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(1990 : 16). Nous voyons ici une ouverture à la dimension encyclopédique, qui se taille un rôle dans la description des unités lexicales. Nous reviendrons plus bas sur l’impossibilité d’une séparation étanche entre sens lexical et sens encyclopédique. KORZYK (1995), dans une optique cognitive, insiste sur le caractère dynamique du sens, mal représenté par le dictionnaire et ses répartitions en signifiés discrets. Les lexicographes se comportent comme si le signifié était an entity permanently attached to a lexical unit : a discrete, invariant or static object, whose boundaries may be delineated precisely and clearly and whose substance may be treated as composed of a set of elements (1995: 84). KORZYK va plus loin dans ses propos, en affirmant que « the so-called lexical meaning of a linguistic unit [...] is an epiphenomenon or artefact brought into being by the lexicographer, skeletonising the living substance of the spoken world » (1995 : 85). Nous croyons qu’il faut retenir surtout ceci des propos de KORZYK : l’opération d’abstraction menée par le dictionnaire n’est pas sans effet sur la représentation des signifiés dans l’esprit des locuteurs. En ce qui concerne l’unité minimale de traitement lexicographique, BEJOINT va jusqu’à affirmer que « Il serait excessif de dire que ce sont les lexicographes qui ont inventé le mot pour des raisons purement pratiques, mais on peut dire que l’apparition du dictionnaire a favorisé son émergence dans la conscience linguistique des communautés où il s’est développé » (2005 : 14). Encore une fois, le dictionnaire n’est pas innocent : consciemment ou pas, il a contribué à l’affirmation de la notion du mot, de la possibilité d’une analyse sémantique scientifique des unités lexicales, et de la représentation du lexique comme un inventaire fini, fermé et statique. Cette vision est partagée par POLGUERE (2008 : 1278) « Le lexique décrit dans un dictionnaire est [...] une entité aux contours flous, une abstraction ou idéalisation d’un code soumis aux variations régionales, sociales, diachroniques, etc. ». Nous croyons avoir suffisamment insisté sur les apories linguistiques et théoriques (refoulement de la dimension pragmatique, tout d’abord) qui caractérisent le dictionnaire, mieux, le traitement des unités lexicales mené par les dictionnaires. A l’aune des difficultés lexicographiques que nous avons évoquées, quelle peut être la démarche correcte à adopter pour l’analyse du sens dans les DB ? WIERZBICKA a souvent insisté sur le fait que le but de la lexicographie coïncide avec la recherche de la vérité 51. Par l’intermédiaire de la définition (nous sommes dans une optique monolingue) il faut donc atteindre la dimension du vrai (à concevoir philosophiquement comme adæquatio ad rem). Et 51 « The process of constructing a lexicographic definition is – or should be – a search for truth » (WIERZBICKA 1996: 264) ; « Good lexicography is, above all, a search for truth, the truth about the meaning of words » (WIERZBICKA 1995 : 194). 40

dans notre optique, qui est bien bilingue, comment faudra-t-il concevoir l’entreprise lexicographique? A notre sens, cette pratique demande une ontologie plus faible : il ne faudra plus saisir le propre d’un lemme, mais plutôt mettre en œuvre une équivalence, qui est souvent fragile parce qu’elle minée à la racine, comme nous le verrons bientôt. Pourquoi parler d’ontologie faible ? La mise en équivalence des unités lexicales dans un DB relève souvent d’un ‘wishful thinking’. Essayons de voir quelques raisons pour cette impossibilité apparente. Equi-valence. Le trait d’union n’est pas une coquille : il entend rendre visible l’étymologie du mot. Le concept de valeur égale est donc décisif pour la raison d’être même des DB. Il n’est peut-être pas superflu d’évoquer la notion de valeur pour SAUSSURE : pour l’auteur du Cours, il s’agissait d’un élément tout à fait négatif, différentiel, qui se justifiait en tant que discriminant par rapport à d’autres signes. Cette vision de la valeur n’est pas opératoire dans notre optique, car elle se révèle insuffisante à rendre compte de la complexité des phénomènes : si l’on s’interroge sur la valeur des équivalents lexicaux dans les DB, il paraîtra clairement que : - l’équivalence est toujours incomplète si l’on assume que les mots occupent des espaces sémantiques différents dans toutes les langues ; - au point de vue dénotatif, les univers de référence de deux communautés de locuteurs (même voisines) ne coïncident jamais complètement, d’où les lacunes référentielles ; - au point de vue connotatif, les valeurs dont se chargent et ‘s’enveloppent’ les mots constituent un autre type de décalage, qui brouille les présupposés de l’équivalence. Pour P. BLUMENTHAL « le signe linguistique crée, structure le monde » 52 . M.L. HONESTE ajoute : « le cadre culturel façonne les expériences et les représentations mentales. Le signifié est alors la conceptualisation socialisée d’une langue spécifique » 53 . Les rapports entre langue et système culturel sont très bien posés par ces deux auteurs : si le signe est une unité qui contribue à façonner le monde et qu’il a sa place dans un système structuré, il est donc évident qu’une équivalence entre signes de deux systèmes différents se prête à une multitude d’écarts. Ce sera la thématique qui nous occupera dans le chapitre I.4. A présent, nous adopterons une perspective sémantique pour explorer des thèmes tels que les rapports entre significations et cultures, la description du sens dans les DB et le va-et-vient entre sens linguistique et extralinguistique dans les dictionnaires. 52 Communication au cours de la Journée scientifique de la Société de Linguistique de Paris, le 17 janvier 2009. 53 Le 23 octobre 2008, à la Sorbonne, lors d’une communication au titre « De quelques conséquences d’une théorie monosémique du sens lexical ». 41

dans notre optique, qui est bien bilingue, comment faudra-t-il concevoir l’entreprise<br />

lexicographique? A notre sens, cette pratique demande une ontologie plus faible : il ne<br />

faudra plus saisir le propre d’un lemme, mais plutôt mettre en œuvre une équivalence, qui est<br />

souvent fragile parce qu’elle minée à la racine, comme nous le verrons bientôt.<br />

Pourquoi parler d’ontologie faible ? La mise en équivalence des unités lexicales dans un DB<br />

relève souvent d’un ‘wishful thinking’. Essayons de voir quelques raisons pour cette<br />

impossibilité apparente.<br />

Equi-valence. Le trait d’union n’est pas une coquille : il entend rendre visible l’étymologie du<br />

mot. Le concept de valeur égale est donc décisif pour la raison d’être même des DB. Il n’est<br />

peut-être pas superflu d’évoquer la notion de valeur pour SAUSSURE : pour l’auteur du Cours,<br />

il s’agissait d’un élément tout à fait négatif, différentiel, qui se justifiait en tant que<br />

discriminant par rapport à d’autres signes. Cette vision de la valeur n’est pas opératoire<br />

dans notre optique, car elle se révèle insuffisante à rendre compte de la complexité des<br />

phénomènes : si l’on s’interroge sur la valeur des équivalents lexicaux dans les DB, il<br />

paraîtra clairement que :<br />

- l’équivalence est toujours incomplète si l’on assume que les mots occupent des<br />

espaces sémantiques différents dans toutes les langues ;<br />

- au point de vue dénotatif, les univers de référence de deux communautés de<br />

locuteurs (même voisines) ne coïncident jamais complètement, d’où les lacunes<br />

référentielles ;<br />

- au point de vue connotatif, les valeurs dont se chargent et ‘s’enveloppent’ les mots<br />

constituent un autre type de décalage, qui brouille les présupposés de l’équivalence.<br />

Pour P. BLUMENTHAL « le signe linguistique crée, structure le monde » 52 . M.L. HONESTE<br />

ajoute : « le cadre culturel façonne les expériences et les représentations mentales. Le<br />

signifié est alors la conceptualisation socialisée d’une langue spécifique » 53 . Les rapports<br />

entre langue et système culturel sont très bien posés par ces deux auteurs : si le signe est<br />

une unité qui contribue à façonner le monde et qu’il a sa place dans un système structuré, il<br />

est donc évident qu’une équivalence entre signes de deux systèmes différents se prête à une<br />

multitude d’écarts. Ce sera la thématique qui nous occupera dans le chapitre I.4. A présent,<br />

nous adopterons une perspective sémantique pour explorer des thèmes tels que les<br />

rapports entre significations et cultures, la description du sens dans les DB et le va-et-vient<br />

entre sens linguistique et extralinguistique dans les dictionnaires.<br />

52 Communication au cours de la Journée scientifique de la Société de Linguistique de Paris, le 17 janvier<br />

2009.<br />

53 Le 23 octobre 2008, à la Sorbonne, lors d’une communication au titre « De quelques conséquences d’une<br />

théorie monosémique du sens lexical ».<br />

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