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La mer à table Petite enquête sur <strong>la</strong> soupe <strong>de</strong> poissons Un genre littéraire se développe <strong>de</strong>puis quelques années: le po<strong>la</strong>r gastronomique. Les investigations d’un enquêteur sont ponctuées par ses réjouissances à table. De sorte qu’en même temps qu’il voit se <strong>de</strong>ssiner <strong>la</strong> solution <strong>de</strong> l’énigme criminelle, le lecteur est témoin <strong>de</strong>s émotions gastronomiques <strong>de</strong> son héros, seul dans son petit restaurant, avec sa copine, chez <strong>de</strong>s amis, dans <strong>la</strong> cuisine <strong>de</strong> sa maman, chez lui, peu importe. On a souvent droit à <strong>la</strong> recette <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ts en question, et plusieurs <strong>de</strong> ces enquêteurs ont publié <strong>de</strong>s recueils <strong>de</strong> leurs préparations préférées. C’est le cas <strong>de</strong> Marie-Hélène Ferrari qui propose La promena<strong>de</strong> gastronomique <strong>de</strong> Pierucci en Corse et en Méditerranée (Editions Clémentine, 264 pages, 19 €). Un <strong>de</strong>s pionniers du genre a probablement été Pepe Carvallo, à Barcelone, guidé par l’excellent Manuel Vasquez Montalban. D’autres l’ont suivi : le principe est désormais répandu, <strong>la</strong> quête du coupable s’accompagnant souvent d’une autre quête, du p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong>s sens. Comme si, pessimistes à force d’observer une société corrompue, tous ces détectives, commissaires, enquêteurs, journalistes avaient fini par p<strong>la</strong>cer leur idéalisme dans une assiette. Le grand mérite <strong>de</strong> ce type d’entreprise est <strong>de</strong> permettre non seulement <strong>de</strong> jalonner le récit <strong>de</strong> haltes agréables, non seulement d’apporter <strong>de</strong>s idées pour le repas du soir, mais <strong>de</strong> donner surtout à connaître le pays d’où ces recettes sont issues. Car <strong>la</strong> cuisine est à <strong>la</strong> fois le produit <strong>de</strong> <strong>la</strong> géographie, <strong>de</strong> l’histoire, <strong>de</strong>s traditions, <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong> vivre : connaître <strong>la</strong> manière dont il se nourrit, c’est à peu près tout savoir d’un peuple. Il n’y a pas meilleur cicérone pour découvrir et aimer <strong>la</strong> capitale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Catalogne que le détective <strong>de</strong> Montalban. Il serait amusant, à Ajaccio, <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à un auteur <strong>de</strong> roman policier <strong>de</strong> se pencher sur <strong>la</strong> question. Pourquoi ne pas suggérer le thème lors du prochain salon du po<strong>la</strong>r ajaccien, au début du mois <strong>de</strong> juillet? Pourquoi ne pas proposer aux participants <strong>de</strong> raconter une enquête policière dans <strong>la</strong> ville impériale, avec l’obligation, au fil du récit, <strong>de</strong> présenter <strong>de</strong>s recettes <strong>de</strong> cuisine? Au hasard d’indémê<strong>la</strong>bles rififis gangstéro-politiques, il y aurait les pâtes à <strong>la</strong> grita <strong>de</strong> l’un, les oursins <strong>de</strong> l’autre, les encornets <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère machin, les supions du voisin, etc… Et pour finir, au détour d’une friture du golfe – ou d’un rouget « <strong>de</strong> l’île » -, on trouverait le coupable, que l’enquêteur un peu pompette – le vin d’Ajaccio est redoutable! - présenterait en dégustant <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngoustes autour d’un fastueux banquet <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer… A moins que le secret <strong>de</strong> l’enquête – sait-on jamais – se niche au fond d’une marmite <strong>de</strong> soupe <strong>de</strong> poissons. Où é<strong>la</strong>bore-t-on <strong>la</strong> meilleure ? Où est conservé le secret <strong>de</strong> <strong>la</strong> soupe <strong>la</strong> plus savoureuse ? Que faut-il impérativement pour que <strong>la</strong> soupe <strong>de</strong> poissons mérite ce nom ? Et que ne faut-il surtout pas ? Ce pourrait être l’occasion <strong>de</strong> fréquenter quelques-uns <strong>de</strong>s hauts lieux gastronomiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Corse-du- Sud – qui sont parfois <strong>de</strong>s établissements d’apparence fort mo<strong>de</strong>ste -, et l’occasion <strong>de</strong> rencontrer <strong>de</strong>s personnages hauts en couleurs, et déjà savoureux. • Le magazine <strong>de</strong> l’été 2012 - Ajaccio 31