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Page 223 témoins de cataclysmes formidables ; lacs dont les barrages ont cédé, déluges glaciaires qui ont formé ces plans d'alluvions semés de galets. Ce sont autant de craus sur lesquelles ont crû des forêts qui ont donné une couche d'humus suffisante pour quelques cultures. Les habitants ont aménagé les eaux ; ils ont transformé ainsi en prairies une partie de ces mornes espaces. Cependant le sol est trop peu fertile pour les céréales, trop sec aussi ; mais les cultures arbustives ont permis de tirer parti de ces terres pauvres : la vigne, avant le phylloxéra, couvrait de vastes espaces partout où l'exposition te permettait ; le noyer, qui fournit l'huile, ombrage de vastes étendues ; le mûrier est plus répandu encore. Quelques-unes de ces craus du Dauphiné ont cependant conservé un triste aspect ; ainsi, bien morose est la plaine aux abords de l’Isère. Il faudrait là des eaux abondantes pour permettre de tirer parti de ces masses profondes de cailloux enrobés dans des alluvions maigres. Après les sites merveilleux traversés dans le Grésivaudan, l’Isère finit au sein d’un paysage qui serait lugubre sans la clarté du soleil, la limpidité des horizons et le beau cercle des collines et des montagnes. Nous avons exposé sans réserve les motifs pour lesquels l'Île ne pouvait pas se trouver entre le Rhône et l’Isère ; nous ne voulons pas dissimuler davantage les arguments qu'on nous oppose. L'analogie de l'Île avec le Delta, sa physionomie, sa forme, sa fécondité, voilà ce que nous ne retrouvons pas dans la région comprise entre le Rhône et l'Isère ; en revanche, ce qu'on reproche au comtat Venaissin de ne pas avoir, c'est la grandeur du Delta. Mais entre cette qualité unique et les autres, il faut choisir : il n'y a pas, dans toute la vallée du Rhône, de territoire répondant complètement à la définition ; que doit-on négliger de préférence ? A notre avis, ce sont les dimensions et au besoin la forme géographique, deux choses dont Polybe ne pouvait avoir aucune connaissance. Il faut bien se figurer notre historien parcourant la route d'Annibal et examinant le terrain au passage : il jette un regard sur l'Île, en évalue la grandeur, en imagine la forme, avec plus ou moins d'illusions, mais ce qu'il voit sans erreur possible, c'est la physionomie de cette plaine, les deux cours d'eau, la chaîne escarpée qui la bornent. C'est là ce que nous tenons à retrouver d'abord dans le territoire que nous identifions avec l'Île ; nous y voulons cette fertilité, ces terrains bas et humides qui justifient la comparaison avec le Delta, et cette chaîne de montagnes, d'apparence si impressionnante, qui ferme l'horizon. Les qualités géographiques, la grandeur surtout, sont ce que Polybe a pu mal apprécier1 ; nous ne les faisons passer qu'après les autres, et c'est elles que nous sacrifions, puisqu'il faut nécessairement sacrifier quelque chose. Qu'on ne soutienne pas, du moins, que le pays des Allobroges, entre le Rhône et l'Isère, a les qualités requises pour répondre à la description de Polybe : il nous 1 Qu'on veuille bien monter sur les collines qui entourent Avignon, ou sur celle de Bédarrides, et estimer à vue les dimensions de la plaine. On jugera de la précision que Polybe a pu mettre dans cette mesure.

faut une plaine marécageuse et fertile, et voilà des plateaux rocheux, à surface caillouteuse, terminés sur le Rhône par des escarpements, et s'élevant de 300 à 800 mètres quand on avance vers l'Est. 11 nous faut un territoire fertile, et nous trouvons un sol en grande partie misérable, où poussent noyers et châtaigniers entre des champs de seigle ; ce n'est qu'au fond des vallées, près du Rhône et dans la Valloire, que le blé abonde. Imagine-t-on Annibal à Valence ou à Saint- Nazaire, attendant que de Vienne, de la Tour-du-Pin, de Lyon, de Culoz, on lui envoie les vivres dont il a besoin ? Quant à cette chaîne qui forme le troisième côté du triangle, où la prend-on ? Si l'on tient à la forme triangulaire, il n'y a pas de montagnes entre Lyon et Voiron ; si l'on veut que les montagnes indiquées par Polybe soient celles de la Grande-Chartreuse, que reste-t-il de l'analogie avec le Delta ? Non seulement nous n'avons ni les marais, ni la fertilité, mais nous n'avons même plus la forme géographique du Delta, et nous sommes bien loin encore d'en avoir la grandeur. On nous reproche aussi de faire faire 50 kilomètres tout au plus en quatre jours par Annibal. On tient à ce qu’il ne s'écarte jamais en moins de la moyenne qu'on veut lui imposer ; on se soucie peu, au contraire, des indications fermes de Polybe, comme les 800 stades le long du fleuve, παρά τόν ποταµόν, que l'on reporte le long de l'Isère. Si on les comptait le long du Rhône, il serait impossible de placer l'Île ailleurs que dans le Comtat Venaissin. Il faut dire, pour expliquer l'assurance de nos prédécesseurs, qu'avant même d'avoir entrepris aucune étude, le doute n'était plus possible pour eux. M. Osiander pose pour entrée de jeu un certain nombre de points indiscutables qui lui ont paru ressortir de la première lecture de Polybe, et on y voit sous le n° 3 (p. 27), qu'Annibal arrive, le quatrième jour après le passage du Rhône, à l’embouchure de l’Isère, ou à l’Île des Allobroges. Polybe serait bien étonné de lire cette observation, lui qui n'a jamais nommé l'Isère et qui place les Allobroges à 800 stades de l’Île ! Nous croyons pouvoir affirmer que Larauza, Deluc, et leurs successeurs, étaient résolus, a priori, à placer l'Île au nord de l'Isère, comme à placer le passage du Rhône entre Roquemaure et Pont-Saint-Esprit. Reprenons le récit de Polybe à partir du passage du Rhône : Annibal marche quatre jours, arrive à l'Île, et s'y arrête pour régler le différend des deux princes rivaux ; il s'y ravitaille en vivres, en munitions, se fournit d'armes, de vêtements, de chaussures. Une escorte de cavalerie gauloise l'accompagne ensuite, et il fait en tout 800 stades (142 kilomètres) le long du Rhône ; puis il commence à s'écarter du fleuve, et à monter vers les Alpes. A ce moment, il entre sur le territoire des Allobroges, qui se retirent devant lui en appelant toute leur nation aux armes. L'escorte gauloise prend congé du Carthaginois, qui va bientôt, à l'entrée en montagne, se trouver aux prises avec les Allobroges. Tout cela s'explique très bien si l'on place le passage du Rhône près d'Arles, et l'Île chez les Cavares, dont la capitale est Bédarrides. L'escorte cavare accompagne Annibal jusqu'à Saint-Nazaire-en-Royans, puis il s'avance seul vers le défilé du bec de l'Échaillon. Lorsqu'on place le passage du Rhône en amont du Comtat Venaissin, il n'y a plus d'Île possible qu'au Nord de Valence. Elle n'aura aucune analogie avec le Delta d'Egypte ; mais on ne peut s'arrêter à ce détail, car on n'a pas le choix. On ne peut pas se montrer plus exigeant pour les 800 stades à faire le long du fleuve, puisqu'on ne remontera pas le Rhône au dede cette Île.

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témoins <strong>de</strong> cataclysmes formidables ; <strong>la</strong>cs dont les barrages ont<br />

cédé, déluges g<strong>la</strong>ciaires qui ont formé ces p<strong>la</strong>ns d'alluvions semés<br />

<strong>de</strong> gal<strong>et</strong>s. Ce sont autant <strong>de</strong> craus sur lesquelles ont crû <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

forêts qui ont donné une couche d'humus suffisante pour<br />

quelques cultures. Les habitants ont aménagé les eaux ; ils ont<br />

transformé ainsi <strong>en</strong> prairies une partie <strong>de</strong> ces mornes espaces.<br />

Cep<strong>en</strong>dant le sol est trop peu fertile pour les céréales, trop sec<br />

aussi ; mais les cultures arbustives ont permis <strong>de</strong> tirer parti <strong>de</strong><br />

ces terres pauvres : <strong>la</strong> vigne, avant le phylloxéra, couvrait <strong>de</strong><br />

vastes espaces partout où l'exposition te perm<strong>et</strong>tait ; le noyer,<br />

qui fournit l'huile, ombrage <strong>de</strong> vastes ét<strong>en</strong>dues ; le mûrier est<br />

plus répandu <strong>en</strong>core.<br />

Quelques-unes <strong>de</strong> ces craus du Dauphiné ont cep<strong>en</strong>dant conservé<br />

un triste aspect ; ainsi, bi<strong>en</strong> morose est <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine aux abords <strong>de</strong><br />

l’Isère. Il faudrait là <strong><strong>de</strong>s</strong> eaux abondantes pour perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> tirer<br />

parti <strong>de</strong> ces masses profon<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> cailloux <strong>en</strong>robés dans <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

alluvions maigres. Après les sites merveilleux traversés dans le<br />

Grésivaudan, l’Isère finit au sein d’un <strong>pays</strong>age qui serait lugubre<br />

sans <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté du soleil, <strong>la</strong> limpidité <strong><strong>de</strong>s</strong> horizons <strong>et</strong> le beau cercle<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> collines <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> montagnes.<br />

Nous avons exposé sans réserve les motifs pour lesquels l'Île ne pouvait pas se<br />

trouver <strong>en</strong>tre le Rhône <strong>et</strong> l’Isère ; nous ne voulons pas dissimuler davantage les<br />

argum<strong>en</strong>ts qu'on nous oppose.<br />

L'analogie <strong>de</strong> l'Île avec le Delta, sa physionomie, sa forme, sa fécondité, voilà ce<br />

que nous ne r<strong>et</strong>rouvons pas dans <strong>la</strong> région comprise <strong>en</strong>tre le Rhône <strong>et</strong> l'Isère ;<br />

<strong>en</strong> revanche, ce qu'on reproche au comtat V<strong>en</strong>aissin <strong>de</strong> ne pas avoir, c'est <strong>la</strong><br />

gran<strong>de</strong>ur du Delta. Mais <strong>en</strong>tre c<strong>et</strong>te qualité unique <strong>et</strong> les autres, il faut choisir : il<br />

n'y a pas, dans toute <strong>la</strong> vallée du Rhône, <strong>de</strong> territoire répondant complètem<strong>en</strong>t à<br />

<strong>la</strong> définition ; que doit-on négliger <strong>de</strong> préfér<strong>en</strong>ce ? A notre avis, ce sont les<br />

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pouvait avoir aucune connaissance. Il faut bi<strong>en</strong> se figurer notre histori<strong>en</strong><br />

parcourant <strong>la</strong> route d'Annibal <strong>et</strong> examinant le terrain au passage : il j<strong>et</strong>te un<br />

regard sur l'Île, <strong>en</strong> évalue <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur, <strong>en</strong> imagine <strong>la</strong> forme, avec plus ou moins<br />

d'illusions, mais ce qu'il voit sans erreur possible, c'est <strong>la</strong> physionomie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

p<strong>la</strong>ine, les <strong>de</strong>ux cours d'eau, <strong>la</strong> chaîne escarpée qui <strong>la</strong> born<strong>en</strong>t. C'est là ce que<br />

nous t<strong>en</strong>ons à r<strong>et</strong>rouver d'abord dans le territoire que nous id<strong>en</strong>tifions avec l'Île ;<br />

nous y voulons c<strong>et</strong>te fertilité, ces terrains bas <strong>et</strong> humi<strong><strong>de</strong>s</strong> qui justifi<strong>en</strong>t <strong>la</strong><br />

comparaison avec le Delta, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te chaîne <strong>de</strong> montagnes, d'appar<strong>en</strong>ce si<br />

impressionnante, qui ferme l'horizon. Les qualités géographiques, <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur<br />

surtout, sont ce que Polybe a pu mal apprécier1 ; nous ne les faisons passer<br />

qu'après les autres, <strong>et</strong> c'est elles que nous sacrifions, puisqu'il faut<br />

nécessairem<strong>en</strong>t sacrifier quelque chose.<br />

Qu'on ne souti<strong>en</strong>ne pas, du moins, que le <strong>pays</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Allobroges, <strong>en</strong>tre le Rhône <strong>et</strong><br />

l'Isère, a les qualités requises pour répondre à <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription <strong>de</strong> Polybe : il nous<br />

1 Qu'on veuille bi<strong>en</strong> monter sur les collines qui <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t Avignon, ou sur celle <strong>de</strong><br />

Bédarri<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong>et</strong> estimer à vue les dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine. On jugera <strong>de</strong> <strong>la</strong> précision que<br />

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