BARO Magazine N¡30 - Avocats à la cour de Rennes
BARO Magazine N¡30 - Avocats à la cour de Rennes
BARO Magazine N¡30 - Avocats à la cour de Rennes
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
H i s t o i r e<br />
L’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> fiscalité <strong>de</strong>vrait retentir tout particulièrement<br />
dans <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong>s avocats rennais.<br />
La justice et le fisc<br />
Ils ont peut être oublié que <strong>la</strong> construction<br />
<strong>de</strong> leur magnifique Parlement a été en<br />
gran<strong>de</strong> partie financée par les impôts<br />
indirects et notamment les droits perçus<br />
sur les boissons. Le Parlement a été édifié<br />
<strong>à</strong> coup <strong>de</strong> pintes <strong>de</strong> cidres ! Il paraît<br />
d’ailleurs que sa reconstruction a été en<br />
partie financée par <strong>de</strong>s ventes <strong>de</strong> litres <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong>it. C’est tout <strong>de</strong> même plus digne ! …<br />
Le Parlement fut en partie transformé en<br />
perception <strong>à</strong> <strong>la</strong> fin du XVII ème siècle. Louis XIV<br />
avait instauré l’obligation <strong>de</strong> rédiger<br />
certains actes sur du papier timbré et le<br />
bureau du papier timbré avait été installé<br />
au rez-<strong>de</strong>-chaussée du Parlement. Cet<br />
impôt impopu<strong>la</strong>ire provoqua une émeute.<br />
Le bureau fut pillé. Le chef <strong>de</strong> <strong>la</strong> révolte,<br />
un certain Daligault, violoneux <strong>de</strong> son<br />
état, fut écartelé et les morceaux <strong>de</strong> son<br />
corps furent fichés sur les portes <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ville. Cette petite délicatesse judiciaire<br />
n’étant sans doute pas jugée suffisante,<br />
le quartier <strong>de</strong>s émeutiers, situé rue Basse<br />
(actuelle rue <strong>de</strong> Dinan) fut également<br />
entièrement rasé en répression. Les malheureux<br />
habitants furent expulsés <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ville et il fut interdit <strong>de</strong> les héberger.<br />
Privés <strong>de</strong> leur métier, ils furent contraints<br />
d’aller mendier leur pain. Encore pou-<br />
vaient-ils être heureux <strong>de</strong> ne pas avoir été<br />
pendus comme le furent les meneurs. Le<br />
reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville fut contraint d’héberger<br />
<strong>de</strong>s dragons et gens <strong>de</strong> guerre alors que<br />
<strong>Rennes</strong> avait été jusqu’alors privilégiée et<br />
dispensée <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong> corvée. Les<br />
dragons furent fidèles <strong>à</strong> leur réputation.<br />
Ils violèrent et pillèrent. Mme <strong>de</strong> Sévigné<br />
raconte qu’un soudard mit même un petit<br />
enfant <strong>à</strong> <strong>la</strong> broche…<br />
N’oublions donc pas en tirant <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
pour coller nos timbres <strong>de</strong> <strong>la</strong> diriger vers<br />
qui le mérite…<br />
Mais en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ces impôts indirects et<br />
d’un fatras d’impôts surajouté au fil <strong>de</strong>s<br />
ans, les avocats <strong>à</strong> <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong><br />
bénéficiaient sous l’Ancien Régime d’un<br />
double privilège fiscal. En leur qualité d’avocats,<br />
ils étaient dispensés du paiement<br />
<strong>de</strong> certains impôts, notamment du fouage<br />
et en leur qualité <strong>de</strong> breton, ils étaient<br />
encore exonérés <strong>de</strong> bon nombre d’impôts<br />
supportés par leurs voisins d’outre<br />
Couesnon, notamment <strong>la</strong> fameuse gabelle.<br />
Triste époque où les plus riches payaient<br />
moins d’impôt !<br />
La première République mit bon ordre <strong>à</strong><br />
tout ce<strong>la</strong> mais fut <strong>à</strong> l’origine <strong>de</strong> quelques<br />
impôts idiots comme l’impôt sur les portes<br />
et les fenêtres, considérées comme<br />
<strong>de</strong>s signes extérieurs <strong>de</strong> richesse, impôt<br />
qui avait pour conséquence <strong>de</strong> vous ai<strong>de</strong>r<br />
<strong>à</strong> vivre <strong>à</strong> l’ombre !<br />
La secon<strong>de</strong> République récidiva en créant<br />
l’impôt sur les chiens, avec tarif variable<br />
selon les propriétés du chien, le chien <strong>de</strong><br />
chasse était imposé plus lour<strong>de</strong>ment que<br />
le chien <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>. Ce nouvel impôt<br />
engendra un « canici<strong>de</strong> » national et priva<br />
une bonne partie <strong>de</strong>s Français du « plus<br />
fidèle ami <strong>de</strong> l’homme ».<br />
La première République fut aussi <strong>à</strong> l’origine<br />
<strong>de</strong> quelques impôts injustes en particulier<br />
<strong>la</strong> célèbre patente, ancêtre <strong>de</strong> notre taxe<br />
professionnelle, impôt injuste s’il en est<br />
puisqu’il est cette fois réservé, sans<br />
raison, <strong>à</strong> une seule catégorie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion dont nous avons cette fois le<br />
malheur <strong>de</strong> faire partie.<br />
Mais l’injustice <strong>de</strong>vait être portée <strong>à</strong> son<br />
comble avec l’instauration par <strong>la</strong> cinquième<br />
République <strong>de</strong> <strong>la</strong> TVA sur les prestations<br />
d’avocat. Cette réforme aboutit tout<br />
simplement <strong>à</strong> <strong>la</strong> suppression <strong>de</strong> <strong>la</strong> gratuité<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> justice et <strong>à</strong> une inégalité intolérable<br />
puisque ceux qui ne récupèrent pas <strong>la</strong><br />
TVA sont désavantagés dans le combat<br />
judiciaire par rapport <strong>à</strong> ceux qui <strong>la</strong> récupèrent,<br />
notamment les entreprises.<br />
L’Etat a pourtant réussi le tour <strong>de</strong> force <strong>de</strong><br />
faire croire qu’il finançait désormais <strong>la</strong><br />
justice pour les bénéficiaires <strong>de</strong> l’Ai<strong>de</strong><br />
juridictionnelle. En réalité, <strong>la</strong> dotation<br />
versée pour l’ai<strong>de</strong> juridictionnelle est bien<br />
inférieure au montant <strong>de</strong> <strong>la</strong> TVA prélevée<br />
sur les prestations <strong>de</strong>s avocats. Mais<br />
nous n’avons sans doute pas <strong>la</strong> même<br />
définition du mot gratuité…<br />
Jean Bouëssel du BOURG<br />
21