saint-Domingue. Fi<strong>de</strong>l entre à La Havane en<br />
janvier 1959 et rapi<strong>de</strong>ment s'adjuge tous les pouvoirs :<br />
nationalisations, cartes <strong>de</strong> rationnements pour tous les cubains<br />
(toujours en vigueur) et double monnaie, le pesos national et<br />
le pesos convertible pour les<br />
touristes, mais aussi gratuité<br />
<strong>de</strong> l'éducation et <strong>de</strong>s soins<br />
médicaux <strong>de</strong> base. Mais aussi<br />
embargo américain et fuite<br />
<strong>de</strong>s cubains qui le peuvent.<br />
Le premier juif à poser le<br />
pied sur l'île se nommait Luis<br />
<strong>de</strong> Torres, sans doute né Yosef<br />
Ben Halévy Haïvri. Il se<br />
convertit à la foi chrétienne<br />
peu avant le départ et<br />
accompagne Christophe<br />
Colomb en qualité<br />
qu'interprète car il parlait<br />
couramment hébreu, arabe et<br />
araméen. Lors du retour <strong>de</strong><br />
Colomb le 4 janvier 1493,<br />
Luis <strong>de</strong> Torres doit rester avec<br />
38 compagnons à La Navidad<br />
fondée sur l'île d'Hispaniola<br />
(aujourd'hui Saint-<br />
Domingue). Fin 1493 lors <strong>de</strong><br />
la secon<strong>de</strong> expédition <strong>de</strong><br />
32 INFORMATION JUIVE Juin 2007<br />
PAR ODETTE LANG<br />
Colomb les marins apprendront l'anéantissement <strong>de</strong> la petite<br />
garnison.<br />
Des juifs et <strong>de</strong>s marranes débarquent avec les colons<br />
espagnols. Leur répit sera <strong>de</strong> courte durée, les jalousies et les<br />
dénonciations se multiplient avec l'installation <strong>de</strong> la Sainte<br />
Inquisition sur l'île. En 1613 l'Inquisition confisque la fortune<br />
estimée à 149.000 pesos du richissime Francisco Gomez <strong>de</strong> Leon<br />
<strong>de</strong> La Havane : on l'accuse <strong>de</strong> judaïser en secret et on le livre<br />
aux mains du bourreau. En 1627 ce sera le tour <strong>de</strong> Luis<br />
Rodrigues et d'Antonio Men<strong>de</strong>z. Insatiable, l'Inquisition extorque<br />
150.000 pesos à Blas <strong>de</strong> Paz Pinto, Juan Rodrigues Mésa et<br />
Francisco <strong>de</strong> Solis. En 1642 on déterre les ossements <strong>de</strong> l'oncle<br />
du marrane Miguel Nunez <strong>de</strong> Guerta pour son exécution en<br />
effigie. Les martyres se succè<strong>de</strong>nt : celui <strong>de</strong> Vincente Gomez<br />
Coello en 1689, <strong>de</strong> Jacob Nunez Lopez en 1712, <strong>de</strong> Fray Joseph<br />
Diez Pimienta malgré son retour au christianisme en 1717, <strong>de</strong><br />
Juan Rodriguez Mexia et d'Antonio Santaella en 1783.<br />
L'Inquisition est enfin abolie au début du 19ème siècle et les<br />
juifs tolérés <strong>de</strong>puis 1881. Après l'indépendance, <strong>de</strong>s<br />
coreligionnaires <strong>de</strong> la Jamaïque, <strong>de</strong> Flori<strong>de</strong> ainsi que <strong>de</strong>s<br />
vétérans <strong>de</strong> la guerre espagnole/américaine débarquent. En<br />
1904 est fondée une Congrégation. Dix ans plus tard <strong>de</strong>s juifs<br />
séphara<strong>de</strong>s turcs édifient la première synagogue cubaine -<br />
Chevet Akhim - dans le Vieux Havane (aujourd'hui désaffectée).<br />
A partir <strong>de</strong> 1925/26 <strong>de</strong>s juifs d'Europe <strong>de</strong> l'Est transitent par<br />
Cuba dans l'espoir d'un visa d'entrée pour les Etats-Unis. Mais<br />
Faça<strong>de</strong> d'entrée <strong>de</strong> la synagogue Beth Shalom El Patronato
dès 1930 le gouvernement applique strictement sur son territoire<br />
les restrictions d'immigration. La tragique odyssée du bateau<br />
allemand le St-Louis parti <strong>de</strong> Hambourg le 13 Mai 1939 avec,<br />
à son bord, 937 réfugiés et quelques espions nazis, interdit <strong>de</strong><br />
débarquement et obligé <strong>de</strong> rentrer en Europe, en est un poignant<br />
témoignage.<br />
En 1959, on compte environ 15.000 juifs. La plupart, suite à<br />
la politique économique mise en place, quittent le pays pour<br />
les Etats-Unis, Israël, le Mexique entre autres. Aujourd'hui il<br />
en reste environ 1.200, 80% à la Havane, 15% à Santiago et<br />
quelques familles dispersées dans d'autres villes.<br />
La Havane<br />
Trois millions d'habitants - 950 juifs - trois synagogues ouvertes<br />
au culte, <strong>de</strong>ux au Vedado la ville mo<strong>de</strong>rne, une dans la vieille<br />
ville. Le but <strong>de</strong> notre voyage, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l'attrait touristique,<br />
est <strong>de</strong> mener à son terme une action <strong>de</strong> bienfaisance en faveur<br />
<strong>de</strong>s juifs locaux, car il y a pénurie <strong>de</strong> tout. Edifiée au cœur <strong>de</strong><br />
l'ancien quartier juif du Vieux Havane, la synagogue orthodoxe<br />
Adath Israël - Picota 52 Esq. Acosta, Habana Vieja - compte<br />
plus <strong>de</strong> 400 adhérents. Nous y sommes accueillis par Yacob<br />
Berezniak à la fois responsable administratif, hazan et shohet.<br />
Notre visite débute dans un vaste oratoire sur le mur duquel<br />
Yacob nous projette une vidéo retraçant la vie <strong>de</strong> la communauté.<br />
A côté, dans la salle communautaire, <strong>de</strong>s femmes sont occupées<br />
à <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> couture. Au premier étage, nous pénétrons<br />
dans une superbe synagogue pouvant contenir jusqu'à 800<br />
personnes, utilisée pour les fêtes et les cérémonies<br />
exceptionnelles. Au-<strong>de</strong>ssus encore, les classes du Talmud-Torah.<br />
Dans l'immeuble, beaucoup <strong>de</strong> tableaux religieux et quelques<br />
meubles offerts par <strong>de</strong>s visiteurs <strong>de</strong> passage, surtout <strong>de</strong>s<br />
Français. Non, il n'y a pas d'antisémitisme sur l'île, nous confirme<br />
Yacob. Il n'y a pas non plus <strong>de</strong> relations diplomatiques avec<br />
Israël, mais l'alyah est possible par le biais <strong>de</strong> l'ambassa<strong>de</strong> du<br />
Canada.<br />
Dans la Havane mo<strong>de</strong>rne, la gran<strong>de</strong> synagogue Beth Shalom<br />
El Patronato - la Casa <strong>de</strong> la Communidad Hebrea <strong>de</strong> Cuba -<br />
Calle i Esq. 13 - Vedado - aujourd'hui Conservative (environ<br />
400 adhérents également) est visible <strong>de</strong> loin par son arche et<br />
sa splendi<strong>de</strong> faça<strong>de</strong> illustrée <strong>de</strong>s animaux <strong>de</strong>s 12 tribus d'Israël.<br />
Ce vaste ensemble comprend une synagogue <strong>de</strong> belles<br />
proportions, un centre communautaire/salle à manger et sa<br />
cuisine, les locaux <strong>de</strong> l'Ecole ORT au premier étage, les classes<br />
du Talmud-Torah fréquentées par 70 élèves ainsi qu'un<br />
dispensaire dirigé par un mé<strong>de</strong>cin, qui distribue gratuitement<br />
médicaments et soins aux juifs et non-juifs (nous y laisserons<br />
les médicaments <strong>de</strong> nos participants avant notre retour en<br />
France). Sa prési<strong>de</strong>nte actuelle, A<strong>de</strong>la Dworin, nous reçoit dans<br />
la bibliothèque qui lui sert <strong>de</strong> bureau. C'est une femme<br />
dynamique et cultivée dont les parents sont arrivés <strong>de</strong> Pologne<br />
en 1924. Son père qui fut colporteur a réussi à fon<strong>de</strong>r sa propre<br />
entreprise. A<strong>de</strong>la est née à Cuba ; son mari a quitté le pays pour<br />
les Etats-Unis, alors qu'elle a choisi <strong>de</strong> rester. Elle déroule pour<br />
nous l'historique <strong>de</strong>s juifs cubains, s'arrêtant longuement sur "<br />
l'ère Fi<strong>de</strong>l Castro ". Il fut accueilli avec espoir lors <strong>de</strong> sa prise<br />
<strong>de</strong> pouvoir, mais la population a rapi<strong>de</strong>ment déchanté avec la<br />
fermeture <strong>de</strong>s écoles privées et les nationalisations. Les juifs<br />
qui le pouvaient sont partis. Les années 1960-80 ont été les plus<br />
difficiles pour la communauté juive, avec le départ, entre autres,<br />
du rabbin, guère remplacé, et du mohel. A partir <strong>de</strong> 1990, la<br />
politique change et aujourd'hui on observe un peu plus <strong>de</strong><br />
liberté. Il y a quelques années, Fi<strong>de</strong>l Castro, sur l'invitation<br />
d'A<strong>de</strong>la lors d'une rencontre inter-confessionnelle, est venu<br />
DIASPORA<br />
Yacob Berezniak dans la synagogue Adath Israël<br />
assister à un office <strong>de</strong> Hanouka et y prononça un discours <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux heures. Les photos qui ornent fièrement le hall d'entrée<br />
<strong>de</strong> l'immeuble ont immortalisé l'événement.<br />
La petite synagogue séphara<strong>de</strong> Centro Sefardi - Calle 17 Esq.e<br />
- Vedado et son centre communautaire sont situés à quelques<br />
rues du Beth Shalom El Patronato. Jose Levy Tur prési<strong>de</strong> à la<br />
<strong>de</strong>stinée <strong>de</strong> ses fidèles avec beaucoup <strong>de</strong> dévouement et <strong>de</strong><br />
chaleur.<br />
A Santiago <strong>de</strong> Cuba, la communauté juive est petite, environ<br />
180 âmes, mais extrêmement soudée. Ses débuts remontent à<br />
1924 lors <strong>de</strong> la venue <strong>de</strong> juifs turcs. La synagogue actuelle -<br />
Communidad Hebrea Hatikva - Corona 273 e/Habana y Los<br />
Maceo a été édifiée en 1949. Sa prési<strong>de</strong>nte, Eugenia Farin, est<br />
une femme d'une rare efficacité. Nous passerons à Santiago<br />
notre Chabath le plus émouvant, le plus convivial. Durant l'office,<br />
ashkénazes et séphara<strong>de</strong>s prient <strong>de</strong> concert, avec la même<br />
ferveur. Le repas du vendredi soir pris en commun nous permet<br />
une meilleure connaissance <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la communauté.<br />
A notre <strong>de</strong>man<strong>de</strong> Eugenia évoque elle aussi les difficiles années<br />
Castro, l'expropriation <strong>de</strong> la synagogue en 1979, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,<br />
acceptée, <strong>de</strong> sa reconstruction en 1995 avec la miraculeuse<br />
retrouvaille <strong>de</strong> l'Aron Hako<strong>de</strong>ch dans les décombres <strong>de</strong> l'édifice.<br />
Comment subsistent les synagogues et les communautés <strong>de</strong> La<br />
Havane et <strong>de</strong> Santiago ? Financièrement grâce à la générosité<br />
<strong>de</strong>s cubains expatriés, <strong>de</strong>s visiteurs et surtout par les dons<br />
émanant <strong>de</strong>s organisations juives notamment américaines.<br />
Humainement grâce au dévouement sans limite <strong>de</strong> leurs<br />
responsables communautaires qui se battent pour que, contre<br />
vents et marées, le judaïsme puisse survivre à Cuba.<br />
INFORMATION JUIVE Juin 2007 33
PENSÉE JUIVE<br />
UN ENTRETIEN AVEC BETTY ROJTMAN *<br />
Quand l'âme <strong>de</strong> Moïse<br />
touche à sa plénitu<strong>de</strong><br />
Notre amie Betty Rojtman est professeur d'université en Israël.<br />
Elle vient <strong>de</strong> publier un livre consacré à Moïse, prophète <strong>de</strong>s nostalgies<br />
(Editions Gallimard, 18 E 50 ), un livre qui est écrit sous forme<br />
d'un long poème en prose.<br />
Dans l'entretien qu'elle nous a accordé lors <strong>de</strong> son passage à <strong>Paris</strong>, Mme<br />
Rojtman s'explique sur le regard qu'elle jette sur " le plus grand prophète<br />
d'Israël”. Betty Rojtman<br />
IJ : Pourquoi avoir choisi, pour évoquer<br />
la personnalité <strong>de</strong> Moïse, le poème<br />
plutôt que le récit traditionnel ?<br />
Betty Rojtman : La forme poétique<br />
prise par ce texte n'était pas mon<br />
option <strong>de</strong> départ. J'avais plutôt songé<br />
d'abord à mener une réflexion théorique<br />
sur la place du mon<strong>de</strong> " d'en bas<br />
" dans la tradition juive. Ce n'est que<br />
peu à peu, dans le travail <strong>de</strong> l'écriture,<br />
que le choix d'une expression poétique<br />
s'est imposé à moi. Il m'est vite<br />
apparu que le personnage <strong>de</strong> Moïse,<br />
figure hautement symbolique, et qui<br />
hante l'imaginaire <strong>de</strong>s peuples, méritait<br />
mieux qu'une démonstration<br />
didactique, tout encombrée <strong>de</strong> savoir.<br />
La langue poétique, par ses raccourcis<br />
et ses métaphores, permettait au<br />
contraire d'aller plus loin vers l'indicible,<br />
d'emporter la lecture vers <strong>de</strong>s<br />
régions intuitives, inexplorées, que la<br />
pure spéculation ne pouvait atteindre.<br />
IJ : Que signifie la formule " prophète<br />
<strong>de</strong>s nostalgies " qui est le sous-titre que<br />
vous donnez à votre livre ?<br />
B.R : Moïse, dans la tradition<br />
d'Israël, fut le plus grand <strong>de</strong> nos<br />
prophètes. Pourtant, cette proximité<br />
au divin ne fait que creuser plus avant<br />
34 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
sa faim <strong>de</strong> Révélation. Prisonnier du<br />
réel, il ne peut vivre et " voir ", et<br />
s'épuise dans ce désir non comblé. A<br />
la fin <strong>de</strong> sa longue aventure,<br />
cependant, Moïse se découvre une<br />
nostalgie symétrique : celle <strong>de</strong> la<br />
Terre, où il n'entrera pas, et qu'il<br />
aperçoit seulement, <strong>de</strong> loin, du haut<br />
du mont Nébo. Lui, qui n'avait jamais<br />
rêvé que le ciel, reconnaît au moment<br />
<strong>de</strong> mourir la force spirituelle du<br />
terrestre, sa valeur <strong>de</strong> vérité, sa beauté<br />
aussi. C'est dans cette tension entre<br />
Moïse, dans la tradition d'Israël, fut le plus grand<br />
<strong>de</strong> nos prophètes. Pourtant, cette proximité au divin<br />
ne fait que creuser plus avant sa faim <strong>de</strong><br />
Révélation.<br />
<strong>de</strong>ux frontières inaccessibles que j'ai<br />
voulu saisir mon personnage et son<br />
cheminement.<br />
IJ : Votre prologue s'ouvre sur l'image<br />
du berceau <strong>de</strong> Moïse, poussé " au long<br />
d'un Nil initiatique ". En quoi cette scène<br />
est-elle pour vous fondatrice ?<br />
B.R : C'est par l'eau, un peu à la<br />
manière freudienne, que l'enfant<br />
Moïse goûte d'abord à l'infini.<br />
J'imagine cette lente dérive dans la<br />
solitu<strong>de</strong>, loin <strong>de</strong> tout port, coupé <strong>de</strong><br />
toute attache, vers l'inconnu. Moïse<br />
flotte entre <strong>de</strong>ux rives, sans appartenir<br />
vraiment. Il est l'homme <strong>de</strong> l'exil, d'un<br />
exil métaphysique et essentiel, qui<br />
traduit notre condition humaine, notre<br />
propre condition <strong>de</strong> voyageurs. Moïse<br />
vit ces mêmes déchirements, mais <strong>de</strong><br />
façon plus intense : aspirant au retour,<br />
bercé d'un perpétuel flottement, et<br />
poussé comme malgré lui vers le réel<br />
et vers les hommes.<br />
IJ : Mais au début, cela semble se<br />
passer plutôt bien, puisqu'il est adopté par<br />
la fille du Pharaon, et donc appelé au trône<br />
<strong>de</strong> l'Egypte ?<br />
B.R : Au palais du Pharaon, il<br />
apprendra le métier <strong>de</strong> roi, tout ce qui<br />
est nécessaire à sa carrière <strong>de</strong> chef<br />
militaire et civil. En même temps,<br />
quelque chose lui manque, une<br />
dimension <strong>de</strong> transcendance, un<br />
souvenir d'eau qui ne le quittera<br />
jamais. L'Egypte du temps, gorgée <strong>de</strong><br />
sarcophages et <strong>de</strong> pyrami<strong>de</strong>s, ne lui<br />
offre à cet égard qu'une échappée vers<br />
la mort, un peu à la façon <strong>de</strong> notre<br />
civilisation contemporaine, fascinée<br />
par le néant.<br />
Au moment où il tue l'Egyptien,<br />
pour sauver l'un <strong>de</strong> ses frères<br />
Hébreux, Moïse croit avoir trouvé une<br />
première réponse, celle <strong>de</strong> la solidarité<br />
<strong>de</strong>s opprimés contre le pouvoir. Mais<br />
le len<strong>de</strong>main, c'est la catastrophe :<br />
menacé d'être dénoncé, il doit s'enfuir,<br />
déçu du peuple hébreu, et comme<br />
spolié <strong>de</strong> tout idéal.<br />
IJ : Que représente pour lui Jéthro, le<br />
grand-prêtre <strong>de</strong> Midian, dont Moïse épousera<br />
la fille ?<br />
B.R : Midian, c'est l'option éthique,<br />
la relation <strong>de</strong> générosité par rapport à<br />
autrui. Jéthro nous est présenté par le
Midrach comme un sage, revenu <strong>de</strong><br />
toutes les idolâtries. " Pourquoi avoir<br />
laissé partir l'étranger ? ", dit-il à ses<br />
filles, " rappelez-le, qu'il partage notre<br />
pain ". Moïse reconnaît dans cette<br />
bonté quelque chose <strong>de</strong> sa propr e<br />
exigence, et il choisit <strong>de</strong> rester là, près<br />
<strong>de</strong> ce philosophe athée qui lui offre sa<br />
fille. Mais le prix à payer est terrible<br />
: un ciel irrémédiablement clos, où<br />
aucune Présence ne rési<strong>de</strong>. Moïse erre<br />
longuement dans cette atmosphère<br />
hospitalière mais stérile.<br />
IJ : Comment interprétez-vous l'épiso<strong>de</strong><br />
du Buisson ar<strong>de</strong>nt ?<br />
B.R : Le Buisson, qui brûle sans se<br />
consumer, constitue pour Moïse un<br />
premier indice. Par cet " étrange<br />
phénomène " qui le fait sortir <strong>de</strong> son<br />
propre chemin, Moïse comprend pour<br />
la première fois que la réalité<br />
matérielle peut recevoir le feu, qu'elle<br />
peut s'enflammer, sans pour autant en<br />
être détruite. Pour la première fois,<br />
matière et esprit entrent en relation,<br />
sans s'opposer ni s'exclure <strong>de</strong> manière<br />
irréductible.<br />
IJ : Et la Révélation au Sinaï ?<br />
B.R : Avec le Sinaï, bien sûr, nous<br />
atteignons un sommet. Il semblerait<br />
que l'âme <strong>de</strong> Moïse coïnci<strong>de</strong> enfin<br />
avec elle-même, touche enfin à sa<br />
plénitu<strong>de</strong>. Quarante jours et quarante<br />
nuits, il reste sur les hauteurs, sans<br />
manger ni boire, ivre <strong>de</strong> ce vertige. Au<br />
point que Dieu doit lui répéter son<br />
injonction : " Lekh, red ", va, <strong>de</strong>scends,<br />
comme si Moïse n'entendait pas,<br />
comme s'il se faisait tirer l'oreille, pour<br />
rester encore. Et il s'attar<strong>de</strong>,<br />
effectivement, d'un retard qui oublie<br />
la terre, et qui mène à la catastrophe.<br />
Puisque loin, au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> lui, la<br />
foule inquiète s'apprête à fabriquer le<br />
veau d'or.<br />
IJ : C'est alors que Moïse brise les<br />
Tables ?<br />
B.R : Oui, <strong>de</strong> sa propre initiative,<br />
incapable encore <strong>de</strong> conjuguer la Loi<br />
et la faute dans un même ordre <strong>de</strong><br />
réalité. Sa première réaction, c'est <strong>de</strong><br />
séparer. Mais il y a une suite à au bris<br />
<strong>de</strong>s Tables. C'est l'ordre, intimé par<br />
Dieu, <strong>de</strong> façonner <strong>de</strong> nouvelles Tables,<br />
taillées cette fois <strong>de</strong> main d'homme.<br />
On retrouve ici la gran<strong>de</strong> leçon du<br />
Buisson ar<strong>de</strong>nt : les secon<strong>de</strong>s Tables<br />
sont hybri<strong>de</strong>s elles aussi, alliant<br />
paradoxalement la matière première,<br />
tirée du sol, et la Lettre gravée par le<br />
doigt <strong>de</strong> Dieu. C'est lorsqu'il porte ces<br />
Tables imparfaites, justement, moins<br />
Nous portons en lui,<br />
enfants d'Israël, chacun<br />
d'entre nous,<br />
une étincelle qui<br />
lui ressemble.<br />
éthérées que les premières, que le<br />
visage <strong>de</strong> Moïse rayonne. Comme si<br />
leur pouvoir d'irradiation était<br />
supérieur à celui <strong>de</strong>s Tables<br />
originelles, par leur mélange même.<br />
IJ : Vous n'abor<strong>de</strong>z guère dans votre livre<br />
le problème qui a divisé <strong>de</strong>puis toujours<br />
les commentateurs : la question <strong>de</strong> savoir<br />
pourquoi Moïse n'a pas été autorisé à<br />
entrer en Terre Sainte.<br />
B.R : Quelque chose en lui<br />
appartient au désert, à la nudité sans<br />
bornes du Sinaï. Sa " faute ", qui reste<br />
énigmatique dans tout le texte, semble<br />
avoir surtout valeur <strong>de</strong> signe : Léon<br />
Askénazi expliquait que Moïse ne<br />
PENSÉE JUIVE<br />
pouvait entrer en Israël, et que la<br />
faute, en conséquence, <strong>de</strong>vait lui être<br />
comptée. La Terre dont rêve Moïse<br />
n'est pas encore, elle est la Terre en<br />
<strong>de</strong>venir, celle " qui vient ".<br />
En diptyque, le Midrach nous<br />
présente le poignant regret né au<br />
cœur <strong>de</strong> Moïse, comme une aube<br />
nouvelle : son soudain désir <strong>de</strong><br />
passer <strong>de</strong> Jourdain, en simple<br />
fantassin, sans mission ni rêve,<br />
d'entrer seulement, comme les<br />
autres. Désir <strong>de</strong> la Terre qui se<br />
réveille en lui, dans son présent<br />
inachevé : comme s'il comprenait,<br />
enfin, par l'interdit même et la<br />
souffrance, le pouvoir spirituel <strong>de</strong> la<br />
matière, et la vocation salvatrice du<br />
vivant.<br />
IJ : A la fin <strong>de</strong> cette symphonie<br />
poétique, vous vous adressez à Moïse en<br />
disant : " Tu nous habites aujourd'hui ".<br />
B.R : La Mort <strong>de</strong> Moïse, avec tout<br />
ce qu'elle comporte d'angoisse<br />
tragique, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong><br />
révélation, occupe tout un chapitre<br />
du livre. Moïse meurt, mais dans<br />
l'instant où il se réconcilie avec la<br />
vie. C'est à la fois une résolution, et<br />
un déchirement, tout ce qui se<br />
bouscule dans une âme qui avait la<br />
vocation <strong>de</strong> l'infini, et s'est trouvée<br />
prise au piège <strong>de</strong> l'espace et du temps.<br />
Et nous portons en lui, enfants<br />
d'Israël, chacun d'entre nous, une<br />
étincelle qui lui ressemble. Un peu <strong>de</strong><br />
son aspiration, un peu <strong>de</strong> son refus, et<br />
un peu, aussi, <strong>de</strong> la réponse, qui<br />
consiste à retrouver, sur la terre que<br />
nous foulons, le ciel qu'elle porte en<br />
elle.<br />
Ainsi Moïse nous accompagne, et<br />
avec lui la chaîne <strong>de</strong>s morts qui ont<br />
cru pour nous, et nous ont précédés.<br />
Je ne puis évoquer cette image <strong>de</strong><br />
partage et d'enseignement sans<br />
rappeler ici le souvenir <strong>de</strong> mon père,<br />
le grand rabbin Paul Roitman, qui<br />
nous a quittés cet été, et auquel je<br />
dédie mon livre.<br />
Lui aussi est parti en quête d'une<br />
vérité. Il semble l'avoir trouvée hors<br />
<strong>de</strong> toute transcendance, dans un pur<br />
rapport <strong>de</strong> générosité à autrui.<br />
*Professeur et écrivain<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 35
HISTOIRE<br />
Eliezer Ben Yehuda<br />
(1858-1922)<br />
Eliézer Ben Yehuda - ce nom connu jusqu'ici<br />
dans le petit mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s hébraïsants et <strong>de</strong>s<br />
hébréophones - vient d'obtenir une reconnaissance<br />
internationale grâce à la récente<br />
initiative <strong>de</strong> l'UNESCO. Certes il y a déjà <strong>de</strong>s<br />
années que les villes d'Israël - gran<strong>de</strong>s ou<br />
petites - ont leur rue Ben Yehuda, et plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux décennies<br />
que les enfants chantent avec Matti Kaspi :<br />
Eliézer Ben Yehuda, quel drôle <strong>de</strong> bonhomme !<br />
Il a sorti <strong>de</strong>s tas, <strong>de</strong>s tas <strong>de</strong> mots <strong>de</strong> son cerveau fertile;<br />
Qui était ce Ben Yehuda ? Un "fabricant <strong>de</strong> mots" ? Dans<br />
une certaine mesure, mieux que cela en fait : mehayé ha<br />
lashon ha'ivrit, dit-on <strong>de</strong> lui, celui qui a ressuscité la langue<br />
hébraïque. Cette appellation soulève au moins <strong>de</strong>ux questions<br />
: quelle langue morte peut ressusciter ? Comment un homme<br />
serait-il capable <strong>de</strong> la faire revenir à la vie ?<br />
À la première, il sera brièvement répondu que,<br />
<strong>de</strong> toutes les langues réputées "mortes", seul<br />
l'hébreu a ressuscité. Cela veut dire que, sorti<br />
<strong>de</strong> l'usage quotidien <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux<br />
millénaires (les <strong>de</strong>rnières traces se situent<br />
à l'époque <strong>de</strong> la révolte <strong>de</strong> Bar Kokhba<br />
132-135), il est re<strong>de</strong>venu une langue<br />
dans laquelle les enfants apprennent<br />
à parler, étudient en classe, chantent<br />
avec leurs amis, une langue dans<br />
laquelle une armée donne ses ordres,<br />
une assemblée vote ses lois, <strong>de</strong>s<br />
ministres font <strong>de</strong>s discours, <strong>de</strong>s savants<br />
publient leur recherche, <strong>de</strong>s cinéastes<br />
tournent leurs films. Qui eût parié sur un<br />
tel réveil au milieu du XIXème siècle ?<br />
Pourtant déjà l'hébreu commençait à émerger<br />
<strong>de</strong> son statut <strong>de</strong> langue liturgique et sacrée, il se<br />
coulait dans <strong>de</strong>s moules littéraires mo<strong>de</strong>rnes tels le<br />
roman. C'était alors l'époque <strong>de</strong> la Haskala, l'ère <strong>de</strong>s Lumières,<br />
née en Allemagne, qui avait trouvé ensuite son terreau<br />
36 INFORMATION JUIVE Juin 2007<br />
PAR MIREILLE HADAS-LEBEL*<br />
L'Unesco vient <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r au cours <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>rnière assemblée générale <strong>de</strong> rendre hommage à l'œuvre<br />
d'Eliezer ben Yehouda qui a été à l'origine <strong>de</strong> la renaissance <strong>de</strong> l'hébreu. Mireille Hadas- Lebel,<br />
professeur à la Sorbonne et auteur d'un livre consacré à " L'hébreu : 3000 ans d'<strong>histoire</strong> "<br />
(Editions Albin Michel.1992) rappelle ici ce qu'ont été l'itinéraire et l'œuvre <strong>de</strong> Ben Yehouda.<br />
Eliezer Ben Yehuda<br />
d'élection dans les communautés d'Europe centrale et<br />
orientale, souvent persécutées et misérables mais avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
s'ouvrir au mon<strong>de</strong> du <strong>de</strong>hors sans pour autant se renier.<br />
Curieusement, l'usage <strong>de</strong> l'hébreu dans <strong>de</strong>s genres profanes<br />
avait rempli cette mission, ainsi la presse hébraïque se<br />
multipliait à Vienne ou à O<strong>de</strong>ssa. Grâce à la Haskala, on<br />
savait désormais que l'on pouvait écrire en hébreu à l'époque<br />
mo<strong>de</strong>rne sur<br />
toutes sortes <strong>de</strong> sujets - souvent il est vrai au prix <strong>de</strong> mille<br />
contorsions et acrobaties verbales. Mais cette renaissance<br />
littéraire pouvait-elle durer ? En 1871, l'un <strong>de</strong>s plus<br />
célèbres poètes <strong>de</strong> sa génération, Yehuda Leib Gordon<br />
s'interrogeait doulou-reusement :<br />
Qui sait si je ne suis pas le <strong>de</strong>rnier poète <strong>de</strong> Sion.<br />
Et si vous n'êtes pas mes <strong>de</strong>rniers lecteurs ?<br />
Parler l'hébreu n'avait jamais été au programme <strong>de</strong> la<br />
Haskala. En s'ouvrant au mon<strong>de</strong>, les maskilim qui jusque<br />
là parlaient le yiddish au quotidien, allaient passer<br />
à la langue du pays où ils vivaient.<br />
C'est ici qu'intervient l'homme<br />
provi<strong>de</strong>ntiel né en 1858 dans une<br />
bourga<strong>de</strong> <strong>de</strong> Biélorussie ; il ne s'appelle<br />
pas encore Eliézer Ben Yehuda mais<br />
Eliézer Perlman. Elève <strong>de</strong> yeshiva<br />
influencé par la Haskala, puis<br />
anarchiste à l'Université russe,<br />
passionné par la lutte <strong>de</strong> nationalités<br />
opprimées, il a un jour la révélation<br />
que les juifs font partie <strong>de</strong> cette<br />
catégorie et peuvent à nouveau<br />
constituer une nation sur sa terre avec<br />
une langue commune. Cette langue<br />
existait, elle pouvait re<strong>de</strong>venir vivant " si<br />
seulement on le voulait ".<br />
Pour se préparer à vivre dans la terre <strong>de</strong> ses ancêtres, le<br />
jeune Eliézer veut étudier la mé<strong>de</strong>cine à <strong>Paris</strong>. Il doit bientôt
y renoncer car il a contracté la tuberculose. Mais son projet<br />
le poursuit : en Algérie où il séjourne pour sa santé, il pratique<br />
l'hébreu avec les juifs locaux, dans un café du Boulevard<br />
Montmartre il soutient une longue conversation en hébreu<br />
avec un voyageur venu <strong>de</strong> Jérusalem.<br />
Déjà il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> rassembler tous les mots usuels dans un<br />
dictionnaire qu'il veut appeler milon. C'est à Jérusalem où<br />
Eliézer, qui a pris le patronyme <strong>de</strong> Ben Yehuda, s'installe en<br />
1881 avec sa jeune épouse, que commence véritablement son<br />
action et se crée sa légen<strong>de</strong>. Infatigable défenseur <strong>de</strong> son<br />
projet, il s'y emploie par tous les moyens à sa disposition. Il<br />
enseigne l'hébreu en hébreu dans l'école <strong>de</strong> l'Alliance à<br />
Jérusalem. Il publie un journal dans un hébreu puisé à toutes<br />
les couches historiques <strong>de</strong> la langue, en recourant à <strong>de</strong>s<br />
termes <strong>de</strong> sa création quand les mots lui manquent. Il<br />
s'entretient en hébreu avec un groupe d'amis et s'efforce <strong>de</strong><br />
mettre sur pied avec eux, dès 1890, un Comité <strong>de</strong> la langue,<br />
chargé <strong>de</strong> pourvoir aux lacunes du vocabulaire et <strong>de</strong> trancher<br />
les incertitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la prononciation. Il s'attelle à la tâche d'un<br />
vaste dictionnaire historique (sept volumes sur seize seront<br />
publiés <strong>de</strong> son vivant). C'est surtout son expérience familiale<br />
qui contribue à la création <strong>de</strong> sa légen<strong>de</strong>. Son fils aîné, Ben<br />
Sion (qui prit plus tard le nom d'Ithamar Ben Avi 1 ), sera le<br />
premier enfant qui n'aura pas entendu parler d'autre langue<br />
que l'hébreu dès le berceau.<br />
Ce petit homme à bésicles, frêle et sec, qui lutta plus <strong>de</strong><br />
trente ans contre la tuberculose qui le minait, avait une volonté<br />
d'acier et une ar<strong>de</strong>ur com-municative. Mais que peut un seul<br />
homme ? Il ne suffit pas <strong>de</strong> vouloir, il faut qu'un projet<br />
répon<strong>de</strong> aux besoins du moment. Or c'était le cas. Les jeunes<br />
HISTOIRE<br />
pionniers <strong>de</strong>s nouveaux villages agricoles avaient maintenant<br />
<strong>de</strong>s enfants et n'envisageaient pas <strong>de</strong> les élever dans <strong>de</strong>s<br />
langues qui évoquaient "l'amer exil". L'hébreu représentait la<br />
solution, même si les maîtres manquaient <strong>de</strong> tout -<br />
Son fils aîné sera le premier enfant<br />
qui n'aura pas entendu parler d'autre<br />
langue que l'hébreu dès le berceau.<br />
d'expérience, <strong>de</strong> manuels et surtout <strong>de</strong> mots. Les besoins<br />
s'accentuèrent après 1903, avec la secon<strong>de</strong> aliya. C'est alors<br />
que le Comité <strong>de</strong> la langue put commencer à remplir sa<br />
mission. Déjà une nouvelle génération était at tachée à<br />
l'hébreu : en 1914, quand il fut question <strong>de</strong> créer à Haïfa un<br />
grand établissement scientifique (le futur Technion) où<br />
l'enseignement se ferait en allemand, il y eut <strong>de</strong>s<br />
manifestations <strong>de</strong> rue.<br />
En 1922, quand la SDN confia à la Gran<strong>de</strong>-Bretagne un<br />
mandat sur l'ancienne Palestine ottomane, l'hébreu était si<br />
bien entré dans l'usage qu'on dut l'admettre comme langue<br />
officielle du pays à côté <strong>de</strong> l'anglais et <strong>de</strong> l'arabe.<br />
Eliézer Ben Yehuda mourut le premier jour <strong>de</strong> Hanoucca<br />
<strong>de</strong> cette même année. Son rêve avait commencé à se réaliser<br />
<strong>de</strong> son vivant.<br />
(1) Avi "mon père" est formé <strong>de</strong>s initiales d'Eliézer Ben Yehuda.<br />
*Mireille Hadas-Lebel est professeur à la Sorbonne<br />
INFORMATION JUIVE Décembre Novembre 2007 37
PHILOSOPHIE<br />
D'Emmanuel Lévinas<br />
à Benny Lévy<br />
1. Emmanuel Lévinas : le retour du<br />
pharisien<br />
Paradoxe : que Lévinas dont<br />
l'existence s'est déroulée "entre<br />
l'hitlérisme inces-samment<br />
pressenti et l'hitlérisme se refusant<br />
à tout oubli "puisse être dans<br />
le même temps celui sous la plume<br />
<strong>de</strong> qui surgit à plusieurs reprises<br />
l'exclamation : "Qu'il fait bon d'être<br />
juif !".<br />
Ce paradoxe exprime l'essentiel du<br />
mouvement <strong>de</strong> pensée <strong>de</strong> Lévinas<br />
relativement à l'existence juive : le fait<br />
<strong>de</strong> pointer ce qu'il appelle, dans un<br />
article capital intitulé " le virement<br />
inattendu <strong>de</strong> la malédiction en<br />
exultation. "Malédiction : Auschwitz,<br />
"expérience inversée <strong>de</strong> l'universalité",<br />
expérience <strong>de</strong> la solitu<strong>de</strong> extrême<br />
d'Israël au moment <strong>de</strong> la tourmente.<br />
Expérience <strong>de</strong> l'irrémissibilité <strong>de</strong> l'être<br />
juif, être rivé à soi, sans issue <strong>de</strong> secours : voilà la tragédie.<br />
C'est en même temps le lieu <strong>de</strong> bascule selon Lévinas. L'êtrerivé<br />
du juif à son être juif implique une nouvelle façon <strong>de</strong><br />
penser l'être - les lecteurs <strong>de</strong> Lévinas savent que ce fut là l'un<br />
<strong>de</strong>s efforts essentiels du Lévinas philosophe. Autrement qu'être<br />
: être, non pas au mon<strong>de</strong>, puisque le mon<strong>de</strong> pouvait au cœur<br />
du XX° siècle vomir les juifs, mais être en tant que créature<br />
(là encore une notion centrale dans la philosophie <strong>de</strong> Lévinas),<br />
c'est-à-dire être sous l'impératif <strong>de</strong> la création et du<br />
comman<strong>de</strong>ment, être-enjoint.<br />
À partir du malheur extrême, ramener<br />
le juif à sa vérité : le pharisien. Que ce<br />
mouvement soit central dans la pensée<br />
<strong>de</strong> Lévinas ne signifie certes pas que<br />
cette pensée se réduise à lui. Outre <strong>de</strong>s<br />
expériences pré-philosophiques, renvoyant<br />
aux "gran<strong>de</strong>s littératures<br />
nationales " comme à ce que Lévinas<br />
appelait le " sensé biblique ", les sources<br />
<strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong> Lévinas sont philosophiques<br />
et, plus particulièrement,<br />
phénoménologiques. Et Lévinas est un<br />
grand penseur aussi par le travail qu'il<br />
a imposé aux notions phénoménologiques<br />
héritées <strong>de</strong> Husserl et <strong>de</strong><br />
Hei<strong>de</strong>gger. Lévinas phénoménologue ?<br />
Oui, mais là aussi paradoxe : grand<br />
phénoménologue Lévinas l'est en tant<br />
qu'il perturbe la phénoménologie, en<br />
tant qu'il introduit dans le langage<br />
même <strong>de</strong> la philosophie le " vent <strong>de</strong><br />
38 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
Emmanuel Lévinas<br />
Benny Levy<br />
PAR GILLES HANUS*<br />
crise " qui prési<strong>de</strong> aux formulations les<br />
plus typiques <strong>de</strong> son écriture, celles qui<br />
avaient frappé Derrida par exemple.<br />
2. Benny Lévy : la pensée du<br />
Retour.<br />
Dans le courant <strong>de</strong>s années 70, un<br />
jeune dirigeant maoïste vit une<br />
expérience singulière, inédite :<br />
pour penser sa sortie du gauchisme, il<br />
mène un dialogue long et suivi avec l'un<br />
<strong>de</strong>s plus grands philosophes français du<br />
XX° siècle, Jean-Paul Sartre. Au cœur<br />
<strong>de</strong> ce dialogue, une remise en question<br />
<strong>de</strong> la phénoménologie sartrienne par le<br />
biais d'une réflexion sur le retournement<br />
totalitaire <strong>de</strong> la révolution et <strong>de</strong>s<br />
rapports <strong>de</strong>s hommes entre eux hors<br />
l'espace du pouvoir. Benny Lévy relit<br />
durant les années 77-78 Lévinas. Il le<br />
lit à Sartre. C'est la première rencontre.<br />
Sartre mort, B. Lévy peut mener à<br />
bien son dialogue avec Lévinas. Il en résultera <strong>de</strong>ux livres<br />
importants : Visage continu. La pensée du Retour chez<br />
Emmanuel Lévinas, et Être juif, paru juste après la mort <strong>de</strong><br />
B. Lévy. Le premier est une reconnaissance <strong>de</strong> <strong>de</strong>tte envers<br />
le maître qui le " saisit, au fond <strong>de</strong> l'embarras, pour [le] projeter<br />
vers les lettres - oubliées, semble-t-il <strong>de</strong>puis toujours - <strong>de</strong><br />
l'Écriture". Le second une lecture exigente <strong>de</strong>s textes du<br />
maître, visant à penser " avec Lévinas en dépit <strong>de</strong> Lévinas ".<br />
Les <strong>de</strong>ux ouvrages préten<strong>de</strong>nt mettre en œuvre une réelle<br />
fidélité au geste <strong>de</strong> pensée lévinassien,<br />
ce qui implique <strong>de</strong> ne jamais réduire sa<br />
pensée à quelque chose <strong>de</strong> simple, <strong>de</strong><br />
remettre en mouvement les notions les<br />
plus célèbres et les moins comprises,<br />
comme l'éthique ou le visage pour<br />
empêcher que la pensée lévinassienne<br />
ne se fige. Pour ce faire, s'installer au<br />
cœur <strong>de</strong> l'ambiguïté <strong>de</strong> la pensée<br />
lévinassienne et, <strong>de</strong> là, surveiller les<br />
tours et détours <strong>de</strong> sa pensée. Par<br />
ailleurs, ne pas se contenter <strong>de</strong>s<br />
allusions aux sources préphilosophiques<br />
<strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong> Lévinas,<br />
aller aux textes du Talmud allégués, les<br />
étudier et confronter ce qu'ils disent à<br />
ce qu'en dit Lévinas pour éclairer sa<br />
pensée. Il en résulte une lecture<br />
totalement inattendue <strong>de</strong> Lévinas,<br />
déroutante, mais toujours stimulante. À<br />
découvrir <strong>de</strong> toute urgence.<br />
*Professeur <strong>de</strong> philosophie
Ba<strong>de</strong>nheim 1939<br />
Tous les ans, dès l'arrivée<br />
<strong>de</strong>s beaux jours, le<br />
groupe habituel <strong>de</strong>s vacanciers<br />
juifs se retrouve dans<br />
l'hôtel <strong>de</strong> Ba<strong>de</strong>nheim, charmante<br />
station thermale à 200<br />
kilomètres <strong>de</strong> Vienne. Le<br />
maître d'œuvre du festival<br />
musical <strong>de</strong> la station, l'impresario<br />
Papenheim se démène<br />
avec son orchestre pour inviter<br />
régulièrement <strong>de</strong>s artistes<br />
<strong>de</strong> renom. Mais en ce<br />
printemps 1939 une nouveauté<br />
inattendue, l'ouverture<br />
d'un service sanitaire,<br />
laisse perplexe nos touristes.<br />
Bientôt, il va être <strong>de</strong>mandé<br />
aux juifs <strong>de</strong> s'y faire enregistrer,<br />
ce qu'ils acceptent avec<br />
une certaine fierté, se considérant comme<br />
l'élite <strong>de</strong> la bourgeoisie. Petit à petit, cette<br />
antenne se transforme en office prônant le<br />
retour <strong>de</strong>s juifs en Pologne. Dans l'hôtel<br />
<strong>de</strong>s vacanciers, les conversations vont bon<br />
train : retour au pays <strong>de</strong>s racines ancestrales,<br />
vie qui ne peut être que meilleure, avenir<br />
radieux, et pourquoi pas ? Les journées<br />
s'écoulent, festives et insouciantes, à peine<br />
troublées par l'annonce d'une barrière gardée<br />
par <strong>de</strong>s sentinelles empêchant maintenant<br />
entrées ou sorties <strong>de</strong> la station à l'exception<br />
<strong>de</strong>s camions <strong>de</strong> ravitaillement.<br />
Mais bientôt l'étau se resserre avec<br />
" Notre <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> mémoire doit être<br />
parfait pour transmettre aux générations<br />
suivantes ce qui nous est arrivé … " écrit<br />
l'auteur dans cet ouvrage consacré à l'<strong>histoire</strong><br />
<strong>de</strong> sa famille durant la Secon<strong>de</strong><br />
Guerre mondiale. Son père, Marcel, est<br />
arrivé en France en 1924. Il y épouse la<br />
belle Estelle qui met au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux garçons,<br />
Robert, l'aîné et Haïm, le narrateur,<br />
né en 1935. Lorsque la guerre éclate, la<br />
famille vit mo<strong>de</strong>stement à Marseille. Elle<br />
échappe miraculeusement aux rafles <strong>de</strong>s<br />
22 et 23 janvier 1943 dans la ville phocéenne<br />
mais tout bascule sans retour lorsque<br />
la Gestapo sonne au domicile, le 20<br />
mars 1944. Paulette Bertrand, la fille <strong>de</strong>s<br />
voisins <strong>de</strong> palier réussit à soustraire les<br />
<strong>de</strong>ux enfants aux griffes nazies mais les<br />
parents, trop confiants dans les dires d'une<br />
voyante consultée quelques jours auparavant<br />
sont emmenés, enfermés dans la prison<br />
<strong>de</strong>s Baumettes et déportés vers les<br />
Aharon Appelfeld<br />
PAR AHARON APPELFELD<br />
l'arrivée <strong>de</strong> juifs arrachés <strong>de</strong> leurs villes<br />
pour compléter le contingent <strong>de</strong>s délocalisés<br />
forcés vers la Pologne, l'arrêt du ravitaillement,<br />
la faim qui s'installe, le soulagement<br />
du départ imminent.<br />
Une <strong>de</strong>scription fascinante <strong>de</strong> la crédulité<br />
<strong>de</strong> l'homme empêtré dans ses petites<br />
mesquineries face à l'enchaînement<br />
inéluctable du plus grand génoci<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
l'Histoire.<br />
(Editions <strong>de</strong> l'Olivier - 17,50€)<br />
Sauvés ! Mais à quel prix ?<br />
camps <strong>de</strong> la mort. Robert et Haïm sont<br />
cachés, puis envoyés avec un groupe d'élèves<br />
à Aurillac dans le Massif Central,<br />
hébergés dans un hospice où les nuits <strong>de</strong><br />
cauchemar se succè<strong>de</strong>nt avant d'être<br />
recueillis par les familles Laybros pour<br />
Haïm et son cousin et Tête pour Robert.<br />
Après la guerre ils retrouveront leur<br />
Taille 42<br />
LIVRES<br />
PAR MALIKA FERDJOUKH ET CHARLES POLLAK<br />
En septembre 1939, au moment <strong>de</strong><br />
la déclaration <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale,<br />
Charles Pollak a 11 ans. Son père<br />
Eugène et sa mère Min<strong>de</strong>l/Marguerite<br />
venus <strong>de</strong> Hongrie sont installés à <strong>Paris</strong>. Le<br />
père est un petit tailleur spécialisé dans la<br />
confection <strong>de</strong>s gilets, la mère se consacre<br />
à l'éducation <strong>de</strong> ses enfants. Comment cette<br />
mo<strong>de</strong>ste famille a survécu aux affres <strong>de</strong> la<br />
guerre, ce récit autobiographique et absolument<br />
véridique va nous le raconter.<br />
Charles, le narrateur, est un enfant timi<strong>de</strong><br />
- il bégaie souvent - mais poussé par son<br />
instituteur, M. Bloch, il obtient son certificat<br />
d'étu<strong>de</strong>s à l'âge <strong>de</strong> 12 ans. Sa vie s'articule<br />
autour <strong>de</strong>s copains, <strong>de</strong> leurs farces et<br />
titres <strong>de</strong> gloire, <strong>de</strong> son frère aîné André, <strong>de</strong><br />
Ginette trop tôt disparue et <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine,<br />
les gran<strong>de</strong>s sœurs. Son rêve ? Devenir tailleur,<br />
comme son père. Grâce à <strong>de</strong>s relations,<br />
Eugène trouve un travail <strong>de</strong> tailleur dans<br />
la Baie <strong>de</strong> Somme, à Feuquières petit village<br />
à 18 kms du Mur <strong>de</strong> l'Atlantique où il<br />
fera venir sa famille. Le déménagement, en<br />
juin 1942, est épique. L'emménagement se<br />
fera dans un petit logement accolé à la<br />
Kommandantur et à l'école qui abrite la garnison<br />
alleman<strong>de</strong>. Confection <strong>de</strong> vêtement<br />
contre faux- papiers, lutte contre la faim<br />
omniprésente, liaison involontaire avec un<br />
officier allemand tailleur dans le civil, la vie<br />
est jalonnée d'astuces pour survivre, survivre<br />
à tout prix.<br />
Ce récit se dévore comme le plus imaginatif<br />
<strong>de</strong>s romans, drôle et émouvant.<br />
(Editions Médium - 9,80 €)<br />
PAR HAÏM MIZRAHI<br />
grand'mère qui les élèvera.<br />
En parallèle à son <strong>histoire</strong> familiale, l'auteur<br />
développe citations <strong>de</strong> la Bible et dates<br />
marquantes du programme d'extermination<br />
<strong>de</strong>s juifs durant cette guerre.<br />
(Editions L'Harmattan - 23€)<br />
O<strong>de</strong>tte Lang<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 39
JUDAÏSME<br />
Les chants<br />
du roi David<br />
PAR MAURICE NEZRI*<br />
Notre ami Albert Bouhadana, l'excellent ministreofficiant<br />
<strong>de</strong> la synagogue Chasseloup-Loubat vient<br />
d'enregistrer l'intégrale <strong>de</strong>s Psaumes dans un coffret<br />
contenant non seulement les textes hébraïques mais<br />
aussi leur traduction en français. Le livret qui<br />
accompagne les CD est préfacé par le grand rabbin <strong>de</strong><br />
<strong>Paris</strong>, M. David Messas ainsi que par le grand rabbin<br />
d'Israël, M.Schlomo Amar.<br />
Nous publions ci-<strong>de</strong>ssous le texte <strong>de</strong> l'introduction<br />
qu'a donnée à ce coffret le rabbin <strong>de</strong> la synagogue<br />
Chasseloup-Laubat, M. Maurice Nezri Psaumes<br />
Le Livre <strong>de</strong>s Psaumes est un<br />
recueil <strong>de</strong> 150 poèmes<br />
religieux composés par<br />
différents auteurs à<br />
diverses époques <strong>de</strong><br />
l'ancien Israël. Pour nous,<br />
ils sont les "Psaumes <strong>de</strong> David" car une<br />
gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> ces chants viennent <strong>de</strong><br />
ce Roi appelé dans la Bible "Le Chantre<br />
d'Israël". En divisant ce livre en 5<br />
parties, la Tradition a voulu le hausser<br />
au niveau <strong>de</strong> la Thora, divisée elle aussi<br />
en 5 livres.<br />
Au fil <strong>de</strong>s temps, cet ouvrage est<br />
<strong>de</strong>venu le livre le plus populaire <strong>de</strong> la<br />
Bible et ce, pour plusieurs raisons.<br />
D'abord, il doit sa notoriété au nom <strong>de</strong><br />
David qui y est attaché. D'autre part,<br />
nous avons là le seul et unique recueil<br />
<strong>de</strong> piété et <strong>de</strong> prières que contient la<br />
Bible. Enfin, cet ouvrage a gardé toute<br />
sa fraîcheur au cours <strong>de</strong>s siècles et ne<br />
s'est jamais démodé car il traite d'un<br />
thème d'une actualité permanente :<br />
toutes les émotions que ressent l'homme<br />
<strong>de</strong>vant les événements <strong>de</strong> la vie.<br />
Ces sentiments qui animent le cœur<br />
du Psalmiste dans la réussite ou dans<br />
l'échec, s'expriment tour à tour par <strong>de</strong>s<br />
cris d'espoir ou <strong>de</strong> désespoir, par <strong>de</strong>s<br />
clameurs d'allégresse ou par <strong>de</strong>s<br />
40 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
suppliques, par <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> grâce ou<br />
par <strong>de</strong>s élégies.<br />
On comprend dès lors que ce livre ait<br />
servi <strong>de</strong> véritable répertoire <strong>de</strong> chant<br />
dans le Temple <strong>de</strong> Jérusalem. Après le<br />
Temple, les synagogues ont pris la<br />
relève et ont puisé en lui toutes les<br />
Albert Bouhadana<br />
prières tristes et joyeuses <strong>de</strong> notre<br />
liturgie. Enfin, <strong>de</strong> tout temps, le<br />
particulier y a trouvé soulagement et<br />
réconfort dans les moments <strong>de</strong> peine et<br />
<strong>de</strong> désespoir. Dans la joie également, il<br />
y a puisé <strong>de</strong>s énergies nouvelles en<br />
récitant à l'Éternel ses louanges et ses<br />
actions <strong>de</strong> grâce.<br />
Ces textes parlent à l'âme du croyant<br />
par leurs mots, mais aussi par leur<br />
cantilation. En effet, nous nous trouvons<br />
face à <strong>de</strong>s textes en prose, mais les<br />
phrases sont rythmées <strong>de</strong> façon très<br />
particulière. Ils ont donc été<br />
certainement écrits en vue d'être<br />
chantés.<br />
Ils l'étaient dans le Sanctuaire <strong>de</strong><br />
Jérusalem, ils le sont toujours dans nos<br />
lieux <strong>de</strong> prière et leur mélodie<br />
traditionnelle qui nous est si familière<br />
donne une autre dimension à ces<br />
paroles. C'est cette prosodie du Livre<br />
<strong>de</strong>s Psaumes qui a fait pénétrer ces<br />
textes dans notre cœur et qui les a ainsi<br />
conservés dans la mémoire collective et<br />
individuelle du peuple d'Israël.<br />
*Rabbin <strong>de</strong> la communauté<br />
Chasseloup-Laubat, <strong>Paris</strong> XV e
Edgard Guedj<br />
(Lynclair)<br />
Fondateur du DEJJ<br />
Edgard Guedj (Lynclair) nous a<br />
quittés. Au cours <strong>de</strong> notre <strong>de</strong>rnière rencontre,<br />
il y a quelques mois, sa lucidité,<br />
sa sérénité et son regard m'avaient impressionné<br />
une <strong>de</strong>rnière fois, comme il y a<br />
quarante ans. La clarté et la justesse <strong>de</strong><br />
son analyse, l'originalité <strong>de</strong> sa pensée<br />
auront marqué toute une génération.<br />
Si son <strong>histoire</strong> personnelle commence<br />
au Maroc, au moment <strong>de</strong> l'Indépendance<br />
<strong>de</strong> ce pays, c'est en France qu'il réalisera<br />
un projet éducatif, culturel et communautaire<br />
sans précé<strong>de</strong>nt. Le DEJJ, créé au<br />
Maroc, constitue pour Lynclair le laboratoire<br />
; la communauté juive <strong>de</strong> France,<br />
confrontée à l'arrivée massive <strong>de</strong>s juifs<br />
d'Afrique du Nord, <strong>de</strong>vient le champ d'application<br />
<strong>de</strong> sa conception <strong>de</strong> l'éducation<br />
populaire.<br />
Sa première démarche est <strong>de</strong> créer une<br />
équipe d'hommes et <strong>de</strong> femmes prête à<br />
s'engager dans l'encadrement <strong>de</strong> ces populations<br />
selon les mêmes métho<strong>de</strong>s expérimentées<br />
au Maroc, mais avec l'objectif<br />
prioritaire <strong>de</strong> former, dans l'urgence, <strong>de</strong>s<br />
centaines <strong>de</strong> jeunes éducateurs sur l'ensemble<br />
du territoire. C'est ce mouvement<br />
<strong>de</strong> formation <strong>de</strong> cadres dans l'urgence qui<br />
caractérise l'œuvre <strong>de</strong> Lynclair.<br />
Dès le début <strong>de</strong>s années soixante, <strong>de</strong>s<br />
centaines <strong>de</strong> jeunes, issus pour la plupart<br />
<strong>de</strong>s nouveaux immigrants d'Afrique du<br />
Nord, se rassemblent à son initiative pour<br />
apprendre, comprendre et se préparer à<br />
assumer la responsabilité <strong>de</strong> l'éducation<br />
juive. Cette décennie, marquée entre<br />
autres par mai 68, sera pour Lynclair celle<br />
<strong>de</strong> la mise en place d'une infrastructure<br />
nationale composée <strong>de</strong> plusieurs centaines<br />
<strong>de</strong> cadres - éducateurs. De <strong>Paris</strong> à Sarcelles,<br />
<strong>de</strong> Marseille à Pau, <strong>de</strong> Lyon à Lille<br />
affluent à chaque occasion <strong>de</strong>s milliers<br />
d'enfants, d'adolescents <strong>de</strong> jeunes adultes<br />
vers les stages, les séminaires les centres<br />
<strong>de</strong> vacances, pour repartir plus riches<br />
d'une expérience juive et communautaire<br />
unique.<br />
Au cours <strong>de</strong> ces rencontres le message<br />
<strong>de</strong> Lynclair trouvera toute sa dimension,<br />
celle d'un judaïsme ouvert, mo<strong>de</strong>rne, généreux,<br />
en prise directe avec les nouvelles<br />
réalités sociales, économiques et culturelles<br />
<strong>de</strong> la nouvelle communauté juive.<br />
La première vague <strong>de</strong> ces jeunes en formation<br />
constituera le socle <strong>de</strong> l'action du<br />
DEJJ et <strong>de</strong>s centres communautaires dans<br />
toute la France.<br />
Malgré la précarité <strong>de</strong>s conditions, ce<br />
sont <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> jeunes adolescents<br />
qui affluent dans les stages, les séminaires<br />
où ils sont immédiatement confrontés<br />
à la vision et à l'exigence <strong>de</strong> Lynclair<br />
:construire une communauté par l'éducation.<br />
Cette génération <strong>de</strong> cadres est immédiatement<br />
conquise par ce message et s'engage<br />
<strong>de</strong>rrière lui avec enthousiasme.<br />
Entouré <strong>de</strong>s meilleurs spécialistes, juifs<br />
et non juifs, Lynclair s'est engagé dans cette<br />
création pédagogique avec un élan et une<br />
clairvoyance qui inspiraient le respect <strong>de</strong><br />
tous.<br />
Sa détermination à surmonter tous les<br />
obstacles a eu raison <strong>de</strong>s difficultés matérielles,<br />
humaines ou techniques. Le DEJJ<br />
<strong>de</strong>vient en quelques années une véritable<br />
école d'éducation<br />
à la vie qui forme<br />
<strong>de</strong> jeunes éducateurs<br />
et <strong>de</strong> nouveaux<br />
dirigeants<br />
communautaires<br />
dont l'engagement<br />
a contribué<br />
activement à l'essor<br />
<strong>de</strong> la communauté<br />
juive <strong>de</strong><br />
France.<br />
A ce grand<br />
chantier <strong>de</strong> formation,<br />
Lynclair a<br />
su associer les élites<br />
juives et celles<br />
PAR CLAUDE LALOUM<br />
IN MEMORIAM<br />
Edgard Guedj<br />
<strong>de</strong> la société française en général, il savait<br />
que son projet reposait sur la capacité du<br />
DEJJ à proposer à cette génération un défi<br />
culturel au moins aussi passionnant que<br />
celui <strong>de</strong> l'université française, non pas pour<br />
les opposer mais pour les unir.<br />
Ceux qui ont participé à cette aventure<br />
se souviennent, quarante ans plus tard,<br />
qu'ils doivent plus à cette école qu'à l'université,<br />
même si la plupart ont réalisé, par<br />
la suite, <strong>de</strong>s carrières professionnelles<br />
exemplaires.<br />
C'est à lui que cette génération doit la<br />
réussite <strong>de</strong> son intégration dans la société<br />
française, malgré les affres du déracinement<br />
et les risques <strong>de</strong> l'assimilation. Il est<br />
difficile aujourd'hui d'évaluer les trésors <strong>de</strong><br />
créativité, l'intelligence et la détermination<br />
sans faille d'un homme dont ceux qui l'ont<br />
côtoyé dans cette aventure sont convaincus<br />
qu'il a changé leur <strong>de</strong>stin. Son enseignement<br />
continue d'inspirer <strong>de</strong>s centaines<br />
<strong>de</strong> dirigeants communautaires et d'éducateurs<br />
en France, en Israël et ailleurs.<br />
C.L.<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 41
COMMUNIQUÉ<br />
M.Goasguen, prési<strong>de</strong>nt<br />
du groupe France-Israël<br />
M. Clau<strong>de</strong> Goasguen, ancien<br />
ministre, député <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> et premier<br />
vice-prési<strong>de</strong>nt du groupe UMP au<br />
Conseil <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> vient d'être désigné par<br />
le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'Assemblée nationale<br />
prési<strong>de</strong>nt du groupe France-Israël.<br />
A cette occasion, M. Goasguen a<br />
déclaré : “C'est un grand honneur pour<br />
moi, en cette année qui marquera le 60<br />
ème anniversaire <strong>de</strong> l'Etat d'Israël. L'opportunité<br />
se présente enfin <strong>de</strong> permettre<br />
le rapprochement entre notre pays et<br />
Israël… J'y travaillerai avec force et<br />
détermination”<br />
Un documentaire<br />
israélien récompensé<br />
Le film Les réfugiés oubliés du<br />
Bar mitsva<br />
Ariel - Dorone<br />
Le fils <strong>de</strong> nos amis Karen et Gérald<br />
ADDA, collaborateurs au sein du<br />
<strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, célèbre sa Bar Mitsva<br />
lundi 31 décembre 2007 au Temple<br />
Buffault - 28, rue Buffault - 75009 <strong>Paris</strong><br />
- Nous lui adressons, ainsi qu'à ses grands<br />
42 INFORMATION JUIVE Décembre 2007<br />
réalisateur franco-israélien Michaël<br />
Grynszpan a remporté le prix du meilleur<br />
documentaire au festival international<br />
du film documentaire <strong>de</strong> Marbella<br />
qui s'est tenu du 5 au 7 Octobre 2007.<br />
Le film raconte l'historique et la <strong>de</strong>struction<br />
<strong>de</strong>s communautés juives <strong>de</strong>s<br />
pays arabes et présente <strong>de</strong>s témoignages<br />
<strong>de</strong> réfugiés d'Egypte, du Yémen, <strong>de</strong><br />
Libye, du Maroc, et d'Irak.<br />
Le Congrès américain avait organisé<br />
une projection spéciale <strong>de</strong>s Réfugiés<br />
oubliés en juillet <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>vant une<br />
commission qui discutait du problème<br />
<strong>de</strong>s réfugiés du Moyen-Orient.<br />
Le prix Mémoire<br />
<strong>de</strong> la Shoah<br />
Le prix Mémoire <strong>de</strong> la Shoah<br />
pour l'année 2007 a été décerné le lundi<br />
16 novembre à Shlomo Venezia et à<br />
LE CARNET<br />
parents nos félicitations Un grand grand<br />
Mazal Tov à ses parents.<br />
Mazal tov à Eliora, la cousine d'Ariel,<br />
qui aura 5 ans ce jour là.<br />
Netanel, le fils <strong>de</strong> nos amis Eliane<br />
et Albert Bouhadana, a célébré sa bar<br />
mitsva le jeudi 1er novembre à la<br />
synagogue Chasse-loup Laubat.<br />
Nous présentons à Netanel ainsi qu'à<br />
ses parents, notre ami Albert<br />
Bouhadana, le ministre officiant<br />
<strong>de</strong> la synagogue Chasseloup<br />
Laubat et son épouse nos très<br />
chaleu-reuses félicitations.<br />
Nécrologie<br />
C'est avec tristesse que<br />
nous apprenons le décès du<br />
Bâtonnier Pierre Michel Dreyfus,<br />
vice Prési<strong>de</strong>nt honoraire du<br />
<strong>Consistoire</strong> central. Né à <strong>Paris</strong> en<br />
1923, il entra dans la résistance<br />
en 1942 et fit toute sa carrière<br />
d'avocat au barreau d'Avignon<br />
dont il fut Bâtonnier. Prési<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> nombreuses asso-ciations dont<br />
la Légion d'honneur, la prévention<br />
routière et d'associations<br />
d'anciens combattants, il fut<br />
égale-ment prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la<br />
communanuté d'Avignon et du<br />
<strong>Consistoire</strong> régional d'Alpes<br />
Provence. Depuis 1972, vice<br />
Prési<strong>de</strong>nt du <strong>Consistoire</strong> central,<br />
il continuait à participer active-<br />
Alain Kleinmann.<br />
Le prix Mémoire <strong>de</strong> la Shoah a été<br />
créé en 1988 pour récompenser un écrivain,<br />
un artiste, un sculpteur, un historien<br />
ou un enseignant pour une recherche<br />
ou une thèse portant sur le génoci<strong>de</strong><br />
du peuple juif.<br />
COMMUNAUTÉ<br />
La Communauté<br />
OHR HAIM VERCINGETORIX<br />
organise un Oulpan qui débutera début<br />
janvier 2008. Les cours serons dispensés<br />
par Mme Shoula Krief. Une réunion<br />
d'information se tiendra samedi 15<br />
décembre à partir <strong>de</strong> 19h00 à la Synagogue<br />
Vercingétorix -223/227 rue Vercingétorix<br />
- 75014 <strong>Paris</strong> - Renseignements :<br />
Mme KRIEF : 06.09.25.34.41<br />
ment aux réunions du <strong>Consistoire</strong> central<br />
en tant que vice Prési<strong>de</strong>nt honoraire. Forte<br />
perssonnalité du judaïsme français, il avait<br />
su allier l'attachement aux valeurs<br />
républicaines et la fidélité au judaïsme.<br />
Il avait été promu en 2006 Comman<strong>de</strong>ur<br />
<strong>de</strong> la Légion d'honneur. Il était le père <strong>de</strong><br />
Maître Francine Dreyfus-Seligman et beaupère<br />
<strong>de</strong> Maître Paul-Olivier Seligman,<br />
Secrétaire Rapporteur du <strong>Consistoire</strong><br />
central et du <strong>Consistoire</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>.<br />
Notre ami Stéphane Moses, écrivain<br />
et philosophe, ancien professeur à<br />
l'Université hébraïque <strong>de</strong> Jérusalem, est<br />
décédé le samedi 1er décembre à son<br />
domicile à <strong>Paris</strong>. Nous lui rendrons<br />
l'hommage qu'il mérite dans notre<br />
prochain numéro.<br />
A son épouse, Liliane Mosès-Klapisch<br />
à Emmanuel, Anne et David Sherman, à<br />
Rachel, ses enfants, Information juive<br />
présente ses sincères condoléances.<br />
Remerciements<br />
Chlomo et Victor Malka ainsi que<br />
leurs frères et sœurs remercient tous ceux<br />
qui les ont consolés après le décès <strong>de</strong> leur<br />
mère Yaël, survenu à Petah Tikva en Israël,<br />
le 29 octobre <strong>de</strong>rnier.<br />
Mme Yaël Malka était la veuve du grand<br />
rabbin Moshé Malka qui fut le prési<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong>s tribunaux rabbiniques <strong>de</strong> la région <strong>de</strong><br />
Petah Tikva et qui avait obtenu le prix<br />
Jérusalem pour ses livres <strong>de</strong> littérature<br />
rabbinique.