annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...
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de Salses à Castel-Roussillon et La Tour-Bas-Elne en ligne droite, et son point le plus bas était encore à 42 mètres au-dessus de la mer, non loin de l’Agly. C'est seulement en aval de Saint-Laurent que peuvent se trouver des terres formées récemment par ce petit fleuve (Vemodubrum). Le terrain est aussi très élevé sur les rives de la Tet. Il domine déjà la mer de 10 mètres à 3 kilomètres du rivage. C'est donc une bande de 1.000 à 1.500 mètres de largeur seulement que la Tet (Tecum ou Roschinus) a dû combler, et cela sans doute au nord de l'étang de Canet. Le Réart, qui se jette dans ce dernier étang, doit être le Sordus des anciens, qui se jetait dans le Sordice Palus. On chercherait en vain la trace de ce marais à l'embouchure de l'Agly ou du Tech. Celui-ci (Tichis) a souvent varié entre la montagne et la mer. On aperçoit distinctement, depuis Ortaffa jusqu'à Elne, la trace de ses érosions sur le flanc des collines ; mais ici se pose l'éternelle question : quel est l’autrefois auquel on peut reporter ce tracé septentrional du cours d'eau ? Quoi qu'il en soit, la route nationale traverse le Tech à 11 mètres au-dessus du niveau de la mer, à une lieue du rivage. Les alluvions modernes ne remontent donc pas jusque-là et sont restreintes à une bande de 1.500 à 2.000 mètres de largeur à partir du littoral encore visible. Il en est de même à l’embouchure de la Massanne, devant Argelès, qui n'a jamais été sur le rivage1 et ne s'appelle Argelès-sur-Mer que pour se distinguer d'Argelès-de-Bigorre. En résumé, le rivage du Roussillon n'a pas subi de modifications assez importantes pour qu'il en soit tenu compte dans la discussion du chemin d'Annibal. II. — Géographie politique. Les rapports entre le sol et l'homme sont empreints, en France, d'un caractère original d'ancienneté, de continuité. De bonne heure, les établissements humains paraissent y avoir acquis de la fixité ; l'homme s'y est arrêté parce qu'il a trouvé, avec les moyens de subsistance, les matériaux de ses constructions et de ses industries. Telles sont les paroles par lesquelles M. Vidal de la Blache ouvre son magistral Tableau de la Géographie de la France2, et ce sont celles qu'il faut avoir toujours présentes à l'esprit pour concevoir l'état de la Gaule à l'époque ancienne, mais non primitive, où Annibal la traversa. On fait remonter à des temps infiniment plus reculés, du XXe au Le siècle avant notre ère, les habitations lacustres de la région alpine, et pourtant on y trouve les traces d'une civilisation relative, d'une industrie et d'une agriculture assez développées, d'un commerce qui s'étendait de la Baltique à la Méditerranée, puisque l'ambre et le corail se rencontrent communément côte à côte dans les bijoux de ces populations lacustres. Il y avait donc au moins vingt siècles, lorsque Annibal franchit les Pyrénées, que des hommes défrichaient les clairières de nos forêts et les traversaient en tout sens. Dans un pareil laps de temps, les pistes peuvent devenir des chemins 1 Ce n'est pas l'opinion de M. Lenthéric. (Les villes mortes, p. 126.) 2 Dans l'Histoire de France, publiée sous la direction d'E. LAVISSE, Paris, 1902.
frayés ; les peuples ont eu le loisir de les rectifier, de les tracer au gré de leurs besoins, reliant les habitations et longeant les cultures ; ils ont pu chercher et améliorer les passages les plus faciles et les plus commodes à travers tous les obstacles naturels, montagnes, escarpements, fleuves ou marécages. Si nous nous transportons au temps même d'Annibal ou de la conquête romaine, nous trouvons en Gaule une civilisation très avancée. S'il est vrai que les habitants, Gaulois, Ligures ou autres, n'ont pas d'alphabet et semblent ignorer les sciences et les beaux arts, peut-être sont-ils supérieurs aux Grecs et aux Romains pour l'industrie, pour les côtés pratiques de la civilisation. Cette supériorité, est-ce bien aux Gaulois, ne serait-ce pas plutôt aux peuples indigènes soumis par eux qu'ils la doivent ? N'y avait-il pas alors en Gaule un peuple conquérant, guerrier, à cheveux blonds, de race aryenne, et des populations autochtones ou du moins plus anciennement établies, et adonnées à l'agriculture, aux travaux métallurgiques et industriels de toute sorte ? Quoi qu'il en soit, on trouve dans les textes et dans les découvertes archéologiques la preuve formelle de cette civilisation pratique des habitants anciens de notre pays. Sans doute les trouvailles archéologiques nous font connaître surtout des armes, des instruments de luxe ; mais d'heureux hasards ont exhumé aussi des témoignages de la vie agricole que menaient les peuples du nord des Alpes : le blé, l'orge, quelques fruits, des tissus fabriqués de lin ont été trouvés dans les plus anciennes stations lacustres. On voit ces populations primitives déjà en possession des principaux animaux domestiques, bœuf, mouton, chèvre, porc. Plus tard, quand les Romains firent connaissance avec le nord de la Gaule, ils y rencontrèrent des pratiques agricoles dont l'originalité et la supériorité les frappèrent. L’invention de la charrue à roues, de la moissonneuse à roues, s'explique fort naturellement sur des plateaux découverts à faibles ondulations1. On attribue positivement aux Gaulois l'invention des moulins, de la fabrication du savon (le mot sapo est celtique) et de l'étamage du cuivre2. Ils connaissaient aussi l'argenture et arrivaient par d'autres voies aux résultats qu'on obtient aujourd'hui par le procédé Ruolz3. L'emploi qu'ils faisaient de la chaux comme engrais étonnait les Romains4. Ils ont inventé les émaux. Les auteurs anciens en attribuaient l'honneur aux Barbares de l'Océan. Ce renseignement a pris une valeur nouvelle et un caractère plus précis depuis les fouilles de Bibracte. Parmi les industries pratiquées dans cette ville, l'art de l'émailleur, intimement lié à celui de l'orfèvre, tenait le premier rang. Bien que les habitations fussent le plus souvent construites en matériaux légers, on a retrouvé à Bibracte (mont Beuvray) deux grandes maisons ornées de mosaïques et très certainement antérieures à la conquête, car les seules monnaies qu'on y ait recueillies sont gauloises5. Ils aimaient le luxe, sinon dans leurs demeures, au moins sur leurs personnes. Leur goût pour la parure était très vif..... Les pièces essentielles de leur costume étaient le pantalon (braccæ) collant et très ajusté, la saie (sagum), manteau qui 1 VIDAL DE LA BLACHE, p. 36. 2 BLOCH, p. 271. 3 DESJARDINS, I, 429. 4 Varron, De re Rustica, I, 7. — Pline, XVII, 4. 5 BLOCH, p. 67.
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<strong>de</strong> Salses à Castel-Roussillon <strong>et</strong> La Tour-Bas-Elne <strong>en</strong> ligne droite, <strong>et</strong> son point le<br />
plus bas était <strong>en</strong>core à 42 mètres au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer, non loin <strong>de</strong> l’Agly.<br />
C'est seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> aval <strong>de</strong> Saint-Laur<strong>en</strong>t que peuv<strong>en</strong>t se trouver <strong><strong>de</strong>s</strong> terres<br />
formées récemm<strong>en</strong>t par ce p<strong>et</strong>it fleuve (Vemodubrum).<br />
Le terrain est aussi très élevé sur les rives <strong>de</strong> <strong>la</strong> T<strong>et</strong>. Il domine déjà <strong>la</strong> mer <strong>de</strong> 10<br />
mètres à 3 kilomètres du rivage. C'est donc une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> 1.000 à 1.500 mètres<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong>rgeur seulem<strong>en</strong>t que <strong>la</strong> T<strong>et</strong> (Tecum ou Roschinus) a dû combler, <strong>et</strong> ce<strong>la</strong> sans<br />
doute au nord <strong>de</strong> l'étang <strong>de</strong> Can<strong>et</strong>.<br />
Le Réart, qui se j<strong>et</strong>te dans ce <strong>de</strong>rnier étang, doit être le Sordus <strong><strong>de</strong>s</strong> anci<strong>en</strong>s, qui<br />
se j<strong>et</strong>ait dans le Sordice Palus. On chercherait <strong>en</strong> vain <strong>la</strong> trace <strong>de</strong> ce marais à<br />
l'embouchure <strong>de</strong> l'Agly ou du Tech.<br />
Celui-ci (Tichis) a souv<strong>en</strong>t varié <strong>en</strong>tre <strong>la</strong> montagne <strong>et</strong> <strong>la</strong> mer. On aperçoit<br />
distinctem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>puis Ortaffa jusqu'à Elne, <strong>la</strong> trace <strong>de</strong> ses érosions sur le f<strong>la</strong>nc<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> collines ; mais ici se pose l'éternelle question : quel est l’autrefois auquel on<br />
peut reporter ce tracé sept<strong>en</strong>trional du cours d'eau ? Quoi qu'il <strong>en</strong> soit, <strong>la</strong> route<br />
nationale traverse le Tech à 11 mètres au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus du niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer, à une<br />
lieue du rivage. Les alluvions mo<strong>de</strong>rnes ne remont<strong>en</strong>t donc pas jusque-là <strong>et</strong> sont<br />
restreintes à une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> 1.500 à 2.000 mètres <strong>de</strong> <strong>la</strong>rgeur à partir du littoral<br />
<strong>en</strong>core visible. Il <strong>en</strong> est <strong>de</strong> même à l’embouchure <strong>de</strong> <strong>la</strong> Massanne, <strong>de</strong>vant<br />
Argelès, qui n'a jamais été sur le rivage1 <strong>et</strong> ne s'appelle Argelès-sur-Mer que<br />
pour se distinguer d'Argelès-<strong>de</strong>-Bigorre.<br />
En résumé, le rivage du Roussillon n'a pas subi <strong>de</strong> modifications assez<br />
importantes pour qu'il <strong>en</strong> soit t<strong>en</strong>u compte dans <strong>la</strong> discussion du chemin<br />
d'Annibal.<br />
II. — Géographie politique.<br />
Les rapports <strong>en</strong>tre le sol <strong>et</strong> l'homme sont empreints, <strong>en</strong> France, d'un caractère<br />
original d'anci<strong>en</strong>n<strong>et</strong>é, <strong>de</strong> continuité. De bonne heure, les établissem<strong>en</strong>ts humains<br />
paraiss<strong>en</strong>t y avoir acquis <strong>de</strong> <strong>la</strong> fixité ; l'homme s'y est arrêté parce qu'il a trouvé,<br />
avec les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> subsistance, les matériaux <strong>de</strong> ses constructions <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses<br />
industries. Telles sont les paroles par lesquelles M. Vidal <strong>de</strong> <strong>la</strong> B<strong>la</strong>che ouvre son<br />
magistral Tableau <strong>de</strong> <strong>la</strong> Géographie <strong>de</strong> <strong>la</strong> France2, <strong>et</strong> ce sont celles qu'il faut<br />
avoir toujours prés<strong>en</strong>tes à l'esprit pour concevoir l'état <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule à l'époque<br />
anci<strong>en</strong>ne, mais non primitive, où Annibal <strong>la</strong> traversa.<br />
On fait remonter à <strong><strong>de</strong>s</strong> temps infinim<strong>en</strong>t plus reculés, du XXe au Le siècle avant<br />
notre ère, les habitations <strong>la</strong>custres <strong>de</strong> <strong>la</strong> région alpine, <strong>et</strong> pourtant on y trouve<br />
les traces d'une civilisation re<strong>la</strong>tive, d'une industrie <strong>et</strong> d'une agriculture assez<br />
développées, d'un commerce qui s'ét<strong>en</strong>dait <strong>de</strong> <strong>la</strong> Baltique à <strong>la</strong> Méditerranée,<br />
puisque l'ambre <strong>et</strong> le corail se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t communém<strong>en</strong>t côte à côte dans les<br />
bijoux <strong>de</strong> ces popu<strong>la</strong>tions <strong>la</strong>custres.<br />
Il y avait donc au moins vingt siècles, lorsque Annibal franchit les Pyrénées, que<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>hommes</strong> défrichai<strong>en</strong>t les c<strong>la</strong>irières <strong>de</strong> nos forêts <strong>et</strong> les traversai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tout<br />
s<strong>en</strong>s. Dans un pareil <strong>la</strong>ps <strong>de</strong> temps, les pistes peuv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong><strong>de</strong>s</strong> chemins<br />
1 Ce n'est pas l'opinion <strong>de</strong> M. L<strong>en</strong>théric. (Les villes mortes, p. 126.)<br />
2 Dans l'Histoire <strong>de</strong> France, publiée sous <strong>la</strong> direction d'E. LAVISSE, Paris, 1902.