annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...
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Un <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes les plus probants d'une viabilité sérieuse <strong>et</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ue avec<br />
soin, c'est l'exist<strong>en</strong>ce d'une mesure itinéraire parfaitem<strong>en</strong>t définie <strong>et</strong> d'un usage<br />
si répandu dans tout le <strong>pays</strong>, que les Romains <strong>la</strong> prir<strong>en</strong>t comme unité pour le<br />
bornage <strong>de</strong> leurs voies. La lieue (leuga) <strong>de</strong>vait même avoir servi à <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures<br />
exactes, puisque les conquérants conservèr<strong>en</strong>t sa longueur au lieu d'<strong>en</strong> fixer une<br />
dont le mille romain fût une fraction simple. On ne peut, <strong>en</strong> eff<strong>et</strong>, au moy<strong>en</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
quelques distances que les itinéraires donn<strong>en</strong>t à <strong>la</strong> fois <strong>en</strong> lieues <strong>et</strong> <strong>en</strong> milles,<br />
établir un rapport simple <strong>en</strong>tre les unes <strong>et</strong> les autres <strong>et</strong> r<strong>et</strong>rouver aujourd'hui <strong>la</strong><br />
valeur exacte <strong>de</strong> <strong>la</strong> lieue gauloise.<br />
Telles sont les observations que peuv<strong>en</strong>t suggérer les données assez rares que<br />
nous possédons sur les chemins gaulois <strong>en</strong> général ; il <strong>en</strong> est d'autres qui<br />
concern<strong>en</strong>t plus particulièrem<strong>en</strong>t les chemins <strong>de</strong> montagne, les cols, <strong>et</strong> qui sont à<br />
considérer avant <strong>de</strong> discuter l'itinéraire d'Annibal dans les Alpes.<br />
C'est ici surtout qu'il faut bi<strong>en</strong> se gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> confondre <strong>la</strong> Gaule du IIe siècle avec<br />
une région vierge où l'on abor<strong>de</strong> les montagnes pour <strong>la</strong> première fois.<br />
Est-ce au XLe, au Le, au LXe siècle avant notre ère, ou plus tôt <strong>en</strong>core, que <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
peup<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> nombreuses cherchèr<strong>en</strong>t pour <strong>la</strong> première fois un refuge dans les<br />
Alpes ? Elles arrivai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine, cherchai<strong>en</strong>t les grands espaces libres <strong>et</strong><br />
fertiles, <strong>et</strong> remontai<strong>en</strong>t peu à peu les vallées, pressées par <strong>la</strong> marée montante<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> invasions. Dans les premiers temps, dans les premiers siècles <strong>de</strong> leur<br />
établissem<strong>en</strong>t, elles se cont<strong>en</strong>tèr<strong>en</strong>t sans doute <strong>de</strong> passer par les chemins que <strong>la</strong><br />
nature leur offrait, <strong>et</strong> <strong>la</strong> trace <strong>de</strong> leurs pas suffit à déterminer les pistes. Mais<br />
croira-t-on qu'on s'<strong>en</strong> soit t<strong>en</strong>u là p<strong>en</strong>dant <strong><strong>de</strong>s</strong> milliers d'années ? Que <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
peuples cultivant <strong>la</strong> terre, exploitant les mines, pratiquant les échanges, n'ai<strong>en</strong>t<br />
pas assuré les communications les plus rapi<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>et</strong> les plus faciles d'un vil<strong>la</strong>ge, à<br />
l'autre, d'une vallée à l'autre ? Imagine-t-on que dans c<strong>et</strong>te Gaule civilisée du IIe<br />
siècle avant notre ère, où le trafic était actif, où le sol était exploité <strong>de</strong> toutes<br />
façons, où le fond <strong><strong>de</strong>s</strong> vallées <strong>et</strong> les p<strong>en</strong>tes les plus élevées <strong><strong>de</strong>s</strong> montagnes<br />
étai<strong>en</strong>t habitées, l'homme ait tardé à <strong>en</strong>tamer l'obstacle qui ral<strong>en</strong>tissait ou<br />
incommodait ses voyages d'une bourga<strong>de</strong> à l'autre ?<br />
Croira-t-on réellem<strong>en</strong>t, avec le colonel Perrin, que les habitants du Grésivaudan<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mauri<strong>en</strong>ne, où <strong><strong>de</strong>s</strong> mines étai<strong>en</strong>t exploitées, où l'on trouvait dans une<br />
seule ville trois jours <strong>de</strong> vivres, vian<strong>de</strong> <strong>et</strong> blé, pour 30.000 à 40.000 <strong>hommes</strong>,<br />
n'euss<strong>en</strong>t pas tracé une route dans le fond <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée ? Dans ces régions<br />
habitées <strong>et</strong> parcourues <strong>de</strong>puis quarante siècles, on aurait continué à suivre <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
chemins fatigants au somm<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>en</strong>tes, montant <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>c<strong>en</strong>dant sans cesse,<br />
quand il suffisait d'<strong>en</strong>tamer quelques promontoires calcaires sur une c<strong>en</strong>taine <strong>de</strong><br />
mètres pour avoir un chemin p<strong>la</strong>t, facile, rapi<strong>de</strong>, où les b<strong>en</strong>næ, les esseda<br />
pouvai<strong>en</strong>t trotter, où les chariots pouvai<strong>en</strong>t parcourir toute <strong>la</strong> vallée <strong>en</strong> quatre<br />
jours ? Si l’on veut bi<strong>en</strong> se rappeler tout ce qui a été trouvé dans les fouilles, <strong>et</strong><br />
les expressions mêmes <strong><strong>de</strong>s</strong> auteurs anci<strong>en</strong>s, on reconnaîtra qu'il y avait<br />
certainem<strong>en</strong>t <strong><strong>de</strong>s</strong> chemins praticables pour les charrois. Le fait que, parmi les<br />
modèles <strong>de</strong> voitures <strong>en</strong> usage chez les Gaulois, il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> voitures légères,<br />
nous prouve que l’on <strong>de</strong>vait tracer les chemins <strong>de</strong> manière à perm<strong>et</strong>tre les<br />
allures vives. Enfin le texte <strong>de</strong> Polybe est formel <strong>et</strong>, comme le fait remarquer M.<br />
Osian<strong>de</strong>r, le premier combat d'Annibal dans les Alpes se passe sur un chemin <strong>en</strong><br />
corniche, <strong>en</strong>taillé au f<strong>la</strong>nc d'un escarpem<strong>en</strong>t ; le second a lieu au fond d'une<br />
gorge étroite, resserrée <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux parois verticales.<br />
Quant au chemin par lequel on <strong><strong>de</strong>s</strong>c<strong>en</strong>dait du col <strong>en</strong> Italie, il était <strong>en</strong> partie<br />
<strong>en</strong>taillé dans un escarpem<strong>en</strong>t ou un éboulis.