BARO Magazine N¡30 - Avocats à la cour de Rennes

moi pour avoir une opinion sur ce sujet.
Ceci étant, je considère depuis mon arrivée
dans ce département, que l’administration a
tout à gagner à avoir des interlocuteurs
informés, qui connaissent le droit applicable
aux différents cas. La loi fiscale est ce qu’elle
est dans sa complexité, son évolution, ses
finesses, son interprétation par la jurisprudence.
L’avocat est incontournable pour se
présenter devant l’administration avec un
usager. Pour moi c’est fondamental, parce
que, je prends un mot trivial, le métier de
l’administration fiscale ce n’est pas de faire
du racket, c’est de traiter l’usager en
sachant distinguer celui qui fait preuve de
civisme mais qui peut se tromper et celui
qui délibérément est sorti des clous.
Plus un usager est bien défendu, au sens
noble du terme, mieux c’est pour tout le
monde. Pour lui, bien évidemment, mais
pour l’administration,pour éviter des procédures
creuses devant le juge, qui sont du temps et
de l’argent perdus pour tout le monde.
Une bonne explication, une bonne médiation
vaut mieux qu’un mauvais contentieux.
Parfois des usagers ont lu un article, qu’ils
croient avoir compris et s’acharnent sur ce
point. Inversement, les équipes administratives,
comme toutes les équipes, ont leurs
forces et leurs faiblesses. Elles ont des
agents de grande qualité, elles en ont d’autres
plus faibles, et tout le monde peut se tromper
surtout dans un domaine si complexe.
L’avocat, et plus particulièrement l’avocat
fiscaliste est incontournable pour aller plaider
devant les tribunaux, mais de mon point de
vue, encore plus indispensable pour éviter
d’aller devant les tribunaux, pour régler en
amont, avec des conseils et des éclairages
appropriés, des dossiers qui, soit méritent
de passer à la trappe, soit doivent évoluer
parce qu’il est rare en droit fiscal que tout
soit blanc ou tout soit noir.Vous allez donner
des explications à vos clients, qui sont, dans
certains cas, les mêmes que celles que
nous essayons de lui faire comprendre,
mais venant de vous cela passe plus facilement
et vous allez aussi nous donner des explications,
pour nous faire comprendre que l’on
est sur un terrain difficile et que, si l’on
s’acharne, on va dans le mur parce que
vous savez de quoi vous parlez. Vous avez
une position irremplaçable.
Evolue t’elle dans le bon sens ? Mon sentiment
est que oui dans notre département.
Ce qui ne veut pas dire que de temps en
temps on ne se retrouvera pas devant un
Juge sur telle ou telle typologie de contentieux.
Un avocat aime bien entendre dire le
droit, mais pour nous c’est la même chose.
Il doit s’agir de cas extrêmement limités, et
qui méritent que l’on tienne. Mais parfois
avec une bonne explication, la présence
d’un avocat qui va dire le droit à son client
et qui va nous le présenter sous un angle
qui a pu nous échapper, permet de régler le
problème, alors que certaines procédures
durent pendant un temps indéterminé, ce
qui signifie, pour tout le monde, insécurité
juridique et financière, tout à fait détestable
dans ce monde économique qui est le nôtre.
Baro
Avez-vous constaté une évolution
du contentieux fiscal depuis que
vous pratiquez la matière ?
M. CORNELY
On voit des contentieux qui augmentent
parfois avec des législations un peu complexes,
mal comprises, mal interprétées.
Certains types de contentieux diminuent
aussi parce que le législateur vient régler un
certain nombre de difficultés.
Les contentieux que je qualifierai « d’imbéciles »
diminuent nettement. Ce n’est pas un
hasard : le temps c’est de l’argent pour
l’administration comme pour tout le monde.
Battons nous pour des choses sérieuses,
pas pour des sornettes ou pour des
situations où même le Juge est bien
dubitatif pour dire le droit.
Enfin, sur un plan technique, l’évolution que
l’on constate porte sur le contentieux de la
fiscalité patrimoniale et le lien entre le
patrimonial et le revenu. Nous sommes plus
pointus en la matière que nous ne l’étions.
En même temps, le vieillissement de la
population, suscite plus d’intérêt pour nos
concitoyens, en particulier les plus
favorisés, à prévoir et organiser leur
succession avec, en amont, des montages
juridiques. Le droit est là pour cela, mais
parfois ce sont des montages juridiques
risqués, ou sur lesquels nous souhaitons
voir dire le droit.Cette évolution du contentieux
n’est pas forcément quantitative mais
qualitative.
Baro
Au terme de cet entretien, nous avons
bien compris que vous étiez passionné
par votre travail, mais si vous n’étiez
pas directeur des services fiscaux,
qu’aimeriez vous faire ?
M. CORNELY
Il y a deux métiers que j’aurais aimé faire :
commissaire de police ou juge. Je dois avoir
des gènes pour être dans un domaine,
certains pourraient dire du répressif, mais
j’aurais tendance à dire dans le domaine du
droit et de l’humain.
Je suis très admiratif du travail de la police,
je parle « un peu » de l’agent qui met une
contravention quand on laisse sa voiture un
peu trop longtemps, tout le monde déteste
cela, mais après tout il ne fait qu’un métier
nécessaire et utile à la vie en société…
mais plus du travail de la police dans les
affaires de grand banditisme ou de délinquance
financière. Le métier de juge qui
travaille dans « l’humain » le plus difficile
est aussi à mes yeux un fantastique métier.
Vous voyez je n’ai pas cité avocat, parce
que je dois avoir un gène de fonctionnaire
caché quelque part, mais les gènes ont
évolué et ma fille est avocate.
Propos recueillis par
Raymond BONDIGUEL
et Philippe COSNARD
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