Projets de Réformes - western armenia

— 253 —
Pour des causes que nous n'avons pas à rechercher, des troupes furent
expédiées
de Marache le i5 novembre i8g5, dans la nuit, à
Mudjuk-Déressi; elles étaient
placées
sous les ordres du Colonel Mazhar bey.
Quelles étaient ces
troupes
?
D'après
le
renseignement officiel fourni par l'autorité
militaire, Mazhar bey partit
de Marache avec deux bataillons : le troisième du 38e régiment
d'Infanterie du Nizam (Commandant Djawid effendi) et le bataillon de Rédifs
dit « de Karlek », du nom du
quartier d'Alep qui fournit à son recrutement (Comman-
dant Mohammed Nazif effendi ).
Ce bataillon est le ier bataillon du 73° régiment de Rédifs.
Dans son interrogatoire, Mazhar bey d'abord ne se souvient
pas très bien. Il croit
être parti avec les deux bataillons sus-indiqués, puis il se reprend et affirme qu'il
n'est parti qu'avec le bataillon du Nizam, qu'il a pris en route, après le passage du
Djihan, le bataillon de Karlek.
Et en effet c'est là la vérité.
'
(Voir déposition du Commandant Mohammed Nazif effendi du bataillon de Kar-
lek, n° 54.)
Nous n'appuyons sur cette contradiction que pour montrer l'indécision qui s'accuse
dès le commencement dans la déposition de ce témoin et l'inexactitude d'un des
seuls renseignements officiels qui nous aient été communiqués, extrait, par la Com-
mission, du dossier, à elle remis par l'autorité militaire. (Ce dossier nous a para assez
volumineux.)
Ces deux bataillons, réunis sous le commandement du Colonel Mazhar. bey, arri-
vèrent à Mudjuk-Déressi le 16 novembre, un samedi, vers la fin de l'après-midi. Ils
posèrent
leur camp entre le village musulman de Kaïchli et le village chrétien de
Mudjuk-Déressi, mais tout près de ce dernier. .
Nous assistons alors à un phénomène singulier.
C'est joie et fête généralement lorsque,
dans une région troublée, on voit arriver
la troupe. Ne doit-elle pas apporter
l'ordre et la sécurité?
Ici, nous voyons, au contraire, la terreur s'emparer de tous les habitants chrétiens,
car ils s'enfuient de tous côtés, la crainte naître même dans l'esprit du P. Salvatore,
et cette terreur et ces craintes étaient bien justifiées
ainsi
que le constatent, de nombreuses
dépositions (voir dépositions
nos 2, 3, 18, 18 bis, 19, 20, 21, 29, 36, 37,
62), puisque ces sauveurs incendient plusieurs
maisons du
village, poursuivent les
habitants, en tuent quelques-uns. Ce n'est pas tout. Ce même soir ou un des jours
suivants, le P. Salvatore, dans son couvent, est menacé, frappé,
blessé à la
jambe
d'un coup de baïonnette; des femmes sont saisies et consignées, ainsi que ceux
des hommes qui n'ont pu s'enfuir dans le couvent, entouré de sentinelles et gardé
vue.
Quelques témoins qui ont assisté à cette scène ont cru que le P. Salvatore avait
été tué ce jour là. Réfugiés plus tard à Zeïtoun, ils y annoncèrent que le P. Sal-
vatore avait été tué à coups de bayônnettes dans son epuvent. C'était une erreur. Ce
jour là il n'avait été que blessé; il ne fut tué que quelques jours après. (Voir dépositions.)
; ..
Mazhar bey avec ses deux bataillons resta campé entre Kaï:hli et Mudjuk-Déressi
cinq jours, les 17, 18, 19, 20 et 2,1 novembre (il était arrivé le 16 au soir).
à