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I.3 Un débat sémantique La sémantique est sommée de prendre en compte tout ensemble la langue et la culture 42 LERAT (1994 : 501) A ce point de notre analyse, nous croyons opportun nous arrêter quelque peu sur des thèmes de nature sémantique. Une réflexion sur le sens des unités linguistiques est cruciale, et préliminaire à leur mise en équivalence. Nous tâcherons de voir les tropismes à l’œuvre dans la « boîte noire » 54 où se produit le sens. Dans ce chapitre, notre but n’est pas celui de suivre de près le développement des théories sémantiques, mais bien de montrer transversalement comment les sens des mots se construisent, quel est leur traitement en lexicographie bilingue et, en définitive, ce qu’est un mot. Nous suivrons le fil rouge d’une prise en compte de la dimension culturelle du langage, qui nous accompagnera tout au long de cette thèse. I.3.1 La construction du sens entre langue et discours Pour GUILBERT, le lexique « constitue un ensemble de références à des réalités extralinguistiques » (1975 : 131). Comment se définit ce cheminement référentiel ? Dans le débat entre le paradigme structuraliste et le paradigme de l’énonciation 55 , LERAT (1976 : 42) fait valoir BENVENISTE contre SAUSSURE : si on présuppose, avec ce dernier, que « le signifié est un donné », cela serait incompatible avec « les résultats des derniers travaux de E. Benveniste ». « La ‘signifiance’ du discours ne se comprend [...] que si le signifié cesse d’être ce donné pour devenir un produit ». D’autant plus si l’on pense, à l’instar de BENVENISTE, que « la langue est un produit du discours » (ibid.). LERAT affirme ensuite que « si le signifié préexistait à l’usage du signe, il devrait y avoir des définitions plus vraies que d’autres » (1976 : 45-46). Or, « les vérités des divers dictionnaires sont compatibles entre elles et constituent autant de traits définitoires juxtaposables, mais chaque lexicographe les sélectionne selon ses préoccupations et celles de son public » 56. Ce qui est vrai pour les monolingues, l’est d’autant plus pour les bilingues, nous croyons. Dans cette approche, le signifié est donc construit et n’est pas antérieur à sa mise en discours ; une 54 L’expression est de KLEIBER (1997 : 9). 55 Cf. LARRIVEE (2008). 56 Les dictionnaires sont donc loin d’être les « masterpieces of consensus » que AYTO souhaitait (1983 : 89).

analyse des définitions et des traduisants (respectivement pour les dictionnaires monolingues et bilingues) nous confirme qu’il y a tout un travail de sélection, reposant sur l’appréhension de la pertinence, et que les dictionnaires ne rendent pas un signifié, mais le créent, ou mieux le recréent, en quelque sorte. LERAT, dans ce même article, nous rappelle que « les signes linguistiques naissent, vivent et meurent en fonction des besoins humains en matière de désignation, d’élaboration conceptuelle et de vie sociale » (1976 : 48). Voici donc réaffirmé un modèle anthropocentrique, qui voit les signes comme fonction des communautés linguistiques. RASTIER va encore plus loin dans ce sens, affirmant que « les signifiés de langue et les représentations mentales sont les uns comme les autres des formations culturelles » (1991 : 96-97). Abordons maintenant la question de la référence. BUZON (1979 : 39 ) affirme que « le sens des mots est dans les mots, dans le discours et non dans les choses [...]. Le référent n’est pas immédiatement donné, n’existe pas en soi, mais est construit par un discours », avant de distinguer entre référents discursifs et référents objectaux. On est clairement dans une perspective constructiviste : « le langage n’est pas une forme vide dans laquelle viendrait se couler la pensée ; il n’en est pas l’expression : l’énonciation, le discours sont les créateurs de la pensée même » (BUZON 1979 : 42). Les conséquences de cette position nous paraissent les suivantes : admettons que le réel soit le même pour deux communautés linguistiques, locuteurs de L1 et de L2 ; le sens étant construit par le discours (macro-discours en L1 et en L2), la prise sur le réel sera médiatisée par deux langues distinctes et ne sera donc jamais la même. Une version modernisée de cette approche est offerte par FRANCKEL (2002), qui se situe clairement dans la paradigme de l’énonciation 57. Il définit la sémantique comme une « analyse des représentations mentales déclenchées par et appréhendées à travers le matériau verbal qui leur donne corps » (2002 : 3-4). D’après FRANCKEL et le courant constructiviste, en ce qui concerne la traduction interlinguale « la même chose n’existe pas, on n’a que des façons différentes de dire des choses différentes » (2002 : 8) ; il s’agit d’un point de vue assez radical, qui a de lourdes conséquences sur une théorie de la lexicographie bilingue. Pour ce qui relève de l’identité des lexèmes, selon FRANCKEL, « les unités lexicales ne sont pas des individus tout constitués, mais des occurrences construites par des processus d’individuation » (2002 : 15). Il est patent que dans une macrostructure de dictionnaire (bilingue et monolingue) on a affaire à une forme abstraite, une unité dictionnairique discrète, qui sera, le cas échéant, remise en contexte artificiellement. Si l’on considère, en plus, que dans les DB les exemples sont pour la plupart forgés, on se rendra compte de la double artificialité qui caractérise le traitement des entrées, au niveau paradigmatique et syntagmatique. 57 Cf. LARRIVEE (2008: 109-110). 43

I.3 Un débat sémantique<br />

La sémantique est sommée de prendre en compte tout ensemble la langue et la culture<br />

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LERAT (1994 : 501)<br />

A ce point de notre analyse, nous croyons opportun nous arrêter quelque peu sur des<br />

thèmes de nature sémantique. Une réflexion sur le sens des unités linguistiques est cruciale,<br />

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Nous tâcherons de voir les tropismes à l’œuvre dans la « boîte noire » 54 où se produit le<br />

sens.<br />

Dans ce chapitre, notre but n’est pas celui de suivre de près le développement des théories<br />

sémantiques, mais bien de montrer transversalement comment les sens des mots se<br />

construisent, quel est leur traitement en lexicographie bilingue et, en définitive, ce qu’est un<br />

mot. Nous suivrons le fil rouge d’une prise en compte de la dimension culturelle du<br />

langage, qui nous accompagnera tout au long de cette thèse.<br />

I.3.1 La construction du sens entre langue et discours<br />

Pour GUILBERT, le lexique « constitue un ensemble de références à des réalités<br />

extralinguistiques » (1975 : 131). Comment se définit ce cheminement référentiel ?<br />

Dans le débat entre le paradigme structuraliste et le paradigme de l’énonciation 55 , LERAT<br />

(1976 : 42) fait valoir BENVENISTE contre SAUSSURE : si on présuppose, avec ce dernier,<br />

que « le signifié est un donné », cela serait incompatible avec « les résultats des derniers<br />

travaux de E. Benveniste ». « La ‘signifiance’ du discours ne se comprend [...] que si le<br />

signifié cesse d’être ce donné pour devenir un produit ». D’autant plus si l’on pense, à<br />

l’instar de BENVENISTE, que « la langue est un produit du discours » (ibid.). LERAT affirme<br />

ensuite que « si le signifié préexistait à l’usage du signe, il devrait y avoir des définitions plus<br />

vraies que d’autres » (1976 : 45-46). Or, « les vérités des divers dictionnaires sont<br />

compatibles entre elles et constituent autant de traits définitoires juxtaposables, mais<br />

chaque lexicographe les sélectionne selon ses préoccupations et celles de son public » 56. Ce<br />

qui est vrai pour les monolingues, l’est d’autant plus pour les bilingues, nous croyons. Dans<br />

cette approche, le signifié est donc construit et n’est pas antérieur à sa mise en discours ; une<br />

54 L’expression est de KLEIBER (1997 : 9).<br />

55 Cf. LARRIVEE (2008).<br />

56 Les dictionnaires sont donc loin d’être les « masterpieces of consensus » que AYTO souhaitait (1983 : 89).

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