Projets de Réformes - western armenia

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N6 33.
M. P. CAMBON, Ambassadeur de la République française à Constantinople,
à M. HANOTAUX, Ministre des Affaires
Une assez vive émotion
sûreté. •
règne
étrangères.
Péra, le k février i8g5.
à Constantinople où la population ne se sent plus en
On a eu ces
jours-ci
à
enregistrer plusieurs assassinats. La semaine passée, vers la
chute du jour, un sergent d'un des régiments d'infanterie casernes autour du palais
de Yildiz, a traversé la
grande rue du quartier de Pancaldi, un
yatagan à la main,
frappant tous ceux
qu'il rencontrait. C'est ainsi que, dans
l'espace d'une heure, il a
pu
tuer ou blesser dix-sept personnes sans que la police, totalement absente dans cette
partie cependant fréquentée de Péra, ait fait le moindre effort pour l'arrêter. Ce forcené
a
pu
rentrer sans être
inquiété
à sa caserne, et c'est là
qu'il a été arrêté le lende-
main matin.
Deux
jours après, au sortir du théâtre des
Petits-Champs, un musulman assassinait
d'un
coup
de couteau un jeune Grec, blessait grièvement un bekdji, gardien d'une
rue voisine et
plusieurs autres
personnes.
H est certain
que la déplorable organisation
de la police, les
prédications des imams qui décrivent le meurtre des chrétiens comme
une oeuvre pie, les vexations que le
peuple
voit les autorités librement
infliger aux
chrétiens dans tout l'Empire ne sont
pas
faites
pour
assurer la sécurité dans la
capitale
même. H
y
a
partout en ce moment, en
Turquie,
un état
d'esprit très troublé.
L'anarchie est plus sensible que jamais dans le Gouvernement, et l'Administration, les
autorités elles-mêmes, par leur exemple et leur
langage, excitent le fanatisme, et le
désordre envahit les moeurs et les esprits.
Dans les provinces,
la situation est peut-être plus mauvaise. Les autorités se
montrent
plus mal disposées encore pour les
étrangers
et les chrétiens. La
correspondance
de nos Consuls nous relate partout les vexations, les dénis de
justice
dont ils
sont victimes.
Nous nous sommes
inquiétés, mes Collègues et moi, de cette situation, et nous
sommes convaincus de la nécessité de faire quelque chose
pour rassurer les étrangers,
les
religieux et tous les chrétiens qui, par tradition, comptent
sur la
protection des
Ambassades. Nous avons donc décidé de nous concerter pour réclamer de la Porte des
mesures propres à rassurer la population et la création d'un corps de police qui
n'existe pas jusqu'ici. Nous attirerons aussi l'attention du Sultan sur l'état
d'esprit des
musulmans et sur l'attitude habituelle des soldats
parmi lesquels l'indiscipline est
générale.
P, CAMBON.