annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...
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l'avait encore entaillé sur une hauteur d'environ 1000 pieds. Les cavaliers s'arrêtent là, comme si le chemin n'allait pas plus loin. Annibal, étonné, demande ce qui fait arrêter la colonne : on lui répond que le chemin devient impraticable. Il descend voir par lui-même, et se convainc qu'il faut faire passer la colonne, au prix d'un long détour, par des endroits presque impraticables, où nul n'a encore passé. Mais il s'y trouva encore des obstacles insurmontables : sur l'ancienne neige qui avait persisté, se trouvait une couche mince de neige nouvelle, où le pied s'enfonçait mollement et sans peine ; mais quand un grand nombre d'hommes et d'animaux l'avaient piétinée et fait disparaître, on marchait sur la glace polie et dans la boue liquide de la neige fondue. C'était alors des efforts surhumains : cette glace unie ne donnait aucune prise1, les pieds glissaient plus vite sur les pentes, et si l'on voulait s'aider des mains et des genoux pour se relever, ces supports même se dérobaient, et la chute recommençait, sans qu'il y eût à proximité aucune broussaille, aucune racine auxquelles on pût se raccrocher par le pied ou par la main. On ne faisait que rouler sur cette glace unie et cette neige liquide. De temps à autre, les animaux brisaient même la neige inférieure qu'ils foulaient, et projetant leurs pieds plus violemment pour se retenir lorsqu'ils se sentaient glisser, ils traversaient la glace de part en part ; la plupart se trouvaient alors comme pris au piège dans la neige durcie et profonde. 37. — Enfin, après avoir fatigué inutilement les hommes et les animaux, Annibal fit camper sur la montagne dans un endroit qui fut débarrassé à grand'peine, tant il y avait de neige à creuser et à enlever, puis il conduisit les soldats travailler au rocher qui pouvait seul offrir un passage. Comme il fallait entamer la pierre, des arbres immenses furent abattus et dépouillés pour fournir une grande masse de bois qu’on alluma sous un vent très propice à l’action du feu, puis la pierre brûlante fut arrosée de vinaigre pour la pulvériser. La roche chauffée par cet incendie est attaquée à coup de pic, et l'on adoucit les pentes par quelques détours, pour les rendre praticables, non seulement aux chevaux, mais aussi aux éléphants. On passa quatre jours autour de ce rocher ; les bêtes étaient presque mortes de faim, car les sommets sont presque entièrement dénudés, et s'il y a un peu de gazon, les neiges le recouvrent. Les parties inférieures ont des vallons et certaines collines exposées au soleil, et des ruisseaux bordés de bois, et des endroits déjà plus dignes d’être habités. Là les animaux furent envoyés au pâturage, et un repos de trois jours fut accordé aux hommes pour les remettre de leurs fatigues. Puis on descendit à la plaine, par des localités qui étaient plus agréables, ainsi que l’esprit des habitants. 38. — C'est ainsi, en résumé, qu'Annibal parvint en Italie. Il y avait cinq mois qu’il avait quitté Carthagène, au dire de certains auteurs, et il avait mis quinze jours à traverser les Alpes. Combien avait-il de soldats en arrivant en Italie ? C'est un point sur lequel on n'est nullement d'accord. La plus forte évaluation est de 100.000 fantassins et 20.000 chevaux ; la plus faible, 1.000 fantassins et 600 cavaliers. L. Cincius Alimentus, qui dit avoir été prisonnier d'Annibal, me semblerait devoir faire autorité, s'il n'avait embrouillé la question en comprenant dans l'effectif des Gaulois et des Ligures. Si on les compte, en effet, il y eut 80.000 fantassins et 10.000 chevaux lors de l'entrée en Italie ; mais tout fait supposer, et plusieurs historiens l'affirment, que cet effectif est le résultat de l'addition de troupes nouvelles. Cincius, il est vrai, affirme avoir entendu dire à Annibal lui-même qu'après le passage du Rhône, il avait perdu 36.000 hommes, 1 Textuellement : ne prenant pas d'empreinte, lubrica glacie non recipiente vestigium.
ainsi qu'un grand nombre de chevaux et bêtes de somme, avant de descendre en Italie chez les Taurins, le peuple le plus voisin des Gaulois. Ce dernier point est admis d'une manière unanime ; je suis donc d'autant plus surpris de voir discuter le point où il a franchi les Alpes, et croire souvent qu'il ait passé au mont Peninus, qui aurait tiré son nom de là. Cælius dit qu'il a passé par le col de Cremon ; l'un ou l'autre de ces cols l'aurait conduit, non pas chez les Taurins, mais par les Salasses chez les gaulois Libici, Et il n’est pas vraisemblable que l'on pût alors passer en Gaule par là. Les régions voisines du Peninus étaient occupées par des peuples à moitié germains ; les Veragri, qui habitent là, ne se doutent certes pas que ces montagnes aient pris leur nom d'un passage des Carthaginois (si cela peut influencer quelqu’un), mais ils l'appellent Peninus, du nom d'un Dieu adoré sur le sommet.
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