annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...

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13.07.2013 Views

Nous prendrons donc les distances données par Polybe, telles quelles, pour point de départ de nos recherches, et nous les comparerons aux longueurs mesurées sur les diverses routes qui traversent le Rhône et les Alpes. S'il ne s'en trouvait pas une seule, dans le nombre, qui répondît à peu près aux chiffres de Polybe, il faudrait supposer une erreur grossière, abandonner tout espoir de résoudre la question sans y introduire d'hypothèses. Mais ce n'est pas ce qui se produit : les 1.600 stades comptés a partir d'Ampurias nous amènent sur le Rhône non loin d'Arles, et il y a trois chemins qui, partant de là pour traverser les Alpes, répondent exactement aux données numériques de l'historien grec. L'un d'entre eux passe au col de Cabré, le second au Lautaret, le troisième remonte le Rhône, puis l'Isère et l'Arc pour passer au col Clapier1, non loin du mont Cenis. Les deux premiers ne satisfont pas aux diverses conditions qui résultent du récit de Polybe ; le troisième satisfait à toutes. Parmi ces conditions, il en est une sur laquelle nous insisterons, parce qu'elle fixe le col franchi par Annibal avec une précision absolue, et que c'est précisément ce col Clapier auquel nous ont conduit les chiffres : parvenu au col, Annibal a vu et montré à ses soldats les plaines du Pô. On croit souvent qu'il s'agit ici de quelque indication vague, peut-être purement pittoresque. Mais rien ne serait plus contraire à l'esprit de Polybe ; du reste, il a été sur les lieux mêmes vérifier l'exactitude des chroniques, et après cette visite, il s'exprime en termes précis et formels. Il remarque la disposition spéciale des montagnes autour de ce col, disposition qui permet d'apercevoir toute l'Italie encadrée entre deux forteresses naturelles ; il fait observer qu'Annibal trouvait là une occasion unique pour jouir de ce spectacle : qu'il a fait sonner l'assemblée, montré du doigt la plaine, indiqué dans le lointain le chemin de Rome. Tout cela est net, positif, détaillé, sans emphase, et bien vivant. Après un témoignage pareil, faire passer Annibal au mont Genèvre ou au Petit Saint-Bernard, d'où la vue ne plonge que dans des gorges affreuses, ou au mont Cenis, qu'un cirque de montagnes enferme complètement, ce serait déclarer que Polybe ne mérite aucune créance ; ce serait le supprimer sans plus de façons, et dès lors on pourrait aussi bien conduire Annibal en Italie par le Tyrol que par la Ligurie. Ce ne serait plus de l'histoire, et toute discussion deviendrait une pure comédie. Devant un renseignement aussi ferme et aussi décisif, les historiens d'Annibal n'auraient jamais dû se croire en possession de la vérité, qu’ils n'eussent découvert un col offrant ce spectacle unique dont parle Polybe. Ils ont préféré continuer leur jeu d'interprétations et d'hypothèses, et c'est seulement vers 1880 que le colonel Perrin a signalé le col Clapier. C'est le pas le plus considérable, on peut même dire le seul, qu'ait fait la question depuis deux mille ans2. 1 Si l'on voulait passer par le mont Cenis, on trouverait environ 35 kilomètres de trop. 2 Nous aurions voulu donner ici une photographie de l'admirable panorama dont on jouit au Clapier ; mais il fallait s'avancer de 100 mètres en territoire italien, et les autorités italiotes, à tous les degrés de la hiérarchie, nous ont interdit de franchir cette distance avec un appareil photographique. Nous ne pouvons donc pas donner ici la preuve matérielle de ce que nous affirmons après le colonel Perrin. De nombreux savants d'outre-Rhin visitent annuellement le Clapier ; nous souhaitons que l'un d'entre eux obtienne enfin la permission qui nous a été refusée. Nous tenons à dire, néanmoins, que, si prévenu que nous fussions par les témoignages du colonel Perrin et du lieutenant Azan, nous avons été à notre tour surpris, émerveillé. Ce n'est pas un lambeau de plaine qu'on aperçoit, mais bien, comme le dit Polybe, toute l'Italie, et l'on peut deviner dans

Les systèmes établis avaient tant de force que l'on ne se rendit pas unanimement à l'évidence. Cependant la nouvelle solution compta bientôt de nombreux partisans : M. Soltau et le lieutenant Azan ont, dans leurs ouvrages, admis le passage par le Clapier. Des officiers de nos troupes alpines, et notamment le capitaine Card et M. le commandant Lemerle, ont étudié la question sur place, mais leurs travaux sont malheureusement restés inédits. On a éprouvé quelque répugnance à accepter ce col Clapier, qui était presque inconnu ; le sentier décrit par le colonel Perrin est des plus difficiles, mais ce n'est pas là celui qu'Annibal a pu suivre : le chemin qui descend vers les granges de Tuglia (Quatre-Dents), en longeant le pied du glacier d'Ambin, répond au contraire exactement à la description de Polybe, et une ancienne chaussée pavée, peut-être une voie romaine, prouve que ce passage a été fréquenté dans des temps très reculés. S'il a l'inconvénient d'exiger une ascension plus longue d'une heure que celle du mont Cenis, il le compense amplement en faisant gagner une grande journée de marche sur le trajet de Modane à Suse. Enfin le Clapier n'est pas seulement remarquable par ce panorama unique sur la plaine d'Italie : c'est encore le seul auquel puisse s'appliquer, à la montée, le per invia pleraque errores de Tite-Live, et le seul qui, du côté de la descente, se prête à toutes les exigences du récit. Or, ce col Clapier, qui a le monopole exclusif de répondre à toutes les conditions voulues, se trouve être celui auquel nous avaient conduit les chiffres de Polybe. Quand nous avons déterminé l'itinéraire d'après les trois distances comptées depuis Ampurias jusqu'en Italie, nous n'avons fait intervenir en aucune façon les détails topographiques et les incidents du récit ; nous les avons absolument ignorés. Et voici que tous ces détails se présentent à point nommé sur le parcours déterminé d'après les distances. C'est le trajet de 800 stades le long du Rhône, et non de ses affluents ; c'est l'arrivée chez les Allobroges précédant de peu l'entrée en montagne ; c'est la grande ville allobroge qui se trouve identifiée avec Grenoble. Une bataille a heu en Maurienne, et c'est précisément au point le plus remarquable de la vallée, militairement parlant, carrefour et défilé si importants qu'on y a établi, de nos jours, un fort d'arrêt. Nous n'avons à supposer aucune modification à la géographie politique et physique de la Gaule, et les localités qui ont joué un rôle important dans la marche d'Annibal sont celles qui le joueraient encore aujourd'hui. Il est évident, d'après ce qui précède, que, pour déterminer le chemin d'Annibal par la méthode que nous avons employée, il suffirait à la rigueur de connaître la valeur du stade grec, et d'avoir de bonnes cartes. Mais si Ton veut compléter la discussion, apprécier les arguments qui peuvent être proposés en faveur des diverses solutions, il faut connaître plus ou moins sommairement les sources et les procédés de travail de Polybe et de Tite-Live, le degré de confiance que mérite chacune de leurs indications ; il faut aussi quelques notions sur l'état physique, la viabilité, la population des pays qu'Annibal a traversés. Les» historiens citent, en général, les détails qui intéressent directement leur système et qui, présentés seuls et de la manière voulue, prédisposent en leur faveur. Nous avons tenu à agir autrement et à donner d'abord un aperçu général de toute la région rhodanienne ; nous avons résumé ensuite les idées les plus l'Apennin ligure la route d'Étrurie, c'est-à-dire de Rome. Les montagnes de Drubiaglio et de Sant ;Ambrogio encadrent le débouché comme deux forteresses, et les ruines qui couronnent celle-ci rendent plus sensible encore la comparaison de Polybe.

Les systèmes établis avai<strong>en</strong>t tant <strong>de</strong> force que l'on ne se r<strong>en</strong>dit pas<br />

unanimem<strong>en</strong>t à l'évid<strong>en</strong>ce. Cep<strong>en</strong>dant <strong>la</strong> nouvelle solution compta bi<strong>en</strong>tôt <strong>de</strong><br />

nombreux partisans : M. Soltau <strong>et</strong> le lieut<strong>en</strong>ant Azan ont, dans leurs ouvrages,<br />

admis le passage par le C<strong>la</strong>pier. Des officiers <strong>de</strong> nos troupes alpines, <strong>et</strong><br />

notamm<strong>en</strong>t le capitaine Card <strong>et</strong> M. le commandant Lemerle, ont étudié <strong>la</strong><br />

question sur p<strong>la</strong>ce, mais leurs travaux sont malheureusem<strong>en</strong>t restés inédits. On<br />

a éprouvé quelque répugnance à accepter ce col C<strong>la</strong>pier, qui était presque<br />

inconnu ; le s<strong>en</strong>tier décrit par le colonel Perrin est <strong><strong>de</strong>s</strong> plus difficiles, mais ce<br />

n'est pas là celui qu'Annibal a pu suivre : le chemin qui <strong><strong>de</strong>s</strong>c<strong>en</strong>d vers les granges<br />

<strong>de</strong> Tuglia (Quatre-D<strong>en</strong>ts), <strong>en</strong> longeant le pied du g<strong>la</strong>cier d'Ambin, répond au<br />

contraire exactem<strong>en</strong>t à <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription <strong>de</strong> Polybe, <strong>et</strong> une anci<strong>en</strong>ne chaussée<br />

pavée, peut-être une voie romaine, prouve que ce passage a été fréqu<strong>en</strong>té dans<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> temps très reculés. S'il a l'inconvéni<strong>en</strong>t d'exiger une asc<strong>en</strong>sion plus longue<br />

d'une heure que celle du mont C<strong>en</strong>is, il le comp<strong>en</strong>se amplem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> faisant<br />

gagner une gran<strong>de</strong> journée <strong>de</strong> marche sur le traj<strong>et</strong> <strong>de</strong> Modane à Suse.<br />

Enfin le C<strong>la</strong>pier n'est pas seulem<strong>en</strong>t remarquable par ce panorama unique sur <strong>la</strong><br />

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prête à toutes les exig<strong>en</strong>ces du récit.<br />

Or, ce col C<strong>la</strong>pier, qui a le monopole exclusif <strong>de</strong> répondre à toutes les conditions<br />

voulues, se trouve être celui auquel nous avai<strong>en</strong>t conduit les chiffres <strong>de</strong> Polybe.<br />

Quand nous avons déterminé l'itinéraire d'après les trois distances comptées<br />

<strong>de</strong>puis Ampurias jusqu'<strong>en</strong> Italie, nous n'avons fait interv<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> aucune façon les<br />

détails topographiques <strong>et</strong> les incid<strong>en</strong>ts du récit ; nous les avons absolum<strong>en</strong>t<br />

ignorés. Et voici que tous ces détails se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à point nommé sur le<br />

parcours déterminé d'après les distances. C'est le traj<strong>et</strong> <strong>de</strong> 800 sta<strong><strong>de</strong>s</strong> le long du<br />

Rhône, <strong>et</strong> non <strong>de</strong> ses afflu<strong>en</strong>ts ; c'est l'arrivée chez les Allobroges précédant <strong>de</strong><br />

peu l'<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> montagne ; c'est <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> ville allobroge qui se trouve id<strong>en</strong>tifiée<br />

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plus remarquable <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée, militairem<strong>en</strong>t par<strong>la</strong>nt, carrefour <strong>et</strong> défilé si<br />

importants qu'on y a établi, <strong>de</strong> nos jours, un fort d'arrêt. Nous n'avons à<br />

supposer aucune modification à <strong>la</strong> géographie politique <strong>et</strong> physique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule,<br />

<strong>et</strong> les localités qui ont joué un rôle important dans <strong>la</strong> marche d'Annibal sont<br />

celles qui le jouerai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core aujourd'hui.<br />

Il est évid<strong>en</strong>t, d'après ce qui précè<strong>de</strong>, que, pour déterminer le chemin d'Annibal<br />

par <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> que nous avons employée, il suffirait à <strong>la</strong> rigueur <strong>de</strong> connaître <strong>la</strong><br />

valeur du sta<strong>de</strong> grec, <strong>et</strong> d'avoir <strong>de</strong> bonnes cartes. Mais si Ton veut compléter <strong>la</strong><br />

discussion, apprécier les argum<strong>en</strong>ts qui peuv<strong>en</strong>t être proposés <strong>en</strong> faveur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

diverses solutions, il faut connaître plus ou moins sommairem<strong>en</strong>t les sources <strong>et</strong><br />

les procédés <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> Polybe <strong>et</strong> <strong>de</strong> Tite-Live, le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> confiance que<br />

mérite chacune <strong>de</strong> leurs indications ; il faut aussi quelques notions sur l'état<br />

physique, <strong>la</strong> viabilité, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>pays</strong> qu'Annibal a traversés. Les»<br />

histori<strong>en</strong>s cit<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> général, les détails qui intéress<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t leur système<br />

<strong>et</strong> qui, prés<strong>en</strong>tés seuls <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière voulue, prédispos<strong>en</strong>t <strong>en</strong> leur faveur.<br />

Nous avons t<strong>en</strong>u à agir autrem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> à donner d'abord un aperçu général <strong>de</strong><br />

toute <strong>la</strong> région rhodani<strong>en</strong>ne ; nous avons résumé <strong>en</strong>suite les idées les plus<br />

l'Ap<strong>en</strong>nin ligure <strong>la</strong> route d'Étrurie, c'est-à-dire <strong>de</strong> Rome. Les montagnes <strong>de</strong> Drubiaglio <strong>et</strong><br />

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