BARO Magazine N¡30 - Avocats à la cour de Rennes
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L e c o u p d ' œ i l d a n s l e r é t r o<br />
Bertrand CHEVALLIER<br />
Bâtonnier en 1989 et 1990<br />
Mon premier jour<br />
C’était, <strong>à</strong> l’époque, le premier jour ouvrable<br />
<strong>de</strong> janvier, qui était également le jour <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
rentrée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour et <strong>de</strong> l’Assemblée<br />
Générale <strong>de</strong> l’Ordre.<br />
Il a donc consisté, tout d’abord, <strong>à</strong> souhaiter<br />
au secrétariat <strong>de</strong> l’Ordre mes vœux <strong>de</strong><br />
bonne année, personnels pour une année,<br />
et d’épanouissement professionnel pour<br />
<strong>de</strong>ux années.<br />
Il a été une journée <strong>de</strong> représentation <strong>de</strong><br />
l’Ordre assisté du Conseil <strong>de</strong> l’Ordre pour<br />
<strong>la</strong> rentrée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour, puis d’expression <strong>de</strong><br />
ce que je pensais être <strong>la</strong> mission que j’avais<br />
<strong>à</strong> effectuer, dans le cadre <strong>de</strong> l’Assemblée<br />
Générale <strong>de</strong> l’Ordre comportant un exercice<br />
qui n’était pas que <strong>de</strong> style mais également<br />
d’humanité et <strong>de</strong> sensibilité, consistant <strong>à</strong><br />
rappeler les événements <strong>de</strong> l’année<br />
précé<strong>de</strong>nte, y compris les naissances<br />
successives et les noms et prénoms <strong>de</strong>s<br />
nouveaux enfants <strong>de</strong>s avocats, étant<br />
précisé que l’on était au début <strong>de</strong> l’explosion<br />
du baby-boom chez les jeunes avocats.<br />
Cette première journée a été marquée par<br />
un souci qui fut quotidien et récurrent, <strong>à</strong><br />
savoir le souci constant <strong>de</strong> ne point aimer<br />
le pouvoir, <strong>de</strong> m’en méfier et <strong>de</strong> n’éprouver<br />
aucun p<strong>la</strong>isir, le p<strong>la</strong>isir étant réservé aux<br />
émotions personnelles.<br />
La réalisation qui m’a rendu<br />
peut-être le plus fier<br />
Ce fut <strong>la</strong> première rentrée du barreau que<br />
nous avons organisée en 1989.<br />
Les grands barreaux <strong>de</strong> France organisaient<br />
<strong>de</strong>s rentrées du barreau qui faisaient<br />
d’ailleurs l’objet <strong>de</strong> comptes rendus dans<br />
les revues juridiques et qui permettaient<br />
<strong>de</strong> montrer <strong>à</strong> l’extérieur l’existence <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
profession d’avocat et, au sein d’un barreau,<br />
son unité et sa diversité.<br />
Le Conseil <strong>de</strong> l’Ordre a alors décidé<br />
d’organiser une rentrée du barreau <strong>à</strong> <strong>la</strong> fin<br />
<strong>de</strong> l’année 1989 avec en outre ce souci <strong>de</strong><br />
Baro Avril 2005<br />
répondre au souhait du maire <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong><br />
<strong>Rennes</strong> <strong>de</strong> voir le barreau fêter le bicentenaire<br />
<strong>de</strong>s déc<strong>la</strong>rations <strong>de</strong> l’année 1789.<br />
Pour <strong>la</strong> première fois, dans <strong>la</strong> grandchambre<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour d’Appel, où jusqu’alors<br />
ne se dérou<strong>la</strong>ient que les audiences<br />
solennelles, le barreau <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> s’est <strong>à</strong><br />
<strong>la</strong> fois présenté aux autorités, <strong>à</strong> <strong>la</strong> presse<br />
et <strong>à</strong> l’extérieur, et a montré tant son unité<br />
que sa jeunesse, sa diversité et ses capacités,<br />
cette rentrée étant associée avec une<br />
représentation théâtrale sur un procès<br />
révolutionnaire dont le texte avait été établi<br />
et rédigé par <strong>de</strong>s avocats et <strong>de</strong>s avoués, et<br />
<strong>la</strong> mise en scène assurée par Guy PARIGOT,<br />
et les acteurs étant tous <strong>de</strong>s avocats du barreau.<br />
La journée <strong>la</strong> plus triste et <strong>la</strong><br />
plus angoissante<br />
Je bénéficie d’une mémoire sélective qui<br />
me permet <strong>de</strong> ne pas conserver en<br />
mémoire ce qui peut être mon quotidien, <strong>à</strong><br />
savoir celui <strong>de</strong> l’angoisse et du stress.<br />
Je préciserai seulement ma profon<strong>de</strong><br />
tristesse et mon inquiétu<strong>de</strong> en présence<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> constatation <strong>de</strong> souffrance, difficultés,<br />
voire perdition, <strong>de</strong> confrères dont <strong>la</strong> santé<br />
psychologique était peut-être égratignée.<br />
Mes journées les plus agréables<br />
Ce sont <strong>de</strong>s festivités.<br />
J’ai eu le p<strong>la</strong>isir d’organiser <strong>la</strong> journée<br />
d’hommage rendue par le barreau <strong>à</strong> <strong>de</strong>ux<br />
<strong>de</strong> ses anciens bâtonniers qui partaient <strong>à</strong><br />
<strong>la</strong> retraite, le Bâtonnier RODALLEC et le<br />
Bâtonnier GARNIER, et j’ai toujours eu un<br />
très grand p<strong>la</strong>isir, tout en veil<strong>la</strong>nt <strong>à</strong> respecter<br />
et les susceptibilités et le souci <strong>de</strong> ne pas<br />
se répéter lorsque l’on fait <strong>de</strong>ux évocations<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux personnages qui ont fait une<br />
carrière <strong>à</strong> <strong>la</strong> même époque, <strong>de</strong> dire <strong>à</strong><br />
quel point <strong>la</strong> richesse et <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s<br />
hommes a pu ensemencer <strong>de</strong> valeurs<br />
et d’évolution le terreau qui est celui<br />
d’un barreau.<br />
Mes journées les plus parfumées<br />
Elles furent peut-être internationales. J’ai<br />
un souvenir, au parfum <strong>de</strong> sensualité<br />
douce, d’un legal sunday <strong>à</strong> Exeter où j’assistais<br />
en qualité <strong>de</strong> représentant <strong>de</strong> l’Ordre <strong>à</strong><br />
cette cérémonie. Comme barreau jumelé<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>w society du Devon, nous étions<br />
p<strong>la</strong>cés juste <strong>de</strong>rrière les barristers et<br />
c’était l’époque où le métier se féminisait.<br />
Une heure <strong>de</strong> textes religieux et d’homélies,<br />
malgré <strong>la</strong> musique éventuelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
ang<strong>la</strong>ise, peut être un peu longue mais<br />
j’avais <strong>de</strong>vant moi cette vision merveilleuse<br />
du cou d’une jeune barrister dont s’échappaient,<br />
en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> <strong>la</strong> perruque <strong>de</strong> crin b<strong>la</strong>nc,<br />
<strong>de</strong>s boucles dorées <strong>de</strong> cheveux. J’ai rêvé,<br />
porté ainsi par <strong>la</strong> musique <strong>de</strong>s anges.<br />
Mes journées les plus étonnantes<br />
Il s’agit peut-être <strong>de</strong> <strong>la</strong> rentrée <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>w<br />
society en Angleterre. Après un cocktail où<br />
les VIP sont reçus dans un petit salon,<br />
nous assistions au repas dont <strong>la</strong> qualité<br />
culinaire révé<strong>la</strong>it <strong>de</strong>s goûts qui nous<br />
étaient étrangers mais ce repas était parsemé<br />
<strong>de</strong> dis<strong>cour</strong>s où les orateurs se <strong>la</strong>nçaient<br />
dans <strong>de</strong>s assauts jubi<strong>la</strong>toires d’humour ang<strong>la</strong>is.<br />
Si quelques mots réussissaient <strong>à</strong> se transmettre<br />
par <strong>la</strong> voie <strong>de</strong>s neurones en <strong>la</strong>ngue<br />
française <strong>à</strong> mon esprit, <strong>la</strong> teneur générale<br />
m’était étrangère et l’obligation <strong>de</strong><br />
politesse consistait <strong>à</strong> apprécier un humour<br />
dont <strong>la</strong> terminologie m’était inconnue.<br />
C’est ainsi que j’ai appris <strong>à</strong> rire <strong>à</strong> gorge<br />
déployée au moment, je l’espère, opportun<br />
et nécessaire, en ayant en constance <strong>de</strong>ux<br />
regards, l’un sur l’orateur dont on sent<br />
dans les expressions le moment où se<br />
profile un jeu <strong>de</strong> mots, et l’autre sur mes