Dr De La Blanchardière - OMéDIT Basse-Normandie
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ANTIBIOTIQUES et<br />
INSUFFISANCE RENALE<br />
<strong>Dr</strong> Arnaud de <strong>La</strong> <strong>Blanchardière</strong><br />
Maladies Infectieuses et Tropicales<br />
CHU de Caen
1) Toxicité rénale des antibiotiques<br />
2) Conséquences pharmacologiques d’une IR<br />
3) Moyens de détermination de la fonction rénale<br />
4) Posologie initiales<br />
5) Adaptation de l’antibiothérapie en cas d’IR<br />
6) Adaptation de l’antibiothérapie en cas d’EER
1) Toxicité rénale des antibiotiques<br />
• Les antibiotiques sont volontiers néphrotoxiques<br />
– 20% des IRA sont médicamenteuses<br />
• 1/3 dues aux antibiotiques<br />
• 1/3 dues aux AINS<br />
• 1/3 à d’autres produits (produits de contraste iodés +)<br />
Kleinknecht B, Néprologie 1994<br />
• Ils peuvent entraîner 3 types d’atteintes organiques<br />
– Nécroses tubulaires aiguës +++ (NTA)<br />
– Néphropathies tubulo-interstitielles aiguës (NTIA)<br />
– Cristalluries (rares)
Nécroses tubulaires aiguës<br />
• Mécanisme, diagnostic<br />
– Toxicité tubulaire proximale directe (aminosides) ou VC (ampho B)<br />
– Dose-dépendante (comme l’efficacité), réversible en quelques jours<br />
– FDR généraux: âge, dénutrition, déplétion volémique (diurétiques, cirrhose),<br />
vasoconstriction (vanco, ampho B, AINS, ciclosporine et tacrolimus, sepsis,<br />
produits de contraste iodés), atrophie tubulaire (néphr. diabétique), IRC<br />
– Signes rénaux: protéïnurie < 1g/j<br />
• Classes AB/AF responsables<br />
– Aminosides +++ (20% des prescriptions, toxique en 5-10jours)<br />
• FDR propres:<br />
– Type d’aminoside: néomycine > genta, tobra, amika > strepto<br />
– Dose utilisée (vallée), > 1 inj/j, durée de traitement (> 10j)<br />
• Prévention<br />
– Limitation de la durée de TTT < 5 jours, sinon monitorage en préventif<br />
– Amphotéricine B + (80% des prescriptions)<br />
• Prévention<br />
– Hydratation par 1l/j de NaCl 0.9% ou recours aux formulations lipidiques<br />
– Vancomycine ?<br />
• Limitée (5%) sauf aminoside (20% d’IR), TTT > 10j (11%) ou TR > 20 mg/l (35%)
Néphropathies tubulo-<br />
interstitielles aiguës<br />
• Mécanisme, diagnostic et prise en charge<br />
– Immunoallergique (réaction d’hypersensibilité)<br />
– Indépendant de la dose, réversible en quelques semaines- quelques mois<br />
– Apparaît 10 jours après un 1er TTT ou 3 jours après une reprise de TTT<br />
– Signes évocateurs: rash, fièvre, arthralgies, lombalgies (œdème rénal) +<br />
hyperéosinophilie, cytolyse hépatique<br />
– Signes rénaux: protéïnurie = 1-2g/j, leucocyturie, éosinophilurie, hématurie<br />
– Traitement: prednisone 0.5 mg/kg/j dès que possible (risque de fibrose). L’AB<br />
responsable devient définitivement CI.<br />
Gonzalez, Kidney Int 2008<br />
• Classes AB responsables<br />
– Méthicilline +++ (17%)<br />
– Sulfamides et cotrimoxazole<br />
– Rifampicine (si TTT intermittent ou mal suivi)
Cristalluries<br />
• Mécanisme, diagnostic<br />
– Précipitation intra-tubulaire distale du médicament<br />
– Dose dépendante, réversible en quelques semaines<br />
– FDR: déplétion volémique, rhabdomyolyse, myélome, IRC<br />
– Signes rénaux: hématurie, leucocyturie, lithiase<br />
• Classes AB/AV responsables<br />
– Sulfadiazine, Quinolones, Amoxicilline<br />
• Prévention: diurèse abondante (1.5 l/j) et alcalinisation (Vichy)<br />
– Aciclovir (1-2j), Indinavir, Atazanavir<br />
• Prévention: diurèse abondante
2) Conséquences pharmaco d’une<br />
IR sur l’antibiothérapie<br />
• Sur la biodisponibilité: globalement défavorable<br />
– Diminution de l’absorption gastrique des AB<br />
• Gastroparésie (surtout chez le diabétique)<br />
• Augmentation du pH gastrique (par augmentation urée salivaire)<br />
• Œdème de la muqueuse gastrique<br />
– Facteurs de biodisponibilité modifiés<br />
• Diminution de la PgP<br />
• Diminution de l’activité du CYP 450<br />
• Augmentation de l’effet de 1 er passage hépatique<br />
D’où un effet de l’IR globalement défavorable à la biodisponibilité de l’ABT orale<br />
Bourquin V, Rev med Suisse; www.medhyg.ch/formation/article.php32sid=32586
• Sur la distribution et le métabolisme: imprévisible<br />
– Inflation de la distribution (VD)<br />
• Diminution de la fraction liée à l’albumine<br />
• Rôle des oedèmes éventuels<br />
– Diminution du métabolisme<br />
• Baisse de le biotransformation en métabolites actifs ou des<br />
métabolites actifs (en cas d’IRC seulement)<br />
D’où un effet de l’IR sur l’ABT imprévisible<br />
• Sur l’élimination: corrélée à l’IR<br />
– Pour les AB à élimination rénale pure<br />
• Car pour les AB à élimination mixte, tendance à l’équilibration<br />
– Sachant que la sécrétion tubulaire est aussi altérée<br />
• Ce qui l’empêche de compenser<br />
Cette seule phase pharmacocinétique est quantifiable (DFG)<br />
Bourquin V, Rev med Suisse; www.medhyg.ch/formation/article.php32sid=32586
3) Moyens de détermination<br />
de la fonction rénale<br />
• <strong>La</strong> fonction rénale est définie par le DFG<br />
• Dont le marqueur de référence est l’inuline<br />
– Substance parfaite pour le calcul de la clearance (vol de<br />
plasma épuré d’une subst par les reins par unité de temps):<br />
• pas de liaison aux protéïnes plasmatiques<br />
• ni réabsorption ni sécrétion tubulaires<br />
• ni synthèse ni métabolisme tubulaires<br />
• sans effet sur la FG, sans toxicité rénale<br />
– Après inj d’inuline<br />
– DFG = clearance inuline = U inuline x V (litres/j) / P inuline<br />
– Non utilisable en pratique clinique<br />
• complexe<br />
• coûteux
Elle peut être mesurée imparfaitement par l’urémie<br />
– Déchet métabolique de l’azote<br />
• N = 1.7-8.3 mmol/l<br />
– Mais elle est majorée par:<br />
• Alimentation riche en protides<br />
• Catabolisme tissulaire<br />
• Hémorragie digestive<br />
• Hypovolémie efficace<br />
• Corticothérapie<br />
– Et elle est minorée par:<br />
• Alimentation pauvre en protides<br />
• Hépatopathies
Ou aussi imparfaitement par la créatininémie<br />
- Déchet métabolique de la créatine musculaire<br />
N = 80-110 mcmol (homme) ou 60-90 micmol (femme)<br />
- Mais elle est majorée par :<br />
- Masse musculaire ++<br />
- Consommation de viande<br />
- Exercice musculaire<br />
- Sécrétion tubulaire (stt si IRC)<br />
Voire par la clearance calculée de la créatinine<br />
- Cl créat = U créat V / P créat )<br />
N = 90-125 ml/mn<br />
- Mais<br />
- Nécessite les urines de 24 heures<br />
- Majorée par les mêmes facteurs
• Le DFG peut être mieux estimé par la formule de<br />
Cockroft et Gault éventuellement:<br />
– Qui permet la calcul de la clearance sur le seul plasma, en<br />
estimant U créat V à partir de âge + sexe + poids<br />
• DFG = (140 - âge) x poids x K / P créat<br />
• Avec K = 1.23 (homme) ou 1.04 (femme)<br />
– Mais :<br />
• Nécessite une pesée, n’est pas indexée à la surface corporelle<br />
• Majore ou minore le DFG chez<br />
– Enfant (majore)<br />
– Femme enceinte<br />
– Cirrhose avec ascite<br />
– Obèse (majore) / Maigreur (minore)<br />
– IRC (majore du fait de la sécrétion tubulaire)<br />
– Personne âgée > 75 ans (minore)
• Le DFG est BIEN estimé par la formule MDRD<br />
abrégée <br />
– Qui permet la calcul de la clearance sur le seul<br />
plasma, à partir de l’âge, le sexe et la créatinine, sans<br />
recours au poids, indexée à la SC<br />
• DFG (ml/mn/1.73 m 2 de SC) = 175 x (P créat /88.4) –1.154 x<br />
(âge) –0.203 x (0.742 si femme) x K<br />
• avec K = 1.212 (sujet noir), 0.763 (japonais) ou 1.233 (chinois)<br />
Levey AS. JASN 2005; 16: 69A<br />
Le sepsis (fonte musc) qui minore les calculs du DFG reposant sur la créatininémie<br />
(Cockcroft et MDRD) peut indiquer un calcul de la clearance de la créatinine
Levey AS. Ann Intern Med 1999; 130: 461-70
Le MDRD est devenue LA méthode d’estimation du DFG<br />
de référence et de ce fait la formule de choix pour<br />
l’adaptation des drogues à élimination rénale…<br />
…malgré l’absence d’étude randomisée comparant:<br />
- dosages plasmatiques médicaments à poso basée sur MDRD vs Cockroft<br />
- rapport bénéfice/risque pour le patient de poso basées sur MDRD vs Cockroft<br />
Mais l’erreur éventuelle semble<br />
Stevens, AJKD 2009<br />
- sans conséquences pour des infections peu sévères et une ABT courte<br />
- inacceptable en cas d’infections sévères et/ou de défaillance multiviscérale (qui<br />
impose des dosages antibiotiques pour assurer une efficacité précoce entraînée) et/ou<br />
d’ABT prolongée
Classification de la maladie rénale chronique en 5 stades<br />
– Stade DFG (ml/mn/1.73m2) Définition<br />
– 1 > 90 DFG N mais protéïnurie<br />
– 2 60-89 DFG un peu diminué<br />
– 3 30-59 IRC modérée<br />
– 4 15-29 IRC sévère<br />
– 5 < 15 IRC terminale<br />
Mais en cas d’IRA (créatinine instable)<br />
- évaluation du DFG très difficile<br />
- impose toujours des dosages médicamenteux<br />
Groupe de travail de la Société de Néphrologie. Nephrol Thérap 2009; 5: 302-5
4) Posologies initiales<br />
chez le normorénal<br />
• Dose de charge parfois<br />
– Pour obtenir une concentration plasmatique vite efficace, en<br />
cas de recours à des posologie élevées en perf continue<br />
• Même en cas d’IR sévère<br />
• Majorée si hypervolémie (OMI, ascite)<br />
• Minorée si deshydratation<br />
– En cas d’infection sévère et pour des AB temps-dépendants<br />
• Vancomycine (bactéricidie lente)<br />
– 15 mg/kg en bolus puis 60 mg/kg/j IVSE<br />
• Ceftazidime (P aeruginosa et des EB à sensibilité réduite)<br />
– 2 g en bolus puis 6g/j IVSE<br />
Bourquin V, Rev med Suisse; www.medhyg.ch/formation/article.php32sid=32586
• Dose d’entretien ?<br />
– Pour obtenir une concentration plasmatique<br />
efficace, et pour certains non toxique *<br />
– Avec selon les cas<br />
• Diminution de la dose pour les AB temps-dépendants :<br />
– Glycopeptides * (vallée)<br />
• Espacement des doses pour les AB concentrationdépendants<br />
:<br />
– Aminosides * (pic et vallée)<br />
Bourquin V, Rev med Suisse; www.medhyg.ch/formation/article.php32sid=32586
Concentration<br />
10<br />
5<br />
0<br />
Pharmacocinétique Pharmacodynamie<br />
corrélations Pk Pd<br />
Pic<br />
Aire sous courbe<br />
Temps > CMI<br />
Pic / CMI<br />
CMI<br />
Vallée<br />
0 4 8 12 16 20 24<br />
Heures
Rappels sur la vitesse de bactéricidie des<br />
antibiotiques<br />
Vitesse de bactéricidie temps -dépendante : ß lactamines, Glycopeptides<br />
Cfu/ml<br />
0<br />
Témoin<br />
1 x CMI<br />
4 x CMI<br />
64 x CMI<br />
Temps (h)<br />
• Modèles animaux : T>CMI, prédictif du succès thérapeutique<br />
• Relations concentration/effet varient selon le couple ATB/bactérie<br />
• Dosage de la concentration en RESIDUELLE +++<br />
•Lente<br />
•Intensité liée au<br />
•Temps de contact<br />
•Concentration seuil<br />
•EPA faible
Rappels sur la vitesse de bactéricidie des antibiotiques<br />
Bactéricidie concentration-dépendante : Aminoglycosides, FQuinolones<br />
Cfu/ml<br />
64 x CMI<br />
0 5<br />
1 x CMI<br />
4 x CMI<br />
Temps (h)<br />
• Modèles animaux : Cmax/CMI et AUC/CMI prédictifs du succès<br />
• Relations concentration/effet varient selon le couple ATB/bactérie<br />
• Dosage de la concentration au PIC +++<br />
•Rapide et intense<br />
•V augmente avec C<br />
•Prévention repousse<br />
•EPA variable A >>> FQ
5) Adaptation en cas d’IR
Essai de classification des AB<br />
• AB contre-indiqués par l’IR<br />
– Polypeptides<br />
– Ampho B<br />
– Acide nalidixique, acide pipémidique, nitrorurantoïne<br />
• AB nécessitant une adaptation rigoureuse (si Cl < 50 ml/mn)<br />
– Aminosides<br />
– Glycopeptides<br />
• AB nécessitant une adaptation modérée (si Cl < 30 ml/mn)<br />
– Péni G, Méthicilline, Péni A, Uréïdopénicillines, Céphalosporines<br />
– Fosfomycine, Cotrimoxazole, Ethambutol<br />
• AB ne nécessitant aucune adaptation<br />
– Oxacilline<br />
– Macrolides et apparentés, Quinolones<br />
– Rifampicine (mais dosage à J3), Isoniazide<br />
– Acide fusidique, Cyclines<br />
– Imidazolés
Méropénem 1-2g/8h Espacer et diminuer Pas de changement 1-2g/12h 50%/12h 50%/24h<br />
Métronidazole 500 mg/8h Diminuer Pas de changement Idem Idem 50%<br />
Pipéra/tazobactam 4.5g/8h Espacer Pas de changement Idem 4.5g/12h Idem<br />
Cotrimoxazole 160/800 mg/12h Diminuer Pas de changement Idem 50% Eviter<br />
Vancomycine 1g/12h Espacer et diminuer Pas de changement 1g/24-96h Idem 1g/4-7j<br />
Ampho B 0.5-1 mg/kg/j Espacer Pas de changement Idem Idem /48h<br />
Ampho B liposomale 3-6 mg/kg/j Espacer Pas de changement Idem Idem /48h<br />
Caspofungine 70 puis 50 mg/j Pas de changement Idem Idem Idem Idem<br />
Fluconazole 200-400 mg/j Diminuer Pas de changement 50% Idem Idem<br />
Voriconazole 6 puis 4 mg/kg/12h Pas de changement Idem Idem Idem Idem
6) Adaptation en cas d’EER
•Particularités liées à l’hémodialyse<br />
– Hémodynamique instable<br />
– Hypercatabolisme<br />
– Surcharge extracellulaire<br />
– Épuration non sélective incluant des substances actives<br />
•Nécessité de<br />
– Consulter le GPR Antibiotiques et Antifungiques<br />
• ou le GPR Antiviraux<br />
– Monitorer les taux plasmatiques<br />
• Aminosides, glycopeptides<br />
–Discuter un changement de molécules pour<br />
• Ertapénème (tant que Cl > 30 ml/mn)<br />
• Linézolide (tant que Cl > 30 ml/mn)<br />
• Daptomycine (4-6 mg/kg/48 heures si Cl < 30)
Aminosides et glycopeptides<br />
en cas d’IRC ou de dialyse<br />
• Aminosides<br />
– Posologie (AB concentration-dépendant)<br />
Dose initiale Intervalle d’administration<br />
- Gentamicine 1.5 mg/kg fonction des taux sériques<br />
- Amikacine 7.5 mg/kg fonction des taux sériques<br />
- Mode d’administration en cas de dialyse<br />
- Après la séance les jours de dialyse car épurés par la dialyse<br />
- Monitorage pharmacologique<br />
- Mesure du pic à + 30 mn de la perf (efficacité) et de la vallée (TR) à – 30 mn (toxicité)<br />
- Dès H24 et après 24 heures après chaque changement<br />
- Puis, après stabilisation, contrôler le TR seul tous les 7 j ou avant HD<br />
- Objectifs:<br />
- Genta: pic à 30-40 mg/l (8-10 x CMI) et TR < 0.5 mg/l<br />
- Amika: pic à 60-80 mg/l (8-10 x CMI) et TR < 2.5 mg/l
• Glycopeptides<br />
– Posologie (AB temps-dépendant)<br />
Dose initiale Adaptation ultérieure<br />
- Vancomycine 1 g 0.5-1 g/j<br />
fonction des taux résiduels<br />
- Teicoplanine 6 mg/kg/12h de J1 à J3 3–2 mg/kg/j<br />
selon que Cl > ou < 30 ml/mn<br />
et fonction des taux résiduels<br />
- Mode d’administration en cas de dialyse<br />
- Vanco: après la séance les jours de dialyse car épuré par la dialyse<br />
- Teico: indifféremment après ou avant la séance car non dialysable<br />
- Monitorage pharmacologique<br />
- Mesure du TR à – 5 mn<br />
- A<br />
- H24 puis 48 heures après chaque changement pour la vanco<br />
- J4 puis 8 jours après chaque changement pour la teico<br />
- Puis, après stabilisation, tous les 7 jours ou 4-6 heures après (ou avant si T) HD<br />
- Objectifs:<br />
- TR = 20-30 mg/l (vanco IVSE ou teico) ou 15-20 (vanco discontinue)