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qu’on veut dans chacune des langues de culture. Bien entendu, on ne peut pas toujours le faire avec la même netteté et sans ambigüité » (1974 : 8). Les lacunes marquent donc une modalité expressive appauvrie et qui souffre d’un manque en précision. Ce n’est évidemment qu’à travers la confrontation de deux ou plusieurs langues qu’il est possible de découvrir ces lacunes lexicales 88 . Par rapport à la vision de LEHRER, nous voyons qu’une prise en compte de la dimension expressive des unités commence à apparaître dans la pensée de DUCHACEK. DE DARDEL (1977 : 63) ouvre son article avec un postulat : une langue « est en mesure d’exprimer tous les concepts [mais] ne les exprime cependant pas tous au moyen d’une unité lexicale et ‘l’absence d’un mot simple n’implique pas l’absence du concept’ 89 ». Son deuxième postulat est que « le système de la langue et son évolution sont conditionnés dans une certaine mesure par des besoins extra-linguistiques, qui découlent à leur tour du monde socio-culturel où vit la communauté linguistique » (ibid.). Voici donc une prise en compte explicite du rôle de la communauté linguistique dans l’évolution du système lexical. DE DARDEL poursuit : « l’existence de certains mots virtuels [lexèmes non actualisés par le système, et pour exprimer lesquels il faut recourir à une périphrase] et de certains mots actuels [lexèmes qui expriment un concept donné] résulte d’une pression que le monde socio-culturel exerce sur la langue » (1977 : 66). L’univers extralinguistique laisserait donc une empreinte évidente dans le lexique d’une langue et dans ses lacunes. Voici comment se dessine de l’approche adoptée par DE DARDEL : La description scientifique de la langue, qu’elle soit synchronique ou diachronique, aborde sa tâche de manière trop restrictive, si elle situe le principe d’explication des mots virtuels et des mots actuels à l’intérieur du langage uniquement et si elle ne tente pas d’isoler les mots virtuels et les mots actuels d’origine socio-culturelle (1977 : 77). L’auteur s’oppose donc à la dichotomie structuraliste linguistique interne vs. linguistique externe. Une tentative comme celle de LEHRER s’avère d’emblée infaisable, puisque les mots virtuels et les mots actuels, en tant qu’affleurement des besoins socio-culturels d’une langue, sont par définition asystématiques, c’est-à-dire échappent à une explication basée sur l’analyse du système linguistique (1977 : 71). PEETERS (1996), plus récemment, considère que l’existence de cases vides lexicales n’est qu’un mythe. Il cherche donc « à mettre en question l’existence [des] cases vides qui se situent au niveau du lexique de la langue-E partagée par tous les membres d’une communauté linguistique » (1996 : 255). La notion de « possibilité théorique » de l’existence d’un mot pour chaque « case » est gênante car elle implique la conception du « lexique 88 L’auteur parle également de « redondances lexicales », comme pour le doublet français venimeux/vénéneux. 89 Cit. POTTIER B., « Champ sémantique, champ d’expérience et structure lexicale », Zeitschrift für französische Sprache und Literatur, Beiheft (Neue Folge), 1, 1968, p. 37-40. 64

d’une langue en termes de lexèmes et de sémèmes, c.-à-d. en termes de constellations de sèmes ou de traits sémantiques distinctifs » (1996 : 257). PEETERS met au centre de ses réflexions le concept des « besoins communicatifs des usagers », emprunté au fonctionnalisme d’A. MARTINET. Au cas où il y aurait « certains concepts lexicalisés dans une langue A, mais non pas dans une autre langue B », il faudrait parler de lacunes, plutôt que de cases vides 90 . Ce phénomène est amplifié par le fait que « les 91 langues humaines [...] reflètent sans exception une vue du monde qui leur est propre » (1996 : 259). Ces considérations rejoignent celles que nous avons évoquées dans le chapitre I.1 et elles reflètent, à notre avis, la réalité des choses : la langue porte la marque de la culture qui est propre à la communauté des locuteurs. A propos de ce thème, SZENDE (1996 : 113) affirme : « Le fait que telle construction conceptuelle porte un nom, qu’elle est en quelque sorte solidifiée par un nom, prouve l’intérêt que lui porte la communauté linguistique, alors que telle autre ne peut s’exprimer que de façon analytique et indirecte ». Dans ces mots, il esquisse une théorie sur les causes socio-culturelles des découpages sémantiques, et de leurs lacunes lexicales relatives. La question qui se pose nous paraît la suivante : si certaines « constructions conceptuelles » sont exprimées de façon synthétique par une langue, cela témoigne-t-il sans équivoque de l’intérêt de la communauté linguistique respective pour le concept ? Et, par ailleurs, est-ce que les ‘lacunes’ lexicales signalent plutôt un désintérêt des locuteurs de cette langue pour cette conceptualisation ? PEETERS (2000 : 206) semblerait pencher pour l’affirmative : « the unavailability of a word is typically an indication of the relative unimportance of the corresponding concept in a speech community ». Un point de vue diamétralement opposé est défendu par TOMASZCZYK (1983 : 49): a language does not really need a separate lexical item for every tiny thing its users can think of [and] the need for a lexical item is only one of the factors that lead to its coinage. [...] A language can survive a long time without a specific item even though the particular concept may be quite important for the speakers. L’un des buts de la deuxième partie de notre thèse est de mettre à l’épreuve les hypothèses de SZENDE et PEETERS. Notamment, l’analyse des écarts tirés de notre corpus nous permettra de vérifier si cette corrélation entre langue et culture existe, et comment elle s’articule. 90 Ce que fait encore BIDAUD (2003: 69), définissant les cases vides comme des « termes qui ne possèdent pas d’équivalents dans l’autre langue ». L’exemple fourni est l’italien pendolare. 91 C’est l’auteur qui souligne. 65

qu’on veut dans chacune des langues de culture. Bien entendu, on ne peut pas toujours le<br />

faire avec la même netteté et sans ambigüité » (1974 : 8). Les lacunes marquent donc une<br />

modalité expressive appauvrie et qui souffre d’un manque en précision. Ce n’est<br />

évidemment qu’à travers la confrontation de deux ou plusieurs langues qu’il est possible de<br />

découvrir ces lacunes lexicales 88 . Par rapport à la vision de LEHRER, nous voyons qu’une<br />

prise en compte de la dimension expressive des unités commence à apparaître dans la<br />

pensée de DUCHACEK.<br />

DE DAR<strong>DEL</strong> (1977 : 63) ouvre son article avec un postulat : une langue « est en mesure<br />

d’exprimer tous les concepts [mais] ne les exprime cependant pas tous au moyen d’une<br />

unité lexicale et ‘l’absence d’un mot simple n’implique pas l’absence du concept’ 89 ». Son<br />

deuxième postulat est que « le système de la langue et son évolution sont conditionnés dans<br />

une certaine mesure par des besoins extra-linguistiques, qui découlent à leur tour du monde<br />

socio-culturel où vit la communauté linguistique » (ibid.). Voici donc une prise en compte<br />

explicite du rôle de la communauté linguistique dans l’évolution du système lexical.<br />

DE DAR<strong>DEL</strong> poursuit : « l’existence de certains mots virtuels [lexèmes non actualisés par le<br />

système, et pour exprimer lesquels il faut recourir à une périphrase] et de certains mots<br />

actuels [lexèmes qui expriment un concept donné] résulte d’une pression que le monde<br />

socio-culturel exerce sur la langue » (1977 : 66). L’univers extralinguistique laisserait donc<br />

une empreinte évidente dans le lexique d’une langue et dans ses lacunes. Voici comment se<br />

dessine de l’approche adoptée par DE DAR<strong>DEL</strong> :<br />

La description scientifique de la langue, qu’elle soit synchronique ou diachronique, aborde sa<br />

tâche de manière trop restrictive, si elle situe le principe d’explication des mots virtuels et des<br />

mots actuels à l’intérieur du langage uniquement et si elle ne tente pas d’isoler les mots<br />

virtuels et les mots actuels d’origine socio-culturelle (1977 : 77).<br />

L’auteur s’oppose donc à la dichotomie structuraliste linguistique interne vs. linguistique externe.<br />

Une tentative comme celle de LEHRER s’avère d’emblée infaisable, puisque<br />

les mots virtuels et les mots actuels, en tant qu’affleurement des besoins socio-culturels d’une<br />

langue, sont par définition asystématiques, c’est-à-dire échappent à une explication basée sur<br />

l’analyse du système linguistique (1977 : 71).<br />

PEETERS (1996), plus récemment, considère que l’existence de cases vides lexicales n’est<br />

qu’un mythe. Il cherche donc « à mettre en question l’existence [des] cases vides qui se<br />

situent au niveau du lexique de la langue-E partagée par tous les membres d’une<br />

communauté linguistique » (1996 : 255). La notion de « possibilité théorique » de l’existence<br />

d’un mot pour chaque « case » est gênante car elle implique la conception du « lexique<br />

88 L’auteur parle également de « redondances lexicales », comme pour le doublet français venimeux/vénéneux.<br />

89 Cit. POTTIER B., « Champ sémantique, champ d’expérience et structure lexicale », Zeitschrift für französische<br />

Sprache und Literatur, Beiheft (Neue Folge), 1, 1968, p. 37-40.<br />

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