revue de presse - République et Canton du Jura

LQJ - 29 mai 2013
V. C.: Dans la région, les industriels
tiennent à leur indépendance. Les entreprises,
souvent familiales, veulent
décider elles-mêmes. Cet esprit va de
pair avec la création d’un nouveau
canton. Si on veut conserver son indépendance
dans une entreprise qu’on
crée, il faut que l’on possède un maximum
de pouvoir de décision. Dans
un nouvel Etat, on pourrait décider à
50% de notre avenir, et pas à 5% comme
maintenant. Ensuite, le canton du
Jura se distingue par un grand nombre
de créations d’entreprises. Quand
on est industriel, la proximité du pouvoir
est aussi un atout. Une entreprise
qui connaît ses autorités peut croître
d’une manière plus paisible, d’autant
que dans le canton de Berne, la langue
constitue parfois un écueil.
Un canton n’a peut-être pas énormément
d’influence sur l’industrie.
Nous et nos clients sommes soumis
à des vagues mondiales et ce n’est
pas l’appartenance à un canton ou
un autre qui change quelque chose.
Par contre, si on se dit que la politique
pouvait un peu atténuer les
chocs, on a tout avantage à ce qu’elle
soit proche de nous. D’autre part, si
le canton du Jura est critiqué pour sa
petite taille, il est moins endetté par
habitant que le canton de Berne, qui
devra tôt ou tard payer sa dette via les
contribuables et les entreprises.
Il est logique
que Berne se concentre sur cette région
très diversifiée économiquement.
Le tissu industriel du Jura-Sud est clairement
à part. Il est à ce titre très similaire
à celui du Jura-Nord, également
tourné vers l’horlogerie et la mécanique
de précision. On peut parler d’une
communauté de destins industrielle.
Je ne pense
pas que la Question jurassienne ait eu
raison de l’économie de la région. Nos
marchés sont nationaux et internationaux.
Les clients n’ont jamais renoncé
à commander un pignon dans le Jura-
Sud à cause de la Question jurassienne.
De même, je ne pense pas qu’elle ait
découragé la main-d’œuvre qualifiée de
s’installer ici. C’est une région très spécifique
où est concentrée la très grande
majorité des décolleteurs suisses. Je
pense au contraire que le séparatisme a
contribué à ce que la région «aille
moins mal», grâce aux gages donnés
par le canton de Berne pour ne pas que
le Jura-Sud lui échappe...
M-A. A.: Pourquoi rejoindre le Jura
alors que nous avons tout sous la main
dans le canton de Berne? Il n’y a aucun
intérêt économique à rejoindre le Jura
qui a une structure économique et industrielle
différente du Jura bernois. A
part quelques exceptions, il existe en effet
très peu d’entreprises qui exportent
leurs produits propres. C’est un canton
de sous-traitance avant tout. Mais surtout,
il est nécessaire d’être à l’aise dans
différentes cultures, notamment en
termes de multilinguisme. En allant
dans le Jura, notre action sera limitée.
Nous possédons ici exactement ce qu’il
faut pour éclore. Je ne vois pas pourquoi
il faut changer les choses. Notre
gros avantage, c’est la proximité de la
ville de Bienne. Si on veut embaucher
un ingénieur, on s’intéressera davantage
à un candidat en provenance de
Bienne que de Saint-Imier, tout dépend
le secteur d’activité, bien entendu.
Dans la cité seelandaise, un ingénieur
baigne déjà dans une culture différente
dont nous avons besoin pour
aller de l’avant. Le bilinguisme est vital.
En tant que
membre de la commission de surveil-
lance de la Promotion économique du
canton de Berne, je peux vous dire que
je ne ressens aucune volonté centralisatrice
autour de la ville de Berne. Notre
tissu industriel est très différent,
car principalement axé sur la production.
La Promotion économique du
canton ne peut pas attirer un autre
genre d’entreprises dans le Jura bernois,
ce n’est d’ailleurs pas le but. Par
contre, des sociétés s’installent à Bienne
et bénéficient ainsi du réservoir
d’employés existant dans le Jura bernois
et le Seeland. De plus, Bienne
constitue un cadre de vie agréable, notamment
pour les cadres expatriés.
La Question
jurassienne m’irrite. Le passé a montré
qu’elle était négative pour le développement
économique de la région
qu’elle a stoppé. Depuis, nous avons
fait passablement de progrès. Le Jura
bernois est beaucoup plus autonome
qu’on veut nous le faire croire, on le
voit par exemple au niveau des écoles
professionnelles. Ce serait dommage
de tout recommencer à zéro. Un nouveau
processus écornerait également
l’image de toute la région. La Question
jurassienne a par exemple été négative
pour l’attraction dans la région de cadres
issus des hautes écoles.