revue de presse - République et Canton du Jura

■ VISITE POLITIQUE
Une délégation libanaise s’est immergée dans la Question jurassienne
O
n fait parfois état d’un désintérêt
notoire par rapport à la Question
jurassienne. Ce constat n’a pas été
partagé par une délégation d’une
vingtaine de jeunes représentants de
quatorze partis libanais en voyage
dans la région ces deux derniers jours.
Il s’agit ici de délester le terme «voyage»
de toute notion touristique. La délégation
est venue en Suisse avec la
ferme intention de décrypter les finesses
du système politique suisse et de
sonder sa faculté à gérer une société
plurielle. Aussi, l’évocation de la thématique
de la Question jurassienne
s’est-elle avérée évidente, en ce qu’elle
implique de résolution d’un conflit
communautaire et de prise en compte
d’une minorité.
Les Libanais ont été reçus mardi à
Berne par le vice-chancelier Michel
Walthert. «Je leur ai présenté la Question
jurassienne du point de vue bernois»,
a-t-il expliqué. Le vice-chancelier
francophone s’est aussi chargé
d’organiser une rencontre-débat pour
ses hôtes du Proche-Orient. Hier matin,
ils se sont rendus au CIP à Tramelan
où ils ont abordé la Question jurassienne
en entendant les arguments
de trois représentants probernois de
l’UDC, Manfred Bühler, député au
Grand Conseil, Jean-Michel Blanchard,
membre du Conseil du Jura
bernois, et Laurent Jacot, membre de
la délégation bernoise à l’Assemblée
interjurassienne (AIJ), opposés à ceux
des trois députés au Grand Conseil du
Parti socialiste autonome Irma Hirschi,
Jean-Pierre Aellen et Maxime
Zuber. Dick Marty et Emanuel Gogniat,
président et secrétaire général
de l’AIJ, ont aussi présenté l’institution
qu’ils représentaient.
Maxime Zuber a parlé d’un «débat
de haut niveau, parfois assez vif, avec
des invités passionnés». «Je m’attendais
à devoir vulgariser, cela n’a pas
été le cas. Nous avions en face de nous
des gens au bénéfice d’une grande
culture politique. Des questions centrales
ont été posées, sur les plans économiques,
linguistiques, religieux,
sur les positions des différents partis»,
s’est réjoui le maire de Moutier.
Dans l’après-midi, les jeunes Libanais
ont gagné Delémont où ils ont été
reçus au Parlement jurassien par
Jean-Paul Miserez, vice-président de
la commission des affaires extérieures,
flanqué de quatre membres de ladite
commission. Ils ont pris connaissance
du sujet du point de vue jurassien,
grâce à un exposé de Jean-Paul
La délégation libanaise a débattu de la Question jurassienne avec des élus de la région
hier au CIP à Tramelan. PHOTO STÉPHANE GERBER
Miserez portant sur les faits historiques,
la situation actuelle, les avantages
et les limites de la souveraineté
cantonale, la procédure engagée en
vue de la création éventuelle d’un
nouveau canton. «Je leur ai confié
mes espoirs en un avenir dont seraient
gommées les traces du passé et
l’opportunité de construire ensemble
quelque chose de neuf», a-t-il commenté,
impressionné lui aussi par la
sagacité de ses invités.
Ayman Mhanna, 29 ans, a arpenté
la région jurassienne ces deux der-
niers jours. Membre du Renouveau
démocratique, parti libéral et laïque,
«une rareté au Liban», il s’est plongé
goulûment dans la politique suisse et
plus particulièrement dans la Question
jurassienne. «Nous voyageons
sous l’égide d’une ONG anglaise menant
un programme de dialogue interpartis
au Liban, avec l’objectif de régler
les différends par le dialogue et
les échanges. Ces dernières années,
nous sommes allés en Irlande du
Nord et en Afrique du Sud», a-t-il
noté. Il a en outre éprouvé «la culture
du compromis entre gens de cultures
et de confessions différentes» qu’on
prête souvent à la Suisse.
Il s’est dit surpris par la non-prépondérance
des considérations partisanes
et par l’autonomie accordée aux
sections régionales des partis: «J’ai
trouvé étonnant que l’UDC Jura puisse
dire qu’elle ne mènera pas campagne
dans le cadre de la Question jurassienne,
alors que la section du Jura
bernois le fera. De même, les Verts du
Jura bernois ne partiront pas non plus
en campagne pour le vote institutionnel,
à l’inverse des Verts jurassiens.
Au Liban, des divergences aussi marquées
au sein d’un parti sont rarement
exprimées publiquement.».
Difficile pour Ayman Mhanna de se
positionner sur la Question jurassienne.
Il préfère répondre par l’interrogative:
«Est-il pertinent de faire coïncider
les frontières politiques avec les
frontières identitaires? A titre personnel,
je n’en suis pas convaincu.
J’émets beaucoup de réserves, avec la
crainte qu’une séparation des communautés
soit de nature à renforcer le
discours populiste. Il faut toutefois
que la condition de protection des
droits des minorités soit remplie.»
AB