revue de presse - République et Canton du Jura

2 FORUM
L’INVITÉE
VIRGINIE BOREL
DIRECTRICE
DU FORUM
DU BILINGUISME,
BIENNE
Petit canton-pont deviendra grand...
Qu’on s’y intéresse ou non, la Question jurassienne inévitablement
fera les titres des médias jusqu’à la fin de l’année
2013 au moins. En ma qualité de Romande établie dans le
Jura bernois et engagée professionnellement en faveur du bilinguisme
actif, j’aimerais m’arrêter sur ce sujet hautement
politique évidemment, mais également citoyen, qui nous
concerne toutes et tous.
Linguistiquement parlant, il est une expression que les autorités
bernoises se plaisent à utiliser régulièrement, celle de
«canton-pont»… Or, si le pont est souvent décrit comme un
clone du fameux Golden Gate de San Francisco du point de
vue officiel, on a toujours plus le sentiment que la majorité
des citoyens bernois n’est pas loin de le considérer comme un
pont suspendu, un de ces «Affenbrücke» aux attaches si fragiles
qu’il menace à tout instant de rompre…
Imaginons un instant les atouts de la situation d’un canton
de Berne aux deux langues officielles véritablement vécues –
et non pas utilisées comme argument marketing…
Economiquement, le canton de Berne attire des entreprises
– suisses ou étrangères – qui aiment à trouver un personnel
sensible à deux langues à disposition. Grâce aux connaissan-
ces – même passives – de la langue minoritaire de leur personnel,
les PME de ce canton sont en mesure d’obtenir des
mandats de part et d’autre de «la bar-
rière de rösti».
L’industrie touristique du canton est
de facto sensibilisée à deux communautés
linguistiques et s’ouvre ainsi
plus aisément à des touristes venus
des quatre coins du monde.
Socialement, humainement et culturellement,
chacun profite de la diversité
ambiante pour aller à la rencontre
des «voisins» de l’autre langue sans
même franchir de limite cantonale…
Utopie me direz-vous? Je veux croire
que non si, dès l’école, on favorise les
échanges à l’intérieur du canton et si
chacun perçoit l’intérêt de l’autre.
Cherchons à mettre en valeur tout ce
qui nous enrichit et nous rapproche,
et non pas ce qui, historiquement, lin-
Et si nous devenions
toutes et tous,
francophones
mais également
germanophones,
les constructeurs
d’un pont solide et durable
à l’intérieur même
du territoire cantonal
que nous partageons?
L’EXPRESS - L’IMPARTIAL VENDREDI 17 MAI 2013
guistiquement ou culturellement nous tient toujours à distance
l’un de l’autre.
Or, l’argumentation simpliste visant à
regrouper dans un territoire commun
«ceux qui se ressemblent» tient plus
d’une «réserve d’Indiens» que de l’enrichissement
que représente l’altérité…
Et si nous devenions toutes et tous,
francophones mais également germanophones,
les constructeurs d’un pont
solide et durable à l’intérieur même du
territoire cantonal que nous partageons?
Nous pourrions alors entamer un dialogue
véritable supposant la reconnaissance
de l’autre dans son identité: nous
en sortirions assurément tous grandis
et notre horizon en serait élargi.
Alors, qu’attendons-nous pour bâtir
ensemble un véritable (canton-) pont
qui sache nous réunir!