annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...
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Cependant le vallon d'Étache est une impasse ; il en est de même de celui d'Arabin qui, largement ouvert au début, attire encore l'attention. Enfin, l'on se décide à gravir le chemin qui, parmi les sapins, s'élève sur la gauche et ne paraissait pas d'abord conduire en Italie. C'est celui-là, pourtant, qui est le bon : après avoir gravi pendant deux heures la pente du Petit Mont Cenis, on voit s'ouvrir à droite une vallée qu'on n'apercevait pas d'en bas, et l'on achève, à peu près horizontalement, le trajet du col. Sur le chemin qui monte au Clapier, l'interminable colonne s'est allongée ; la queue n'est certainement pas arrivée le même jour que l'avant-garde. De plus, les traînards sont nombreux ; les deux journées précédentes ont été fortes, et l'on a combattu avec acharnement. Annibal fait arrêter les troupes dans le vallon de Savine ; elles bivouaquent dans la prairie qui borde le lac. Mais un vent glacial souffle dans ce couloir. Les vivres manquent, on n'a ni abris, ni bois pour faire du feu. La neige tombe, on est aux environs du 1er octobre1. Ces deux jours de repos sont deux jours de souffrances ; la troupe se démoralise, et Annibal lui montre la plaine pour la réconforter. Le soir du second jour, la queue de la colonne a serré sur la tête, tout ce qui pouvait rejoindre a rejoint, et la descente aura lieu le lendemain. A droite du col, le chemin est assez facile, à flanc de coteau ; il descend doucement, puis, après une demi-heure de marche, va contourner l'extrémité de la longue crête rocheuse, orientée de l'Ouest à l'Est, dont la base est noyée dans le glacier de l'Agneau. Au Nord sont les petits lacs Clapier, au Sud le lac del Gias. La partie du chemin qui passait au flanc de ce rocher venait de s'ébouler ; Annibal essaya de tourner l'obstacle : impossible de passer sur le glacier avec les chevaux et les mulets. On fut obligé de rétablir le chemin, tant par un remblai qu'en entamant le pocher. Pendant que tous ces incidents avaient lieu, la colonne s'entassait et se mettait au bivouac sur le plateau des lacs Clapier. Le soir de ce même jour, ou le lendemain matin, les chevaux et mulets purent passer, et ils allèrent se reposer dans les prairies de Tuglia, que la neige n'avait pas encore couvertes. Trois, jours plus tard, les éléphants passèrent à leur tour, et l'on descendit à Giaglione ou à Chiomonte. Annibal, au sortir de la vallée de Suse, arrivait chez les Taurins, peuple ligure comme les Médulles, et ennemi des Gaulois Insubres. L'alliance d'Annibal avec ces derniers suffisait à indisposer contre lui ces Taurins qui habitaient, selon l'expression de Polybe, au pied des montagnes. Avant d'engager de nouveaux combats, Annibal laisse plusieurs jours de repos aux 26.000 hommes qui lui restent. La marche est finie ; la campagne d'Italie va commencer. Dans quelles conditions s'est accomplie cette marche ? Au début, dans les plaines qui bordent la mer et le Rhône, les Carthaginois pouvaient s'étaler sur une grande largeur ; il ne semble pas qu'ils l'aient fait, d'abord parce qu'il leur fallait se tenir prêts à combattre les Romains d'un instant à l'autre ; puis parce que les cours d'eau, les marais, imposaient à tout moment 1 L'expression on approchait du coucher des pléiades n’a qu’un sens extrêmement vague ; elle signifie que l'on était aux approches de l’hiver. Le fait que la première neige venait de tomber sur les montagnes est plus précis, et il se rapporte à la date du 25 au 30 septembre.
des passages étroits en nombre limité. On a dû suivre les chemins pour cette raison aussi bien que pour ne pas indisposer les habitants. L'armée n'a formé qu'une seule colonne : il n'était pas dans les habitudes des anciens de multiplier les colonnes quand ils ne marchaient pas à travers champs ; le déploiement aurait été trop difficile en cas d'attaque. Les étapes, en plaine, ne pouvaient pas être longues car l'armée campait rassemblée, et probablement retranchée comme les armées romaines. Il en fut de même dans la montagne, depuis Grenoble jusqu'à Saint-Jean-de-Maurienne ; au delà, les deux ou trois marches qui restaient à faire purent être allongées par l'obligation d'échapper à l'ennemi ; il n'y eut point de camp retranché établi pour toute l’armée ; il fut formé deux ou trois bivouacs distincts1. On a souvent imaginé qu'Annibal avait divisé son armée en plusieurs corps, suivant des routes différentes, pour la traversée des Alpes. C'était, dit-on, le seul moyen de nourrir ses troupes. Il est absolument certain, au contraire, que si les 43.000 ou 50.000 hommes avec lesquels Annibal a traversé les Alpes avaient été divisés en deux ou trois corps, il n'en serait pas arrivé un seul en Italie. C'est par son énorme supériorité numérique que l'armée carthaginoise a pu venir à bout des Allobroges et des Médulles ; moins nombreuse, elle aurait succombé. Il lui fallait une infanterie assez abondante pour inonder toutes les hauteurs par où pouvait être attaquée la colonne à cheval. Un corps de 15.000 hommes, dont 10.000 à 12.000 fantassins, aurait été noyé, étouffé sous le flot des montagnards. Nous ne croyons pas, du reste, que cette division en plusieurs corps ait jamais été dans les mœurs ni dans les idées des anciens. Elle ne convenait pas à leur tactique, c'est-à-dire à leurs armes. Si l'on veut se rendre compte des fatigues éprouvées par la troupe dans cette marche interminable, on trouve d'abord 140 kilomètres accomplis le long du Rhône en dix jours, soit une moyenne de 14 kilomètres par jour. On ne sait pas combien de temps Annibal a mis pour parcourir les 100 kilomètres qui séparent le Rhône des Alpes : on sait seulement que le dernier jour, il a fait un chemin à peu près insignifiant. Jusque-là, les repos sont donc assez fréquents pour que la moyenne des marches reste très faible. Une fois dans tes Alpes, il n'en est plus de même : la perspective de manquer de tout le dixième jour et de traverser des populations hostiles, redoutables, contribue a presser la marche. Nous voyons donc, après un jour de repos à Grenoble, se succéder quatre étapes de 25 kilomètres ; puis vient la grande journée où se produit la seconde bataille, celle du lendemain qui n'est pas moins pénible, et enfin l’arrivée au col. Il y a là un effort continu de six journées consécutives qui a constitue à lui seul la grande cause de fatigue et de démoralisation contre laquelle Annibal a dû lutter en arrivant au col. L'armée devait être en parfait état, malgré le combat contre les Allobroges, lorsqu'elle quitta Grenoble, Elle arriva épuisée au col. Les travaux de terrassement exécutés à la descente, sans ravitaillement, achevèrent de l'épuiser. C'est seulement dans la plaine qu'elle put se remettre. Dans de pareilles circonstances, c'est surtout au chef que doit aller notre admiration : les fatigues physiques de cette armée sont de celles qu'une troupe moderne supporterait sans trop de peine. Or elles provoquèrent vite l'épuisement physique et moral et la désertion chez les Carthaginois. Il est évident que les 20.000 hommes disparus entre le passage du Rhône et l'arrivée en Italie avaient 1 On remarquera que le mot camper, στρατοπεδεύειν, ne se trouve pas dans le texte depuis rentrée en montagne jusqu'à l'arrivée au col.
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d'Arabin qui, <strong>la</strong>rgem<strong>en</strong>t ouvert au début, attire <strong>en</strong>core l'att<strong>en</strong>tion. Enfin, l'on se<br />
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paraissait pas d'abord conduire <strong>en</strong> Italie. C'est celui-là, pourtant, qui est le bon :<br />
après avoir gravi p<strong>en</strong>dant <strong>de</strong>ux heures <strong>la</strong> p<strong>en</strong>te du P<strong>et</strong>it Mont C<strong>en</strong>is, on voit<br />
s'ouvrir à droite une vallée qu'on n'apercevait pas d'<strong>en</strong> bas, <strong>et</strong> l'on achève, à peu<br />
près horizontalem<strong>en</strong>t, le traj<strong>et</strong> du col.<br />
Sur le chemin qui monte au C<strong>la</strong>pier, l'interminable colonne s'est allongée ; <strong>la</strong><br />
queue n'est certainem<strong>en</strong>t pas arrivée le même jour que l'avant-gar<strong>de</strong>. De plus,<br />
les traînards sont nombreux ; les <strong>de</strong>ux journées précéd<strong>en</strong>tes ont été fortes, <strong>et</strong><br />
l'on a combattu avec acharnem<strong>en</strong>t. Annibal fait arrêter les troupes dans le vallon<br />
<strong>de</strong> Savine ; elles bivouaqu<strong>en</strong>t dans <strong>la</strong> prairie qui bor<strong>de</strong> le <strong>la</strong>c.<br />
Mais un v<strong>en</strong>t g<strong>la</strong>cial souffle dans ce couloir. Les vivres manqu<strong>en</strong>t, on n'a ni abris,<br />
ni bois pour faire du feu. La neige tombe, on est aux <strong>en</strong>virons du 1er octobre1.<br />
Ces <strong>de</strong>ux jours <strong>de</strong> repos sont <strong>de</strong>ux jours <strong>de</strong> souffrances ; <strong>la</strong> troupe se<br />
démoralise, <strong>et</strong> Annibal lui montre <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine pour <strong>la</strong> réconforter.<br />
Le soir du second jour, <strong>la</strong> queue <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonne a serré sur <strong>la</strong> tête, tout ce qui<br />
pouvait rejoindre a rejoint, <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>c<strong>en</strong>te aura lieu le l<strong>en</strong><strong>de</strong>main.<br />
A droite du col, le chemin est assez facile, à f<strong>la</strong>nc <strong>de</strong> coteau ; il <strong><strong>de</strong>s</strong>c<strong>en</strong>d<br />
doucem<strong>en</strong>t, puis, après une <strong>de</strong>mi-heure <strong>de</strong> marche, va contourner l'extrémité <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> longue crête rocheuse, ori<strong>en</strong>tée <strong>de</strong> l'Ouest à l'Est, dont <strong>la</strong> base est noyée dans<br />
le g<strong>la</strong>cier <strong>de</strong> l'Agneau.<br />
Au Nord sont les p<strong>et</strong>its <strong>la</strong>cs C<strong>la</strong>pier, au Sud le <strong>la</strong>c <strong>de</strong>l Gias. La partie du chemin<br />
qui passait au f<strong>la</strong>nc <strong>de</strong> ce rocher v<strong>en</strong>ait <strong>de</strong> s'ébouler ; Annibal essaya <strong>de</strong> tourner<br />
l'obstacle : impossible <strong>de</strong> passer sur le g<strong>la</strong>cier avec les chevaux <strong>et</strong> les mul<strong>et</strong>s. On<br />
fut obligé <strong>de</strong> rétablir le chemin, tant par un remb<strong>la</strong>i qu'<strong>en</strong> <strong>en</strong>tamant le pocher.<br />
P<strong>en</strong>dant que tous ces incid<strong>en</strong>ts avai<strong>en</strong>t lieu, <strong>la</strong> colonne s'<strong>en</strong>tassait <strong>et</strong> se m<strong>et</strong>tait<br />
au bivouac sur le p<strong>la</strong>teau <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>la</strong>cs C<strong>la</strong>pier. Le soir <strong>de</strong> ce même jour, ou le<br />
l<strong>en</strong><strong>de</strong>main matin, les chevaux <strong>et</strong> mul<strong>et</strong>s pur<strong>en</strong>t passer, <strong>et</strong> ils allèr<strong>en</strong>t se reposer<br />
dans les prairies <strong>de</strong> Tuglia, que <strong>la</strong> neige n'avait pas <strong>en</strong>core couvertes. Trois, jours<br />
plus tard, les éléphants passèr<strong>en</strong>t à leur tour, <strong>et</strong> l'on <strong><strong>de</strong>s</strong>c<strong>en</strong>dit à Giaglione ou à<br />
Chiomonte. Annibal, au sortir <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée <strong>de</strong> Suse, arrivait chez les Taurins,<br />
peuple ligure comme les Médulles, <strong>et</strong> <strong>en</strong>nemi <strong><strong>de</strong>s</strong> Gaulois Insubres. L'alliance<br />
d'Annibal avec ces <strong>de</strong>rniers suffisait à indisposer contre lui ces Taurins qui<br />
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26.000 <strong>hommes</strong> qui lui rest<strong>en</strong>t.<br />
La marche est finie ; <strong>la</strong> campagne d'Italie va comm<strong>en</strong>cer.<br />
Dans quelles conditions s'est accomplie c<strong>et</strong>te marche ?<br />
Au début, dans les p<strong>la</strong>ines qui bord<strong>en</strong>t <strong>la</strong> mer <strong>et</strong> le Rhône, les Carthaginois<br />
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d'abord parce qu'il leur fal<strong>la</strong>it se t<strong>en</strong>ir prêts à combattre les Romains d'un instant<br />
à l'autre ; puis parce que les cours d'eau, les marais, imposai<strong>en</strong>t à tout mom<strong>en</strong>t<br />
1 L'expression on approchait du coucher <strong><strong>de</strong>s</strong> pléia<strong><strong>de</strong>s</strong> n’a qu’un s<strong>en</strong>s extrêmem<strong>en</strong>t vague<br />
; elle signifie que l'on était aux approches <strong>de</strong> l’hiver. Le fait que <strong>la</strong> première neige v<strong>en</strong>ait<br />
<strong>de</strong> tomber sur les montagnes est plus précis, <strong>et</strong> il se rapporte à <strong>la</strong> date du 25 au 30<br />
septembre.