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L'école, un terrain d'expérimentation

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El Watan ÉCONOMIE - Du 4 au 10 février 2013<br />

L’ACTUALITÉ III<br />

Francis Perrin. Président de Stratégies et politiques énergétiques<br />

«Les primes d’assurance vont<br />

évidemment augmenter»<br />

Pétrole et Gaz Arabes et professeur en sciences<br />

économiques. Il nous explique dans cet entretien<br />

les implications de la récente attaque terroriste<br />

d’In Amenas sur Sonatrach, ses partenaires<br />

énergétiques ainsi que sa couverture assurance.<br />

L’expert évoque également la possibilité que<br />

certaines compagnies énergétiques asiatiques ou<br />

russes puissent prendre le relais dans le cas où les<br />

entreprises privées occidentales soient refroidies<br />

par le «risque» Algérie.<br />

Propos<br />

recueillis par<br />

Safi a Berkouk<br />

En matière d’investissements sécuritaires<br />

et d’assurance des installations<br />

énergétiques, quelles seront les conséquences<br />

pour Sonatrach et ses partenaires<br />

étrangers ?<br />

La perception par les investisseurs<br />

et les pays étrangers du risque politique<br />

associé à l’Algérie sera très probablement<br />

revue à la hausse, ce qui peut avoir <strong>un</strong><br />

impact négatif sur des plans d’investissement<br />

ou d’implantation dans ce pays. De<br />

même, le coût de la sécurité va inévitablement<br />

augmenter car il faudra tirer toutes<br />

les conséquences de la tragédie d’In Amenas<br />

et prendre les mesures requises tout<br />

en sachant que le risque zéro n’existe pas,<br />

pas plus dans l’industrie des hydrocarbures<br />

qu’ailleurs. Les primes d’assurance<br />

vont évidemment augmenter. Ces impacts<br />

portent sur le court terme, voire sur le<br />

moyen terme. Je ne pense cependant pas<br />

que ce qui vient de se passer aura des<br />

PHOTO : D. R. M. Perrin est directeur de la rédaction de la revue<br />

conséquences à long terme sur l’Algérie,<br />

mais il faut que les réactions de l’Etat, de<br />

Sonatrach et de ses partenaires étrangers<br />

soient à la hauteur de l’enjeu.<br />

Pensez-vous que les fi rmes internationales<br />

opérant dans le secteur énergétique<br />

algérien vont songer à se délester<br />

de leurs actifs en Algérie dans les<br />

semaines ou les mois à venir ?<br />

Je ne crois pas que des investisseurs<br />

étrangers installés, souvent de longue<br />

date, en Algérie et engagés dans des projets<br />

importants vont quitter le pays du<br />

seul fait de cette sanglante attaque et prise<br />

d’otages. Ces compagnies, dont ENI,<br />

Total, Repsol, BP, Anadarko Petroleum et<br />

d’autres encore vont renforcer leurs mesures<br />

de sécurité et diminuer le personnel<br />

non essentiel, mais vont continuer à travailler<br />

en Algérie. Certaines d’entre elles<br />

pourraient cependant hésiter, au moins à<br />

court terme, à renforcer leur implantation<br />

dans le pays sans abandonner les projets<br />

dans lesquels elles sont actuellement<br />

impliquées. Les enjeux liés à la révision<br />

de la loi sur les hydrocarbures de 2005<br />

telle que modifi ée en 2006 et les succès<br />

ou les échecs dans l’exploration auront<br />

à mon sens <strong>un</strong> poids plus important que<br />

les problèmes sécuritaires dans les choix<br />

futurs de ces entreprises par rapport à<br />

d’éventuels nouveaux projets, comme<br />

le montrent les résultats moyens ou médiocres<br />

des appels d’offres internationaux<br />

pour l’exploration lancés depuis 2008.<br />

Par contre, pour des compagnies pétrolières<br />

non présentes en Algérie et qui<br />

pourraient envisager d’investir dans ce<br />

pays, la donne est différente. L’attractivité<br />

d’<strong>un</strong> pays producteur d’hydrocarbures<br />

s’apprécie au regard de trois critères clés<br />

: le potentiel en pétrole et en gaz naturel,<br />

- et celui-ci est intéressant -, le cadre<br />

législatif, contractuel et fi scal, qui est en<br />

cours de modifi cation dans <strong>un</strong> sens plus<br />

attrayant, et le risque politique, qui sera<br />

revu à la hausse. Une décision d’investissement<br />

en Algérie découle de l’appréciation<br />

par des groupes étrangers de ce cocktail<br />

et le goût de celui-ci sera différent<br />

avant et après In Amenas.<br />

En admettant que cela se produise,<br />

le retrait éventuel de certaines fi rmes<br />

pourrait-il favoriser d’autres pays<br />

comme la Chine, la Russie ou autres ?<br />

Je ne crois pas vraiment au retrait<br />

des compagnies pétrolières de l’Algérie<br />

qui serait seulement lié à la tragédie<br />

d’In Amenas en dépit de l’extrême gravité<br />

de celle-ci. Mais il est exact que les<br />

compagnies pétrolières n’ont pas toutes<br />

le même profi l en matière d’appréciation<br />

et de gestion des risques politiques.<br />

Pour simplifi er quelque peu, des sociétés<br />

nationales de pays asiatiques tels que la<br />

Chine, l’Inde ou le Vietnam, par exemple,<br />

ou des fi rmes russes sont effectivement<br />

plus susceptibles de faire face à ce type<br />

de risques que des entreprises privées<br />

occidentales qui sont cotées en bourse et<br />

qui proviennent de pays dans lesquels le<br />

poids de l’opinion publique est très fort. Il<br />

ne faut cependant pas généraliser trop rapidement.<br />

Total et ENI sont ainsi présents<br />

de façon constante en Algérie depuis les<br />

années 1950…<br />

La promulgation d’<strong>un</strong>e nouvelle loi<br />

sur les hydrocarbures moins contraignante<br />

permettra-t-elle de limiter les<br />

dégâts pour l’Algérie ?<br />

C’est <strong>un</strong> point-clé. La moindre attractivité<br />

de l’Algérie dans les dernières années<br />

s’explique essentiellement par des<br />

conditions contractuelles qui découlent<br />

de la loi sur les hydrocarbures, jugées<br />

trop dures par nombre d’investisseurs<br />

étrangers, ce que les autorités algériennes<br />

ont fi nalement reconnu en présentant <strong>un</strong><br />

projet de loi modifi ant la loi de 2005.<br />

L’Algérie conserve <strong>un</strong> potentiel d’exploration<br />

et de développement tout à fait<br />

intéressant pour le gaz naturel comme<br />

pour les liquides et pour les hydrocarbures<br />

conventionnels comme pour les<br />

non conventionnels. Comme l’a souligné<br />

le ministre de l’Energie et des Mines, M.<br />

Youcef Yousfi , le pays a impérativement<br />

besoin d’investissements étrangers et il<br />

faut savoir attirer ceux-ci. Il ne s’agit pas<br />

de remettre en cause la souveraineté algérienne<br />

sur ses ressources naturelles, ni<br />

de dépouiller l’Etat de sa juste part, mais<br />

de trouver <strong>un</strong> nouvel équilibre entre les<br />

intérêts nationaux de l’Algérie et ceux des<br />

partenaires étrangers de Sonatrach dans<br />

<strong>un</strong> monde qui bouge de plus en plus vite<br />

et dans <strong>un</strong> contexte énergétique international<br />

qui subit certains bouleversements.<br />

Il ne faut pas avoir peur du pragmatisme<br />

et du compromis dans l’industrie des hydrocarbures.<br />

S. B.<br />

Produire <strong>un</strong>e doctrine de stratégie énergétique<br />

Le secteur de l’énergie est l’<strong>un</strong> des plus complexes et des<br />

plus incertains à analyser en termes de perspectives. Un<br />

bureau d’étude européen a interrogé les 20 «meilleures<br />

institutions et personnalités» sur l’avenir des prix<br />

pétroliers à l’horizon 2022. Le prix moyen fourni était de<br />

110 $, mais les estimations variaient de 69 à 170 dollars. Les<br />

paramètres qui influent sur le devenir du secteur sont complexes<br />

et interdépendants : aspects géopolitiques, nouvelles<br />

technologies, vigueur de l’économie mondiale, règlementations<br />

environnementales et d’autres facteurs parmi les plus difficiles à<br />

prévoir. Cinq années auparavant, le débat était centré sur le rôle<br />

futur que devait jouer le nucléaire et les énergies nouvelles dans<br />

les choix des bouquets énergétiques des différents pays. Alors<br />

que cette question fut loin d’être tranchée, les nouvelles<br />

technologies de production de gaz et de pétrole de schiste, avec<br />

les premiers résultats apparemment acceptables aux USA,<br />

orientent le débat vers <strong>un</strong>e tout autre direction : quel devrait être<br />

le rôle de ces produits dans le panier énergétique d’<strong>un</strong> pays ? On<br />

ne peut éviter de se poser de telles questions pour notre propre<br />

devenir. Mais s’il y avait <strong>un</strong>e réponse simple, on l’aurait vite<br />

trouvée.<br />

GRANDS RISQUES ET INCERTITUDES<br />

Selon le magazine Oil and Gas Journal, l’Algérie dispose de<br />

réserves pétrolières prouvées de 12,2 milliards de barils et 4502<br />

milliards de m 3 de gaz. La production pétrolière journalière oscille<br />

autour de 1,27 million de barils de pétrole et 87 milliards de m 3 de<br />

gaz par an. La consommation nationale représenterait 19% de la<br />

production de pétrole et 17% du gaz. Mais la progression est forte<br />

entre 11 et 15% par an. Il y a <strong>un</strong> interminable débat sur le taux de<br />

récupération réel de ces richesses ; ce qui pose de grands aléas<br />

sur le devenir de ce secteur encore et toujours incontournable<br />

pour le financement des investissements ; et tout simplement le<br />

fonctionnement quotidien de l’économie nationale. Les<br />

exportations hors hydrocarbures peinent à dépasser les 2% et le<br />

financement de l’économie par les hydrocarbures se situe autour<br />

de 35%. Plus de 69% des biens et services que nous consommons<br />

sont importées. Tout simplement, sans les hydrocarbures, notre<br />

économie s’effondrerait. Le débat sur la construction d’<strong>un</strong>e<br />

économie productive et compétitive hors hydrocarbures dure<br />

depuis plus de quarante ans, mais à auc<strong>un</strong> moment nous n’étions<br />

en train de maîtriser l’ensemble des facteurs-clés de succès pour<br />

réussir. Si bien que tout reste à refaire ou tout simplement à faire.<br />

Nous pourrons affronter dans le futur <strong>un</strong> grave problème d’offre<br />

d’énergie. Avec <strong>un</strong>e demande qui va doubler tous les sept à huit<br />

ans, les volumes à exporter seront réduits. Là-dessus, nous<br />

n’avons pas les simulations sur les différents scénarios probables.<br />

Le second problème auquel nous pourrions faire face est celui des<br />

prix. Selon certains analystes (contredits par d’autres), la<br />

demande croissante en énergie sera amplement satisfaite par <strong>un</strong>e<br />

offre qui sera de plus en plus abondante. Les prix seraient alors<br />

orientés vers la baisse. Des analyses pessimistes parlent même de<br />

40 dollars le baril (le coût marginal de l’extraction du pétrole de<br />

schiste sera orienté à la baisse). Si nous travaillions sur le<br />

scénario le plus pessimiste dans 10 ans : 60 dollars le baril et<br />

réduction des quantités de 50%, nous aurons des recettes de 16 à<br />

20 milliards de dollars à <strong>un</strong> moment où la population frôlera les 50<br />

millions d’habitants. C’est sur ce scénario pessimiste que doivent<br />

plancher nos stratèges dès à présent. Que faut-il faire ? Et<br />

comment agir pour éviter de graves remous économiques et<br />

sociaux ?<br />

DÉCISIONS ET PRÉCAUTIONS<br />

Si on tire des leçons des enseignements de la stratégie : en<br />

période de fortes turbulences dans <strong>un</strong> environnement compétitif<br />

complexe, les décisions doivent consacrer la précaution mais en<br />

pariant sur l’avenir. L’Algérie va investir 80 milliards de dollars<br />

durant les cinq prochaines années pour booster les capacités<br />

productives de son secteur. Le premier élément du pari est de<br />

mobiliser des ressources. Nous faisons donc <strong>un</strong> premier pas dans<br />

la bonne direction. Le second élément de l’équation concerne la<br />

demande nationale qui doit être satisfaite en priorité. Ce qui<br />

implique que nous devrions laisser dans le sous-sol au moins<br />

trente à quarante années de consommation nationale. Le reste<br />

peut être exporté. Nos stratèges doivent donc consacrer cette<br />

priorité dans les plans de développement de ce secteur. Par<br />

ailleurs, en face des incertitudes, la meilleure stratégie est celle<br />

de la précaution : il nous faut <strong>un</strong> portefeuille diversifié de sources<br />

énergétiques : produits conventionnels, renouvelables, schistes<br />

(en s’assurant de la maîtrise des conséquences<br />

environnementales). Laissons également les entreprises privées<br />

risquer, tout en assurant <strong>un</strong>e régulation adéquate. L’Algérie s’est<br />

lancée dans l’exploration des produits dérivés du schiste. Ce qui<br />

est <strong>un</strong> premier pas vers la diversification des sources<br />

énergétiques. Il faut que nos experts débattent intensément et<br />

librement avec les décideurs publics afin d’arriver à <strong>un</strong>e plateforme<br />

comm<strong>un</strong>e. La meilleure manière de produire <strong>un</strong>e doctrine<br />

de stratégie énergétique demeure de la concevoir au sein d’<strong>un</strong>e<br />

«institution cerveau» qui dialogue avec l’ensemble des acteurs.<br />

Personne ne détient encore la vérité sur la technologie et le<br />

devenir du gaz et du pétrole de schiste. La décision d’exploiter<br />

d’abord les gisements traditionnels, puis passer aux énergies de<br />

schiste n’est pas forcément la bonne. Le «switching» est toujours<br />

difficile en termes de technologie, d’organisation, de marketing et<br />

le reste. Je dis simplement que le débat ne doit pas être clos<br />

aujourd’hui. Mais sans doute la plus grande des précautions<br />

demeure de développer <strong>un</strong>e économie productive et efficace hors<br />

hydrocarbures par <strong>un</strong>e diversification judicieuse des activités.<br />

Force est de constater les revers de toutes les démarches<br />

entreprises jusqu’à présent. On connaît le pourquoi de l’échec de<br />

toutes ces tentatives : l’absence d’<strong>un</strong>e politique de qualité et<br />

d’utilisation optimale des potentialités humaines, les faiblesses<br />

managériales au sein de l’ensemble des institutions, le<br />

financement de l’importation au détriment d’<strong>un</strong>e économie<br />

productive nationale, l’absence de stratégie de développement,<br />

<strong>un</strong>e organisation de l’Etat inappropriée (hypercentralisation et<br />

hyperbureaucratisation) et autres. La levée de toutes ces<br />

contraintes constitue la meilleure des stratégies pour sortir du<br />

tout pétrole. Les solutions sont également connues des experts.<br />

Nous en avons déjà livré <strong>un</strong>e bonne partie dans ces mêmes<br />

colonnes. D’autres éminents économistes nationaux complètent<br />

le tableau. Nous avons les moyens et encore <strong>un</strong> peu de temps pour<br />

sortir de cette dépendance mortelle. Il nous reste la décennie de la<br />

dernière chance. A. L.<br />

PH. D. en sciences de gestion<br />

iniescom@yahoo.fr

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