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Marius Bourrelly - Université de Provence

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Le provençal, malgré votre affection, que vous me permettrez <strong>de</strong> ne pas admettre, en<br />

compagnie <strong>de</strong> plusieurs millions <strong>de</strong> compatriotes <strong>de</strong> la <strong>Provence</strong> ou du Languedoc, n’est<br />

pas un patois, comme il en existe dans tous les idiomes. C’est une langue vivante et<br />

parlée.<br />

Il y a déjà bien longtemps que j’entends dire qu’il est mort, et chaque jour je le retrouve<br />

plus vivace que jamais. En vain, lui tresse-t-on <strong>de</strong>s couronnes <strong>de</strong> fleurs pour l’engager à<br />

<strong>de</strong>scendre dans la tombe; il les foule aux pieds. Les Français du Nord ont beau lui ériger<br />

<strong>de</strong>s monuments funèbres; il les leur abandonne en guise <strong>de</strong> pié<strong>de</strong>stal, sur lesquels les<br />

rénégats <strong>de</strong> la <strong>Provence</strong> pourront se hisser avec leurs in-12 volumineux et leur verbiage<br />

ampoulé.<br />

Non, Monsieur, la langue qui a produit Mirèio et Calendau ne peut pas mourir. Je<br />

pourrais citer une foule d’autres ouvrages, à la suite <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux chefs-d’œuvre<br />

poétiques, qui vous prouveraient combien les nouvelles pousses <strong>de</strong> cet arbre antique<br />

sont vigoureuses et pleines <strong>de</strong> sève; mais il faudrait entrer dans une trop longue<br />

énumération, et non est hic locus Le temps et l’espace me manquent.<br />

La pléïa<strong>de</strong> <strong>de</strong>s poètes provençaux a fait <strong>de</strong> rapi<strong>de</strong>s progrès, <strong>de</strong>puis les congrès d’Arles,<br />

en 1852, et d’Aix 1853. En vertu <strong>de</strong> l’axiome: l’union fait la force! on s’est groupé<br />

autour <strong>de</strong> cette langue mère, pour préserver ce rejeton du vieil idiome latin <strong>de</strong> la<br />

contagion du gallicanisme littéraire.<br />

Loin <strong>de</strong>s poètes provençaux, la pensée que leur prêtent quelques esprits paradoxaux <strong>de</strong><br />

vouloir faire <strong>de</strong> leur mo<strong>de</strong>ste langue une langue universelle. Ils ne sont pas assez<br />

audacieux pour avoir une pareille prétention. Leur ambition se borne à sauver <strong>de</strong> l’oubli<br />

le doux parler <strong>de</strong> leurs pères, que les flots envahissants du français essaient vainement<br />

<strong>de</strong> submerger et d’absorber dans leur marée montante.<br />

Ils tiennent à leur langue harmonieuse, comme les archéologues tiennent aux anciens<br />

monuments: comme Nîmes tient à ses Arènes et à sa Maison-Carrée; Arles, à son<br />

Amphithéâtre et à son cloître <strong>de</strong> Saint Trophime; Fréjus, à son Aqueduc et à sa Porte<br />

Dorée. Mais ils n’en admirent pas moins les élégants édifices <strong>de</strong> notre époque, et ils<br />

s’inclinent <strong>de</strong>vant toutes les œuvres sublimes <strong>de</strong>s génies <strong>de</strong> notre temps. Je profiterai <strong>de</strong><br />

l’occasion qui m’est offerte, en parlant <strong>de</strong> la langue provençale, pour abor<strong>de</strong>r quelque<br />

peu la question orthographique, qui a failli amener <strong>de</strong>s scissions déplorables, et a été<br />

tranchée dans la forme, sinon au fond.<br />

Les poètes provençaux s’étaient divisés en <strong>de</strong>ux camps: les uns, que nous appellerons, si<br />

vous voulez, les classiques, persistaient à charger notre idiome <strong>de</strong> lettres parasites et<br />

inutiles, qui en détruisaient l’harmonie et les gracieuses assonances; les autres, les<br />

romantiques, voulaient le débarrasser <strong>de</strong> toutes les broussailles grammaticales dont on le<br />

hérissait. La discor<strong>de</strong> était au camp d’Agramant. Mais il n’a pas été bien difficile <strong>de</strong> l’en<br />

faire sortir. Quelques champions obstinés se sont retranchés <strong>de</strong>rrière leur muraille <strong>de</strong> la<br />

Chine. Ils persévèrent à vouloir assujettir la poésie provençale aux formes disparates et à<br />

la prosodie <strong>de</strong> la poésie française.

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