Projets de Réformes - western armenia

— 252 —
Avant d'aller plus loin nous devons
signaler l'état
d'esprit
des membres ottomans
de la Commission tel qu'il nous apparut dans le commencement des travaux de l'en-
quête.
Si nous avons trouvé en eux des collègues, pleins de
prévenances et de
politesse,
nous n'avons
pas trouvé des collaborateurs suffisamment animés du désir de découvrir
la vérité quelle qu'elle fût. La préoccupation de
jeter
tin voile sur un passé douloureux,
compromettant pour l'armée turque, semblait les dominer.
En réalité, les détails du crime que la Commission était
chargée d'instruire
n'étaient plus depuis longtemps secrets; ils étaient connus de tous.dans le monde
musulman ; les autorités et les membres ottomans de la Commission ne pouvaient,
pas les ignorer.
Il me suffira pour
l'établir de citer
quelques faits :
Le 26 novembre, le Gérant du consulat de France à Alep télégraphiait qu'un rédif
libéré avait assisté à l'incendie par les troupes du couvent de Mudjuk-Déressi.
Les militaires du bataillon dé Karlek ont raconté à Zeïtouii la scène du meurtre.
(Dépositions 12 et 12
bis).
Le
chirurgien de ce même bataillon a remis le soir même du meurtre un
cierge
retiré des mains du P. Salvatore au moment où il tombait
percé
de
coups de bayonnettes.
H a aussi raconté la scène du meurtre dans tous ses détails.
Un soldat libéré du bataillon de Killis m'a fait des révélations en tous points con-
formes à celles que l'enquête a établies.
La rumeur
publique parlait d une manière
identique sur plusieurs points à la fois
éloignés
les uns des autres, et tous ces
témoignages provenaient de témoins oculaires
ou d'auteurs du crime
dispersés après le drame.
La véritable mission des délégués était donc de faire la preuve juridique des fait&
dont l'exactitude n'était douteuse pour personne. C'était dans ce sens
que l'enquête
devait être dirigée.
Cette
enquête a été faite, mais elle a été conduite avec peu de
précision; j'ai eu à
lutter
pour arriver à faire poser des questions toutes naturelles ; mes
collègues ottomans
me tenaient en état de
quarantaine morale; je n'existais pour eux
qu'à l'heure
de l'instruction et des repas. Tous ces signes permettent de penser que certains mem-
bres au moins de la Commission étaient désireux d'obscurcir la vérité, de
disculper
les
troupes
du massacré commis par elles, et d'en
rejeter
la
responsabilité, autant
que possible, sur d'autres, sur des Zeïtounlis ou des Bachi-bouzouks. .
Le crime était ancien déjà, il remontait à près de 5 mois; on pouvait compter sur
le silence ou la complaisance des témoins musulmans; les chrétiens apeurés n'ose-
raient sans doute
pas. parler et d'ailleurs leur témoignage
les
corps des victimes avaient été brûlés et toute trace
pourrait
avait dû
être déclaré
disparaître.
suspect;
Toutes ces circonstances pouvaient facilement être mises en oeuvre pour contre-
carrer l'enquête et devaient être utilisées
par ceux qui cherchaient à étouffer l'affaire.
Ces préliminaires posés, nous entrons dans le vif de la question et nous allons
montrer comment, malgré tout, la vérité
apparaît nettement.
Nous suivrons l'ordre des faits tel qu'il ressort de l'instruction et, pour abréger ce
rapport, nous renverrons autant que possible, pour les explications, aux interrogatoires
qui sont numérotés et aux notes
explicatives qui sont annexées à chacun d'eux.