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Comme l’indique très bien HARTMANN, « Lexical equivalence is a relative, fluid and relational concept » (1985: 123). Pour prendre en compte la dimension relationnelle et sociale de l’équivalence, analysons un autre exemple. Le mot français ronde, dans l’acception que PR11 définit ainsi: « Visite, inspection militaire autour d’une place (et par ext. dans une ville, un camp) pour s’assurer que tout va bien », nous paraît assez neutre 75, au point de vue connotatif. Sa traduction en italien, au point de vue du sens (et de la forme) est sans aucun doute ronda. Or, il se trouve que ce mot en italien possède une aura plus sombre, car cela évoque la période du squadrismo pendant le fascisme, où des organisations paramilitaires d’‘escouades d’action’ sévissaient dans les villes, ciblant les adversaires politiques. L’actualité italienne fait maintenant revivre ce terme de ronde, vu qu’un projet de loi du Parlement autorise des regroupements de citoyens avec des fins de surveillance sur le territoire national. Les différences entre ces deux réalités sont évidentes (espérons-le tout au moins), mais il n’est pas anodin de rappeler que le premier ministre Berlusconi lui-même, très conscient de la force des mots, affirme « Ne les appelez surtout pas ronde ! » 76, pour stigmatiser cette dangereuse analogie. 77 Nous sommes donc en présence d’un couple de mot à la même dénotation, dont les charges culturelles, dirait GALISSON (1987), ou le « cadre idéologique », comme l’appelle BUZON (1979 : 42), sont asymétriques. Restons dans la connotation et prenons un dernier exemple. En France, il est possible de trouver au supermarché des gaufres à la saveur « vergeoise ». Ne connaissant pas ce mot, nous l’avons cherché dans les DB. Voilà ce que nous avons trouvé : Vergeoise = zucchero di qualità scadente, ricavato dalla melassa (HP) = zucchero di qualità scadente (ricavato dalla melassa) (G) = zucchero ricavato dalla melassa (SL) = zucchero ricavato dalla melassa (B) Les deux premiers dictionnaires expriment un jugement de valeur (« médiocre ») que les deux derniers, plus prudemment, évitent. Au cas où ces produits devraient être commercialisés en Italie, il ne faudrait surtout pas que la traduction sur l’emballage s’inspire des deux premiers équivalents. Abordons un autre cas d’équivalence, apparemment transparente mais en réalité pleine d’embûches. C’est le mot français provincial. Nos quatre dictionnaires nous fournissent tout simplement l’équivalent provinciale. Seul SL ajoute la glose « personne qui vit en province ». Un examen des monolingues français et italien nous révèle en fait un décalage insoupçonné. Comme l’explique PR11, un provincial est une « personne qui vit en province », qui est bien 75 Voire positif, si on pense à la ronde des enfants. 76 Interview au quotidien Il Tempo, 22 mai 2009. 77 Un exemple en quelque sorte analogue, de décalage entre un mot français et un mot italien au niveau représentationnel « est fourni par le couple place /piazza » (FOURMENT BERNI-CANANI 2000 : 236). 56

« En France, l’ensemble du pays (notamment les villes, les bourgs) à l’exclusion de la capitale ». En italien, d’après le dictionnaire De Mauro, un provinciale est celui qui vit en provincia, « l’insieme dei piccoli paesi di una provincia o di una regione ». L’écart nous paraît manifeste, et de taille. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de connotation 78 divergente. Il s’agit plutôt d’un contenu sémantique dissemblable, relevant sans aucun doute de l’extralinguistique. Comme on peut le voir, le phénomène de l’écart met en jeu une vaste typologie de thèmes, qui parfois interrogent l’identité même du DB. Passons maintenant à analyser d’autres valeurs du signe, tels qu’on peut les saisir dans les dictionnaires. Le verbe français ronronner a une évidente origine onomatopéique. Si B, HP et SL traduisent tout simplement « fare le fusa », G ajoute « fare ron ron ». Ce choix tend peut-être à préserver cette motivation supplémentaire du lexème, plutôt qu’à fournir un équivalent ultérieur. Le dénoté n’est pas en question, ni la connotation, ni l’extralinguistique ; dans ce cas c’est la forme signifiante qui est au centre. Même si le traduisant « fare ron ron » est peu usité, à notre avis il a le mérite de souligner une onomatopée qui n’est pas forcément transparente pour un locuteur italien. I.4.5 Les degrés de l’équivalence lexicale Dans les pages précédentes, nous avons pu voir les dimensions expressive, connotative et pragmatique de l’équivalence interlinguale, et les écarts qui en découlaient. De façon plus générale, nous nous demandons maintenant : est-il possible d’établir une échelle d’équivalence lexicale ? KROMANN – RIIBER – ROSBACH (1991 : 2717-2718) distinguent une « full equivalence », où « no denotative or connotative elements are lost », une « partial equivalence » (qui concerne l’hypéronymie ou l’hyponymie interlinguale) et une « zero equivalence », à pallier à travers des « surrogate equivalents ». En d’autres termes, GOUWS (2002) a parlé de « congruence » (équivalence totale), « divergence » (équivalence partiale, qui peut être d’ordre lexical ou sémantique) et « surrogate equivalence » (ou équivalence zéro, qui peut être d’ordre linguistique ou référentiel). Pour DUVAL aussi (1991 : 2818) on peut isoler trois cas de figure : - lorsque le signifié renvoie à une même réalité culturelle, et que le signifiant est un élément du lexique dans les deux langues. Par exemple : F. ordinateur ; A. computer - lorsque le mot existe bien en tant qu’élément du lexique dans les deux langues, alors que le réel ne fait pas partie de l’univers culturel des locuteurs de la langue cible ou n’est pas reconnu en tant que tel par la majorité entre eux. Par exemple : F. le 14 juillet ; A. Bastille Day 78 Pour une discussion sur cette notion, voir infra, I.8. 57

« En France, l’ensemble du pays (notamment les villes, les bourgs) à l’exclusion de la<br />

capitale ». En italien, d’après le dictionnaire De Mauro, un provinciale est celui qui vit en<br />

provincia, « l’insieme dei piccoli paesi di una provincia o di una regione ». L’écart nous paraît<br />

manifeste, et de taille. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de connotation 78 divergente. Il<br />

s’agit plutôt d’un contenu sémantique dissemblable, relevant sans aucun doute de<br />

l’extralinguistique. Comme on peut le voir, le phénomène de l’écart met en jeu une vaste<br />

typologie de thèmes, qui parfois interrogent l’identité même du DB.<br />

Passons maintenant à analyser d’autres valeurs du signe, tels qu’on peut les saisir dans les<br />

dictionnaires.<br />

Le verbe français ronronner a une évidente origine onomatopéique. Si B, HP et SL traduisent<br />

tout simplement « fare le fusa », G ajoute « fare ron ron ». Ce choix tend peut-être à<br />

préserver cette motivation supplémentaire du lexème, plutôt qu’à fournir un équivalent<br />

ultérieur. Le dénoté n’est pas en question, ni la connotation, ni l’extralinguistique ; dans ce<br />

cas c’est la forme signifiante qui est au centre. Même si le traduisant « fare ron ron » est peu<br />

usité, à notre avis il a le mérite de souligner une onomatopée qui n’est pas forcément<br />

transparente pour un locuteur italien.<br />

I.4.5 Les degrés de l’équivalence lexicale<br />

Dans les pages précédentes, nous avons pu voir les dimensions expressive, connotative et<br />

pragmatique de l’équivalence interlinguale, et les écarts qui en découlaient. De façon plus<br />

générale, nous nous demandons maintenant : est-il possible d’établir une échelle<br />

d’équivalence lexicale ?<br />

KROMANN – RIIBER – ROSBACH (1991 : 2717-2718) distinguent une « full equivalence », où<br />

« no denotative or connotative elements are lost », une « partial equivalence » (qui concerne<br />

l’hypéronymie ou l’hyponymie interlinguale) et une « zero equivalence », à pallier à travers<br />

des « surrogate equivalents ». En d’autres termes, GOUWS (2002) a parlé de « congruence »<br />

(équivalence totale), « divergence » (équivalence partiale, qui peut être d’ordre lexical ou<br />

sémantique) et « surrogate equivalence » (ou équivalence zéro, qui peut être d’ordre<br />

linguistique ou référentiel).<br />

Pour DUVAL aussi (1991 : 2818) on peut isoler trois cas de figure :<br />

- lorsque le signifié renvoie à une même réalité culturelle, et que le signifiant est un élément<br />

du lexique dans les deux langues. Par exemple : F. ordinateur ; A. computer<br />

- lorsque le mot existe bien en tant qu’élément du lexique dans les deux langues, alors que le<br />

réel ne fait pas partie de l’univers culturel des locuteurs de la langue cible ou n’est pas<br />

reconnu en tant que tel par la majorité entre eux. Par exemple : F. le 14 juillet ; A. Bastille Day<br />

78 Pour une discussion sur cette notion, voir infra, I.8.<br />

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