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Un cadavre dans la b.. - Index of

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Moi, jamais. Peut-être faut-il y voir chez moi une manie : il me faut toujours des preuves.<br />

— C'est une attitude scientifique, commenta sir Henry.<br />

— Dans l'affaire présente, poursuivit miss Marple, on a d'emblée considéré certaines choses comme<br />

al<strong>la</strong>nt de soi au lieu de s'en tenir aux faits. Les faits, tels que je les ai relevés, étaient que <strong>la</strong> victime était<br />

très jeune, qu'elle se rongeait les ongles et qu'elle avait les dents un peu en avant, comme souvent chez les<br />

fillettes lorsqu'on ne les redresse pas assez tôt. Les enfants ne sont d'ailleurs pas souvent raisonnables<br />

avec leurs appareils : ils les retirent dès que les adultes ont le dos tourné.<br />

» Mais je m'égare. Où en étais-je ? Ah oui, j'examinais le <strong>cadavre</strong> de cette fille. J'étais triste parce qu'il<br />

est toujours navrant de voir une vie ainsi fauchée en pleine jeunesse, et je me disais que l'assassin, quel<br />

qu'il soit, devait être une bien mauvaise personne. Qu'on ait retrouvé ce <strong>cadavre</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> bibliothèque du<br />

colonel Bantry ne pouvait évidemment que dérouter, ça faisait même trop roman policier pour être vrai.<br />

En fait, le scénario ne «col<strong>la</strong>it pas». Il n'avait pas été prévu ainsi et c'est ce<strong>la</strong>, voyez-vous, qui nous a<br />

tellement embrouillés. La véritable idée de départ était de déposer le <strong>cadavre</strong> chez ce pauvre petit Basil<br />

B<strong>la</strong>ke — bien meilleur suspect, et de loin — mais le fait que ce dernier se soit amusé à le transporter<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> bibliothèque du colonel Bantry a considérablement retardé le cours des événements, sans doute au<br />

grand dam du véritable meurtrier.<br />

»Car à l'origine, c'est sur Mr B<strong>la</strong>ke que devaient se porter les soupçons. On aurait enquêté à<br />

Danemouth, découvert qu'il connaissait <strong>la</strong> morte, découvert ensuite qu'il s'était lié à une autre fille,<br />

supposé que Ruby Keene était venue lui faire du chantage ou une scène quelconque, et qu'il l'avait<br />

étranglée <strong>dans</strong> un accès de colère. <strong>Un</strong> crime tout ce qu'il y a de banal, de sordide — un crime de fêtard,<br />

quoi !<br />

» Seulement voilà, tout a mal tourné, et l'attention des enquêteurs s'est portée beaucoup trop vite sur <strong>la</strong><br />

famille Jefferson — au grand dam, encore une fois, d'une certaine personne.<br />

»Je vous l'ai dit, je suis très méfiante de nature. Mon neveu Raymond me répète — pour rire, bien<br />

entendu, et en toute affection — que mon cerveau est une poubelle, un cloaque. C'est, d'après lui, typique<br />

des victoriens. Tout ce que je peux dire, c'est que les victoriens en savaient long sur <strong>la</strong> nature humaine.<br />

» Dotée donc de cet esprit sceptique — sinon septique -, je me suis penchée sur l'aspect financier de<br />

l'affaire. Deux personnes al<strong>la</strong>ient tirer bénéfice de <strong>la</strong> mort de cette fille — on ne pouvait sortir de là.<br />

Cinquante mille livres, c'est une somme, surtout quand vous connaissez des difficultés pécuniaires — ce<br />

qui était le cas des deux personnes en question. Certes, il paraissait ma<strong>la</strong>isé de les soupçonner tant ils se<br />

montraient charmants l'un et l'autre... Mais on ne sait jamais, n'est-ce pas?<br />

» Mrs Jefferson, par exemple : tout le monde l'aimait beaucoup. Et pourtant, il apparaît évident qu'elle<br />

avait commencé cet été à ruer <strong>dans</strong> les brancards, qu'elle était <strong>la</strong>sse de <strong>la</strong> vie qu'elle menait, de sa<br />

complète dépendance vis-à-vis de son beau-père. Elle savait, parce que le médecin le lui avait dit, qu'il<br />

n'en avait plus pour bien longtemps — et alors là, pour dire les choses crûment, tout était pour le mieux...<br />

ou l'aurait été sans l'entrée en scène de Ruby Keene. Mrs Jefferson vouait à son fils une adoration sans<br />

bornes, et certaines femmes ont <strong>la</strong> curieuse idée que les crimes commis au nom de leur rejeton se<br />

justifient moralement. J'ai vu un ou deux cas de ce genre au vil<strong>la</strong>ge. «Mais c'que j'ai fait, c'était pour<br />

Daisy qu'j'l'ai fait, miss», disent-elles comme si ce<strong>la</strong> suffisait à justifier une conduite éminemment<br />

répréhensible. Plutôt <strong>la</strong>xiste, comme tournure d'esprit, non?

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