L'école, un terrain d'expérimentation
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VII DOSSIER El Watan ÉCONOMIE - Du 4 au 10 février 2013<br />
P r Mohamed Tahar Abadlia. Recteur de l’<strong>un</strong>iversité de Blida<br />
«Nos chefs d’entreprise n’ont pas<br />
l’ambition du long terme»<br />
Le professeur Mohamed Tahar Abadlia est,<br />
depuis quelques mois, recteur de l’<strong>un</strong>iversité<br />
Saâd Dahleb de Blida (USDB). Il a été<br />
directeur d’<strong>un</strong>e <strong>un</strong>ité de recherche à<br />
Boumerdes et ex-recteur de l’<strong>un</strong>iversité<br />
Mohand Oulhadj de Bouira. Il a occupé aussi<br />
plusieurs postes dans le secteur<br />
économique : président du holding bâtiment<br />
et matériaux de construction, ainsi que celui<br />
chapeautant la réalisation et les grands<br />
travaux. Dans cet entretien, il revient sur<br />
l’interaction <strong>un</strong>iversité secteur économique<br />
ainsi que sur le concept de création des pôles<br />
d’excellence dans les <strong>un</strong>iversités algériennes.<br />
par<br />
Mohamed<br />
Benzarga<br />
Votre <strong>un</strong>iversité vise l’installation<br />
de son système assurance qualité. Où<br />
en êtes-vous et quel intérêt pour le<br />
monde économique ?<br />
Effectivement, aller vers des pôles<br />
d’excellence thématique sera mon cheval<br />
de bataille tout au long de mon mandat<br />
au niveau de cette méga <strong>un</strong>iversité<br />
dont l’effectif des étudiants a déjà frôlé<br />
les 50 000. L’USDB, comme c’est le cas<br />
de la majorité des <strong>un</strong>iversités algériennes,<br />
a presque toujours évolué à<br />
l’horizontale, je fais allusion-là à l’aspect<br />
quantitatif. Notre objectif est de<br />
faire évoluer cette <strong>un</strong>iversité à la verticale<br />
en faisant sortir des pôles d’excellence<br />
que nous allons doter de moyens<br />
adéquats. On ne peut mettre en place <strong>un</strong><br />
système assurance-qualité que si l’<strong>un</strong>iversité<br />
est complètement informatisée en<br />
mettant en œuvre tous les outils de l’in-<br />
formatique décisionnelle ou ce que l’on<br />
appelle aussi la gouvernance numérique.<br />
A travers l’installation du système assurance-qualité,<br />
nous visons <strong>un</strong> triple<br />
objectif : asseoir <strong>un</strong> ensemble de processus<br />
et de procédés permettant d’aller<br />
vers plus de pertinence dans les résultats<br />
de la recherche et développement (R§D),<br />
renforcer la passerelle de confiance entre<br />
le secteur économique et l’<strong>un</strong>iversité par<br />
la promotion des pôles d’excellence et<br />
promouvoir la fonction R§D pour plus<br />
de visibilité de nos établissements du<br />
supérieur à l’échelle internationale.<br />
L’année 2013 verra le lancement d’<strong>un</strong>e<br />
opération d’informatisation globale de<br />
l’USDB. 2014 constituera le début de<br />
l’évaluation et la mise en place du système<br />
assurance-qualité. En 2015, nous<br />
espérons atteindre <strong>un</strong> stade de mode de<br />
fonctionnement du système assurancequalité<br />
qui nous permettra d’être certifiés<br />
par des organismes accrédités à<br />
l’échelle nationale. En matière de pôle<br />
d’excellence thématique, je crois qu’il<br />
faut développer tout ce qui est stratégique<br />
au niveau national ou régional, tels<br />
que l’aérospatial, l’agro-alimentaire et la<br />
médecine vétérinaire et profiter surtout<br />
de la station expérimentale relevant de la<br />
faculté des sciences agronomiques et<br />
vétérinaires. Nous comptons aussi miser<br />
sur le transport électrique et les énergies<br />
renouvelables.<br />
Depuis quelques années, les effectifs<br />
des diplômés chômeurs augmentent.<br />
Nos diplômés <strong>un</strong>iversitaires ne<br />
satisfont plus, peut-être, les chefs<br />
d’entreprise qui souvent recourent<br />
aux compétences extrafrontalières.<br />
Quel est votre commentaire ?<br />
Le tissu industriel n’est pas assez<br />
développé pour absorber toute la masse<br />
de diplômés qui grossit d’<strong>un</strong>e année à<br />
<strong>un</strong>e autre. Ceci, d’<strong>un</strong>e part, d’autre part<br />
par le fait même que nos <strong>un</strong>iversités<br />
évoluent à l’horizontale, cela a affecté<br />
négativement la qualité de la formation<br />
des futurs cadres. Mais aussi, ne l’oublions<br />
pas, et il s’agit-là d’<strong>un</strong>e réalité<br />
dûment constatée sur le <strong>terrain</strong>, nos<br />
chefs d’entreprise, même parfois face à<br />
<strong>un</strong>e compétence de grande notoriété,<br />
n’ont malheureusement pas cette ambition<br />
du long terme.<br />
Comment qualifiez-vous actuellement<br />
l’interaction <strong>un</strong>iversité-secteur<br />
économique en Algérie ?<br />
Le secteur économique ne s’implique<br />
pas assez dans la formation <strong>un</strong>iversitaire.<br />
En Europe, le secteur économique<br />
finance les formations. Aux USA, il y a<br />
<strong>un</strong>e étroite collaboration de pointe entre<br />
l’armée et l’<strong>un</strong>iversité quand il s’agit de<br />
développer des technologies de pointe<br />
dans le domaine du spatial, l’aviation et<br />
j’en passe. Donc, je vais faire l’effort<br />
nécessaire pour rétablir dans cette<br />
région, très riche de la Mitidja, le lien de<br />
confiance entre l’<strong>un</strong>iversité et le secteur<br />
économique.<br />
Il y a eu auparavant le lancement de<br />
plusieurs spécialités entre l’<strong>un</strong>iversité et<br />
le secteur économique et qui ont constitué<br />
de vraies success story. De son côté,<br />
l’<strong>un</strong>iversité doit être plus agressive en<br />
cherchant des partenariats à des échelles<br />
plus étendues. Il ne faut pas que l’<strong>un</strong>iversité<br />
reste figée dans le rôle de la formation,<br />
il faut qu’elle aille vers la conception.<br />
Je vais créer d’ailleurs <strong>un</strong>e cellule<br />
Kamel Moula. DG des laboratoires Venus Sapeco<br />
PHOTOS : D. R. Propos recueillis<br />
Les laboratoires Venus Sapeco, leaders<br />
dans le domaine de la cosmétique en<br />
Algérie, ont lancé en 2008, en<br />
collaboration avec l’Université de Blida,<br />
la première licence en cosmétologie à<br />
l’échelle nationale et maghrébine.<br />
Kamel Moula, DG de ces laboratoires et<br />
membre du Club des entrepreneurs et<br />
industriels de la Mitidja (CEIMI), nous<br />
parle de cette expérience qui mérite<br />
d’être généralisée.<br />
Comment vous est venue l’idée de lancer la<br />
première licence en cosmétologie ?<br />
Pour simplifier les choses, il faut juste lire les offres<br />
d’emploi dans les journaux. Il est toujours mentionné :<br />
cherche profil expérimenté. De là, l’on déduit qu’<strong>un</strong><br />
opérateur économique ou n’importe quelle institution<br />
ou organisme cherchent avant tout des candidats<br />
expérimentés. La question qui se pose est de savoir<br />
quelle est alors la destinée des nouveaux sortants ? A<br />
notre niveau, nous consacrions beaucoup de temps à<br />
former les nouveaux diplômés pour qu’ils soient<br />
efficaces sur le <strong>terrain</strong>. Croyez-moi, cela n’est pas<br />
chose évidente pour <strong>un</strong>e société qui doit assurer<br />
plusieurs tâches à la fois. Il ne faut pas oublier aussi<br />
qu’on a <strong>un</strong> nombre important de stagiaires qu’on<br />
encadre dans différentes spécialité, comme la ressource<br />
humaine, la comptabilité, le marketing… A partir de là,<br />
on s’est dit pourquoi ne pas proposer alors à l’<strong>un</strong>iversité<br />
de former des <strong>un</strong>iversitaires spécialisés directement<br />
dans la cosmétologie et non pas dans la chimie<br />
générale, d’autant plus que le système LMD possède<br />
aussi <strong>un</strong>e vocation professionnalisante. L’<strong>un</strong>iversité a<br />
vite accepté notre proposition, mais il fallait avoir <strong>un</strong><br />
programme approprié. Là, nous avons contacté notre<br />
partenaire français, qui est Sofia Cosmétique, lequel<br />
nous a délivré les modules à enseigner et le programme<br />
à suivre durant le cursus. Pourquoi notre partenaire<br />
français ? Tout simplement parce qu’il est aussi<br />
partenaire avec l’<strong>un</strong>iversité de Nice (France), <strong>un</strong><br />
établissement qui enseigne la cosmétologie.<br />
La première promotion est sortie. Quelle est<br />
alors sa destinée ?<br />
La première promotion en cosmétologie comportait<br />
<strong>un</strong>e trentaine d’étudiants. La majorité d’entre eux ont<br />
passé leur stage de fin d’étude chez nous. Deux d’entre<br />
eux ont été recrutés à Venus, quatre sortants ont obtenu<br />
des bourses à l’étranger. Les autres diplômés ont pu<br />
facilement s’intégrer dans le monde du travail, d’autant<br />
plus qu’il s’agit là d’<strong>un</strong>e nouvelle spécialité. D’après<br />
des échos, ils travaillent dans des laboratoires de<br />
contrôle de la qualité. La douane, les inspections de la<br />
de valorisation, développement et relations<br />
extérieures pour que notre <strong>un</strong>iversité<br />
soit plus visible. Les produits chinois<br />
sont en train d’envahir notre pays. Je<br />
crois que l’enseignement du chinois<br />
devient <strong>un</strong> impératif national vu l’importance<br />
du volume d’échanges entre l’Algérie<br />
et ce pays. Quand des responsables<br />
de grandes firmes dans <strong>un</strong> pays comme<br />
l’Allemagne se rendent régulièrement en<br />
Chine pour se former, cela donne quand<br />
même matière à réfléchir. Je crois qu’il<br />
est temps de commencer à connaître le<br />
Chinois en tant que langue et en tant que<br />
personne. Nous seront tôt au tard<br />
contraints de lancer des formations dans<br />
ce sens.<br />
En ce qui concerne nos laboratoires<br />
de recherche qui sont actuellement au<br />
nombre de 32, mon message à l’égard<br />
des directeurs de labos était simple et<br />
clair : vous êtes libres, vous êtes autonomes<br />
et vous avez des budgets de fonctionnement<br />
et d’équipement. Vous allez<br />
travailler avec objectif, je veux des produits.<br />
Maintenant, si demain <strong>un</strong> industriel<br />
bien loti décide de créer <strong>un</strong> service<br />
recherche et développement (R§D), il<br />
aura toujours besoin de l’<strong>un</strong>iversité car<br />
tout d’abord cela lui reviendra très cher<br />
et les boîtes capables de créer leurs<br />
propres services R§D se comptent sur les<br />
bouts des doigts. Créer <strong>un</strong> service R§D<br />
cela suppose aussi de la part de l’entreprise<br />
qu’elle va travailler sur le recrutement<br />
des permanents, y compris les frais<br />
d’exploitation d’<strong>un</strong> tel service. D’autre<br />
part, la multiplicité et la complexité des<br />
problèmes rencontrés in situ par les<br />
industriels font que les besoins sont multiples.<br />
M. B.<br />
«Nous aimerions collaborer avec les labos<br />
de recherche de nos <strong>un</strong>iversités»<br />
fraude et de la qualité peuvent avoir recours à ces<br />
diplômés pour détecter, par exemple, les produits<br />
contrefaits. A vrai dire, il s’agit d’<strong>un</strong>e spécialité<br />
d’avenir, surtout quand on sait que le marché algérien<br />
est inondé de produits cosmétiques et de beauté.<br />
L’<strong>un</strong>iversité, c’est non seulement la formation<br />
mais également la recherche. Y a-t-il <strong>un</strong> partenariat<br />
entre votre établissement et l’<strong>un</strong>iversité dans le<br />
cadre du volet recherche et développement ?<br />
A notre niveau, nous possédons <strong>un</strong> service dédié à<br />
la recherche et au développement. Mais les travaux<br />
qu’on effectue restent limités, puisque cela demande<br />
énormément d’investissements et de moyens. Pis, la<br />
recherche reste la vocation de l’<strong>un</strong>iversité, laquelle<br />
recèle <strong>un</strong> potentiel humain et matériel plus adéquat par<br />
rapport aux travaux scientifiques. Notre souhait est<br />
justement de travailler en étroite collaboration avec<br />
l’<strong>un</strong>iversité de Blida pour ce qui est de la recherche.<br />
Nous sommes même prêts à financer certaines<br />
recherches si cela s’impose. Sans doute, cela sera<br />
bénéfique pour les deux parties. A notre niveau, nous<br />
aurons <strong>un</strong>e matière scientifique et surtout efficace<br />
qu’on pourra exploiter dans notre investissement. Pour<br />
l’<strong>un</strong>iversité, la même recherche constituera <strong>un</strong>e<br />
formation pointue pour les <strong>un</strong>iversitaires comme elle<br />
contribuera à répondre à certains questionnements.<br />
Cela ne fait que répondre à la vocation d’<strong>un</strong><br />
établissement de l’enseignement supérieur. M. B.