annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...

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trouverons rien d'important qui ne soit dans Silenos, témoin oculaire des événements. Soldat de profession, il a compris à demi-mot et bien exposé toutes les opérations. Surtout, il a refait le chemin d'Annibal dans un temps où le souvenir de celui-ci était encore présent à tous les esprits, puisqu'il restait quelques survivants de la génération d'Annibal. Il a donc vu par lui-même les localités et les peuples mentionnés par Silenos ; il a vu le point de passage du Rhône, l'Île, les Allobroges, les deux Refilés où avaient eu lieu les combats, le col et la descente vertigineuse en Italie. Il a vérifié l'exactitude des descriptions, les a corrigées au besoin en changeant ou ajoutant un mot. Comme il est plus intelligent que Silenos, sa relation a plus de valeur peut-être que l'original perdu pour nous. Quant aux distances données par lui pour le trajet depuis les Colonnes jusqu'à la sortie des Alpes, nous avons déjà dit que nous en ignorions la provenance. En tout cas, ces mesures, qu'elles proviennent d'un bématiste carthaginois ou d'un Romain ayant accompagné Scipion, ne devaient pas se trouver dans l'auteur principal, Silenos ou un autre, que Polybe et Tite-Live ont suivi. Polybe les présente à part, groupées, sans trouver moyen de les fondre dans le récit des événements. Tite-Live les ignore. Il ne faut donc pas s'attacher, croyons-nous, à retrouver dans le texte des indications faites pour concorder strictement avec celles de cette énumération. Il semble que Polybe, par exemple, a pris dans le travail du bématiste l’indication άναβολή τών Άλπεν qui signifie l'entrée des Alpes, et dans le texte de Silenos celle d'άναβολή πρός τάς Άλπεις, montée vers les Alpes, sans que ces deux expressions, assez peu différentes, se rapportent rigoureusement à un même point. Il est très vraisemblable que, dans son récit, le chroniqueur a fait commencer la montée vers les Alpes au point où l’on quittait le Rhône pour gagner les montagnes ; le bématiste, au contraire, a pris pour limite de deux sections du parcours l'entrée des Alpes, qui est toute autre chose. Il ne faut pas que l'emploi du mot άναβολή dans les deux expressions fasse croire à une concordance dont Polybe se souciait peu. Il est assez difficile, également, de faire tenir dans une durée de quinze jours la traversée des Alpes, en plaçant le neuvième jour au col, si l’on veut que cette traversée conduise jusqu'à la plaine. Le bématiste a mesuré la distance depuis l'entrée jusqu'à la sortie des montagnes ; mais il semble que le chroniqueur n'a compté les jours que jusqu'au bas de la descente da col, où l'intérêt cesse avec les fatigues. Quelque confiance que mérite Polybe, il ne faut pas considérer et traiter sa relation comme une œuvre personnelle, composée et rédigée. Si les sutures sont mieux dissimulées que dans Tite-Live, elles existent néanmoins, et les divers fragments doivent être étudiés à part. Tite-Live, ayant suivi les mêmes originaux que Polybe, avec moins d'intelligence et d'exactitude, semblerait d'abord inutile. Mais il faut songer à cette foule de détails que Polybe a supprimés dans son récit, et que Tite-Live a conservés soigneusement. Certes, il faut les examiner un à un, en discuter la valeur avant de les employer ; mais c'est là l'œuvre propre de l'historien ; et l'on sait qu'une erreur, dans ce cas particulier, aurait peu de conséquences, puisque les grandes lignes de la question seraient déjà établies d'après Polybe. Peut-on douter, d'ailleurs, de l'exactitude de certains faits comme la rencontre d'Annibal avec les habitants du Roussillon, le passage des soldats espagnols sur des outres et des boucliers, etc. ? Nous dirons même que, pour quelques détails où Polybe et Tite-

Live ne sont pas absolument d'accord, il peut arriver que le dernier reste plus près de la vérité ! Il y a, dans le texte de Tite-Live, deux taches, deux taches énormes qui gâtent tout le tableau : la première, c'est l'introduction des Allobroges dans l'Île ou près de l'Île, et leur suppression dans la région où se livre le premier combat. Ici le doute n'est pas permis : Polybe, nous l'avons répété et nous le répétons encore, est venu dans le pays, a vu l'Île et les Allobroges, visité le lieu du combat et la ville pillée par Annibal. Aucune erreur ne serait admissible de sa part sur ce point. Tite-Live, qui est resté à Rome, et qui, serait-il allé dans les Alpes, n'aurait plus retrouvé de tradition exacte sur Annibal, n'a aucune autorité en pareille matière. L’ignorance de son siècle sur cette partie de l’histoire et sur la géographie de la région alpine loi a fait commettre sa seconde erreur, l'interpolation du fragment déjà reproduit par Timagène. Les historiens ont toujours traité le récit de Tite- Live comme s'il formait un tout homogène, et ils se sont évertués à placer les Tricastins, les Voconces, les Tricoriens, entre les Allobroges et la Druentia ; mais la présence d'un passage identique dans Timagène ne laisse pas de doute sur l’interpolation opérée par Tite-Live. Il y a donc lieu d'étudier ce fragment à part. Il est d'origine douteuse, d'allure peu rassurante, soit dans la forme où nous le présente Timagène, soit dans celle que Tite-Live lui a donnée. S'il confirme les conclusions générales tirées du récit de Polybe, nous l’admettrons (séparément) ; s'il les contredit, nous le rejetterons, car en présence du récit de Silenos, il n'a aucune valeur historique. Ainsi nous étudierons le parcours d'Annibal d'après Polybe et d'après Tite-Live, après avoir rayé dans ce dernier le nom des Allobroges, et supprimé le fragment dont nous venons de parler. Nos deux textes se réduisent alors à deux versions presque identiques d'un même récit, et il est aisé de les accorder pour en tirer un travail plus complet. IX. — Les connaissances géographiques des anciens. Polybe, comme historien, mérite une confiance absolue ; mais ses notions sur la géographie sont celles de son temps, peu étendues et très erronées, et chaque fois qu'il les fait intervenir, elles jettent une lumière fausse sur le récit. Quand, par exemple, M. Montanari dit qu'Annibal a remonté le Rhône vers l'Orient, cette contradiction le frappe ; il aime mieux croire à une erreur sur l'identité du fleuve que sur sa direction, et il conclut qu'il s'agit de la Durance. Or, il n'y a aucune confusion dans l'esprit de Polybe ; seulement, sur sa mappemonde, le Rhône est orienté comme la Durance sur la nôtre. Nous pourrions citer d'autres erreurs de natures diverses, capables d'influer plus ou moins sur la solution de notre problème, et qu'un aperçu rapide de la science géographique au temps de Polybe permettra d'écarter. Au point de vue de l'étendue, c'était peu de chose que le monde connu des anciens. A l'époque où Polybe écrit son histoire, les Grecs ont parcouru quelques rares chemins à travers la Gaule ; on a franchi les Alpes une fois ou deux ; mais de véritables reconnaissances, de descriptions même sommaires, il n'y en a pas. Le peu qu'on sait sur la Gaule, les Alpes, la Germanie, la Scythie, est

Live ne sont pas absolum<strong>en</strong>t d'accord, il peut arriver que le <strong>de</strong>rnier reste plus<br />

près <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité !<br />

Il y a, dans le texte <strong>de</strong> Tite-Live, <strong>de</strong>ux taches, <strong>de</strong>ux taches énormes qui gât<strong>en</strong>t<br />

tout le tableau : <strong>la</strong> première, c'est l'introduction <strong><strong>de</strong>s</strong> Allobroges dans l'Île ou près<br />

<strong>de</strong> l'Île, <strong>et</strong> leur suppression dans <strong>la</strong> région où se livre le premier combat. Ici le<br />

doute n'est pas permis : Polybe, nous l'avons répété <strong>et</strong> nous le répétons <strong>en</strong>core,<br />

est v<strong>en</strong>u dans le <strong>pays</strong>, a vu l'Île <strong>et</strong> les Allobroges, visité le lieu du combat <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

ville pillée par Annibal. Aucune erreur ne serait admissible <strong>de</strong> sa part sur ce<br />

point. Tite-Live, qui est resté à Rome, <strong>et</strong> qui, serait-il allé dans les Alpes, n'aurait<br />

plus r<strong>et</strong>rouvé <strong>de</strong> tradition exacte sur Annibal, n'a aucune autorité <strong>en</strong> pareille<br />

matière.<br />

L’ignorance <strong>de</strong> son siècle sur c<strong>et</strong>te partie <strong>de</strong> l’histoire <strong>et</strong> sur <strong>la</strong> géographie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

région alpine loi a fait comm<strong>et</strong>tre sa secon<strong>de</strong> erreur, l'interpo<strong>la</strong>tion du fragm<strong>en</strong>t<br />

déjà reproduit par Timagène. Les histori<strong>en</strong>s ont toujours traité le récit <strong>de</strong> Tite-<br />

Live comme s'il formait un tout homogène, <strong>et</strong> ils se sont évertués à p<strong>la</strong>cer les<br />

Tricastins, les Voconces, les Tricori<strong>en</strong>s, <strong>en</strong>tre les Allobroges <strong>et</strong> <strong>la</strong> Dru<strong>en</strong>tia ; mais<br />

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l’interpo<strong>la</strong>tion opérée par Tite-Live. Il y a donc lieu d'étudier ce fragm<strong>en</strong>t à part.<br />

Il est d'origine douteuse, d'allure peu rassurante, soit dans <strong>la</strong> forme où nous le<br />

prés<strong>en</strong>te Timagène, soit dans celle que Tite-Live lui a donnée. S'il confirme les<br />

conclusions générales tirées du récit <strong>de</strong> Polybe, nous l’adm<strong>et</strong>trons (séparém<strong>en</strong>t) ;<br />

s'il les contredit, nous le rej<strong>et</strong>terons, car <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du récit <strong>de</strong> Sil<strong>en</strong>os, il n'a<br />

aucune valeur historique.<br />

Ainsi nous étudierons le parcours d'Annibal d'après Polybe <strong>et</strong> d'après Tite-Live,<br />

après avoir rayé dans ce <strong>de</strong>rnier le nom <strong><strong>de</strong>s</strong> Allobroges, <strong>et</strong> supprimé le fragm<strong>en</strong>t<br />

dont nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> parler. Nos <strong>de</strong>ux textes se réduis<strong>en</strong>t alors à <strong>de</strong>ux versions<br />

presque id<strong>en</strong>tiques d'un même récit, <strong>et</strong> il est aisé <strong>de</strong> les accor<strong>de</strong>r pour <strong>en</strong> tirer un<br />

travail plus compl<strong>et</strong>.<br />

IX. — Les connaissances géographiques <strong><strong>de</strong>s</strong> anci<strong>en</strong>s.<br />

Polybe, comme histori<strong>en</strong>, mérite une confiance absolue ; mais ses notions sur <strong>la</strong><br />

géographie sont celles <strong>de</strong> son temps, peu ét<strong>en</strong>dues <strong>et</strong> très erronées, <strong>et</strong> chaque<br />

fois qu'il les fait interv<strong>en</strong>ir, elles j<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t une lumière fausse sur le récit. Quand,<br />

par exemple, M. Montanari dit qu'Annibal a remonté le Rhône vers l'Ori<strong>en</strong>t, c<strong>et</strong>te<br />

contradiction le frappe ; il aime mieux croire à une erreur sur l'id<strong>en</strong>tité du fleuve<br />

que sur sa direction, <strong>et</strong> il conclut qu'il s'agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> Durance. Or, il n'y a aucune<br />

confusion dans l'esprit <strong>de</strong> Polybe ; seulem<strong>en</strong>t, sur sa mappemon<strong>de</strong>, le Rhône est<br />

ori<strong>en</strong>té comme <strong>la</strong> Durance sur <strong>la</strong> nôtre. Nous pourrions citer d'autres erreurs <strong>de</strong><br />

natures diverses, capables d'influer plus ou moins sur <strong>la</strong> solution <strong>de</strong> notre<br />

problème, <strong>et</strong> qu'un aperçu rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> sci<strong>en</strong>ce géographique au temps <strong>de</strong> Polybe<br />

perm<strong>et</strong>tra d'écarter.<br />

Au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l'ét<strong>en</strong>due, c'était peu <strong>de</strong> chose que le mon<strong>de</strong> connu <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

anci<strong>en</strong>s. A l'époque où Polybe écrit son histoire, les Grecs ont parcouru quelques<br />

rares chemins à travers <strong>la</strong> Gaule ; on a franchi les Alpes une fois ou <strong>de</strong>ux ; mais<br />

<strong>de</strong> véritables reconnaissances, <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>criptions même sommaires, il n'y <strong>en</strong> a pas.<br />

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