annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...

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Le récit du second combat contre les montagnards (III, 53 et XXI, 34) est exactement le même dans Polybe et dans Tite-Live. Le premier déclare pourtant qu'Annibal avait prévu la forme de l'attaque qui allait se produire et avait plaen conséquence son infanterie à la queue de la colonne. Tite-Live ne voit là qu'une heureuse coïncidence. A dire vrai, on ne saisit pas trop sur quels indices Annibal pouvait juger qu'on l’attaquerait plutôt en queue. Les indications de Polybe sont des plus sommaires pour la marche depuis le second combat jusqu'au col. Il a évidemment laissé de côté quelques indications que Tite-Live a reproduites plus soigneusement. Son per invia pleraque et errores est intéressant, et la phrase où il se trouve n'a pas pu être inventée par l'historien latin. Arrivé au col, Annibal y séjourne (III, 54, et XXI, 35). C'est pendant ce séjour que Polybe lui fait montrer la plaine du Pô à ses soldats. D'après Tite-Live, au contraire, c'est seulement au départ de la colonne, au commencement de la descente. Un peu plus loin, on arrive à un endroit où le chemin, en corniche, a été enlevé par un éboulement. D'après Polybe, le chemin est écorné sur une longueur de 3 demi-stades ; d'après Tite-Live, ce chiffre exprime la hauteur de l’escarpement. Le travail accompli en cet endroit n'est pas le même suivant que l'on se fie à l'un ou à l'autre historien. D'après Tite-Live, on le sait, Annibal a employé, pour entamer la roche, le procédé, assez commun dans l'antiquité, de chauffer fortement la partie que l’on voulait détacher, et d'y verser ensuite de l'eau froide et acidulée pour la faire éclater, Polybe, au contraire, fait rétablir le chemin par un travail de remblai. Les deux procédés ont pu être employés en même temps pour aller plus vite. D'après le texte latin, ce travail aurait duré quatre jours et les chevaux n'auraient passé qu'à la fin. D'après Polybe, il a fallu un jour pour rendre le sentier praticable aux chevaux et trois jours pour donner passage aux éléphants. Le passage des Alpes une fois achevé, Polybe donne, d'après l'inscription du cap Lacinien, le nombre des soldats parvenus avec Annibal jusqu'en Italie, L'origine de ce renseignement ne permet pas d'élever le moindre doute sur son exactitude. Tite-Live, au contraire, a compulsé divers auteurs, et cite plusieurs chiffres, parmi lesquels il ne se décide pas à faire un choix. C'est là, nous semble-t-il, la preuve la plus décisive que Tite-Live n'a ni copié, ni même lu Polybe dans cette partie. Essayons de conclure. Laissons de côté, pour commencer, les passages particuliers à chacun des deux auteurs, comme le III, 39, où Polybe donne les distances parcourues par Annibal, et le XXI, 31, où Tite-Live résume, après Timagène, l’itinéraire des Carthaginois depuis le Rhône jusqu'aux Alpes. Ne nous occupons que des parties communes aux deux auteurs, de celles où ils présentent une ressemblance indéniable. Il s'y trouve, nous l'avons remarqué, des différences tantôt insignifiantes, tantôt assez sérieuses entre les deux relations. Chacune d'elles contient des particularités qui ne se rencontrent pas dans l'autre. Si Polybe nous donnait plus de détails que Tite-Live, et surtout s’il n y avait dans ce dernier qu'un très petit nombre de faits étrangers au texte grec, nous admettrions volontiers que Tite- Live a copié Polybe ; mais c'est le contraire qui a lieu. Qu'il s'agisse des opérations en Espagne, dans la Narbonnaise, sur le Rhône, dans les Alpes, c'est

toujours la relation de Tite-Live qui est la plus longue, la plus circonstanciée ; de plus, les détails qu'elle contient en plus de ceux que nous donne Polybe font bien corps avec le récit, et il y en a sans cesse. Ils ne se présentent pas isolément, mais pour ainsi dire à chaque phrase. Il faudrait donc supposer, si l’historien latin a traduit Polybe, qu'il a incorporé constamment dans son original, tout en traduisant, des circonstances empruntées à un autre auteur. Or, c'est là un travail absolument étranger aux habitudes des écrivains anciens, et surtout à celles de Tite-Live. Nissen, qui l'a vu à l'œuvre lorsqu'il traduit Polybe, n'a pas làdessus un instant de doute, et ses conclusions s'imposent : Tite-Live n'a pas traduit Polybe, mais il a suivi les même originaux que lui, Polybe n'a conservé que les faits intéressants à son point de vue pragmatique ; Tite-Live n'en a éliminé qu'un petit nombre, et cela, nous dit Nissen, par négligence plutôt que de parti pris. Les effectifs et les distances donnés par Polybe et qui manquent dans Tite-Live nous prouvent que celui-ci, non seulement n'a pas pris Polybe pour auteur principal, mais même ne l’a pas lu. Y a-t-il un ou plusieurs auteurs principaux, communs à nos deux historiens ? Il ne paraît pas douteux qu'il n'y en ait deux, un Romain et un Carthaginois. L'histoire de la campagne en Cisalpine est empruntée, nous le savons, à Fabius. Celle des mouvements de P. Cornélius Scipion, des levées faites par lui, de m. navigation et de son débarquement, semble bien provenir de la même source, car elle est liée intimement à l'autre ; Timagène nous donne le tout en un récit unique, bien homogène, que Polybe et Tite-Live reproduisent par parties, en le coupant de manières différentes. Pour ce qui concerne spécialement Annibal et l’armée carthaginoise, il est impossible d'admettre que l'auteur original soit un Romain. Le récit de Polybe (et celui-ci de Tite-Live), selon l'observation de Bötticher, est non seulement d'un témoin oculaire, mais d'un témoin particulièrement bien placé, admis dans l'intimité d'Annibal. Ce peut être Silenos ou Sosilos, mais nous sommes portés comme Nissen et Bötticher, à admettre que c'est Silenos, dont l’œuvre était la plus complète et la plus vaste, et à qui Tite-Live a fait de nombreux emprunts. La relation de Silenos, semble-t-il, était presque un journal de marche ; Polybe a su lui conserver ce caractère, qu'elle présente moins nettement dans la version de Tite-Live. Celui-ci ne paraît pas, comme nous l'avons dit plus haut et comme le montre surtout le travail de Posner, avoir suivi directement Silenos ; c'est par Cælius qu'il l’a connu. Nous avons vu comment on pouvait attribuer à Cælius une opinion fausse sur le point de passage des Alpes, et le déplacement du nom des Allobroges dans le récit original. Nous admettons donc, avec une assez grande probabilité, que le fond des deux relations provient de Silenos et de Fabius. Si l’on y ajoute les deux fragments importants interpolés, l'un par Polybe (énumération des distances, III, 39), d'après un bématiste carthaginois ou romain, et l'autre par Tite-Live d'après Timagène ou Fabius (?), on connaît à peu près la composition des deux ouvrages dans la partie qui nous intéresse. Cela dit, quelles conclusions en tirerons-nous pour l’usage à faire des deux relations ? La première, c'est que Polybe doit être employé avec la plus grande confiance. En comparant son récit à celui de Tite-Live, nous avons constaté qu'il avait un peu réduit le texte original, mais sans presque rien y ajouter. Nous n'y

toujours <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Tite-Live qui est <strong>la</strong> plus longue, <strong>la</strong> plus circonstanciée ; <strong>de</strong><br />

plus, les détails qu'elle conti<strong>en</strong>t <strong>en</strong> plus <strong>de</strong> ceux que nous donne Polybe font bi<strong>en</strong><br />

corps avec le récit, <strong>et</strong> il y <strong>en</strong> a sans cesse. Ils ne se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pas isolém<strong>en</strong>t,<br />

mais pour ainsi dire à chaque phrase. Il faudrait donc supposer, si l’histori<strong>en</strong> <strong>la</strong>tin<br />

a traduit Polybe, qu'il a incorporé constamm<strong>en</strong>t dans son original, tout <strong>en</strong><br />

traduisant, <strong><strong>de</strong>s</strong> circonstances empruntées à un autre auteur. Or, c'est là un<br />

travail absolum<strong>en</strong>t étranger aux habitu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> écrivains anci<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> surtout à<br />

celles <strong>de</strong> Tite-Live. Niss<strong>en</strong>, qui l'a vu à l'œuvre lorsqu'il traduit Polybe, n'a pas là<strong><strong>de</strong>s</strong>sus<br />

un instant <strong>de</strong> doute, <strong>et</strong> ses conclusions s'impos<strong>en</strong>t : Tite-Live n'a pas<br />

traduit Polybe, mais il a suivi les même originaux que lui, Polybe n'a conservé<br />

que les faits intéressants à son point <strong>de</strong> vue pragmatique ; Tite-Live n'<strong>en</strong> a<br />

éliminé qu'un p<strong>et</strong>it nombre, <strong>et</strong> ce<strong>la</strong>, nous dit Niss<strong>en</strong>, par néglig<strong>en</strong>ce plutôt que <strong>de</strong><br />

parti pris.<br />

Les effectifs <strong>et</strong> les distances donnés par Polybe <strong>et</strong> qui manqu<strong>en</strong>t dans Tite-Live<br />

nous prouv<strong>en</strong>t que celui-ci, non seulem<strong>en</strong>t n'a pas pris Polybe pour auteur<br />

principal, mais même ne l’a pas lu.<br />

Y a-t-il un ou plusieurs auteurs principaux, communs à nos <strong>de</strong>ux histori<strong>en</strong>s ? Il<br />

ne paraît pas douteux qu'il n'y <strong>en</strong> ait <strong>de</strong>ux, un Romain <strong>et</strong> un Carthaginois.<br />

L'histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> campagne <strong>en</strong> Cisalpine est empruntée, nous le savons, à Fabius.<br />

Celle <strong><strong>de</strong>s</strong> mouvem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> P. Cornélius Scipion, <strong><strong>de</strong>s</strong> levées faites par lui, <strong>de</strong> m.<br />

navigation <strong>et</strong> <strong>de</strong> son débarquem<strong>en</strong>t, semble bi<strong>en</strong> prov<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> <strong>la</strong> même source,<br />

car elle est liée intimem<strong>en</strong>t à l'autre ; Timagène nous donne le tout <strong>en</strong> un récit<br />

unique, bi<strong>en</strong> homogène, que Polybe <strong>et</strong> Tite-Live reproduis<strong>en</strong>t par parties, <strong>en</strong> le<br />

coupant <strong>de</strong> manières différ<strong>en</strong>tes.<br />

Pour ce qui concerne spécialem<strong>en</strong>t Annibal <strong>et</strong> l’armée carthaginoise, il est<br />

impossible d'adm<strong>et</strong>tre que l'auteur original soit un Romain. Le récit <strong>de</strong> Polybe (<strong>et</strong><br />

celui-ci <strong>de</strong> Tite-Live), selon l'observation <strong>de</strong> Bötticher, est non seulem<strong>en</strong>t d'un<br />

témoin ocu<strong>la</strong>ire, mais d'un témoin particulièrem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> p<strong>la</strong>cé, admis dans<br />

l'intimité d'Annibal. Ce peut être Sil<strong>en</strong>os ou Sosilos, mais nous sommes portés<br />

comme Niss<strong>en</strong> <strong>et</strong> Bötticher, à adm<strong>et</strong>tre que c'est Sil<strong>en</strong>os, dont l’œuvre était <strong>la</strong><br />

plus complète <strong>et</strong> <strong>la</strong> plus vaste, <strong>et</strong> à qui Tite-Live a fait <strong>de</strong> nombreux emprunts. La<br />

re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Sil<strong>en</strong>os, semble-t-il, était presque un journal <strong>de</strong> marche ; Polybe a su<br />

lui conserver ce caractère, qu'elle prés<strong>en</strong>te moins n<strong>et</strong>tem<strong>en</strong>t dans <strong>la</strong> version <strong>de</strong><br />

Tite-Live. Celui-ci ne paraît pas, comme nous l'avons dit plus haut <strong>et</strong> comme le<br />

montre surtout le travail <strong>de</strong> Posner, avoir suivi directem<strong>en</strong>t Sil<strong>en</strong>os ; c'est par<br />

Cælius qu'il l’a connu. Nous avons vu comm<strong>en</strong>t on pouvait attribuer à Cælius une<br />

opinion fausse sur le point <strong>de</strong> passage <strong><strong>de</strong>s</strong> Alpes, <strong>et</strong> le dép<strong>la</strong>cem<strong>en</strong>t du nom <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Allobroges dans le récit original.<br />

Nous adm<strong>et</strong>tons donc, avec une assez gran<strong>de</strong> probabilité, que le fond <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux<br />

re<strong>la</strong>tions provi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Sil<strong>en</strong>os <strong>et</strong> <strong>de</strong> Fabius. Si l’on y ajoute les <strong>de</strong>ux fragm<strong>en</strong>ts<br />

importants interpolés, l'un par Polybe (énumération <strong><strong>de</strong>s</strong> distances, III, 39), d'après<br />

un bématiste carthaginois ou romain, <strong>et</strong> l'autre par Tite-Live d'après Timagène<br />

ou Fabius (?), on connaît à peu près <strong>la</strong> composition <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux ouvrages dans <strong>la</strong><br />

partie qui nous intéresse.<br />

Ce<strong>la</strong> dit, quelles conclusions <strong>en</strong> tirerons-nous pour l’usage à faire <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux<br />

re<strong>la</strong>tions ?<br />

La première, c'est que Polybe doit être employé avec <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> confiance.<br />

En comparant son récit à celui <strong>de</strong> Tite-Live, nous avons constaté qu'il avait un<br />

peu réduit le texte original, mais sans presque ri<strong>en</strong> y ajouter. Nous n'y

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