Caraïbes Import a mis en place, à l'entrée de ses ... - Fleurdepice
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selon vous, quel regard porte le mon<strong>de</strong> sur Haïti ?<br />
Mon pays est souv<strong>en</strong>t vu comme une île maudite.<br />
Notre indép<strong>en</strong>dance, nous l’avons acquise <strong>en</strong><br />
chassant la puissante armée française <strong>en</strong> 1804.<br />
Nous avons aussi participé <strong>à</strong> plusieurs révolutions,<br />
<strong>à</strong> la bataille <strong>de</strong> Savannah. Tout cela nous a<br />
condamnés aux yeux <strong>de</strong>s occid<strong>en</strong>taux. Haïti reste<br />
ainsi la première république noire indép<strong>en</strong>dante.<br />
Mais, les généraux <strong>de</strong> l’indép<strong>en</strong>dance ont<br />
échoué, ne faisant que reproduire le modèle<br />
néocolonialiste. Cela a produit une succession<br />
<strong>de</strong> dictature. Pourtant, Haïti comm<strong>en</strong>çait <strong>à</strong><br />
se relever, <strong>à</strong> s’organiser. Tout cela vi<strong>en</strong>t d’être<br />
anéanti par ce séisme d’une atrocité terrible. Il<br />
faudra 10 <strong>à</strong> 15 ans pour tout reconstruire.<br />
Ou étiez-vous le 12 janvier 2010 ?<br />
J’étais chez moi, sur la route <strong>de</strong> K<strong>en</strong>scoff, au<strong>de</strong>ssus<br />
<strong>de</strong> la commune <strong>de</strong> Pétion-Ville dans<br />
la banlieue <strong>de</strong> Port-au-Prince. La ville a été<br />
partiellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>dommagée par le séisme. Ma<br />
maison a subi d’importants dégâts matériels,<br />
mais ma famille est saine et sauve. Avec <strong>de</strong>ux<br />
autres familles sinistrées, nous avons dormi<br />
dans notre jardin p<strong>en</strong>dant 12 jours, terrorisés<br />
par les répliques. Puis, nous avons gagné la<br />
Gua<strong>de</strong>loupe <strong>à</strong> bord d’un avion militaire affrété<br />
par l’ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> France. En Haïti, il n’y a plus<br />
ri<strong>en</strong>, plus <strong>de</strong> travail, j’ai préféré mettre ma famille<br />
<strong>à</strong> l’abri. À notre arrivée <strong>en</strong> Gua<strong>de</strong>loupe, une<br />
cellule psychologique nous a pris <strong>en</strong> charge. Le<br />
traumatisme psychologique est fort. La nuit, ma<br />
femme se réveille <strong>en</strong> sursaut. Heureusem<strong>en</strong>t, ma<br />
fille <strong>de</strong> 4 ans ne semble pas trop traumatisée. Elle<br />
sera bi<strong>en</strong>tôt scolarisée <strong>en</strong> Gua<strong>de</strong>loupe.<br />
Comm<strong>en</strong>t se mobiliser pour v<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> ai<strong>de</strong> aux<br />
artistes sinistrés ?<br />
Beaucoup d’artistes ont disparu dans le séisme.<br />
En tant que peintre, je souhaite participer <strong>à</strong><br />
une <strong>mis</strong>sion d’évaluation dont le but sera <strong>de</strong><br />
déterminer une façon d’ai<strong>de</strong>r et d’<strong>en</strong>cadrer les<br />
artistes et artisans haïti<strong>en</strong>s. Nous voulons mettre<br />
<strong>en</strong> <strong>place</strong> un groupe <strong>de</strong> souti<strong>en</strong> perman<strong>en</strong>t, créer<br />
avec d’autres pays un front commun pour Haïti.<br />
La culture est-elle tout ce qu’il reste d’Haïti ?<br />
La culture, c'est ce petit quelque chose très<br />
spécial, comme un grain <strong>de</strong> beauté sur un visage,<br />
qui différ<strong>en</strong>cie une soeur <strong>de</strong> sa jumelle. C’est<br />
l’âme d’un peuple. Le béton a tué nos frères et<br />
nos sœurs, mais pas cette riche culture qui coule<br />
dans nos veines.<br />
Qu’espérez-vous pour Haïti ?<br />
Faire table rase. Dans cette <strong>de</strong>struction,<br />
remarquons que <strong>de</strong>s symboles forts se sont<br />
effondrés. Je p<strong>en</strong>se aux ministères, au palais<br />
national, aux écoles élitistes…, c’est bi<strong>en</strong> le signe<br />
que nous faisions fausse route.<br />
Vous connaissiez déj<strong>à</strong> la Gua<strong>de</strong>loupe ?<br />
La Gua<strong>de</strong>loupe, c’est ma terre d’adoption. J’y<br />
ai <strong>mis</strong> les pieds pour la première fois <strong>en</strong> 1990<br />
pour une exposition <strong>à</strong> l’atelier Michel Cazanove.<br />
Puis, je m’y suis installé <strong>de</strong> 1991 <strong>à</strong> 1995 où je<br />
travaillais comme graphiste au Conseil Général.<br />
J’ai aussi institué le Festival Indigo, festival intercaribé<strong>en</strong><br />
d'arts plastiques annuel qui réunissait,<br />
dans l'<strong>en</strong>ceinte du Fort Fleur d'Epée, <strong>de</strong>s artistes<br />
v<strong>en</strong>us d'une dizaine <strong>de</strong> pays <strong>de</strong> la région. Puis, je<br />
suis parti 12 ans avant <strong>de</strong> rev<strong>en</strong>ir pour plusieurs<br />
expositions.<br />
Quels sont vos projets ?<br />
Richard Viktor Sainsily a récemm<strong>en</strong>t mobilisé les<br />
plastici<strong>en</strong>s pour Haïti autour d’une opération<br />
<strong>de</strong> création <strong>à</strong> ciel ouvert. La r<strong>en</strong>contre était<br />
intéressante car je n’avais plus l’énergie<br />
émotionnelle pour peindre. Aujourd’hui, je veux<br />
continuer <strong>à</strong> peindre et peut-être trouver un<br />
emploi <strong>de</strong> graphiste. J’aimerais créer un pont<br />
<strong>en</strong>tre Haïti et la Gua<strong>de</strong>loupe, développer une<br />
coopération.<br />
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