annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...

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Telle était l'œuvre entreprise par Deluc et Larauza ; mais ils disposaient de moyens insuffisants. Les cartes et les livrets de poste qu'ils employaient leur firent commettre des erreurs matérielles que vint encore augmenter une évaluation inexacte du stade. Dès le passage du Rhône, ils se trouvèrent égarés, et réduits aux expédients. Ce double exemple a-t-il découragé leurs successeurs ? Toujours est-il que, depuis lors, on est retombé en pleine fantaisie. Les historiens ont désespéré d'atteindre la vérité par une méthode régulière ; ils se contentent donc de chercher des indices dans la lecture de Polybe, ou même en dehors de lui : un mot, une phrase les frappent, sur lesquels ils bâtissent tout un système. S'agit-il de déterminer l'endroit où Annibal a passé le Rhône, point essentiel dont tout le reste va dépendre ? Ils ne tiendront pas compte de la distance à Ampurias, dont la précision les gênerait, ou bien ils jugeront à propos de lui infliger une majoration. Ils choisiront pour base de leurs recherches une donnée assez élastique pour se plier à tous leurs caprices ; celle-ci par exemple, que le point de passage est à quatre marches de la mer. Suivant quelle route comptera-t-on ces quatre marches, et quelle en sera la longueur ? On ne le sait pas, et la latitude laissée par une telle condition est si grande, que tous les points proposés, depuis Arles jusqu'à Pont-Saint-Esprit, y satisfont également. Plusieurs de nos historiens ayant fixé d'avance leurs vues sur Roquemaure ou Pont-Saint- Esprit, imaginent des marches énormes, et même des marches à vol d'oiseau ! Ils se justifient parfois en déclarant qu'ils ont tout calculé de manière à se plier aux indications ultérieures de Polybe. Mais qu'arrive-t-il, au contraire ? C'est que toutes ces solutions, établies en dehors des premières données précises et solides de l'historien grec, se trouvent encore en contradiction avec les autres. Aucune d'entre elles ne comporte, suivant les chemins ordinaires, un parcours de 2.600 stades entre le Rhône et la plaine italienne ; il faut supposer des montées et descentes quotidiennes, des détours inexplicables, des unités de longueur inconnues, pour retrouver le chiffre de Polybe. Elles ne présentent pas, à 1.200 stades environ du Rhône, une entrée ou montée digne de ce nom ; il faut qualifier de montée des Alpes une côte insignifiante où la route s'élève doucement de 60 mètres pour redescendre aussitôt, et cela en pleine montagne. Parmi les diverses conditions imposées par Polybe, les plus nettes sont les suivantes : Annibal a remonté le Rhône sur une longueur de 800 stades ; à son entrée dans les montagnes, il a combattu les Allobroges, dont il traversait le territoire, et il a pillé leur ville où il a trouvé 150.000 rations. Il a franchi les Alpes en un point d'où l'on voyait largement la plaine d'Italie, et à la descente, le chemin a passé non loin d'un glacier. Or, personne, jusqu'à ce jour, n'a trouvé moyen de faire parcourir à Annibal 800 stades le long du Rhône : on n'a pas craint de supposer que tout ou partie de cette longueur peut se compter sur un affluent, Isère, Eygues ou Durance. On impute ainsi à Polybe des confusions indignes de lui. Il était également impossible de placer le combat contre les Allobroges et le pillage de leur ville sur le territoire que tous les géographes leur attribuent. On leur suppose des migrations invraisemblables, en sens inverse de celles qui pourraient être admises si tout ne prouvait qu'il n'y en eut aucune entre Annibal et l'époque de la conquête, etc.

Les causes d'erreur qui ont égaré Deluc et Larauza n'existent plus aujourd'hui. Depuis les travaux de Dorpfeld, on sait que le stade grec est de 177m,50 environ, et non de 185 mètres, comme le supposaient ces deux historiens. Cette valeur est en parfait accord avec le renseignement de Strabon (VII, 7) d'après lequel Polybe comptait 8 stades 1/3 dans le mille romain d'environ 1.480 mètres1. Nous disposons, en outre, de cartes précises, de carnets d'étapes, de guides, etc., grâce auxquels nous ne pouvons commettre d'erreurs dans l’évaluation des distances sur les routes modernes. Munis de ces éléments de travail parfaits, nous reprenons la comparaison des longueurs relevées sur la carte avec celles que nous indique Polybe. Quelle exactitude faut-il attribuer à ces dernières ? Polybe indique parfois, au cours du récit ou dans une digression géographique' des distances en chiffres ronds, estimées d'une manière très vague. C'est une conséquence de l'esprit pratique dans lequel est conçu son ouvrage : il veut présenter à ses lecteurs des idées générales, et ne pas les égarer dans les détails ; il ne cite pas plus de chiffres précis qu'il ne nomme de petites localités. Parlant à des Grecs, il esquisse à grands traits la géographie de l'Occident, donne les dimensions de l'Espagne, de la Gaule, en milliers de stades, évalue enfin le rapport de l'une a l'autre avec une approximation grossière pour n'employer que les nombres les plus simples. Tel n'est pas le cas pour la série des distances mesurées entre Gibraltar et l'Italie : elles sont données en centaines de stades, c'est-à-dire à cent stades près (17 à 18 kilomètres). Nous pouvons vérifier les trois premières, car nous en connaissons les extrémités : de Gibraltar à Carthagène, à Tortose, à Ampurias, le tracé des chemins est fixé par le terrain ; ceux que Polybe a connus ne diffèrent pas sensiblement de ceux que nous pouvons leur comparer. Or, nulle part nous ne trouvons un écart supérieur à 10 kilomètres entre le chiffre de Polybe et celui que nous relevons sur les meilleures cartes modernes ; le long de ces côtes escarpées, à travers les sierras, nous constatons que les mesures de l'historien grec sont aussi exactes que le comporte l'unité adoptée. Rien ne permet de supposer qu'il n'en doit pas être de même au delà d'Ampurias. Nous ignorons comment les mesures ont été prises, mais elles sont données ensemble, dans un paragraphe isolé du récit, et forment une série complète, homogène ; elles résultent assurément d'un travail unique poursuivi d'un bout à l'autre avec les mêmes moyens et la même conscience. Personne, du reste, n'a jamais songé à le mettre en doute, et les historiens qui sont partis de données vagues, toutes différentes de celle-ci, se sont astreints à mettre leurs solutions d'accord avec ces chiffres si essentiels, au moyen de divers artifices que nous détaillerons. 1 Le stade de 8 au mille n'a été adopté qu'à partir d'Artémidore, un demi-siècle après la conquête de la Grèce par les Romains, pour faciliter les relations entre les deux peuples. On n'attribue plus, aujourd'hui, aucune importance à la phrase de Polybe où il déclare que le chemin d'Espagne en Italie a été jalonné de 8 en 8 stades par les Romains. On y voit généralement une interpolation, postérieure à la réforme d'Artémidore ; d'autres savants estiment simplement que Polybe a voulu abréger le discours dans ce passage, où une précision extrême était superflue.

Les causes d'erreur qui ont égaré Deluc <strong>et</strong> Larauza n'exist<strong>en</strong>t plus aujourd'hui.<br />

Depuis les travaux <strong>de</strong> Dorpfeld, on sait que le sta<strong>de</strong> grec est <strong>de</strong> 177m,50<br />

<strong>en</strong>viron, <strong>et</strong> non <strong>de</strong> 185 mètres, comme le supposai<strong>en</strong>t ces <strong>de</strong>ux histori<strong>en</strong>s. C<strong>et</strong>te<br />

valeur est <strong>en</strong> parfait accord avec le r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Strabon (VII, 7) d'après<br />

lequel Polybe comptait 8 sta<strong><strong>de</strong>s</strong> 1/3 dans le mille romain d'<strong>en</strong>viron 1.480<br />

mètres1. Nous disposons, <strong>en</strong> outre, <strong>de</strong> cartes précises, <strong>de</strong> carn<strong>et</strong>s d'étapes, <strong>de</strong><br />

gui<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong>et</strong>c., grâce auxquels nous ne pouvons comm<strong>et</strong>tre d'erreurs dans<br />

l’évaluation <strong><strong>de</strong>s</strong> distances sur les routes mo<strong>de</strong>rnes.<br />

Munis <strong>de</strong> ces élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> travail parfaits, nous repr<strong>en</strong>ons <strong>la</strong> comparaison <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

longueurs relevées sur <strong>la</strong> carte avec celles que nous indique Polybe.<br />

Quelle exactitu<strong>de</strong> faut-il attribuer à ces <strong>de</strong>rnières ? Polybe indique parfois, au<br />

cours du récit ou dans une digression géographique' <strong><strong>de</strong>s</strong> distances <strong>en</strong> chiffres<br />

ronds, estimées d'une manière très vague. C'est une conséqu<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'esprit<br />

pratique dans lequel est conçu son ouvrage : il veut prés<strong>en</strong>ter à ses lecteurs <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

idées générales, <strong>et</strong> ne pas les égarer dans les détails ; il ne cite pas plus <strong>de</strong><br />

chiffres précis qu'il ne nomme <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites localités. Par<strong>la</strong>nt à <strong><strong>de</strong>s</strong> Grecs, il<br />

esquisse à grands traits <strong>la</strong> géographie <strong>de</strong> l'Occid<strong>en</strong>t, donne les dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong><br />

l'Espagne, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule, <strong>en</strong> milliers <strong>de</strong> sta<strong><strong>de</strong>s</strong>, évalue <strong>en</strong>fin le rapport <strong>de</strong> l'une a<br />

l'autre avec une approximation grossière pour n'employer que les nombres les<br />

plus simples.<br />

Tel n'est pas le cas pour <strong>la</strong> série <strong><strong>de</strong>s</strong> distances mesurées <strong>en</strong>tre Gibraltar <strong>et</strong> l'Italie<br />

: elles sont données <strong>en</strong> c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> sta<strong><strong>de</strong>s</strong>, c'est-à-dire à c<strong>en</strong>t sta<strong><strong>de</strong>s</strong> près (17 à<br />

18 kilomètres). Nous pouvons vérifier les trois premières, car nous <strong>en</strong> connaissons<br />

les extrémités : <strong>de</strong> Gibraltar à Carthagène, à Tortose, à Ampurias, le tracé <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

chemins est fixé par le terrain ; ceux que Polybe a connus ne diffèr<strong>en</strong>t pas<br />

s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ceux que nous pouvons leur comparer. Or, nulle part nous ne<br />

trouvons un écart supérieur à 10 kilomètres <strong>en</strong>tre le chiffre <strong>de</strong> Polybe <strong>et</strong> celui<br />

que nous relevons sur les meilleures cartes mo<strong>de</strong>rnes ; le long <strong>de</strong> ces côtes<br />

escarpées, à travers les sierras, nous constatons que les mesures <strong>de</strong> l'histori<strong>en</strong><br />

grec sont aussi exactes que le comporte l'unité adoptée.<br />

Ri<strong>en</strong> ne perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> supposer qu'il n'<strong>en</strong> doit pas être <strong>de</strong> même au <strong>de</strong>là<br />

d'Ampurias. Nous ignorons comm<strong>en</strong>t les mesures ont été prises, mais elles sont<br />

données <strong>en</strong>semble, dans un paragraphe isolé du récit, <strong>et</strong> form<strong>en</strong>t une série<br />

complète, homogène ; elles résult<strong>en</strong>t assurém<strong>en</strong>t d'un travail unique poursuivi<br />

d'un bout à l'autre avec les mêmes moy<strong>en</strong>s <strong>et</strong> <strong>la</strong> même consci<strong>en</strong>ce.<br />

Personne, du reste, n'a jamais songé à le m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> doute, <strong>et</strong> les histori<strong>en</strong>s qui<br />

sont partis <strong>de</strong> données vagues, toutes différ<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> celle-ci, se sont astreints à<br />

m<strong>et</strong>tre leurs solutions d'accord avec ces chiffres si ess<strong>en</strong>tiels, au moy<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

divers artifices que nous détaillerons.<br />

1 Le sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> 8 au mille n'a été adopté qu'à partir d'Artémidore, un <strong>de</strong>mi-siècle après <strong>la</strong><br />

conquête <strong>de</strong> <strong>la</strong> Grèce par les Romains, pour faciliter les re<strong>la</strong>tions <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux peuples.<br />

On n'attribue plus, aujourd'hui, aucune importance à <strong>la</strong> phrase <strong>de</strong> Polybe où il déc<strong>la</strong>re<br />

que le chemin d'Espagne <strong>en</strong> Italie a été jalonné <strong>de</strong> 8 <strong>en</strong> 8 sta<strong><strong>de</strong>s</strong> par les Romains. On y<br />

voit généralem<strong>en</strong>t une interpo<strong>la</strong>tion, postérieure à <strong>la</strong> réforme d'Artémidore ; d'autres<br />

savants estim<strong>en</strong>t simplem<strong>en</strong>t que Polybe a voulu abréger le discours dans ce passage, où<br />

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