annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...

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13.07.2013 Views

petit nombre de cas particuliers où il y avait quelques erreurs de tracé ou d'identification ; car nous avons étudié avec soin toutes les voies romaines de la Narbonnaise, aussi bien le long du Rhône que dans les Alpes, et le mille de 1481 mètres nous a paru répondre à toutes les conditions. Peut-être les nombres des Romains se trouvent-ils un peu faibles, en plaine ainsi qu'en montagne1. Pour nous, qui faisons suivre aux armées anciennes, comme aux nôtres, le fond des vallées tant qu'elles le peuvent, il nous semble que de Montmélian jusqu'au pied des cols, la distinction entre les deux unités n'a pas lieu d'être faite. Elle n'aurait à intervenir que pour l'ascension du col, et là son influence se bornerait à 2 ou 3 kilomètres. Était-il vraiment indispensable de quitter le fond des vallées pour grimper et redescendre sans cesse ? Y a-t-il là d'autre nécessité que celle de procurer une majoration aux chiffres de Polybe ? La vallée de l'Arc, dit-on, était impraticable il y a vingt siècles : c'était un marécage sillonné en tous sens par les bras de la rivière. Voilà une affirmation bien hardie, et à l’appui de laquelle on n'apporte aucune preuve formelle. L'expression de marécage, en tout cas, est impropre : tout ce qu'on peut admettre, c'est que le fond de la vallée ait été couvert de sable et de cailloux, à travers lesquels l'Arc creusait des sillons toujours changeants. Qu'il fût impossible d'y tracer un chemin, c'est certain, et il en a été de même jusqu'à l'endiguement du torrent ; mais qu'on ne pût pas y marcher, c'est autre chose. Acceptons pourtant l'hypothèse, et supposons qu'Annibal n'ait pas fait marcher son armée sur le fond même de la vallée. Il ne s'ensuit pas qu'il l'ait promenée à flanc de coteau. Prenons une carte du XVIIe ou du XVIIIe siècle, par exemple la belle carte manuscrite de 1729-1731 conservée au dépôt de la guerre2 : l'Arc, non endigué, coule en plusieurs bras à travers les sables et les galets dont il a rempli son lit majeur, et où nul chemin n'est tracé ; mais deux bonnes routes longent sur les deux rives le pied des pentes. Situées à quelques mètres au-dessus du fond de la vallée, elles sont hors de l'atteinte des flots de l’Arc, sauf en cas d'inondation exceptionnelle. Ces deux roules, on en voit encore les restes tout le long de la vallée : tantôt elles sont en remblai, si la pente est douce, la terre friable ; leur mur de soutènement existe toujours, mais la route abandonnée est recouverte de gazon ; tantôt elles sont entaillées dans le roc, et à peine ruinées par le temps. De pareilles routes, non pavées, mais assurant les communications les plus faciles et les plus rapides entre les diverses parties de la vallée, ont dû exister de tout temps, et s'il n'y en avait pas lors du passage d'Annibal, chose bien improbable, il valait mieux pour ses éléphants marcher dans la vallée, sur les sables et les galets, mais à plat, que de monter et descendre sans cesse. On jugera les chemins qu'a choisis le colonel Perrin, par exemple, en constatant qu'il compte 59 kilomètres de la Chambre à Saint-Michel, tandis qu'il y en a 25 par la route moderne ; il en compte 38 de Saint-Michel à Aussois, tandis que nous en avons 24, et il s'élève chaque jour à la cote 1.400 ou 1.500. Quelles 1 Voir plus haut la route d'Arles à Avigliana, qui a 375 kilomètres d'après les itinéraires romains, tandis que les routes modernes en donnent 395 à 400. C'est une route de montagne, cependant ! 2 Réduction du cadastre de la Savoie.

difficultés faudrait-il supposer dans le fond de la vallée pour justifier de pareils détours et de pareilles fatigues, car ces 97 kilomètres parcourus à la place de 49, se font en montant et descendant sans cesse ? A notre avis, c'est aller chercher bien loin, et au prix de grandes complications, des fatigues certaines pour échapper à des difficultés hypothétiques. Qu'il y ait eu des voies romaines sur les coteaux où le colonel Perrin trace l'itinéraire d'Annibal, c'est possible : l'industrie et l'agriculture étaient plus florissantes alors qu'aujourd'hui sur ces hauteurs ; mais partout nous voyons les grandes voies romaines suivre le fond des vallées avec nos roules modernes : sur la Durance, sur la Drôme, sur l'Isère, sur la Doire ; pourquoi l'Arc ferait-il exception ? Il ne traverse pas de précipices comme ceux où coule la Romanche. Nous nous en tenons donc à la solution la plus naturelle et la plus simple, celle qui consiste à faire passer Annibal par les voies les plus faciles, les plus voisines des chemins modernes. Il faudrait nous donner de bien solides arguments pour nous faire quitter les voies naturelles et courir à travers la montagne. Si les invasions se sont toujours faites par les vallées, ce n'était pas pour marcher sur les sommets. Tous ces détours, toutes ces majorations viennent se combiner avec le choix d'une entrée ou d'une montée près de Montmélian. Ce n’est pas la partie la moins étonnante de la solution de Larauza, de M. Osiander, etc. En s'engageant au milieu des éminences entre la Chavanne et Mallaverne, on ne comprend pas, dit avec modération M. Chappuis, que Polybe y ait vu l'entrée des Alpes, et M. Osiander, qui l'y voit, nous la montre assez fidèlement pour nous écarter tout de suite de son opinion : Les hauteurs de Chavanne et de Maltaverne, dit-il p. 108, peuvent s'appeler à bon droit clivi ou colles, car Chavanne est à 60 mètres seulement, et Maltaverne à 120 mètres au-dessus du niveau de Montmélian. C'est là que commence le terrain difficile1. Ainsi voilà des gens qui ont franchi sur les bords du Rhône, plusieurs collines très âpres de 200 à 300 mètres d'altitude ; qui, parvenus à Valence, ont vu tout près d'eux les plateaux de la rive droite de l’Isère ; qui ont longé, heurté, avec la vallée de cette rivière, les falaises du Vercors et de la Grande Chartreuse ; qui ont marché trois jours entre cette dernière et la chaîne de Belledone ; et ils marquent comme pénible, décisive, une côte équivalente à celle des Champs- Elysées ? 1 Larauza (p. 64) place ici le commencement de la montée. Il s'appuie sur ce texte : A 100 pas environ de l'autre côté du pont, dit M. Albanis Beaumont, est une charmante colline ou falaise, couverte d'arbres jusqu'à son sommet. C'est au pied de cette colline qu'on laisse à droite le chemin qui conduit à Sainte-Hélène, pour prendre à gauche celui du Piémont. Le premier hameau que l'on traverse se nomme la Chavane ; il est situé au sommet de la montée. Et page 66 : Dès la Chavane, on n'est plus dans le plat pays, έν τοΐς έπιπέδοις ; l'on a quitté cette large et belle vallée que les habitants appellent la plaine de Grenoble, la plaine du Grésivaudan, et la route plane et unie qu'elle présentait le long du fleuve. Le chemin que l'on suit va sans cosse montant et descendant à travers ces riantes collines qui se succèdent depuis la Chavane jusqu'à la Croix d'Aiguebelle. Mais si l'on n'est plus dans la plaine, l'on n'est pas encore dans les Alpes : au sortir de la Chavane l'on n'entre pas tout de suite dans ces sombres et étroites vallées que l'on rencontre un peu plus loin ....

difficultés faudrait-il supposer dans le fond <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée pour justifier <strong>de</strong> pareils<br />

détours <strong>et</strong> <strong>de</strong> pareilles fatigues, car ces 97 kilomètres parcourus à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> 49,<br />

se font <strong>en</strong> montant <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>c<strong>en</strong>dant sans cesse ?<br />

A notre avis, c'est aller chercher bi<strong>en</strong> loin, <strong>et</strong> au prix <strong>de</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> complications,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> fatigues certaines pour échapper à <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés hypothétiques. Qu'il y ait<br />

eu <strong><strong>de</strong>s</strong> voies romaines sur les coteaux où le colonel Perrin trace l'itinéraire<br />

d'Annibal, c'est possible : l'industrie <strong>et</strong> l'agriculture étai<strong>en</strong>t plus florissantes alors<br />

qu'aujourd'hui sur ces hauteurs ; mais partout nous voyons les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> voies<br />

romaines suivre le fond <strong><strong>de</strong>s</strong> vallées avec nos roules mo<strong>de</strong>rnes : sur <strong>la</strong> Durance,<br />

sur <strong>la</strong> Drôme, sur l'Isère, sur <strong>la</strong> Doire ; pourquoi l'Arc ferait-il exception ? Il ne<br />

traverse pas <strong>de</strong> précipices comme ceux où coule <strong>la</strong> Romanche.<br />

Nous nous <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ons donc à <strong>la</strong> solution <strong>la</strong> plus naturelle <strong>et</strong> <strong>la</strong> plus simple, celle<br />

qui consiste à faire passer Annibal par les voies les plus faciles, les plus voisines<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> chemins mo<strong>de</strong>rnes. Il faudrait nous donner <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> soli<strong><strong>de</strong>s</strong> argum<strong>en</strong>ts pour<br />

nous faire quitter les voies naturelles <strong>et</strong> courir à travers <strong>la</strong> montagne. Si les<br />

invasions se sont toujours faites par les vallées, ce n'était pas pour marcher sur<br />

les somm<strong>et</strong>s.<br />

Tous ces détours, toutes ces majorations vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t se combiner avec le choix<br />

d'une <strong>en</strong>trée ou d'une montée près <strong>de</strong> Montmélian. Ce n’est pas <strong>la</strong> partie <strong>la</strong><br />

moins étonnante <strong>de</strong> <strong>la</strong> solution <strong>de</strong> Larauza, <strong>de</strong> M. Osian<strong>de</strong>r, <strong>et</strong>c.<br />

En s'<strong>en</strong>gageant au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> émin<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre <strong>la</strong> Chavanne <strong>et</strong> Mal<strong>la</strong>verne, on ne<br />

compr<strong>en</strong>d pas, dit avec modération M. Chappuis, que Polybe y ait vu l'<strong>en</strong>trée <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Alpes, <strong>et</strong> M. Osian<strong>de</strong>r, qui l'y voit, nous <strong>la</strong> montre assez fidèlem<strong>en</strong>t pour nous<br />

écarter tout <strong>de</strong> suite <strong>de</strong> son opinion : Les hauteurs <strong>de</strong> Chavanne <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

Maltaverne, dit-il p. 108, peuv<strong>en</strong>t s'appeler à bon droit clivi ou colles, car<br />

Chavanne est à 60 mètres seulem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> Maltaverne à 120 mètres au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus du<br />

niveau <strong>de</strong> Montmélian. C'est là que comm<strong>en</strong>ce le terrain difficile1.<br />

Ainsi voilà <strong><strong>de</strong>s</strong> g<strong>en</strong>s qui ont franchi sur les bords du Rhône, plusieurs collines très<br />

âpres <strong>de</strong> 200 à 300 mètres d'altitu<strong>de</strong> ; qui, parv<strong>en</strong>us à Val<strong>en</strong>ce, ont vu tout près<br />

d'eux les p<strong>la</strong>teaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> rive droite <strong>de</strong> l’Isère ; qui ont longé, heurté, avec <strong>la</strong><br />

vallée <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te rivière, les fa<strong>la</strong>ises du Vercors <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gran<strong>de</strong> Chartreuse ; qui<br />

ont marché trois jours <strong>en</strong>tre c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière <strong>et</strong> <strong>la</strong> chaîne <strong>de</strong> Belledone ; <strong>et</strong> ils<br />

marqu<strong>en</strong>t comme pénible, décisive, une côte équival<strong>en</strong>te à celle <strong><strong>de</strong>s</strong> Champs-<br />

Elysées ?<br />

1 Larauza (p. 64) p<strong>la</strong>ce ici le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>la</strong> montée. Il s'appuie sur ce texte : A<br />

100 pas <strong>en</strong>viron <strong>de</strong> l'autre côté du pont, dit M. Albanis Beaumont, est une charmante<br />

colline ou fa<strong>la</strong>ise, couverte d'arbres jusqu'à son somm<strong>et</strong>. C'est au pied <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te colline<br />

qu'on <strong>la</strong>isse à droite le chemin qui conduit à Sainte-Hélène, pour pr<strong>en</strong>dre à gauche celui<br />

du Piémont. Le premier hameau que l'on traverse se nomme <strong>la</strong> Chavane ; il est situé au<br />

somm<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> montée.<br />

Et page 66 :<br />

Dès <strong>la</strong> Chavane, on n'est plus dans le p<strong>la</strong>t <strong>pays</strong>, έν τοΐς έπιπέδοις ; l'on a quitté c<strong>et</strong>te<br />

<strong>la</strong>rge <strong>et</strong> belle vallée que les habitants appell<strong>en</strong>t <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine <strong>de</strong> Gr<strong>en</strong>oble, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine du<br />

Grésivaudan, <strong>et</strong> <strong>la</strong> route p<strong>la</strong>ne <strong>et</strong> unie qu'elle prés<strong>en</strong>tait le long du fleuve. Le chemin que<br />

l'on suit va sans cosse montant <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>c<strong>en</strong>dant à travers ces riantes collines qui se<br />

succèd<strong>en</strong>t <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> Chavane jusqu'à <strong>la</strong> Croix d'Aiguebelle. Mais si l'on n'est plus dans <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>ine, l'on n'est pas <strong>en</strong>core dans les Alpes : au sortir <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chavane l'on n'<strong>en</strong>tre pas tout<br />

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