annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...

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chemin pour chercher la bataille, mais heureux de l'accepter si on la lui offrait. Tite-Live nous dit que l'armée de Scipion marchait en carré ; celle d'Annibal devait avoir aussi une formation massive, préparatoire au combat, et, comme l’armée romaine, elle ne devait pas aller bien vite. C'est ainsi qu'elle parvint à l’Île. Annibal marche quatre jours de suite à partir de l'endroit où il a passé le Rhône. Le quatrième jour, il arrive à l’Île1. Aucun géographe ancien n'a parlé de cette île ; elle n'est mentionnée que dans le récit de la marche d'Annibal. Où la placerons-nous ? Les distances nous apprennent peu de chose à ce sujet. Quand Polybe nous a dit que le passage du Rhône était à environ quatre marches de la mer, nous avions là, du moins, une valeur approchée, si grossière que fut l’approximation. Ici, ce n'est plus la même chose : Annibal a marché quatre jours, mais nous ne savons pas s'il a fait dans ces quatre jours l’équivalent de quatre marches moyennes. Il a pu aussi bien n'en faire que la moitié. Certains historiens veulent lui faire parcourir plus de 100 kilomètres, sous prétexte qu'il fuit devant les Romains ; nous venons de montrer que cet argument était sans valeur. En tout cas, le chiffre de 100 kilomètres en quatre jours est un maximum, dont Annibal a dû rester loin. Il a fait le long du Rhône, va nous dire Polybe, 800 stades en dix jours ; soit 80 stades (14 kilomètres) par jour. On peut donc admettre comme première approximation, pour les quatre marches qui l'ont amené à l'Île, 56 kilomètres2. Si l'on veut bien réfléchir qu'il avait l'ennemi à proximité, qu'il s'engageait dans l'inconnu, qu'il franchissait les divers bras de la Durance, de la Sorgues, de l'Eygues, etc., il est bien vraisemblable qu'il a marché lentement. Nous trouverons donc l'Île à une cinquantaine de kilomètres du point de passage. Il y a, de nos jours, 50 kilomètres d'Arles à Bédarrides par le chemin de fer, ce qui nous donne à supposer que nous trouverons l'Île dans les environs de Bédarrides, capitale des Cavares. Beaucoup d'historiens cherchent à mettre de la précision dans les indications de Polybe en disant : il y a 1.400 stades depuis le passage du Rhône jusqu'à l'entrée des montagnes ; de plus, Annibal parcourt 800 stades le long du fleuve entre l'Île et l'entrée des montagnes ; il y a donc 600 stades entre le passage du Rhône et l’Île3. Mais les prémisses de ce raisonnement sont inexactes : Polybe 1 FORTIA D'URBAN a écrit, p. 22 : M. Letronne a fort bien observé (Journal des Savants, janvier 1819, p. 26, note 1) que la phrase grecque de Polybe a été mal comprise jusqu'à présent, parce que l'on n'a pas fait attention au mot έξής dans la phrase Άννιβάς δέ ποιησάµενος έξής έπί τέτταρας ήµερας τήν πορείαν... la phrase doit être rendue mot à mot : Mais Annibal ayant ordonné à son armée une marche de quatre jours de suite... Il savait que son armée ne pouvait marcher de front le long de l'Eygues ; il la partagea donc en quatre portions, qui exigeaient quatre journées pour qu'elle fût déplacée tout entière. Cette interprétation est inexacte ; on s'en convaincra en lisant un peu plus haut, à propos de la marche d’Hannon le long du Rhône : όι ποιησάµενοι τήν πορείαν άντίοι τώ ρέύµατι παρά τόν ποταµόν έπί διακόσια στάδια. 2 On trouvera bien rarement, dans l'histoire militaire, des exemples d'armées faisant plus de 50 kilomètres en quatre jours, en dehors des périodes de crise qui précèdent les batailles modernes. 3 LARAUZA, p. 20.

n’a dit nulle part qu'il y eût 800 stades entre l’Île et l'entrée des Alpes. Il conduit Annibal, avec son escorte de cavaliers gaulois, jusqu'à l'endroit où il s'éloigne du Rhône pour monter vers les Alpes, et il compte 800 stades le long du fleuve. Ceux qui veulent confondre le commencement de la montée vers les Alpes (ήρξάτο τής άναβολής πρός τάς Άλπεις) avec l'entrée des Alpes (άναβολή τών Άλπεων) au lieu de placer celle-ci à la fin de la montée, sont obligés d'admettre que l'entrée se trouve sur le bord même du cours d'eau, et comme le Rhône ne passe pas à proximité immédiate des montagnes, il faut que les 800 stades indiqués par Polybe comme parcourus le long du fleuve, παρά τόν πόταµον, aient été faits en tout ou en partie le long d'un affluent. Rien ne peut autoriser une pareille interprétation : nous entendons bien que πόταµος signifie une rivière aussi bien qu'un fleuve ; mais ό πόταµος, avec l'article défini, est un cours d'eau déjà nommé, dont il a été question. Or, Polybe ne nous a parlé que du Rhône, nous a mis en marche le long du Rhône, et quand il dit alors ό πόταµος, il s'agit du fleuve Rhône et non d'une rivière innommée, dont il n'a encore jamais été fait mention. Nous estimons donc que les 800 stades sont à compter le long du Rhône, soit depuis l’endroit où l'on a passé le fleuve, soit depuis l'Île, mais qu'ils laissent encore entre le Rhône et l’entrée des Alpes une certaine distance, longueur de la montée vers les Alpes. Si l'on pouvait affirmer que les 800 stades sont comptés à partir du passage du Rhône, la longueur de cette montée serait de 600 stades ; mais ils sont peut-être à compter à partir de l’Île. Les 600 stades restants pour parfaire la distance entre le passage du Rhône et l'entrée des Alpes seraient alors à scinder en deux parties, dont l’une en aval de l’Île, et l'autre entre le Rhône et les Alpes. Jusqu'ici les chiffres ne nous ont pas fixés sur la position de l'Île. Remarquons pourtant que les Carthaginois seront escortés, à partir de l'Île, par une troupe de cavaliers gaulois, qui les abandonnera au moment où ils pénétreront chez les Allobroges. A cette époque, l'armée d'Annibal sera tout près de l'entrée des Alpes, et aura parcouru environ 1400 stades depuis le passage du Rhône. Or, la limite des Allobroges sera rencontrée sur la Bourne, près de Saint-Nazaire-en- Royans, si l'on remonte la vallée du Rhône et celle de l’Isère. C'est là que l'escorte fournie par les habitants de l’Île quitte les Carthaginois. Ils ont fait alors un peu plus ou un peu moins de 800 stades (142 kilomètres) depuis l'Île. Descendons l'Isère et le Rhône à partir de Saint-Nazaire ; 142 kilomètres nous amènent aux environs de Bédarrides, comme les 50 kilomètres comptés en remontant depuis le passage du Rhône. Voilà deux indications dont chacune est assez vague, mais dont la concordance est intéressante. C'est donc aux environs de Bédarrides qu'il faut chercher l’Île. Comment nous est-elle définie ? D'après Polybe, c'est un pays très peuplé, fertile en blé, tirant son nom de l'analogie suivante : ici le Rhône, là la rivière appelée Scaras (ou Scoras) coulent de chaque côté, terminant son contour en pointe à leur confluent Cette Île est Après avoir porté à 1.400 stades la distance parcourue par Annibal depuis le passage du Rhône jusqu’à l'entrée des Alpes, il ajoute un peu plus loin qu’il fit 800 stades à partir de l'Île jusqu'à son entrée dans ces montagnes ; reste donc depuis l'Île jusqu'au point où il traversa le Rhône 600 stades, qu'il fit en quatre jours en marchant le long du fleuve.

chemin pour chercher <strong>la</strong> bataille, mais heureux <strong>de</strong> l'accepter si on <strong>la</strong> lui offrait.<br />

Tite-Live nous dit que l'armée <strong>de</strong> Scipion marchait <strong>en</strong> carré ; celle d'Annibal<br />

<strong>de</strong>vait avoir aussi une formation massive, préparatoire au combat, <strong>et</strong>, comme<br />

l’armée romaine, elle ne <strong>de</strong>vait pas aller bi<strong>en</strong> vite.<br />

C'est ainsi qu'elle parvint à l’Île.<br />

Annibal marche quatre jours <strong>de</strong> suite à partir <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>droit où il a passé le Rhône.<br />

Le quatrième jour, il arrive à l’Île1.<br />

Aucun géographe anci<strong>en</strong> n'a parlé <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te île ; elle n'est m<strong>en</strong>tionnée que dans le<br />

récit <strong>de</strong> <strong>la</strong> marche d'Annibal. Où <strong>la</strong> p<strong>la</strong>cerons-nous ?<br />

Les distances nous appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t peu <strong>de</strong> chose à ce suj<strong>et</strong>. Quand Polybe nous a dit<br />

que le passage du Rhône était à <strong>en</strong>viron quatre marches <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer, nous avions<br />

là, du moins, une valeur approchée, si grossière que fut l’approximation. Ici, ce<br />

n'est plus <strong>la</strong> même chose : Annibal a marché quatre jours, mais nous ne savons<br />

pas s'il a fait dans ces quatre jours l’équival<strong>en</strong>t <strong>de</strong> quatre marches moy<strong>en</strong>nes. Il<br />

a pu aussi bi<strong>en</strong> n'<strong>en</strong> faire que <strong>la</strong> moitié. Certains histori<strong>en</strong>s veul<strong>en</strong>t lui faire<br />

parcourir plus <strong>de</strong> 100 kilomètres, sous prétexte qu'il fuit <strong>de</strong>vant les Romains ;<br />

nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> montrer que c<strong>et</strong> argum<strong>en</strong>t était sans valeur. En tout cas, le<br />

chiffre <strong>de</strong> 100 kilomètres <strong>en</strong> quatre jours est un maximum, dont Annibal a dû<br />

rester loin. Il a fait le long du Rhône, va nous dire Polybe, 800 sta<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>en</strong> dix<br />

jours ; soit 80 sta<strong><strong>de</strong>s</strong> (14 kilomètres) par jour. On peut donc adm<strong>et</strong>tre comme<br />

première approximation, pour les quatre marches qui l'ont am<strong>en</strong>é à l'Île, 56<br />

kilomètres2.<br />

Si l'on veut bi<strong>en</strong> réfléchir qu'il avait l'<strong>en</strong>nemi à proximité, qu'il s'<strong>en</strong>gageait dans<br />

l'inconnu, qu'il franchissait les divers bras <strong>de</strong> <strong>la</strong> Durance, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sorgues, <strong>de</strong><br />

l'Eygues, <strong>et</strong>c., il est bi<strong>en</strong> vraisemb<strong>la</strong>ble qu'il a marché l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t. Nous<br />

trouverons donc l'Île à une cinquantaine <strong>de</strong> kilomètres du point <strong>de</strong> passage.<br />

Il y a, <strong>de</strong> nos jours, 50 kilomètres d'Arles à Bédarri<strong><strong>de</strong>s</strong> par le chemin <strong>de</strong> fer, ce<br />

qui nous donne à supposer que nous trouverons l'Île dans les <strong>en</strong>virons <strong>de</strong><br />

Bédarri<strong><strong>de</strong>s</strong>, capitale <strong><strong>de</strong>s</strong> Cavares.<br />

Beaucoup d'histori<strong>en</strong>s cherch<strong>en</strong>t à m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> <strong>la</strong> précision dans les indications <strong>de</strong><br />

Polybe <strong>en</strong> disant : il y a 1.400 sta<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>puis le passage du Rhône jusqu'à<br />

l'<strong>en</strong>trée <strong><strong>de</strong>s</strong> montagnes ; <strong>de</strong> plus, Annibal parcourt 800 sta<strong><strong>de</strong>s</strong> le long du fleuve<br />

<strong>en</strong>tre l'Île <strong>et</strong> l'<strong>en</strong>trée <strong><strong>de</strong>s</strong> montagnes ; il y a donc 600 sta<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>en</strong>tre le passage du<br />

Rhône <strong>et</strong> l’Île3. Mais les prémisses <strong>de</strong> ce raisonnem<strong>en</strong>t sont inexactes : Polybe<br />

1 FORTIA D'URBAN a écrit, p. 22 :<br />

M. L<strong>et</strong>ronne a fort bi<strong>en</strong> observé (Journal <strong><strong>de</strong>s</strong> Savants, janvier 1819, p. 26, note 1) que <strong>la</strong><br />

phrase grecque <strong>de</strong> Polybe a été mal comprise jusqu'à prés<strong>en</strong>t, parce que l'on n'a pas fait<br />

att<strong>en</strong>tion au mot έξής dans <strong>la</strong> phrase Άννιβάς δέ ποιησάµενος έξής έπί τέτταρας ήµερας<br />

τήν πορείαν... <strong>la</strong> phrase doit être r<strong>en</strong>due mot à mot : Mais Annibal ayant ordonné à son<br />

armée une marche <strong>de</strong> quatre jours <strong>de</strong> suite... Il savait que son armée ne pouvait<br />

marcher <strong>de</strong> front le long <strong>de</strong> l'Eygues ; il <strong>la</strong> partagea donc <strong>en</strong> quatre portions, qui<br />

exigeai<strong>en</strong>t quatre journées pour qu'elle fût dép<strong>la</strong>cée tout <strong>en</strong>tière.<br />

C<strong>et</strong>te interprétation est inexacte ; on s'<strong>en</strong> convaincra <strong>en</strong> lisant un peu plus haut, à<br />

propos <strong>de</strong> <strong>la</strong> marche d’Hannon le long du Rhône : όι ποιησάµενοι τήν πορείαν άντίοι τώ<br />

ρέύµατι παρά τόν ποταµόν έπί διακόσια στάδια.<br />

2 On trouvera bi<strong>en</strong> rarem<strong>en</strong>t, dans l'histoire militaire, <strong><strong>de</strong>s</strong> exemples d'armées faisant plus<br />

<strong>de</strong> 50 kilomètres <strong>en</strong> quatre jours, <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> crise qui précèd<strong>en</strong>t les<br />

batailles mo<strong>de</strong>rnes.<br />

3 LARAUZA, p. 20.

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