Projets de Réformes - western armenia

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JN°'50.
M. P. CAMBON, Ambassadeur de la République française à Constantinople,
à M. HANOTAUX, Ministre des Affaires étrangères.
Péra, le. 2 mai 1895.
L'opinion plus favorable que M. Vilbert émettait récemment sur les dispositions de
la Commission
d'enquête
de Mouch, et dont je faisais part à Votre Excellence dans
ma.dernière lettre du 17 avril, ne s'est malheureusement pas confirmée et notre
Délégué m'a fait connaître depuis,
dans une lettre particulière parvenue à l'Ambassade,
que les velléités d'impartialité et de
loyauté
des Commissaires turcs n'avaient pas
duré. Ses appréciations sont confirmées par un rapport de M. Prjevalki dont M. de
Nélidoff m'a donné copie. Ils s'accordent à affirmer, et ils en citent de nombreux
exemples, que les autorités locales exercent une pression continuelle sur l'enquête ;
les témoins venus de la contrée avoisinante sont placés, dès leur arrivée à Mouch,
sous la surveillance de la police qui se charge de les loger, de les nourrir et de leur
dicter les déclarations qu'ils doivent faire à la Commission. Plusieurs d'entre eux
se sont rétractés après une seule nuit
passée
entre les mains de la police ; d'autres,
qui avaient maintenu leurs dires, ont été arrêtés par la suite; la
plupart semblent
réciter des déclarations
apprises par coeur et dont les termes
presque identiques
sont bien faits pour inspirer la méfiance. Nombre de ceux qui manifestent l'intention
de venir déposer devant la Commission sont retenus par l'autorité dans leurs villages,
et, malgré les assurances que le Sultan nous* a fait
répéter,
la liberté de l'enquête est
à
peu près nulle.
La Commission, d'autre
part, manifeste une partialité évidente. Le témoin dont
la déposition est favorable aux Turcs a toute facilité de parole. Celui qui parle dans .
le sens contraire est fréquemment interrompu par
le Président qui s'efforce de brouiller
ses idées par des questions inattendues et hors du sujet.
Nous avons dû plusieurs fois nous plaindre de cette attitude, sans pouvoir du reste
obtenir autre chose que de vagues assurances du Sultan.
Cette situation, en s'accentuant, nous a amenés, mes deux
collègues et moi, à
considérer qu'en s'éternisant à Mouch, la Commission perdait son temps et qu'il
convenait d'exiger qu'elle se transportât dans les localités du Sassoun qui ont été le
théâtre des événements, afin de constater l'état des lieux avant que les Turcs n'aient
tenté d'en effacer les traces, comme nous avons des raisons dé le
soupçonner. Nous
avons donc donné l'ordre à nos Délégués d'exiger le transport de la Commission à
Gueliguzan,
tout d'abord, au
pied de la montagne
« Antok Dagh ». Les Commissaires
turcs en ont référé à
Constantinople et, après quelque résistance, le Sultan a
fini
par
leur faire donner l'ordre d'achever rapidement leurs travaux à Mouch et de
se rendre dans cette localité à la fin de cette semaine.
Si cette
promesse
ne s'exécute pas, nos Délégués ont ordre de déclarer qu'ils ont
alors l'intention de partir seuls pour Gueliguzan.