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Après le passage du Pont-Saint-Esprit, dit M. Lenthéric1, la pente du Rhône s'adoucit d'une manière sensible et continue. Cette pente, qui est de 80 centimètres environ par kilomètre entre la Drôme et l'Ardèche, ne dépasse guère 45 centimètres entre l'Ardèche et la Durance... La vitesse du courant diminue dans la même proportion. Le fleuve commence à ne plus avoir la force de charrier ses graviers et ses limons ; il les abandonne çà et là, un peu partout sur sa route, dans tous les endroits où un élargissement du lit, une plus grande étendue des grèves latérales, l'existence d'un banc de gravier qui brise le courant, un coude qui le rejette sur la rive opposée, un rocher, un massif d’arbres en taillis, la moindre cause accidentelle provoque quelques remous et donne naissance à une de ces zones tranquilles plus ou moins étendues qu'on appelle des mortes eaux. La vallée s'élargit alors peu à peu. Trois grands affluents torrentiels du Rhône, l’Ardèche, l’Aigues, la Cèze, sans compter un nombre assez considérable de petites rivières secondaires, augmentent à la fois le volume des eaux et celui de ses atterrissements. Le courant du fleuve, influencé par ces apports latéraux se divise en deux ou trois bras. Les vases, les graviers et les sables se déposent de plus en plus, et le lit majeur est encombré d'îlots et de bas-fonds. Les cartes du cours du Rhône, dressées depuis la fin du XVIIIe siècle, fournissent à ce sujet les plus intéressantes indications. A moins de vingt ans de distance, elles présentent des variations considérables. Des îles anciennes ont disparu, de nouvelles se sont formées ; ou plutôt se sont modifiées, divisées ou réunies. Le lit du fleuve a changé de place. Les courants ont passé d'une rive à l'autre. Là où se trouvait un haut fond, la sonde relève un gouffre. Les bancs de sable se sont développés, presque tous allongés et soudés les uns aux autres. C'est un désordre complet, une instabilité perpétuelle... Toutes ces îles basses, couvertes d'oseraies verdoyantes, émergent à peine de quelques centimètres au-dessus des eaux moyennes et sont recouvertes par les grandes crues ; elles sont traversées par un dédale de petits bras sinueux du fleuve, appelés dans le pays des roubines, des lônes, des brassières... A quelques kilomètres seulement en amont d'Avignon, on n'eu comptait pas moins d'une trentaine au commencement du XIXe siècle, dont quelques-unes mesuraient plusieurs centaines d'hectare ; les îles du grand et du petit Saint-Marc, l'île du Seigneur ou de Mortemart, les îles du grand et du petit Dragonet, l'île de Sahuc ou des Voleurs, les îles d'Oiseiay, l’île de Durban, l'île de la Vergentière, l'île de la Motte, les îles de Bonne-Ame, de la Priade, de Paturas ; enfin la grande île de la Barthelasse, qui n'était pas encore soudée à l'île du Piot, au droit même d'Avignon. D'une manière générale, l'examen de toutes les cartes anciennes semble indiquer que le courant du fleuve a une tendance à se porter du côté de la rive droite. C'est le contraire qui a lieu aujourd'hui : le bras navigable du fleuve, les grandes profondeurs, les eaux rapides se trouvent sous les murs mêmes d'Avignon, mais ce résultat tout à fait artificiel est dû aux travaux récents entrepris depuis une trentaine d'années pour assurer et régulariser la navigation du fleuve. Il y a à peine un demi-siècle, le bras du Rhône qui longe Avignon était une simple lône presque atterrie en temps de basses eaux, à peine navigable par les eaux moyennes. La batellerie passait de l'autre côté de l'île de la Barthelasse, au pied de la tour de Philippe le Bel, sous les murs de la Chartreuse de Villeneuve et du fort Saint-André. Si le bras navigable passe aujourd'hui sous les 1 Le Rhône, II, 266-271.

murs mêmes de la ville, c'est qu'il n'obéit plus aux lois naturelles et qu'il y a été conduit artificiellement par une véritable dérivation. En résumé, l’on peut dire que le Rhône, abandonné à lui-même, a été porté vers l’ouest par la pente générale du terrain et par l'effet, constaté dans tous les cours d'eau du globe, de la rotation terrestre. Contrairement aux observations du colonel Perrin, le bras principal du Rhône, tant que la canalisation ne l'a pas détourné, a suivi le pied des hauteurs de la rive droite. Ceci d'ailleurs est de peu d'importance pour nous ; l’essentiel est de savoir que les bras et les îles du Rhône, comme nous l'apprend M. Lenthéric, sont perpétuellement instables. Où le Rhône embrasse aujourd'hui une île, il a pu très bien n'avoir autrefois qu'un bras unique, et inversement. On se trompe donc fort lorsqu'on veut préciser le point de passage d'Annibal, soit d'après le tracé actuel, soit d'après celui du XVIIIe, du XVIIe, voire même du XVIe siècle. Les recherches de cette nature peuvent être considérées comme non avenues. Leur suppression, d'ailleurs, n'infirme en rien les conclusions générales d'un auteur, et il semble vraiment qu'on devrait s'estimer bien heureux si l'on connaissait le véritable passage à 20 kilomètres près, sans faire parade d'une exactitude illusoire. Il ne faut pas, cependant, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, s'exagérer les transformations accomplies depuis vingt siècles. Certes, les îles du Rhône, pendant cette période, ont pu tantôt s'agglomérer et tantôt se subdiviser ; des bras nouveaux ont pu se former ; toutefois, les principaux accidents qui marquent le cours du fleuve sont restés les mêmes. Une grande île comme celle de la Barthelasse, qu'elle se soude à un petit îlot voisin ou qu'elle se divise momentanément à Tune de ses extrémités, n'en garde pas moins à travers les siècles son existence et sa forme générale. Les bras qui naissent ou qui disparaissent sont à peu près sans importance au point de vue du passage. II n'y a guère dans le Rhône, à chaque instant, qu'un seul bras navigable, profond et large ; les autres sont insignifiants et presque toujours guéables ou même desséchés dans la période des basses eaux. Annibal, ayant franchi le Rhône dans la saison où les eaux sont les plus basses, ne devait pas se soucier beaucoup de ces bras secondaires du fleuve. Aussi s'étonnerait-on du soin avec lequel son historien a noté qu'il choisit un point où le fleuve n'avait qu'un seul bras, si l'on ne devait trouver une explication plus naturelle en plaçant le point de passage plus bas. Dans la partie que nous venons d'étudier, le Rhône reçoit un affluent de gauche, l'Eygues, dont la vallée, souvent étroite, offre pourtant une communication facile avec celle de la Durance ; on y trouve les vestiges d'une voie romaine, peut-être celle que mentionne Strabon pour le trajet d'Arles à Briançon. L'Eygues reçoit à droite, dans les montagnes, un affluent nommé l’Oule, puis il débouche en plaine, guidé par deux rangées de collines parallèles. A peu de distance du Rhône, il forme une sorte de delta, détachant à gauche un bras secondaire, qui passe à Orange. En aval de l'Eygues, le Rhône reçoit l’Ouvèze et la Sorgues. L'Ouvèze coule à peu près parallèlement à l’Eygues ; la Sorgues jaillit des montagnes par la fontaine de Vaucluse, se répand dans la plaine en un grand nombre de canaux naturels ou artificiels et forme enfin deux bras, dont l'un va rejoindre l’Ouvèze a Bédarrides, tandis que l’autre descend par Védène à Avignon. Strabon dit (IV, 11) en parlant de ces trois cours d'eau : Entre la Durance et l’Isère, il y a d'autres rivières qui descendent des Alpes dans le Rhône : deux

Après le passage du Pont-Saint-Esprit, dit M. L<strong>en</strong>théric1, <strong>la</strong> p<strong>en</strong>te du Rhône<br />

s'adoucit d'une manière s<strong>en</strong>sible <strong>et</strong> continue. C<strong>et</strong>te p<strong>en</strong>te, qui est <strong>de</strong> 80<br />

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45 c<strong>en</strong>timètres <strong>en</strong>tre l'Ardèche <strong>et</strong> <strong>la</strong> Durance... La vitesse du courant diminue<br />

dans <strong>la</strong> même proportion. Le fleuve comm<strong>en</strong>ce à ne plus avoir <strong>la</strong> force <strong>de</strong><br />

charrier ses graviers <strong>et</strong> ses limons ; il les abandonne çà <strong>et</strong> là, un peu partout sur<br />

sa route, dans tous les <strong>en</strong>droits où un é<strong>la</strong>rgissem<strong>en</strong>t du lit, une plus gran<strong>de</strong><br />

ét<strong>en</strong>due <strong><strong>de</strong>s</strong> grèves <strong>la</strong>térales, l'exist<strong>en</strong>ce d'un banc <strong>de</strong> gravier qui brise le<br />

courant, un cou<strong>de</strong> qui le rej<strong>et</strong>te sur <strong>la</strong> rive opposée, un rocher, un massif<br />

d’arbres <strong>en</strong> taillis, <strong>la</strong> moindre cause accid<strong>en</strong>telle provoque quelques remous <strong>et</strong><br />

donne naissance à une <strong>de</strong> ces zones tranquilles plus ou moins ét<strong>en</strong>dues qu'on<br />

appelle <strong><strong>de</strong>s</strong> mortes eaux. La vallée s'é<strong>la</strong>rgit alors peu à peu. Trois grands<br />

afflu<strong>en</strong>ts torr<strong>en</strong>tiels du Rhône, l’Ardèche, l’Aigues, <strong>la</strong> Cèze, sans compter un<br />

nombre assez considérable <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites rivières secondaires, augm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à <strong>la</strong> fois<br />

le volume <strong><strong>de</strong>s</strong> eaux <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> ses atterrissem<strong>en</strong>ts. Le courant du fleuve,<br />

influ<strong>en</strong>cé par ces apports <strong>la</strong>téraux se divise <strong>en</strong> <strong>de</strong>ux ou trois bras. Les vases, les<br />

graviers <strong>et</strong> les sables se dépos<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus, <strong>et</strong> le lit majeur est <strong>en</strong>combré<br />

d'îlots <strong>et</strong> <strong>de</strong> bas-fonds.<br />

Les cartes du cours du Rhône, dressées <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> fin du XVIIIe siècle, fourniss<strong>en</strong>t<br />

à ce suj<strong>et</strong> les plus intéressantes indications. A moins <strong>de</strong> vingt ans <strong>de</strong> distance,<br />

elles prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong><strong>de</strong>s</strong> variations considérables. Des îles anci<strong>en</strong>nes ont disparu, <strong>de</strong><br />

nouvelles se sont formées ; ou plutôt se sont modifiées, divisées ou réunies. Le<br />

lit du fleuve a changé <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce. Les courants ont passé d'une rive à l'autre. Là où<br />

se trouvait un haut fond, <strong>la</strong> son<strong>de</strong> relève un gouffre. Les bancs <strong>de</strong> sable se sont<br />

développés, presque tous allongés <strong>et</strong> soudés les uns aux autres. C'est un<br />

désordre compl<strong>et</strong>, une instabilité perpétuelle... Toutes ces îles basses, couvertes<br />

d'oseraies verdoyantes, émerg<strong>en</strong>t à peine <strong>de</strong> quelques c<strong>en</strong>timètres au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> eaux moy<strong>en</strong>nes <strong>et</strong> sont recouvertes par les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> crues ; elles sont<br />

traversées par un dédale <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its bras sinueux du fleuve, appelés dans le <strong>pays</strong><br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> roubines, <strong><strong>de</strong>s</strong> lônes, <strong><strong>de</strong>s</strong> brassières... A quelques kilomètres seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

amont d'Avignon, on n'eu comptait pas moins d'une tr<strong>en</strong>taine au comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t<br />

du XIXe siècle, dont quelques-unes mesurai<strong>en</strong>t plusieurs c<strong>en</strong>taines d'hectare ;<br />

les îles du grand <strong>et</strong> du p<strong>et</strong>it Saint-Marc, l'île du Seigneur ou <strong>de</strong> Mortemart, les<br />

îles du grand <strong>et</strong> du p<strong>et</strong>it Dragon<strong>et</strong>, l'île <strong>de</strong> Sahuc ou <strong><strong>de</strong>s</strong> Voleurs, les îles<br />

d'Oiseiay, l’île <strong>de</strong> Durban, l'île <strong>de</strong> <strong>la</strong> Verg<strong>en</strong>tière, l'île <strong>de</strong> <strong>la</strong> Motte, les îles <strong>de</strong><br />

Bonne-Ame, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pria<strong>de</strong>, <strong>de</strong> Paturas ; <strong>en</strong>fin <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> île <strong>de</strong> <strong>la</strong> Barthe<strong>la</strong>sse, qui<br />

n'était pas <strong>en</strong>core soudée à l'île du Piot, au droit même d'Avignon.<br />

D'une manière générale, l'exam<strong>en</strong> <strong>de</strong> toutes les cartes anci<strong>en</strong>nes semble<br />

indiquer que le courant du fleuve a une t<strong>en</strong>dance à se porter du côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> rive<br />

droite. C'est le contraire qui a lieu aujourd'hui : le bras navigable du fleuve, les<br />

gran<strong><strong>de</strong>s</strong> profon<strong>de</strong>urs, les eaux rapi<strong><strong>de</strong>s</strong> se trouv<strong>en</strong>t sous les murs mêmes<br />

d'Avignon, mais ce résultat tout à fait artificiel est dû aux travaux réc<strong>en</strong>ts<br />

<strong>en</strong>trepris <strong>de</strong>puis une tr<strong>en</strong>taine d'années pour assurer <strong>et</strong> régu<strong>la</strong>riser <strong>la</strong> navigation<br />

du fleuve. Il y a à peine un <strong>de</strong>mi-siècle, le bras du Rhône qui longe Avignon était<br />

une simple lône presque atterrie <strong>en</strong> temps <strong>de</strong> basses eaux, à peine navigable par<br />

les eaux moy<strong>en</strong>nes. La batellerie passait <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> <strong>la</strong> Barthe<strong>la</strong>sse,<br />

au pied <strong>de</strong> <strong>la</strong> tour <strong>de</strong> Philippe le Bel, sous les murs <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chartreuse <strong>de</strong><br />

Vill<strong>en</strong>euve <strong>et</strong> du fort Saint-André. Si le bras navigable passe aujourd'hui sous les<br />

1 Le Rhône, II, 266-271.

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