annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...

annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ... annibal en gaule - L'Histoire antique des pays et des hommes de la ...

mediterranee.antique.info
from mediterranee.antique.info More from this publisher
13.07.2013 Views

qui n'est qu'hypothèse, et surtout ce qui doit limiter le champ des hypothèses, car il leur est arrivé de passer toutes les bornes. Lorsqu'on essaie de s'imaginer, diaprés le terrain même, ce qu'a pu être la configuration de notre pays à l'époque romaine ou gauloise, on est tende s'exagérer les changements survenus depuis vingt siècles. Les flancs des vallées offrent des traces manifestes d'érosion ; les plaines sont recouvertes d'alluvions récentes, et l’on voudrait presque affirmer qu'érosions et dépôts se sont produits dans les temps historiques. A vrai dire, il faut se montrer infiniment circonspect dans ces sortes d'études, et il vaut beaucoup mieux, tant qu'il s'agit des temps historiques, s'en tenir aux faits historiquement démontrés. Les éludes géologiques auront l'avantage de nous indiquer dans quel sens les phénomènes physiques ont modifié le sol ; les documents historiques serviront à établir des limites, des points de repère précis à des époques déterminées. Il est constant, par exemple, que la physionomie des montagnes et le régime hydrographique ont été profondément transformés pendant les temps historiques, et par le travail de l'homme. Son œuvre a consisté ici en déboisements, livrant les montagnes sans défense à l'action des eaux, changeant les rivières en torrents, les desséchant souvent, raréfiant les pluies, appauvrissant le pays et le dépeuplant. On peut regarder comme certain, dit M. Lenthéric, que l'écoulement général des eaux était beaucoup plus régulier, les pluies annuelles plus abondantes, le climat, par suite, plus égal. Les eaux suintaient à travers les ; feuilles mortes et le chevelu des racines, descendaient souterrainement dans les bas-fonds, jaillissaient de distancé en distance en fontaines fertilisantes, et alimentaient ainsi graduellement les rivières et les fleuves, dont les niveaux étaient sensiblement plus élevés, les débits plus abondants et surtout plus réguliers. Dans quelle mesure cette situation initiale s'était-elle maintenue lors du passage d'Annibal ? L'action destructive de l'homme s'était déjà fait sentir à l'époque de la conquête romaine. On ne saurait toutefois mettre en doute que la plupart des coteaux qui bordent le Rhône et toutes ses vallées latérales sont longtemps restés presque entièrement boisés, et que les grandes pentes de la région montagneuse des Cévennes et du Vivarais, et toutes les croupes des Alpes dauphinoises et briançonnaises étaient couvertes d'une magnifique végétation forestière1. L'introduction de la vigne par les Romains occasionna plus tard les premiers défrichements sur les coteaux ; mais, avant la conquête, on n'avait déboisé que les plaines, ce qui présentait moins d'inconvénients. Comme culture générale, la vallée ne différait pas essentiellement il y a vingt siècles de ce qu'elle est aujourd'hui... Tout le long de la vallée du Rhône, depuis Lyon jusqu'aux marais d'Arles, toutes les plaines riveraines étaient ensemencées de blé ; quelquefois, mais plus rarement, d'orge et de millet2. Aussitôt après la conquête, le déboisement s'étendit si vite, que les Romains durent faire des lois pour l'arrêter3. 1 Ch. LENTHÉRIC, Le Rhône, t. II, p. 73. 2 Ch. LENTHÉRIC, Le Rhône, t. II, p. 76. 3 DESJARDINS, I, 435.

Le mal commençait donc à se produire, mais on n'en sentait pas encore les conséquences désastreuses : A l'époque où Annibal franchit les Alpes, dit le colonel Perrin, ces contrées étaient excessivement peuplées ; on peut s'en convaincre par le chiffre des prisonniers salasses que Varron fit vendre après sa victoire1. Une grande partie des pentes que nous voyons aujourd'hui dénudées, étaient couvertes de forêts ; le climat devait être plus doux, et les plateaux ravinés, déchirés, privés maintenant de toute végétation, devaient à celte époque être cultivés. Le mont Cenis, qui ne contient aujourd'hui que des pâturages, a été couvert de mélèzes ; on en trouve encore quelques-uns dans le ruisseau qui vient da petit mont Cenis, en face des chalets de Saint-Barthélemy. Des troncs d'arbres sont couchés au fond du. lac Les plateaux de Paris, de Rif-tort, de Brandes, sur la rive droite de la Romanche, entre le col du Lautaret, les Grandes-Rousses et l'Oisans, étaient boisés, cultivés et habités encore plusieurs siècles après la conquête romaine, ainsi que l'attestent, d'accord avec la tradition, les traces des terrains cultivés, les actes publics d'aliénation de certaines parcelles, conservés encore dans les communes de qui ces terrains relèvent, et enfin la découverte de nombreuses ruines d'habitations. Le déboisement, surtout, fut l'agent destructeur par excellence : c'est lui qui amena la rigueur des hivers, les glissements des contreforts, et par suite la dépopulation des Alpes. Tout le contrefort de Puy-Golèfre, avant d'arriver à La Grave, autour duquel passait la route, s'est écroulé ; la route y passe aujourd'hui en tunnel. Toute la paroi des contreforts au-dessus du lac de Lovitet et du Glot, où est la belle cascade de la Pisse, s’est effondrée et est descendue dans la Romanche. Au-dessus du Glot, le terrain s'appelle encore Sous les Scies, parce que jadis, on y exploitait les forêts. A présent il n'y a pas même le vestige d'un arbre, et il ne reste plus rien du sol où passait la voie de l'Oisans2. On trouve au sommet du Glandasse (vallée de la Drôme), une carrière de pierre jadis exploitée parles Romains ; on y voit des blocs dégrossis et même entièrement taillés, qui ont plus de 42 mètres de longueur. Il fallait donc qu'il existât, de ce point à Die, une route carrossable. Où passait-elle ? Où en retrouver les traces ? Il est certain qu’à l'époque romaine, toutes ces montagnes des Alpes n'avaient pas l'aspect qu’elles ont de nos jours ; que leurs pentes devaient être couvertes de magnifiques forêts ; que c'est, comme aujourd'hui, la civilisation qui, en les exploitant, a démantelé les contreforts des Alpes, permis aux eaux d'entraîner au fond des vallées les terres végétales, et de produire ces ravins et ces escarpements, qui n'existaient certainement pas. Le déboisement a été un malheur irréparable, qui a fait des Alpes une immense ruine, n'offrant plus aucun rapport avec la description que nous en a laissée Strabon3. La tradition affirme que les sommets du Dévoluy, si nus, si stériles, dont toutes les terres végétales ont été entraînées par les eaux, furent jadis couverts de magnifiques forêts4. 1 36.000 pour un territoire ne comprenant que le val d’Aoste, et après des guerres impitoyables (STRABON, IV). 2 Marche d'Annibal, p. 12. Il faut lire la description de la voie romaine de l'Oisans dans cet ouvrage, pour bien sentir l'exactitude et l'importance des observations que fait ici le colonel Perrin. 3 Marche d'Annibal, p. 95. 4 Marche d'Annibal, p. 112.

Le mal comm<strong>en</strong>çait donc à se produire, mais on n'<strong>en</strong> s<strong>en</strong>tait pas <strong>en</strong>core les<br />

conséqu<strong>en</strong>ces désastreuses :<br />

A l'époque où Annibal franchit les Alpes, dit le colonel Perrin, ces contrées étai<strong>en</strong>t<br />

excessivem<strong>en</strong>t peuplées ; on peut s'<strong>en</strong> convaincre par le chiffre <strong><strong>de</strong>s</strong> prisonniers<br />

sa<strong>la</strong>sses que Varron fit v<strong>en</strong>dre après sa victoire1. Une gran<strong>de</strong> partie <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>en</strong>tes<br />

que nous voyons aujourd'hui dénudées, étai<strong>en</strong>t couvertes <strong>de</strong> forêts ; le climat<br />

<strong>de</strong>vait être plus doux, <strong>et</strong> les p<strong>la</strong>teaux ravinés, déchirés, privés maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong><br />

toute végétation, <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t à celte époque être cultivés. Le mont C<strong>en</strong>is, qui ne<br />

conti<strong>en</strong>t aujourd'hui que <strong><strong>de</strong>s</strong> pâturages, a été couvert <strong>de</strong> mélèzes ; on <strong>en</strong> trouve<br />

<strong>en</strong>core quelques-uns dans le ruisseau qui vi<strong>en</strong>t da p<strong>et</strong>it mont C<strong>en</strong>is, <strong>en</strong> face <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

chal<strong>et</strong>s <strong>de</strong> Saint-Barthélemy. Des troncs d'arbres sont couchés au fond du. <strong>la</strong>c<br />

Les p<strong>la</strong>teaux <strong>de</strong> Paris, <strong>de</strong> Rif-tort, <strong>de</strong> Bran<strong><strong>de</strong>s</strong>, sur <strong>la</strong> rive droite <strong>de</strong> <strong>la</strong> Romanche,<br />

<strong>en</strong>tre le col du Lautar<strong>et</strong>, les Gran<strong><strong>de</strong>s</strong>-Rousses <strong>et</strong> l'Oisans, étai<strong>en</strong>t boisés, cultivés<br />

<strong>et</strong> habités <strong>en</strong>core plusieurs siècles après <strong>la</strong> conquête romaine, ainsi que<br />

l'attest<strong>en</strong>t, d'accord avec <strong>la</strong> tradition, les traces <strong><strong>de</strong>s</strong> terrains cultivés, les actes<br />

publics d'aliénation <strong>de</strong> certaines parcelles, conservés <strong>en</strong>core dans les communes<br />

<strong>de</strong> qui ces terrains relèv<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> <strong>en</strong>fin <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong> nombreuses ruines<br />

d'habitations. Le déboisem<strong>en</strong>t, surtout, fut l'ag<strong>en</strong>t <strong><strong>de</strong>s</strong>tructeur par excell<strong>en</strong>ce :<br />

c'est lui qui am<strong>en</strong>a <strong>la</strong> rigueur <strong><strong>de</strong>s</strong> hivers, les glissem<strong>en</strong>ts <strong><strong>de</strong>s</strong> contreforts, <strong>et</strong> par<br />

suite <strong>la</strong> dépopu<strong>la</strong>tion <strong><strong>de</strong>s</strong> Alpes. Tout le contrefort <strong>de</strong> Puy-Golèfre, avant d'arriver<br />

à La Grave, autour duquel passait <strong>la</strong> route, s'est écroulé ; <strong>la</strong> route y passe<br />

aujourd'hui <strong>en</strong> tunnel. Toute <strong>la</strong> paroi <strong><strong>de</strong>s</strong> contreforts au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus du <strong>la</strong>c <strong>de</strong> Lovit<strong>et</strong><br />

<strong>et</strong> du Glot, où est <strong>la</strong> belle casca<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pisse, s’est effondrée <strong>et</strong> est <strong><strong>de</strong>s</strong>c<strong>en</strong>due<br />

dans <strong>la</strong> Romanche. Au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus du Glot, le terrain s'appelle <strong>en</strong>core Sous les Scies,<br />

parce que jadis, on y exploitait les forêts. A prés<strong>en</strong>t il n'y a pas même le vestige<br />

d'un arbre, <strong>et</strong> il ne reste plus ri<strong>en</strong> du sol où passait <strong>la</strong> voie <strong>de</strong> l'Oisans2.<br />

On trouve au somm<strong>et</strong> du G<strong>la</strong>ndasse (vallée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Drôme), une carrière <strong>de</strong> pierre<br />

jadis exploitée parles Romains ; on y voit <strong><strong>de</strong>s</strong> blocs dégrossis <strong>et</strong> même<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t taillés, qui ont plus <strong>de</strong> 42 mètres <strong>de</strong> longueur. Il fal<strong>la</strong>it donc qu'il<br />

existât, <strong>de</strong> ce point à Die, une route carrossable. Où passait-elle ? Où <strong>en</strong><br />

r<strong>et</strong>rouver les traces ?<br />

Il est certain qu’à l'époque romaine, toutes ces montagnes <strong><strong>de</strong>s</strong> Alpes n'avai<strong>en</strong>t<br />

pas l'aspect qu’elles ont <strong>de</strong> nos jours ; que leurs p<strong>en</strong>tes <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t être couvertes<br />

<strong>de</strong> magnifiques forêts ; que c'est, comme aujourd'hui, <strong>la</strong> civilisation qui, <strong>en</strong> les<br />

exploitant, a démantelé les contreforts <strong><strong>de</strong>s</strong> Alpes, permis aux eaux d'<strong>en</strong>traîner au<br />

fond <strong><strong>de</strong>s</strong> vallées les terres végétales, <strong>et</strong> <strong>de</strong> produire ces ravins <strong>et</strong> ces<br />

escarpem<strong>en</strong>ts, qui n'existai<strong>en</strong>t certainem<strong>en</strong>t pas. Le déboisem<strong>en</strong>t a été un<br />

malheur irréparable, qui a fait <strong><strong>de</strong>s</strong> Alpes une imm<strong>en</strong>se ruine, n'offrant plus aucun<br />

rapport avec <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription que nous <strong>en</strong> a <strong>la</strong>issée Strabon3.<br />

La tradition affirme que les somm<strong>et</strong>s du Dévoluy, si nus, si stériles, dont toutes<br />

les terres végétales ont été <strong>en</strong>traînées par les eaux, fur<strong>en</strong>t jadis couverts <strong>de</strong><br />

magnifiques forêts4.<br />

1 36.000 pour un territoire ne compr<strong>en</strong>ant que le val d’Aoste, <strong>et</strong> après <strong><strong>de</strong>s</strong> guerres<br />

impitoyables (STRABON, IV).<br />

2 Marche d'Annibal, p. 12. Il faut lire <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription <strong>de</strong> <strong>la</strong> voie romaine <strong>de</strong> l'Oisans dans<br />

c<strong>et</strong> ouvrage, pour bi<strong>en</strong> s<strong>en</strong>tir l'exactitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> l'importance <strong><strong>de</strong>s</strong> observations que fait ici le<br />

colonel Perrin.<br />

3 Marche d'Annibal, p. 95.<br />

4 Marche d'Annibal, p. 112.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!