Cahier spécial n°7 - ville Fouesnant-les Glénan
Cahier spécial n°7 - ville Fouesnant-les Glénan
Cahier spécial n°7 - ville Fouesnant-les Glénan
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<strong>Fouesnant</strong><br />
le magazine de votre <strong>ville</strong> - septembre 2010<br />
<strong>Cahier</strong> <strong>spécial</strong><br />
Un été aux <strong>Glénan</strong><br />
1<br />
www.<strong>ville</strong>-fouesnant.fr<br />
www.<strong>ville</strong>-fouesnant.fr<br />
<strong>Cahier</strong> <strong>spécial</strong><br />
<strong>n°7</strong><br />
<strong>les</strong> <strong>Glénan</strong>
<strong>Cahier</strong> <strong>spécial</strong><br />
L’archipel des <strong>Glénan</strong>, la magie des î<strong>les</strong><br />
Les <strong>Glénan</strong> sont magiques. La preuve ? On y voit des gens marcher sur l’eau et des chiens gambader sur<br />
la mer, s’attachant à ne rater aucun banc de sable. Hallucinations visuel<strong>les</strong> ? Nullement. Aujourd’hui, c’est<br />
jour de grand coefficient.<br />
D ans<br />
Jean-Yves Le Dréau<br />
« La Chambre », port naturel<br />
qu’entourent <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> î<strong>les</strong> de<br />
l’archipel, <strong>les</strong> flots ont des allures de<br />
draps froissés. Ils laissent entrapercevoir<br />
une micro géographie secrète d’îlots et<br />
de méandres où se dissimulent praires et<br />
palourdes que traquent, inlassablement,<br />
des colonnes courbées de pêcheurs à pied.<br />
Les caprices de la marée abolissent <strong>les</strong><br />
distances. à Saint-Nicolas, capitale de ce<br />
royaume de rocs, de sable et d’écume, on<br />
entre dans l’intimité du Centre Nautique<br />
installé sur l’île voisine de Drenec et l’architecture<br />
massive de Fort Cigogne semble<br />
à portée de main. Bien installé sur la<br />
terrasse de chez Fred, on ne se lasse pas<br />
de suivre la géométrie alimentaire des<br />
goélands, paraphant d’un trait oblique<br />
et plongeant, un ciel uniformément bleu.<br />
Midi approche. La noria des vedettes qui,<br />
chaque jour de l’été, déverse des centaines<br />
de passagers sur l’île, aura bien du<br />
mal à se frayer un passage dans l’étroit<br />
chenal qui mène à la cale. La mer est<br />
basse. Les voiliers abandonnés peinent<br />
à trouver leur équilibre et tentent, tant<br />
bien que mal, de masquer leur désarroi.<br />
Saint-Nicolas est en ébullition. Les<br />
visiteurs, sac à provision dans une main<br />
et poussette dans l’autre, s’échelonnent<br />
en file indienne sur <strong>les</strong> platelages qui<br />
permettent de faire le tour de l’île sans<br />
la dénaturer. Pour <strong>les</strong> accueillir, le rivage,<br />
près de Bananec, sable blanc et eaux<br />
translucides, se donne des airs de lagon.<br />
Plus loin, brille un éclat tombé du paradis<br />
au milieu de l’océan : Guiriden. Seu<strong>les</strong>,<br />
quelques naïades, fuyant la multitude, s’y<br />
laissent hâler sur une esquisse de dune<br />
ourlée de turquoise.<br />
à Saint-Nicolas, <strong>les</strong> habitués se sont<br />
prudemment retirés. C’est l’heure de<br />
l’apéro. Sur l’île, le langage est codé. Les<br />
« gens de l’Est », propriétaires des treize<br />
maisons construites à la fin des années<br />
60, viennent au « bourg », c’est-à-dire<br />
dans l’un des deux bars-restaurants que<br />
sépare l’antenne municipale. Ensuite, on<br />
« monte » ou on « descend ». Si on monte,<br />
2<br />
on va au « Sac de Nœuds », si on descend,<br />
on se rend « Chez Castric ». L’heure<br />
passant, il arrive même qu’on se croise.<br />
« Chez Castric », en effet, il y a deux horloges.<br />
Une pour l’heure normale, l’autre<br />
pour l’heure solaire. C’est-à-dire qu’en<br />
montant au « Sac de nœuds », vous pouvez<br />
prolonger l’apéro de deux heures. Il<br />
est alors grand temps de passer à table<br />
parce qu’après, la sieste est impérative.<br />
En général, <strong>les</strong> touristes qui ont du tact<br />
en profitent pour regagner <strong>les</strong> vedettes<br />
et s’éclipser. Une étrange langueur s’empare,<br />
à ce moment, de Saint-Nicolas.<br />
Quelques téméraires vont se baigner<br />
dans une eau un tantinet frisquette<br />
tandis que d’autres préfèrent s’adonner<br />
à une méditation parfumée au houblon<br />
en suivant du regard <strong>les</strong> grands incendies<br />
que le couchant allume à l’horizon.<br />
Plus tard, beaucoup plus tard, il faudra<br />
« aller siffler sur la colline ». Cela voudra<br />
dire que Joe Dassin mène la danse chez<br />
Fred, et que la nuit est bien avancée. Il<br />
n’y a pas qu’elle d’ailleurs. Le lendemain<br />
matin, alors qu’à la télévision, on annonce<br />
une « nouvelle » journée pluvieuse sur<br />
tout l’Ouest, <strong>les</strong> stagiaires du Centre de<br />
Plongée, tee-shirt et lunettes noires,<br />
tournant ostensiblement le dos à l’écran,<br />
prennent leur café en se laissant caresser<br />
par <strong>les</strong> rayons d’un soleil aveuglant.<br />
Décidément, l’archipel des <strong>Glénan</strong> n’est<br />
pas en Bretagne. Il est ailleurs.<br />
Guiriden : un éclat de paradis au milieu de l’océan.
<strong>Cahier</strong> <strong>spécial</strong><br />
Georges Le Quilliec, Michel Quéméré, Gautier Rannou<br />
L’équipe de l’antenne municipale<br />
Dès que l’on arrive sur l’île Saint-Nicolas, on ne peut l’ignorer. Un panneau d’agglomération collé sur un<br />
mur en pierre d’une vaste maison l’indique clairement : nous sommes à <strong>Fouesnant</strong>.<br />
C ’est<br />
dans cet ancien abri de marins<br />
que Louis Le Calvez, maire de l’époque,<br />
décida d’installer une antenne<br />
municipale et d’y mettre à demeure<br />
Annick, la représentante communale.<br />
<strong>Fouesnant</strong> manifestait ainsi sa volonté<br />
d’affirmer que l’archipel faisait partie<br />
intégrante de la commune. Aujourd’hui,<br />
la fréquentation s’est développée, à<br />
Saint-Nicolas, en particulier. Et, après<br />
un long intermède au cours duquel<br />
Pascal Malléjacq a assuré seul la pré-<br />
L es<br />
maisons, dessinées par l’architecte<br />
Jean Quéinnec sont toutes<br />
identiques. El<strong>les</strong> sont achevées en<br />
1968. On ne construira plus de maisons<br />
sur l’île. Quinze ans plus tard, en<br />
janvier 1983, Michel Charrettour vient<br />
en balade dans l’archipel. La tempête<br />
se lève et le <strong>Fouesnant</strong>ais est bloqué<br />
sur Saint-Nicolas pendant cinq jours.<br />
L’environnement l’impressionne, l’accueil<br />
le séduit. Il tombe sous le charme<br />
des î<strong>les</strong>. Un ami le prévient qu’une des<br />
maisons est à vendre. Il n’hésite pas un<br />
instant. Il ne le regrettera jamais. Bien<br />
Gautier, Georges et Michel.<br />
sence municipale aux <strong>Glénan</strong>, un groupe<br />
de trois responsab<strong>les</strong> s’est formé et une<br />
rotation s’est établie à partir de 2005.<br />
Georges Le Quilliec, le capitaine du<br />
port et Michel Quéméré, deux anciens<br />
marins pêcheurs (25 ans de mer chacun)<br />
sont en place depuis respectivement 15<br />
et 10 ans. Le jeune Gautier Rannou vient<br />
d’être titularisé, cette année. A chacun<br />
leur tour, ils représentent l’autorité<br />
municipale, assurent le service public et<br />
marquent la continuité territoriale sur<br />
Ils sont propriétaires d’une<br />
des maisons de Saint-Nicolas<br />
Michel et Françoise Charrettour :<br />
« Le Paradis au quotidien »<br />
Au milieu des années 60, une équipe de copains de la région<br />
de Quimper crée une SCI afin de construire un ensemble<br />
de 13 maisons sur l’île Saint-Nicolas.<br />
sûr, au début, ce n’est pas commode.<br />
Il n’y a ni eau, ni électricité. Depuis il<br />
a installé un groupe électrogène mais<br />
l’eau arrive encore par <strong>les</strong> gouttières.<br />
Les inconvénients de l’insularité.<br />
« Dommage qu’il n’y ait que deux toilettes<br />
publiques pour tout ce monde » soupirent<br />
Michel et Françoise Charrettour.<br />
Mais <strong>les</strong> paysages sont toujours aussi<br />
beaux et <strong>les</strong> relations aussi fraternel<strong>les</strong>.<br />
Michel, et Françoise ou leurs enfants,<br />
Ronan, Patrick et Benoît qui y ont passé<br />
toute leur jeunesse y viennent tous <strong>les</strong><br />
week-ends d’été… et bien d’autres fois<br />
3<br />
l’archipel. Les tâches sont multip<strong>les</strong> :<br />
entretien de l’environnement, avant la<br />
saison (fauchage). Et puis, à partir du<br />
mois d’avril, il faut s’occuper de l’électricité<br />
(groupes électrogènes, éolien,<br />
solaire), de l’eau, de l’hygiène, (toilettes).<br />
En outre, l’été, il faut gérer le flux de<br />
population, (dépannage sur <strong>les</strong> bateaux,<br />
remorquages, petite « bobologie »), donner<br />
des informations (météo, marée) et<br />
ramasser <strong>les</strong> déchets. Le tracteur sert<br />
pour la distribution en alimentation<br />
sur l’île (solidarité insulaire) tandis que<br />
l’essentiel de la matinée est consacré à<br />
récupérer la taxe portuaire auprès des<br />
plaisanciers (la commune possède cent<br />
mouillages dont 70 dans « La Chambre »<br />
et 30 à « La Pie »). Tous <strong>les</strong> trois passent<br />
donc un tiers de leur temps aux <strong>Glénan</strong><br />
mais ils ne se plaignent pas. « Ici, on a<br />
le sens de la convivialité, du service. On<br />
resserre <strong>les</strong> rangs entre nous. Qu’est-ce<br />
qu’on ferait sans <strong>les</strong> autres ? » disent en<br />
chœur Georges, Michel et Gautier.<br />
durant l’année. Assis sur leur terrasse,<br />
ils profitent du soleil qui brille ici plus<br />
qu’ailleurs. Quelques minutes auparavant,<br />
Françoise est revenue de la plage<br />
qui se trouve à dix mètres avec un<br />
seau de palourdes. El<strong>les</strong> serviront pour<br />
le repas du soir dont l’heure n’a pas<br />
encore été fixée. « Sur l’île, on vit au<br />
ralenti » commente Michel qui étend le<br />
bras. « Quand je suis dans mon jardin,<br />
mon horizon s’arrête à l’île de Drenec ».<br />
Un jardinet qui préserve leur intimité. A<br />
quelques mètres, des centaines de visiteurs<br />
passent sur le petit chemin…
A u-dessus,<br />
un petit bar aux murs chaulés<br />
qu’un artiste de Sainte-Marine,<br />
Bernard Le Menn a orné de corsaires<br />
au regard farouche accueille <strong>les</strong> pêcheurs<br />
de passage. Pour <strong>les</strong> vacances scolaires,<br />
<strong>les</strong> enfants arrivent tous sur l’île. « J’y ai<br />
passé tous mes étés depuis 1968. Que<br />
de souvenirs heureux : pêche, baignade,<br />
balade. C’était le temps de l’insouciance »<br />
indique Isabelle la « petite sœur » qui, dès<br />
ses 15 ans, se met au travail comme ses<br />
sœurs aînées, Nelly et Véronique. « J’ai<br />
même été marin avec mon père et mon<br />
frère. Le soir, je servais au bar » ajoute-telle.<br />
Entre-temps, Jean Castric a racheté<br />
<strong>les</strong> viviers. Son épouse, Yvette, se met au<br />
fourneau pour cuire <strong>les</strong> poissons que <strong>les</strong><br />
pêcheurs ramenaient. « C’est comme cela<br />
que nous avons commencé la restauration<br />
» se souvient Isabelle. Depuis, on a<br />
ajouté une véranda et agrandi la terrasse<br />
en 1989. « Chez Castric » est devenue, peu<br />
à peu, une institution où l’on déguste<br />
soupe de poissons, crabes, palourdes far-<br />
<strong>Cahier</strong> <strong>spécial</strong><br />
<strong>Cahier</strong> <strong>spécial</strong><br />
Toute la famille au service du homard<br />
« Chez Castric » : une institution<br />
C’était en 1968. La famille Castric débarque aux <strong>Glénan</strong>. Un endroit que le père, Jean, connaît bien pour y<br />
avoir ses quartiers de pêche. Sur l’île Saint-Nicolas, il devient le gardien des viviers, réservoirs à homards,<br />
langoustes, tourteaux… de Prunier, une grande maison parisienne.<br />
M ais<br />
avant, il s’appelait « La Boucane »<br />
avant que le propriétaire Christian<br />
Marchadour ne décide en 2008 de<br />
lui redonner le nom qu’il a actuellement<br />
et qui était le sien auparavant.<br />
Au départ, d’ailleurs, il se nommait « <strong>les</strong><br />
Quatre Vents ». C’était l’ancien abri du<br />
cies ou grillées, poissons suivant la pêche.<br />
Et bien sûr, le fameux homard pêché par<br />
le fils Jean-Michel qui a remplacé son<br />
père en 1993 et qui ne cesse d’alimenter<br />
<strong>les</strong> viviers. La fraîcheur et la qualité des<br />
produits ont déjà attiré Lionel Jospin ou<br />
Alain Delon. Jacques Weber, Jean Glavany,<br />
Michel-Edouard Leclerc sont des habitués.<br />
Il tient le bar-restaurant « Le sac de nœuds »<br />
Chez Fred « La Boucane »<br />
canot de sauvetage. Pas facile de s’y<br />
retrouver dans tout cela. Bref ! Même si<br />
on va au « Sac de nœuds », tout le monde<br />
va chez « Fred la boucane ». Fred, un personnage<br />
qui créé l’animation dans le bar,<br />
même aux heures creuses. Dans une autre<br />
vie, il a été marin-pêcheur. Et puis durant<br />
quatorze ans, il a régné sur <strong>les</strong> nuits du<br />
« Nash<strong>ville</strong> » à Mousterlin, avant de mettre<br />
le cap sur l’archipel en 2000 où il devient<br />
l’employé de Christian Marchadour et de<br />
« La Boucane ». Un an plus tard, il en prend<br />
la gérance et y restera jusqu’en 2007. Le<br />
propriétaire veut retrouver son établissement.<br />
Il ne reste plus à Fred qu’à s’exiler à<br />
Bénodet où il achète « l’Atalante » un bar<br />
qu’il tient pendant deux ans. L’an dernier,<br />
c’est le retour sur l’archipel… au « Sac de<br />
Inutile donc d’espérer une place en été si<br />
on n’a pas réservé. D’ailleurs, Véronique<br />
quitte sa crêperie de l’île de Sein pour<br />
venir à la rescousse. Toute la famille se<br />
retrouve au piano. Mais il faudra attendre<br />
le printemps pour se rassasier à nouveau.<br />
« Chez Castric », on arrête de servir le 15<br />
septembre.<br />
Que <strong>les</strong> choses soient claires. Tout au moins si el<strong>les</strong> peuvent l’être. Le bar-restaurant où officie Fred Fagot, un Breton<br />
de 38 ans qui prend ses quartiers d’hiver à Gouesnac’h où il réside depuis 25 ans, s’appelle le « sac de nœuds ».<br />
4<br />
Yvette, la maman, Véronique, Isabelle et Nelly Castric.<br />
nœuds ». Sur la terrasse qui présente le<br />
plus beau panorama des <strong>Glénan</strong>, on peut<br />
déguster des salades, de l’andouillette, de<br />
la bavette, des mou<strong>les</strong>-frites servies par<br />
l’un de ses sept employés (<strong>les</strong> deux mois<br />
d’été). On suit <strong>les</strong> évolutions des voiliers<br />
en se laissant dorer par le soleil. Lorsque<br />
vient le soir, tout le monde se replie à<br />
l’intérieur. La musique est reine. La nuit,<br />
souvent longue, peut commencer. « On<br />
ne fait pas la fête sur un bateau » juge<br />
Fred. Et tant pis s’il faut aller quatre fois<br />
par semaine, se ravitailler à Bénodet, tant<br />
pis si l’électricité et l’eau lui jouent des<br />
tours tous <strong>les</strong> jours, Fred n’en démord<br />
pas. « Quand tu te lèves et que tu vois ces<br />
paysages, tu ne peux pas ne pas avoir le<br />
moral. »
<strong>Cahier</strong> <strong>spécial</strong><br />
450 stagiaires, chaque semaine, en été, dans l’archipel<br />
« Les <strong>Glénan</strong>s » : école de voile, école de vie<br />
O n<br />
ne peut pas se tromper. Les évolutions<br />
bariolées des embarcations<br />
aux quatre coins de l’archipel, à tout<br />
moment de l’année (sauf la parenthèse<br />
de l’hiver) l’attestent. Le célèbre centre<br />
nautique a définitivement marqué de son<br />
empreinte <strong>les</strong> <strong>Glénan</strong>, même s’il a ajouté<br />
un « s » à son nom pour se différencier<br />
des î<strong>les</strong> et s’il vit dans une relative autarcie.<br />
63 ans après sa création, en 1947,<br />
sur l’île du Loch, par Philipe et Hélène<br />
Viannay, des personnages charismatiques<br />
issus de la Résistance, le Centre fait<br />
toujours preuve du même dynamisme<br />
et est resté fidèle à ses valeurs : vie en<br />
collectivité dans des milieux souvent<br />
isolés et rustiques et esprit d’entraide<br />
caractérisé par le bénévolat, le partage<br />
des tâches, le mélange des générations.<br />
Il faut dire qu’au départ, <strong>les</strong> pionniers<br />
songeaient surtout à installer un centre<br />
de vacances pour remettre le pied à<br />
l’étrier à des jeunes qui avaient traversé<br />
la guerre dans des conditions diffici<strong>les</strong>.<br />
Ils étaient 120, lors de la première année<br />
à venir s’épanouir dans des installations<br />
rudimentaires. Vu la beauté du site et<br />
le plan d’eau favorable à la navigation,<br />
la pratique de la voile s’impose avec<br />
évidence. La qualité de l’enseignement,<br />
le cadre remarquable, l’ambiance conviviale<br />
valurent aux « <strong>Glénan</strong>s » une réputation<br />
qui dépassa nos frontières et le<br />
Centre ne tarda pas à essaimer dans <strong>les</strong><br />
autres î<strong>les</strong> de l’archipel.<br />
UNe RéPUTaTIoN<br />
INTeRNaTIoNaLe<br />
Aujourd’hui, « <strong>les</strong> <strong>Glénan</strong>s » ont quitté le<br />
Loch mais ils ont des bases sur quatre<br />
autres î<strong>les</strong> : Penfret pour la pratique de la<br />
voile légère (15/18 ans), Drenec pour la<br />
voile légère adulte (18/65 ans). Des chiffres<br />
? 80 catamarans, 30 dériveurs et 60<br />
planches à voile mis à la disposition de<br />
quelque 200 stagiaires et 50 encadrants<br />
à Penfret tandis qu’à Drenec, on accueille<br />
115 personnes encadrées par 25 moniteurs.<br />
à Bananec (65 personnes, 15 encadrants)<br />
et à Fort Cigogne (80 personnes,<br />
20 encadrants), la priorité est donnée à<br />
l’initiation à la croisière. Les stagiaires<br />
ont à leur disposition 25 « <strong>Glénan</strong>s 5.7 ».<br />
En tout, ce sont environ 450 stagiaires<br />
qui transitent, chaque semaine, par l’archipel.<br />
Ils viennent de toute la France<br />
5<br />
(de nombreux Parisiens) mais on trouve<br />
aussi beaucoup d’Italiens et de Belges,<br />
des Américains, des Allemands… Même<br />
si, désormais, ils disposent de lumière et<br />
d’eau chaude pour <strong>les</strong> douches, <strong>les</strong> amateurs<br />
de voile n’ont guère le temps de se<br />
prélasser sur <strong>les</strong> bel<strong>les</strong> plages des diverses<br />
î<strong>les</strong>. La discipline est de rigueur. Petitdéjeuner<br />
à 8h00, navigation jusqu’à midi.<br />
Débriefing. Déjeuner à 13h00. A nouveau<br />
sur l’eau de 15h30 à 18h00. Dîner à<br />
20h00. Interdiction pour <strong>les</strong> mineurs de<br />
se rendre, le soir, à Saint-Nicolas, afin<br />
de ne pas succomber aux diverses tentations<br />
de la nuit. La méthode a du bon.<br />
De grands champions ont été formés aux<br />
« <strong>Glénan</strong>s » (Franck Cammas et Vincent<br />
Riou, par exemple) et ils sont nombreux<br />
ceux qui reviennent pour se perfectionner<br />
et passer leur monitorat. Malgré<br />
la multiplication des efforts physiques,<br />
chaque stagiaire se doit de participer à<br />
« la bordée », une fois par semaine : préparation<br />
des repas, vaisselle, hygiène du<br />
site. Philippe et Hélène Viannay seraient<br />
fiers de leurs successeurs. L’école de voile<br />
des « <strong>Glénan</strong>s » est toujours une école de<br />
vie.
<strong>Cahier</strong> <strong>spécial</strong><br />
Le Centre International de Plongée vient de fêter ses 50 ans<br />
CIP : l’ivresse des profondeurs<br />
Le Men-Du, l’un des deux bateaux du Centre International de Plongée, est parti depuis une vingtaine de<br />
minutes de son site de Saint-Nicolas et il se trouve, désormais, à trois mil<strong>les</strong> au nord de Penfret. C’est là<br />
que la quarantaine de stagiaires va plonger sur l’épave du Pietro qui gît par 30 mètres de fond.<br />
L e<br />
Pietro ? Un cargo italien de 140<br />
m de long qui fut coulé en 1943<br />
par des avions canadiens alors qu’il<br />
se rendait de Hambourg à Osaka pour<br />
livrer des machines-outils. A la barre<br />
du Men-Du, le patron du CIP, Laurent<br />
Cayatte, suit attentivement <strong>les</strong> opérations.<br />
La mer ne pardonne pas et la<br />
sécurité est maximale : un moniteur<br />
pour deux élèves. Une demi-heure plus<br />
tard, tout le monde est, à nouveau, à<br />
bord. Sur le pont, il règne une douce<br />
euphorie. Certains titubent, d’autres<br />
chantent. C’est sans doute l’ivresse des<br />
profondeurs. Laurent Cayatte tempère :<br />
« Pendant quelques minutes, il y a une<br />
légère altération des facultés intellectuel<strong>les</strong>.<br />
Mais beaucoup éprouvent du<br />
bien-être et du soulagement ». Il faut<br />
dire que la température ne dépasse pas<br />
<strong>les</strong> 10° dans <strong>les</strong> entrail<strong>les</strong> du Pietro.<br />
Les stagiaires, en tout cas, prennent<br />
du plaisir à plonger sur <strong>les</strong> épaves.<br />
« La faune y est importante » explique<br />
le Directeur du CIP. « On y trouve des<br />
congres, des grands lieux, des bancs de<br />
tacauds ». Mais ce n’est pas seulement<br />
pour observer <strong>les</strong> poissons que l’on vient<br />
plonger au CIP. Le centre est agréé par<br />
la Fédération pour former <strong>les</strong> cadres de<br />
plongée. Réputé pour la qualité et l’exigence<br />
de sa formation, il fait passer de<br />
nombreux brevets, chaque année, à des<br />
professionnels de la mer, des vidéastes,<br />
des biologistes… à Saint-Nicolas, une<br />
dizaine de moniteurs accueille tous <strong>les</strong><br />
quinze jours, une cinquantaine de stagiaires<br />
venus de toute la France… et<br />
d’ailleurs. Pourtant le CIP s’interroge<br />
toujours sur son avenir.<br />
UN CRéaTeUR hoRS dU CoMMUN<br />
C’est en 1960 que Roger Weygèle a<br />
lancé <strong>les</strong> bases du CIP aux <strong>Glénan</strong> avec<br />
le Groupe Atlantique de Plongée. La vie<br />
du bonhomme est un roman. Lutteur de<br />
foire, il promet un million de francs de<br />
l’époque à celui qui le mettra à terre.<br />
Colosse, il soulève des voitures avec ses<br />
dents. Le cirque passe de mode, Roger<br />
se forme tout seul à la plongée, baroude<br />
autour de la France, obtient son brevet<br />
6<br />
Sur le « Men-Du» , <strong>les</strong> plongeurs en compagnie de Laurent Cayatte (à gauche).<br />
d’Etat de moniteur de plongée, découvre<br />
<strong>les</strong> <strong>Glénan</strong>. Il achète un voilier. On le<br />
trouve à Port-Grimaud, à Belle-Ile, à<br />
l’Ile de Sein. En hiver 1977, il conduit<br />
un groupe aux Bermudes. Son bateau<br />
flambe. Il dérive en solitaire pendant<br />
25 jours sur un radeau de sauvetage. Il<br />
sera récupéré sur une île des Bahamas<br />
par des pêcheurs de tortues. Laurent<br />
Cayatte, qui a été stagiaire aux <strong>Glénan</strong><br />
en 1972 l’a remplacé à la tête du centre.<br />
Mais <strong>les</strong> installations sont demeurées<br />
rudimentaires et des négociations ont<br />
été entamées avec la Mairie pour une<br />
redistribution des locaux. Laurent espère<br />
qu’el<strong>les</strong> vont aboutir très vite. Et puis,<br />
la qualité de la visibilité a beaucoup<br />
baissé depuis que l’on extrait le maërl.<br />
Sa disparition altère la clarté des eaux<br />
et quand un sablier passe à l’action, il<br />
faut trois semaines avant que le sable<br />
ne se décante. Heureusement, dans le<br />
cadre de Natura 2000, cette activité<br />
devrait cesser et <strong>les</strong> fonds de l’archipel<br />
retrouver toute leur splendeur. Laurent<br />
Cayatte compte <strong>les</strong> jours.
<strong>Cahier</strong> <strong>spécial</strong><br />
« deux marins pêcheurs à l’archipel »<br />
Jean-Michel : l’enfant des î<strong>les</strong><br />
« Quand mon père est venu s’occuper<br />
des viviers de Saint-Nicolas<br />
en 1968, j’avais trois ans. Je ne<br />
suis plus reparti ».<br />
à<br />
45 ans, Jean-Michel Castric, fils de<br />
Jean, figure tutélaire de la famille,<br />
n’éprouve aucun regret. « Si c’était<br />
à refaire, je recommencerais ». Après<br />
avoir suivi <strong>les</strong> cours à l’école de pêche<br />
de Concarneau, le voilà, donc, à 16 ans,<br />
sur l’Ange des Flots » en, compagnie de<br />
son père. Jean-Mich, comme l’appellent<br />
tous ses amis, y apprend son métier,<br />
durant sept ans. Et puis, il décide de<br />
prendre son destin en main et achète<br />
un bateau, le « Kalhua ». « J’ai trouvé ce<br />
nom sur une bouteille de liqueur mexicaine<br />
» sourit-il. Pendant deux ans, il<br />
pêche le bar et la daurade à la palangre<br />
avant de se tourner vers <strong>les</strong> casiers car<br />
le père Jean a fait valoir ses droits à<br />
la retraite. Les gens qui se régalent du<br />
homard de « chez Castric » le doivent<br />
désormais à Jean-Michel qui dépose<br />
l’intégralité de sa pêche dans <strong>les</strong> viviers.<br />
L’hiver, le bateau vert et rouge de 8 m<br />
20, rôde toujours dans <strong>les</strong> parages. Le<br />
K aourant,<br />
un prénom peu courant.<br />
« Peut-être parce que le grand-père<br />
de mon père s’appelait Corentin »<br />
se hasarde-t-il à expliquer. En tout<br />
cas, son père, lui, c’est Jean-Pierre<br />
Castric, le cousin des enfants de « Chez<br />
Castric », le bar restaurant de Saint-<br />
Nicolas. Vous suivez ? Non ? Retenez<br />
alors que Kaourant est le petit cousin<br />
de Jean-Michel, l’autre marin pêcheur<br />
de Saint-Nicolas. Tout est une histoire<br />
de famille chez <strong>les</strong> Castric. Et c’est,<br />
donc, en toute logique que Kaourant a<br />
embarqué sur le bateau de son père, le<br />
« Jean Nat », à 18 ans, après avoir arrêté<br />
ses études en terminale à Chaptal.<br />
« La pêche, c’est un métier dur mais j’ai<br />
été à la bonne école avec mon père »<br />
reconnaît-il. Après 7 ans de présence<br />
sur le bateau paternel, un caseyeur en<br />
bois de 7 m construit dans <strong>les</strong> années<br />
70, Kaourant s’embarque durant deux<br />
ans avec… Jean-Michel. Quand son<br />
filet lui permet de fournir le rouget et<br />
le mulet à la criée de Concarneau. Et<br />
quand le temps est mauvais ? « Il y a<br />
toujours quelque chose à faire : réparer<br />
<strong>les</strong> casiers, monter <strong>les</strong> filets. Je ne<br />
voudrais pas une autre vie ». Pourtant, il<br />
sait qu’à <strong>Fouesnant</strong> sa famille l’attend,<br />
dans la descente du Cap-Coz. Alors,<br />
Kaourant : le pêcheur solitaire<br />
Le « Jean Nat » de Kaourant.<br />
père prend sa retraite, il y a trois<br />
ans, tout naturellement, on retrouve<br />
le jeune homme à la barre du « Jean<br />
Nat ». Dès lors, il ne quittera plus guère<br />
7<br />
Jean-Michel, près des viviers.<br />
parfois, le week-end, il s’échappe pour<br />
retrouver son épouse, Corinne. Sa fille<br />
Juliette a 13 ans, son aîné, Paul, en a 15.<br />
L’âge auquel Jean-Michel commençait à<br />
naviguer. Quant à savoir si le jeune garçon<br />
sera marin pêcheur comme son père<br />
et son grand-père, seul l’avenir le dira.<br />
Saint-Nicolas. « J’ai appris à connaître<br />
<strong>les</strong> î<strong>les</strong> en y travaillant pour la <strong>ville</strong> de<br />
<strong>Fouesnant</strong> pendant <strong>les</strong> vacances scolaires<br />
» explique-t-il. Il apprécie la vie<br />
insulaire. Il en connaît le prix : la solitude.<br />
« Cela ne me pèse pas » assure-t-il.<br />
Alors, d’avril à septembre, de 7h00 à<br />
13h00, Kaourant s’en va traquer le<br />
homard dans le sud des <strong>Glénan</strong>. Une<br />
partie de la pêche va dans <strong>les</strong> viviers du<br />
restaurant, le reste est vendu à la criée<br />
ou aux plaisanciers. Dans <strong>les</strong> casiers,<br />
il trouve aussi des étril<strong>les</strong>, des tourteaux,<br />
des araignées. Quand viennent<br />
<strong>les</strong> mois d’hiver, le jeune pêcheur pose<br />
ses casiers sur le sable pour piéger le<br />
crabe ou lance le filet pour capturer le<br />
rouget. Et puis il regagne sa chambre<br />
de pêcheur pour prendre du repos. A<br />
31 ans, célibataire, Kaourant n’a nullement<br />
l’intention de changer de vie.<br />
C’est une certitude. Le continent ne lui<br />
manque pas.
Le Phare de Penfret. Fort Cigogne.<br />
Le ciel de l’archipel au crépuscule. Des plages au sable immaculé.<br />
L’heure du départ. Le platelage permet de préserver l’île.<br />
Le couchant allume des grands incendies à l’horizon. L’ancien abri du canot de sauvetage.