N° 264 - Octobre 2010 (.pdf - 5338 Ko) - Portail de la Recherche et ...

R e c h e r c h e e t d é v e l o p p e m e n t t e c h n o l o g i q u e
Le mag’ scientifique
www.athena.wallonie.be · Mensuel ne paraissant pas en juillet et août · Bureau de dépôt Bruxelles X
264
Octobre 2010
Le F-16,
un bijou dans le ciel
Gaz à effet
de terre ...

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ATHENA 264 · Octobre 2010 > ÉDITO
Édito
Des étoiles dans les yeux…
Texte : Géraldine TRAN • Rédac’chef • Photos : Eso
D
ans ce numéro, vous le verrez, il sera beaucoup question du ciel, des
étoiles et de l’Univers. Hasard ou coïncidence, l’actualité de ce mois
est sur la même longueur d’onde. Si vous avez regardé les journaux
télévisés, lu la presse quotidienne ou écouté la radio, vous ne pouvez
pas avoir manqué cette information: la découverte d’une nouvelle
exoplanète potentiellement «habitable». Oui, oui, habitable !
Baptisée Gliese 581g, d’une taille voisine de celle de la Terre, elle se situe à une
distance telle de son étoile que la température (entre –12° et –31°C) permet de maintenir
l’eau à l’état liquide à sa surface ou près de celle-ci, ce qui vous le savez, est l’une
des conditions sine qua non de vie… Elle paraît rocheuse, comme la Terre, avec une
gravité à sa surface quasiment similaire mais attention, cela ne veut pas dire «plan
sur la comète».
Si la presse se montre d’un enthousiasme aveuglant (j’ai même lu cette phrase
«Les températures sur la Terre peuvent aussi être extrêmes et n’empêchent pas la vie d’y
exister», certes mais…), laissant le ciel ouvert à tous les possibles, les astronomes eux,
et c’est finalement là tout le paradoxe, se veulent bien plus terre-à-terre. Ainsi, Yaël
Nazé nous révèle que la pénombre y règne en maître et que le jour et la nuit y sont
éternels.
Que cela ne vous empêche pas de rêver à d’autres horizons, à méditer sur l’immensité
de l’Univers, à vous interroger sur l’inconnu, à contempler cette dimension
au-dessus de nos têtes qui nous échappe. Athena est là pour vous informer mais
aussi pour vous laisser songeurs… Bonne lecture !
ATHENA 264 · Octobre 2010
Tirée à 14 000 exemplaires, Athena est une revue
de vulgarisation scientifique du Service Public de Wallonie
éditée par le Département du Développement technologique
de la Direction générale opérationnelle Économie, Emploi
et Recherche (DGO6).
Place de la Wallonie 1, Bât. III - 5100 JAMBES
Elle est consultable en ligne sur http://athena.wallonie.be
Abonnement (gratuit)
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exemplaires, contactez-nous !
· par courrier
Place de la Wallonie 1, Bât.III - 5100 JAMBES
· par téléphone
au 081/33.44.76
· par courriel à l’adresse
geraldine.tran@spw.wallonie.be

24
40
Éditeur responsable
Michel CHARLIER,
Inspecteur général
Ligne directe: 081/33.45.01
michel.charlier@spw.wallonie.be
Rédactrice en chef
Géraldine TRAN
Ligne directe: 081/33.44.76
geraldine.tran@spw.wallonie.be
Graphiste
Nathalie BODART
Ligne directe: 081/33.44.91
nathalie.bodart@spw.wallonie.be
28
14
Impression
Les Éditions européennes
Rue Thiefry, 82 à 1030 Bruxelles
ISSN 0772 - 4683
Collaborateurs
Jean-Michel Debry
Paul Devuyst
Philippe du Busquiel
Henri Dupuis
Philippe Lambert
Jean-Luc Léonard
Yaël Nazé
Théo Pirard
Jean-Claude Quintart
Christian Vanden Berghen
Patrick Veillard
Dessinateurs
Olivier Saive
Vince
SOMMAIRE
Comité de rédaction
Laurent Antoine
Michel Charlier
Jean-Marie Cordewener
Actualités 04
Actualités
À boulets rouges ...
sur le principe de précaution 10
L’ADN de ...
Jessica DEKEIRSSCHIETER 12
Dossier
Le F-16, un bijou dans le ciel 14
Internet
Le Web pour les Nuls et les Professionnels
Comment les Trouveurs trouvent 18
Formation
Papa, c’est quoi cette bouteille de lait ? 22
Neurosciences
La mémoire à court terme existe-t-elle ? 24
Environnement
Gaz à effet de terre 28
Biologie 32
Médecine
Les cellules souches font de la résistance 36
Physique
Une radioactivité sous influence ? 40
Astronomie
Petit mais costaud:
une nouvelle façon de voir les planètes 42
Astronomie 44
Espace 46
Agenda 50
Couverture
Première
Cockpit d'un avion militaire F16
Crédit: Fernand Domange / Belpress.com
Quatrième
Tube à essai.
Crédit: Photl.com
SOMMAIRE
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ATHENA 264 · Octobre 2010 > ACTUALITÉS
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Fille chérie
de l’Europe
Ainsi apparut la chimie lors d’une
conférence réunissant à Anvers
150 représentants des forces
vives du vieux continent. Il est vrai que la
«belle» a de quoi susciter l’intérêt. Ainsi,
la chimie européenne pèse 566 milliards
d’euros, soit 30% du chiffre d’affaires de
la chimie mondiale ! Elle occupe aussi
plus d’un million deux cent mille personnes
! De quoi affronter avec sérénité
les grands défis sociétaux du jour: croissance
exponentielle de la population
mondiale, obligation de compter sur
50% d’énergie primaire supplémentaire
Actus...
d’ici et d’ailleurs
Texte : Jean-Claude QUINTART • jc.quintart@skynet.be
Photos : BASF (p.4), AGC Glass Europe (p.5), S. O. Rasmussen (p.6), A. Cleaver/Flickr (p.7), Bourgeoisbee/Flickr (p.9)
en 2030, urbanisation accrue et mobilité
durable. Mais si ces challenges débouchent
sur de nouveaux besoins, ils alimentent
aussi une concurrence toujours
plus agressive et imaginative, notamment
du côté des chimistes asiatiques.
Voilà pourquoi l’Europe croit en l’avenir
des grappes chimiques performantes
et entend créer les conditions optimales
pour une croissance durable de son
industrie chimique.
«Si l’Europe veut devenir l’économie de
la connaissance la plus compétitive, elle
doit s’ouvrir aux nouvelles technologies et
surtout aux biotechnologies et nanotechnologies»
notent nos chimistes. Qui estiment
que «la réglementation doit stimuler
et non freiner l’innovation, plaident pour
une politique industrielle intégrée et horizontale
et souhaitent que les processus
décisionnels de l’Union tiennent compte
des analyses d’impact aussi bien ex ante
qu’ex post». Si on ajoute la volonté politique
d’arriver au plus vite à un brevet
européen qui ne soit plus six fois plus
onéreux que l’américain, on peut montrer
des plus optimistes quant à l’essor
de notre chimie.
Infos: http://www.cefic.be
La chimie, élément lourd de l’alchimie
économique européenne !

Couleur
verre
Les unes se suivent et se ressemblent
! Ainsi, AGC Glass Europe
vient de signer, avec Traxon Technologies,
un accord portant sur le développement
de solutions innovantes en
verre-LED. Deux leaders à l’assaut d’un
besoin exprimé, celui de solutions uniques
! AGC Glass Europe, leader verrier et
Traxon Technologies, leader en systèmes
d’éclairage LED (de l'anglais: Light-Emitting
Diode) combinent maintenant leurs
connaissances et leur expérience en vue
d’offrir des systèmes d’éclairage durable
pour illuminer les façades, atriums,
vérandas, centres commerciaux, buildings,
ainsi que magasins, restaurants,
salles de bains, bateaux et trains !
Faible consommation d’énergie, durée
de vie et économie d’espace caractérisent
les technologies LED, à quoi s’ajoutent
des options monochromes ou
avancées de mélange des couleurs. En
proposant les atouts du verre à tous les
environnements, le Glassiled d’AGC Glass
Europe permet d’innover en créant de
nouvelles applications pour des gammes
d’effets illimitées grâce aux LEDs incrustées
dans une structure en verre transparent
ou dans un miroir. Grâce à cette
nouvelle technologie, tous les dessins et
logos peuvent être reproduits en Glassiled,
ouvrant ainsi la porte à l’imagination
des créatifs. Via la mémorisation de ses
R & D
Le bonheur
des célibataires,
depuis deux
siècles !
En effet, c’est le 25 août 1810 que
Peter Durand, honorable commerçant
britannique, obtenait du
Roi Georges III, le brevet pour un récipient
en fer-blanc capable de conserver
des aliments selon les travaux de Nicolas
Appert, confiseur français, bienfaiteur
de l’humanité pour les Anglais ! À l’époque,
la boîte de conserve n'est ni plus ni
moins qu'un miracle ! Napoléon offrait,
paramètres d’éclairage et des options de
réglage à distance, le client jouit pleinement
de la dynamique des couleurs.
Fruit des travaux du centre de Recherche
et Développement d’AGC Glass Europe
de Charleroi, le Glassiled est un verre
feuilleté de sécurité à l’intérieur duquel
sont intégrées des LEDs monochromes
ou RGB. Ces LEDs sont alimentées à
travers une couche conductrice hauteperformance
invisible et le produit est
livré avec les dispositifs d’alimentation
et de contrôle adéquats.
Infos: http://www.agc-glass.eu et
http://www.traxontechnologies.com
en 1795, 12 000 Francs à celui qui mitonnerait
une méthode de préservation des
aliments pour les armées en campagne.
Les «Britishs» séchaient sur des recettes
en vue de nourrir, au long cours, les
marins de leur gracieux souverain. Il
faut dire qu’à l’époque, le scorbut faisait
bien des ravages suite au stockage et à
l’approvisionnement des navires en fruits
et légumes frais riches en vitamine C.
À bord, on mourait davantage des
maladies que des
combats !
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
Le chiffre
... millions d’euros !
Tel est le montant que paiera le
français CYCLHAD au wallon IBA
pour son prototype de système de
thérapie par ions carbones: solution
dont la capacité à traiter des
tumeurs résistantes aux radiations
s’avère cruciale lors du traitement
de certains cancers dans la tête et
le cou !
http://www.iba-worldwide.com
Une petite boîte mais une bouchée
de géant pour la civilisation !
5

6
ATHENA 264 · Octobre 2010 > ACTUALITÉS
D’où
l ’i n t é -
rêt des travaux
de Nicolas
Appert, né le 17
novembre 1749 à
Châlons-en-Champagne
et décédé le
1 er juin 1841 à Massy (Île
de France), qui démontraient
que l’action de la chaleur permettait
Eéminien
au rapport !
Le climat change, cela inquiète. Dès lors, les études se
multiplient tous azimuts en vue de comprendre le
mécanisme de réchauffement et voir comment notre
vieille planète se comportait hier. Chez nous, des chercheurs
de l’Université libre de Bruxelles (ULB) se sont lancés dans
NEEM (North Greeland Eeminian Ice Drilling), un programme
de forage profond au Groenland dont l’objectif est d’accroître
les connaissances sur le système climatique à venir et les
hausses du niveau marin. Sur le terrain, les opérations ont
été bon train et à la fin juillet, à une profondeur de 2 537,36
mètres, les équipes atteignaient enfin le substrat rocheux.
Selon les experts, l’Eéminien constitue le meilleur comparatif
possible, car il est la dernière période interglaciaire,
la conservation des aliments. Élaborée
en 1795, soit 60 ans avant la pasteurisation,
l’appertisation donne naissance,
en 1802, dans la banlieue parisienne, à
la première fabrique de conserves au
monde ! La méthode est rudimentaire:
mettre les aliments à préserver dans des
bocaux ou bouteilles; boucher les récipients;
les soumettre à un bain d’eau
bouillante; les retirer du bain après une
période déterminée.
Demander un brevet ou offrir sa découverte
au public ? Appert opte pour
la seconde solution, reçoit un Prix du
Gouvernement et publie, en juin 1810,
L’Art de conserver pendant plusieurs
années toutes les substances animales et
végétales. En Angleterre, Peter Durand
copie sa méthode en utilisant des boîtes
en fer blanc, un acier laminé et
étamé, demande et obtient un brevet,
donnant officiellement naissance, le 25
août 1810, à la boîte de conserve ! Boîte
qui trouva ses lettres de noblesse aux
États-Unis en faisant, grâce au cornedbeef,
le régal des mineurs et trappeurs,
qui, pour l’ouvrir, devaient la percer au
burin ou au fer à souder ! Bizarrement,
il faudra attendre 1894 pour disposer
de la clé universelle permettant de
rouler le couvercle et 1967 l’anneau
fixé sur les canettes ! Sardines, maquereaux,
cassoulet, chili con carne, soupes,
spaghettis, etc. la boîte s’ouvre sur toujours
plus de spécialités pour la facilité
des voyageurs et le bonheur des célibataires
! Certains affirment qu’elle est à la
base de la «mal bouffe», peut-être mais
quand le frigo est vide, elle tombe toujours
bien à pic !
+
Plus d’infos:
http://www.appert-aina.com
http://www.laconserve.com
au moment où le climat était plus chaud qu’aujourd’hui
et le niveau de la mer cinq mètres plus élevé. Après cinq
années de travail, les chercheurs ont récupéré de la glace
de la période de réchauffement interglaciaire eéminienne
âgée de 130 000 à 115 000 ans ! Ainsi, les roches et matériaux
divers situés dans les deux derniers mètres de glace
au- dessus du substrat n’ont plus vu la lumière solaire depuis
des centaines de milliers d’années. Les chercheurs espèrent
que cette glace soit riche en ADN et pollen qui parleront
des végétaux présents au Groenland avant que ce site ne
soit couvert de glace, probablement depuis trois millions
d’années.
Au total, le camp du NEEM a déjà vu défiler plus de 300
chercheurs et jeunes scientifiques de quatorze pays. Sur
le plan pratique, les changements climatiques rapides
sont étudiés en détail via une succession de mesures différentes,
comprenant les isotopes de l’eau stable qui informent
des changements de température et des sources
Extirpées à plus de 2 500 mètres sous la calotte glaciaire du Groenland, L’ULB se
chargera de «faire parler» les carottes de glace en vue de comprendre le climat
d’hier pour mieux prédire ce qui arrivera demain.
›››

›››
d’humidité. Sont également pris en compte, les gaz à effet
de serre emprisonnés dans la glace et le contenu biologique
qui peaufine notre compréhension de la variabilité naturelle,
les rétroactions du carbone, le cycle des biogènes et
des mesures chimiques exhaustives résolvant les variations
annuelles du climat.
Réalisées à des mètres sous la surface de la neige, les
mesures vont largement au-delà de ce qui a déjà été fait
lors d’autres camps de forage de carottes de glace. Figure
parmi les équipements «state of the art» utilisés, des lasers
de pointe pour les isotopes de l’eau et des gaz à effet de
serre, pour les mesures d’impuretés en lignes et les études
avancées de cristaux de glace.
«Notre objectif principal avec le projet NEEM est d’apprendre
toujours plus sur la période climatique chaude eémienne, car
de nombreux aspects peuvent être considérés comme analogues
au réchauffement que nous subirons dans l’avenir. Quel
SANTÉ
La machine
à kilos
Femme ou homme, notre poids
est un souci quotidien. Dès lors,
l’aiguille de notre balance oscille
sans cesse. Sommes-nous responsables
des kilos superflus ? Oui par notre gourmandise,
mais en fin de compte, ce n’est
pas si simple ! Surtout depuis la découverte
par des chercheurs du Louvain
Drug Research Institute de l’Université
catholique de Louvain (UCL) d’un nouveau
mécanisme insoupçonné et impliqué
dans le développement de la masse
grasse lors de l’obésité. En effet, les professeurs
Patrice Cani et Giulio Muccioli
ont noté que les micro-organismes de
la flore intestinale jouent un rôle essentiel
dans le développement des cellules
graisseuses (adipocytes), en les poussant
à croître et grossir !
Comme toujours, cette découverte est
le fruit d’une recherche continuée. Dès
2007 et 2009, l’équipe avait démontré
la contribution des bactéries intestinales
dans la modification de l’inflammation,
de l’appétit et du métabolisme,
impactant le poids corporel. Ce premier
pas n’avait hélas pas permis d’identifier
précisément tous les acteurs moléculai-
* Perdez du poids dès maintenant !
res impliqués. D’où l’importance de la
découverte actuelle qui démontre que
les bactéries intestinales contrôlent la
production de substances appelées
endocannabinoïdes au niveau de l’intestin
et des adipocytes aussi bien en situation
«normale» qu’au cours de l’obésité.
Ces interactions entre flore intestinale
d’une part, et système endocannabinoïde
d’autre, part, influencent considérablement
le micro-environnement
de l’intestin et sa capacité d’agir comme
barrière au passage d’endotoxines proinflammatoires
produites par certaines
bactéries du microbiote intestinal.
« Nous montrons
concrètement que
l’expansion du
tissu adipeux,
l’inflammation
et le diabète de
type 2 observés
chez les
souris obèses
sont directement
liés aux
v a r i a t i o n s
de la composition
de
la microflore
et surtout, à
la production
d’endocannabi-
était l’état de réduction de la calotte glaciaire du Groenland il y
a 120 000 ans, lorsque la température globale était 2-3 C° plus
élevée qu’aujourd’hui ? De combien et à quelle vitesse a-t-elle
contribué au niveau de la mer à cette époque ?», expliquent
les chercheurs dont les résultats augmenteront nos savoirs
sur le système climatique à venir et accroîtront notre capacité
dans la prédiction de la contribution du Groenland dans
l’élévation du niveau marin.
Bref, un travail essentiel, voire vital, auquel participe activement
le Laboratoire de Glaciologie de l’ULB par l’analyse
future de la glace basale que l’on vient d’atteindre et par
une modélisation des conditions basales autour du site de
forage et de la datation de la carotte de glace par modèle
numérique.
Infos: http://www.ulb.ac.be
et http://www.neem.ku.dk
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
noïdes dans l’intestin et le tissu adipeux»,
explique Patrice Cani. Qui précise: «Nous
devons maintenant élucider comment les
micro-organismes intestinaux produisent
ces changements métaboliques. Nous
pensons que certains nutriments issus des
bactéries agissent directement sur ces processus.
Notre étude montre que l’utilisation
de prébiotiques modifie la microflore
intestinale des souris obèses ainsi que leur
système endo cannbinoïde, restaurant
ainsi la barrière intestinale, diminuant
l’inflammation et le développement de la
matière grasse».
7

8
ATHENA 264 · Octobre 2010 > ACTUALITÉS
Concrètement, les résultats engrangés
par les chercheurs suggèrent, d’un côté,
que le système endocannabinoïde joue
un rôle physiologique dans la régulation
de la perméabilité de l’intestin, de l’adipogenèse
et du stockage de la graisse
dans les adipocytes; et de l’autre, que la
composition de la flore intestinale serait
à la base de cet axe de communication
établi entre l’intestin et le tissu adipeux.
Intitulée The endocannabionoid system
links gut microbiota to adipogenesis,
l'étude a été publiée dans le magazine
international Molecular Systems Biology,
éditée conjointement par Nature et
EMBO et disponible en lecture:
http://www.nature.com/msb/index.html
Infos: patrice.carni@uclouvain.be
Lumière
mortelle
Le Soleil brille et sans lui, aucune
vie n’existerait. Mais rayon de vie,
il est aussi rayon de mort ! Malheur
à celles et ceux qui s’exposent à lui sans
protection. Le mélanome les guette !
Véritable problème de santé publique, il
est la forme la plus agressive de cancer
de la peau. En augmentation constante,
il sera la quatrième cause de cancer en
2050.
Dépisté précocement, il peut être guéri
par la chirurgie, mais à un stade avancé,
les risques de récidives sont importants
et les médecins manquent de moyens
pour traiter la maladie métastatique.
Désarmé mais pas résigné, le corps médical
ne baisse pas les bras. Nombreux sont
les projets de recherche pour une potion
pouvant guérir le tueur. «Nous sommes
Le coup d’crayon
À 10 mois, Xiao Lei, un bébé chinois surnommé le «bébé Michelin»,
pèse le poids d'un enfant de six ans, soit 20 kilos !
Il avait pourtant un poids normal à la naissance.
Un mystère scientifique de plus à élucider...
convaincus que la modulation du système
immunitaire est une piste sérieuse dans
le traitement du cancer et en particulier
du mélanome», explique Jean-François
Baurain, docteur et chercheur au Centre
du cancer, Clinique du mélanome des
Cliniques universitaires Saint-Luc.
Ici, les équipes de l’Institut Ludwig
de l’Université catholique de Louvain
(UCL) ont mis au jour un nouveau mécanisme
responsable d’une résistance des
tumeurs du système immunitaire. En
vue de vérifier celui-ci, une étude clinique,
impliquant des patients a débuté
en septembre. D’autre part, les résultats
d’une autre étude clinique multicentrique,
présentée au Congrès américain
d’oncologie (ASCO) a montré que les
patients recevant une molécule levant
l’inhibition des lymphocytes permet
d’accroître leur survie.
«Pour le mélanome, les chercheurs ont
concocté des vaccins expérimentaux après
avoir noté que les cellules tumorales exprimant
des antigènes pouvaient être reconnues
par des lymphocytes du patient. Un
antigène est la combinaison d’un peptide
antigénique spécifique d’une tumeur et
d’une molécule HLA spécifique du patient.
Dans le cadre d’un protocole d’étude clinique,
nous avons vacciné des malades
atteints d’un mélanome avec ces antigènes»,
précise Jean-François Baurain.
Si les résultats sont encourageants, trop
de patients ne répondent malheureusement
pas encore à ce traitement. «Pour
comprendre ce phénomène, nous avons
pratiqué des biopsies tumorales chez les
patients recevant des vaccinations et les
avons envoyés au laboratoire pour une
analyse minutieuse de la relation entre le
système immunitaire des patients et de
leurs tumeurs», conclut Jean-François
Baurain.
Si aucun vaccin n’est encore en vue, les
recherches se poursuivent, apportant
chaque année de nouvelles connaissances.
En attendant, prévention et dépistage
sont toujours les meilleures armes
pour se protéger du mélanome !
Infos: http://www.saintluc.be ;
http://www.asco.org ;
http://www.uclouvain.be et
http://www.licr.org
Illustration : VINCE

EMPLOI & FORMATION
Matheuse
internationale
Une fois de plus, nos couleurs
sont à l’honneur et qui plus
est, dans l’une des plus belles
disciplines des «big sciences»: les
mathématiques ! En effet, à l’occasion
de son Assemblée générale du 17
août dernier, l’International Mathematical
Union (IMU) a élu à la présidence
de son Conseil notre compatriote
Ingrid Daubechies.
Physicienne et mathématicienne, née
le 7 août 1954, passionnée de physique
quantique, Ingrid Daubechies
débute sa carrière aux États-Unis
dans les Bell Labs puis à Princeton,
où elle obtient un poste de professeur
en 1994. Naturalisée américaine
en 1996, ses travaux sont la clé de
voûte d’un important programme de
mathématiques appliquées et computationnelles.
Plus concrètement,
ses recherches sur l’analyse «tempsfréquence»
et «temps-échelle» ont
bouleversé le traitement du signal et
de l’image ! Ainsi, les «ondelettes de
Daubechies» sont exploitées dans le
standard de compression d’images
JPEG 2000. Ingrid Daubechies a
également étendu l’application des
ondelettes à de nombreuses branches
scientifiques, en mathématiques,
en ingénierie et à l’art.
Avec les maths qui lui collent à la
peau, la nouvelle présidente entend
être particulièrement active sur le
terrain de la promotion de cette
«belle spécialité», s’intéressant plus
particulièrement à la manière dont
les pays émergents développent les
mathématiques. «Il est plus facile pour
eux de se lancer dans les maths que
dans la physique ou la chimie, deux
spécialités qui nécessitent de nombreux
investissements en laboratoires
et équipements. Avec les mathématiques,
une fois la bonne équipe formée,
vous travaillez sans limite», note Ingrid
Daubechies.
Infos : http://www.mathunion.org et
http://www.princeton.edu
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
ET ENCORE...
2011,
année
internationale
de la chimie
Notre vie, notre futur ! Slogan
d’une année qui cristallise
parfaitement la niche. Une
année, deux objectifs: montrer au
public comment la chimie rencontre
nos besoins et intéresser les jeunes
à ses nombreux métiers. 2011 coïncidant
avec le 100 e anniversaire de
la remise du Prix Nobel de Chimie à
Marie Curie, l’Année internationale de
la Chimie saisira l’occasion pour célébrer
et encourager la participation
des femmes à la vie scientifique. Bref,
une belle année de science se profile
devant nous, avec des manifestations
dans tous les pays et pour tous les
âges !
Les festivités débuteront le 27 janvier
2011 au siège parisien de l’Unesco et
se clôturera le 1 er décembre à l’Hôtel
Métropole de Bruxelles, là où Ernest
Solvay organisa ses Conseils dont
la cuvée 1911 rassembla onze Prix
Nobel, dont Albert Einstein et Marie
Curie, rien que ça !
Infos: http://www.chemistry2011.org
9

10
ATHENA 264 · Octobre 2010 > ACTUALITÉS
Le principe de précaution a été
la cible d’un tir de barrage nourri,
le mois dernier, au Palais des
Académies à Bruxelles. Il a été
qualifié de «péché d’orgueil»,
de principe «infiniment déraisonnable»,
voire de «crime contre
l’humanité»... Ce sont des orateurs
français qui ont tiré les salves
les plus meurtrières contre cette
notion aux apparences rassuran-
tes, inscrite depuis cinq ans (voir
encadré) dans la Constitution
de la République
1
2
À boulets
rouges sur...
...le principe de
précaution
Texte : Jean-Luc LÉONARD • jl.leonard@skynet.be • Photo : MEDEF
I
l est vrai que le président du
colloque international francophone,
réuni du 15 au 18 septembre
par l’Académie royale sur
le thème de «L’esprit d’aventure et
le principe de précaution en sciences et en
arts», a d’emblée ouvert le feu en disant
que ce principe pose de nombreuses
questions. Le président, Jean Bricmont,
l’un des physiciens les plus en vue de
l’Université catholique de Louvain (UCL),
s’est fait l’avocat du diable en s’inquiétant
du mouvement d’opinion anti-sciences
qui agite l’Europe et menace de la précipiter
dans la désindustrialisation et la
décadence.
Le colloque devait aborder des thèmes
aussi controversés que le climat, la
liberté d’expression et de recherche, la
bio-ingénierie, les crises sanitaires, les
risques industriels, la sécurité alimen-
taire ou encore le droit et la politique.
Jean Bricmont a souligné son choix délibéré
de faire se succéder les avis divergents,
quand ils le sont. Il entendait ainsi
«laisser la vérité et l’erreur se confronter
à armes égales», comme le recommandait
le grand philosophe britannique du
19 e siècle John Stuart Mill.
La première confrontation, que la nombreuse
assistance pouvait prévoir (ou
espérer ?) très virile, opposait deux scientifiques
polis et nuancés: le climatologue
Hervé Le Treut (photo 1), collaborateur
du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental
sur l'évolution du climat) et le
géophysicien climato-sceptique Vincent
Courtillot (photo 2).
Le premier a fait part de sa grande
confiance dans les modèles informatiques
du GIEC qui, sur base d’équations

fondamentales dit-il, s’efforcent d’intégrer
des processus complexes, tels que
les sols, les nuages, les turbulences, les
océans, les aérosols... Pour lui, la validation
des modèles a montré leur capacité
à reproduire, indépendamment du processus
de leur formulation, les variations
observées dans le climat, où variabilité
naturelle et action de l’homme se superposent.
Hervé Le Treut reconnaît que les
modèles laissent subsister des incertitudes
très fortes, surtout si l’on veut fournir
des prévisions climatiques régionales. Et
il conclut, avec une modestie rare chez
les climatologues: «Il faut être clair: on ne
peut pas prendre de décisions uniquement
sur base d’un diagnostic scientifique. C’est
un choix citoyen».
Pour Vincent Courtillot, qui ne conteste
pas fondamentalement la physique
de l’effet de serre, mais estime son
influence surestimée, il y a effectivement
un réchauffement climatique,
«mais il dure depuis 150 ans et n’est pas
sans précédent». Le contestataire le plus
poli du GIEC reproche à la climatologie
orthodoxe le surpoids qu’elle accorde
aux modèles numériques. Ceux-ci sousestiment,
selon lui, les incertitudes et
occultent les mécanismes naturels,
notamment ceux liés à l’activité du
Soleil qui - via les variations des UV et la
modulation des rayons cosmiques, entre
autres - est l’agent majeur des variations
climatiques. Dans l’optique de Vincent
Courtillot, «le principe de précaution n’est
pas un principe au sens fort du terme. S’il
conduit au risque zéro, selon la formule
Log (0) = moins l’infini, alors il est infiniment
déraisonnable».
D’autres invités français font moins
dans la nuance et l’humour. Ainsi, Philippe
Kourilsky, du Collège de France, se
demande si «le luxe de la précaution» doit
être considéré comme «bienfait mondial
ou crime contre l’humanité ?». Il ne faut
pas attendre longtemps pour comprendre
que c’est la deuxième branche de
cette alternative qui prévaut dans son
discours. Ce scientifique qui fut un pionnier
de l’ingénierie génétique (avec le
Gantois Marc Van Montagu, également
présent au colloque), a même jugé que,
paradoxalement, «l’application du principe
de précaution peut comporter des risques
considérables», singulièrement dans
les pays pauvres.
Il cite ainsi l’exemple d’un vaccin contre
le rotavirus mis au point dans les années
1990 aux États-Unis où quelques dizaines
d’enfants mouraient chaque année de
diarrhées induites par ce pathogène. Le
vaccin, efficace, a toutefois révélé quelques
rares effets secondaires fâcheux
et la firme pharmaceutique a préféré le
retirer du commerce en 1999 pour éviter
des procès. Du coup, l’OMS (Organisation
mondiale de la santé) l’a aussi rejeté,
estimant que ce qui n’était pas bon pour
les enfants américains ne devait pas
l’être non plus pour les enfants africains.
Or, le rotavirus faisait plus de 600 000
jeunes victimes chaque année dans
le tiers monde. Il a fallu attendre 7 ans
après le retrait du vaccin américain (et
plusieurs millions de morts) pour qu’un
sérum similaire, introduit au Brésil en
2006, permette enfin d’entreprendre la
lutte contre ce fléau infantile, s’indigne
Philippe Kourilsky. Dans cette optique,
le principe de précaution lui apparaît
comme «sous-marin idéologique d’impérialismes,
de dictatures et de totalitarismes
qui ne disent pas leur nom».
Pour son compatriote Jean de Kervasdoué,
agronome de formation et ancien
directeur général des hôpitaux de
France, «le principe de précaution est un
péché d’orgueil». Il est en outre contraire
à la raison pour le simple motif que
l’absence totale de risque n’existe pas.
L’orateur s’appuie sur l’exemple de la
grippe H1N1 qui a coûté à la France, en
vain, plus de 2 milliards d’euros «avec lesquels
ont aurait pu traiter le tiers des malades
du sida en Afrique», a-t-il calculé.
Il brise quelques lances assassines contre
l’erreur historique que fut l’abandon du
DDT (Dichlorodiphényltrichloroéthane,
un pesticide moderne), la phobie de la
vache folle ou encore le rejet des OGM et
des antennes GSM et s’interroge sur les
coûts croissants de la santé. «En médecine,
plus les gens payent de leur poche,
plus le système est onéreux», dit-il, citant
l’exemple des États-Unis, dont les habitants
dépensent deux fois plus que les
Européens alors que l’espérance de vie
des Américains est inférieure de 3 ans à
celle des Européens. Jean de Kervasdoué
conclura sur un ultime trait d’humour
noir en rappelant que la vie est une
maladie sexuellement transmissible qui
est incurable dans 100% des cas. De quoi
relativiser définitivement le principe de
précaution !
Un «principe»
constitutionnel
I
nspiré du «principe de responsabilité»
avancé en 1979 par le philosophe
allemand Hans Jonas,
effrayé par les risques apocalyptiques
qu’il estimait liés aux progrès technologiques,
le principe de précaution a
été adopté en 2000 par la Commission
européenne, qui l’a toutefois soumis à
des conditions assez strictes.
En février 2005, le Parlement français
en a fait une référence majeure
en inscrivant dans la Constitution
de la république une Charte de
l’environnement dont l’article 5
est formulé comme suit: «Lorsque
la réalisation d’un dommage, bien
qu’incertaine en l’état des connaissances
scientifiques, pourrait affecter
de manière grave et irréversible
l’environnement, les autorités publiques
veilleront, par application du principe
de précaution, et dans leurs domaines
d’attribution, à la mise en œuvre de
procédures d’évaluation des risques
et à l’adoption de mesures provisoires
et proportionnées afin de parer à la
réalisation du dommage».
+
Jean-Luc Léonard · ACTUALITÉS
Pour en savoir
plus
sur l’ensemble des interventions
(enregistrements audio)
au colloque de l’Académie:
http://www.academieroyale.be/
mailingDetail/
11

12
ATHENA 264 · Octobre 2010 > PORTRAIT
Nom: Dekeirsschieter
Prénom: Jessica
Âge: 27 ans
État civil: en couple
Enfants: pas encore
Profession: Chercheuse.
Doctorante FRIA (Fonds
pour la formation à la
Recherche dans l'Industrie
et dans l'Agriculture)
à l'unité d'entomologie
fonctionnelle et évolutive
de Gembloux Agro-Bio Tech
(ULg).
Formation: de 2001 à 2007:
Bioingénieur, section
Nature, Eaux et Forêts
(Mémoire de fin d’études:
étude des odeurs émises
par des carcasses de porc
en décomposition et suivi
de la colonisation postmortem
par les insectes
nécrophages).
Adresse(s):
Gembloux Agro-Bio Tech
Université de Liege
Passage des Déportés, 2
à 5030 Gembloux
Tél.: 081/62.22.80
L’ADN de...
Propos recueillis par Géraldine TRAN • geraldine.tran@spw.wallonie.be
Photos: BSIP/REPORTERS (fond), O. BATAILLE (p.13)
Côté pile
Étudier les insectes, c’est une vocation
que vous avez depuis toute petite ?
Comment l’idée d’exercer ce métier
vous est-elle venue ?
J’ai toujours vécu au contact de la nature,
normal avec un papa garde-forestier et
tout ce qui y touche a toujours fait partie
de mon quotidien. L’idée d’étudier les
insectes nécrophages (se nourrissant de
tissus cadavériques) est venue au cours de
mes premières années d’études universitaires
à Gembloux Agro-Bio Tech (ULg). Plus
jeune, j’étais attirée par la médecine légale
mais je ne me voyais pas poursuivre dans
cette voie toute ma vie, j’ai donc choisi les
études de bio-ingénieur pour leur pluridisciplinarité
en sciences du vivant. Quand
j’ai découvert que l’on pouvait étudier les
insectes sur un cadavre, notamment pour
dater la mort, j’ai su ce que je voulais faire
plus tard: entomologiste forensique.
Comment devient-on entomologiste ?
Il n’y a pas d’études à proprement parler
pour ce métier, c’est avant tout une passion
pour le monde des petites bêtes à six pattes.
Dans les cours d'entomologie, j'ai pu découvrir
qu’il y avait tout un écosystème autour
de la mort, cela a suscité mon envie de faire
de la recherche dans ce domaine. Et oui,
cela peut sembler paradoxal mais il y a une
vie autour d’un cadavre !
Quels sont vos rapports avec la
science ? Quels sont vos premiers souvenirs
«scientifiques» ?
Ils datent de mon enfance, avec un merveilleux
cadeau: un «vidéoscope». Tout
ce que je pouvais dénicher passait sous
l’œil de ce «microscope», je me souviens y
avoir observé des mouches retrouvées sur
les appuis de fenêtre ou encore quelques
gouttes de sang.
Quelle est la plus grande difficulté
rencontrée dans votre métier ?
Je pense que comme tout chercheur, le
plus difficile est de surmonter ses doutes et
d’oser aller dans des domaines de recherche
peu étudiés ou délaissés à l’heure
actuelle.
Quelle est votre plus grande réussite
jusqu’à aujourd’hui?
Je suis au début de ma carrière, je trouve
que c’est un peu prématuré de mettre
en avant l’un ou l’autre fait. Mais, j’ai
une petite préférence pour l’exposition
Forensic de 2009, entièrement dédiée aux
insectes sur la scène de crime. Elle a permis
à un large public de découvrir cette facette
de l’entomologie grâce à la collaboration
de toute l’unité d’Entomologie fonctionnelle
et évolutive.
Votre thèse de doctorat, qui vise à
mieux connaître les interactions cadavre-entomofaune,
s’inscrit dans la
sphère de l’entomologie criminelle.
Comment est née cette idée ? L’effet
«Experts» ?
C’est au cours de mes études que j’ai découvert
que les insectes pouvaient être de
précieux «indics» et coïncidence ou hasard,
peu après, une déferlante de séries américaines
a débarqué sur nos petits écrans,
l’effet CSI avec eux. Au moment de choisir
mon mémoire de fin d’études, j’ai été voir
le Pr. Haubruge pour définir un sujet lié à
l’entomologie forensique. Cela m’a vraiment
donné envie de poursuivre ma thèse
dans cette voie.
Quel conseil donneriez-vous à un
quelqu’un qui aurait envie de suivre
vos traces?
De faire des études pour lui et qui lui plaisent
vraiment. Quand on est passionné
par un domaine ou un sujet, il faut oser et
se lancer. Peut-être qu’un jour, on aura la
possibilité en Belgique de suivre un master
en sciences forensiques qui en enseignerait
les bases, y compris l’entomologie médicolégale…
Mais pour l’heure, on n’en est pas
encore là....

Jessica DEKEIRSSCHIETER
Je vous offre une seconde vie, quel
métier choisiriez-vous?
Je pense que je choisirais de travailler pour un
éditeur de guides de voyage. Pourquoi ? Pour
avoir le privilège de découvrir des endroits
magiques à travers le monde.
Je vous offre un super pouvoir, ce serait
lequel et pour quoi faire?
Il y en tellement qui seraient pratiques, le
dédoublement, l’invisibilité, la maîtrise du
temps… Mais si je ne devais en choisir qu’un,
ce serait finalement celui d’arrêter le temps
et de pouvoir faire tout ce que j’ai envie sans
devoir sacrifier certaines activités.
Je vous offre un auditoire, quel cours
donneriez-vous?
Je rêverais de donner des cours d’entomologie
médico-légale et pourquoi pas, de façon
plus large, d’écologie forensique.
Je vous offre un laboratoire, vous plancheriez
sur quoi?
Sans hésiter sur la mise au point de bio-détecteurs
de cadavre et encore une fois, d’imiter
la nature, reproduire en laboratoire ce que les
insectes nécrophages font d’eux-mêmes.
Côté face
Je vous transforme en un objet, ce
serait lequel?
Pourquoi pas un livre, ça fait appel à l’imaginaire
des gens et quoi de plus agréable que
l’odeur des livres ? J’aime beaucoup cette
idée...
+
Géraldine TRAN · PORTRAIT
Plus d’infos:
http://www.fsagx.ac.be/zg/
http://www.fsagx.ac.be/
jdekeirsschieter@ulg.ac.be
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14
ATHENA 264 · Octobre 2010 > DOSSIER
Toujours au sommet de la technologie,
le F-16 est encore appelé à
évoluer jusqu’en 2025.
Du casque du pilote à son équipement
de reconnaissance,
l’avion de combat F-16 ne cesse
d’évoluer malgré son âge mûr
(bientôt 40 ans tout de même !).
Adepte du F-16 depuis ses débuts,
l’Armée belge en a fait un de ses
fers de lance, en particulier pour
le soutien aérien des troupes au
sol dans le Sud afghan, où les
capacités du F-16 pour la guerre
chirurgicale font merveille
Le F-16,
un bijou
dans le ciel
Texte : Philippe DU BUSQUIEL • philippe.dubusquiel@gmail.com
Photos : D. BRACKX (p.16), S.WINANDTS (p.17)
P
résents depuis septembre
2008 à Kandahar, dans le
Sud afghan, pour soutenir
les troupes de l’OTAN au
sol, les pilotes belges de
F-16 et les équipes qui les entourent se
distinguent par leur savoir-faire. «L’Armée
belge en Afghanistan est reconnue pour sa
crédibilité en matière de qualité de matériel
et d’entraînement», souligne le colonel
Luc Gennard, commandant de la
base aérienne de Florennes et lui-même
pilote de F-16 depuis dix ans. «Nos pilotes
respectent scrupuleusement les règles
d’engagement telles qu’elles ont été définies
par l’État belge. Notre ambition n’est
pas d’aller larguer 50 bombes par jour en
Afghanistan mais de résoudre un conflit,
de faire la paix», ajoute-t-il. Résultat: en
deux ans de présence en Afghanistan,
avec 4 missions en moyenne par jour, les
F-16 belges n’ont été à l’origine d’aucune
bavure, d’aucun débordement, à la différence
de certaines armées alliées qui ont
un comportement volontiers plus offensif.
Ce niveau d’excellence de l’Armée
de l’air belge, largement reconnu sur
la scène internationale, n’est pas seulement
dû à la qualité d’entraînement de
ses pilotes et des équipes qui les entourent,
mais aussi aux qualités propres au
F-16 et à son équipement.
Un avion multirôle
Le F-16 est notamment capable de suivre
une cible au sol dans un rayon de 30 kilomètres,
de jour comme de nuit, d’échanger
des informations en temps réel avec
les troupes au sol et d’intervenir dans
un délai de moins de 10 minutes. Ses
performances en font un allié précieux
pour le combat rapproché au sol. Avion
de chasse multirôle, le F-16 peut assurer
des opérations de supériorité aérienne
(défensives et offensives), d’attaques au
sol et de reconnaissance aérienne. Pour
remplir ces différentes missions, le F-16
dispose d’un équipement très polyvalent
qui évolue en permanence: radar
de détection de menace, brouilleur et
leurres, nacelles de détection, connexion

au réseau Link 16 (le standard de liaison
de données pour l’échange d’informations
tactiques entre unités aériennes,
terrestres et maritimes dans le cadre
d’une «guerre en réseau»), équipement
de reconnaissance filmée, système de
vision de nuit, projection de données sur
la visière du casque du pilote, armement
air-air et air-sol. Toutes ces évolutions
technologiques ont modifié en profondeur
la nature du combat aérien. «Quand
j’ai débuté comme pilote de chasse, le but
était de pouvoir tourner autour de l’avion
ennemi pour pouvoir le descendre. Actuellement,
le combat se fait à grande distance,
à l’aide de radars, et avec un échange maximal
de données entre avions, et quand le
missile est largué, on ne voit même plus la
cible», note Luc Gennard.
Grâce à l’évolution technologique du
F-16 et de son équipement, le combat
chirurgical est devenu possible. Contrairement
à ce que beaucoup croient, c’est
un phénomène relativement récent et
dans lequel l’Armée belge se distingue
particulièrement. «Nous sommes actuellement
les seuls à posséder la panoplie
complète de senseurs et le savoir-faire
nécessaire pour faire du combat chirurgical
et le maîtriser entièrement. Au Kosovo,
et aujourd’hui en Afghanistan, nos résultats
dans ce domaine ont toujours atteint
les 100%», déclare le colonel.
Modernisations
Même s’il arrive progressivement en fin
de vie (les derniers seront mis hors service
en 2025), le F-16 continue à évoluer.
Commencée au milieu des années 90,
cette modernisation se fait par étape.
On en est aujourd’hui à la cinquième.
À chacune d'elles, on considère les
aspects les plus importants pour maintenir
l’appareil up to date.
En Europe, quatre pays ont choisi le
F-16 comme avion de combat: la Belgique,
les Pays-Bas, le Danemark et la
Norvège. Dans la communauté F-16,
ils constituent une sous-communauté,
l’EPAF (European Participating Air Forces),
qui contribue à la définition et la
mise en œuvre des évolutions technologiques
de l’avion. «Sur base des évolutions
souhaitées par la communauté,
une demande commune est soumise
aux constructeurs. Le coût de sa mise en
œuvre sera également partagé, ce qui
permet de réduire celui de ces évolutions
technologiques pour chaque pays participant»,
explique le lieutenant Julien
Petit, membre du Flight Avionics, une
équipe de 70 techniciens chargés de la
maintenance de l’électronique embarquée
du F-16 à la base de Florennes.
Toutes les évolutions du F-16 profitent
à l’ensemble de la communauté des
pays utilisateurs. Il existe cependant
certaines évolutions propres à certains
pays. C’est le cas du système Carapace,
un équipement français de détection
de menaces installé uniquement sur les
F-16 belges. Le système identifie une
menace et la fait apparaître au moyen
d’une symbolique précise sur un écran
ou par un signal audio transmis directement
dans le casque du pilote.
Une mine de
technologies
Parmi les évolutions high tech les plus
remarquables du F-16, le casque du
pilote figure en bonne place. Conçu et
mis au point par Boeing pour l’US Air
Force et l’US Navy, adopté par l’Armée
belge en 2008, le casque baptisé JHMCS
(Joint Helmet Mounted Cueing System)
équipe aujourd’hui l’ensemble des unités
F-16 belges. Grâce à lui, le pilote
peut directement lire sur sa visière
diverses données sans quitter des yeux
le ciel qui l’entoure. «Grâce à un système
optique monté au sommet du casque, les
informations du HUD (Head Up Display,
le tableau de bord de l’appareil) sont projetées
sur la visière, ce qui évite au pilote
de devoir le regarder quand il s’avère plus
intéressant de regarder vers l’extérieur»,
explique Julien Petit. Ces données changent
en fonction de la position de la tête
du pilote.
L’armement de l’appareil étant asservi
au casque, celui-ci peut pointer et
verrouiller une cible directement à
partir de la visière, même si elle ne
se situe pas dans l’axe de l’appareil
(avec des missiles capables
de se diriger hors de l’axe de
vol). «Le JHMCS est très apprécié
par les pilotes car il est très intuitif
et les soulage des contraintes
liées à l’ancien système»,
note Julien Petit. Au niveau de
la maintenance, il requiert de
faire au préalable une caractérisation
magnétique du cockpit.
Philippe DU BUSQUIEL · DOSSIER
Base aérienne
de Florennes :
un atout pour la région
Avec Kleine Brogel, Florennes
est l’une des deux bases militaires
belges qui abritent des
F-16. L’Armée belge compte à ce jour
60 F-16, dont 29 sont basés à Florennes.
Grâce à l’étendue des Ardennes
qui l’entourent, la base namuroise
offre à ses pilotes une des zones d’entraînement
les plus vastes d'Europe:
140 km entre ses deux points les plus
éloignés et un espace libre de tout
trafic du sol à 15 000 m d’altitude.
C’est d’ailleurs à Florennes que le
F-16 présente le taux de sortie par
avion le plus élevé au monde: 200
heures par an ! La base aérienne de
Florennes, ce sont aussi 1 300 personnes
- dont une trentaine de pilotes
- et plus de 70 métiers différents.
Outre le nombre d’emplois, elle offre
d’autres atouts économiques à la
Région: c’est un espace privilégié
pour une sensibilisation et une formation
aux technologies de pointe
et les jeunes qui y passent peuvent
plus tard valoriser cet acquis dans
l’économie régionale.
Depuis l’introduction du casque JHMCS,
les missiles du F-16 sont directement
guidés par les yeux du pilote.
15

16
ATHENA 264 · Octobre 2010 > DOSSIER
«Ce relevé magnétique permet au système
de calculer la position de la tête du pilote et
d’en déduire l’information à afficher sur la
visière du casque», précise encore Julien
Petit.
Quoi de neuf ?
Au rayon des évolutions remarquables
et récentes du F-16, on trouve aussi le
Sniper Pod, une nacelle d’observation et
de désignation pour armes à guidage
laser. L’outil possède différents types
de senseurs (infrarouge, laser, caméra)
et peut fonctionner dans les conditions
Bio express
météo les plus variées. Capable de pointer
très précisément une cible, il est particulièrement
apprécié pour les attaques
air-sol. Il peut aussi envoyer des images
vers un récepteur vidéo utilisé par les
troupes. De cette manière, le pilote et
la troupe au sol sont assurés que l’arme
de l’avion est bien pointée vers la cible
voulue. C’est un atout majeur pour éviter
toute bavure et limiter les dommages
collatéraux. La base de Florennes
possède actuellement 8 nacelles de ce
type. Les Snipers qui équipent les F-16
belges en font des armes d’appui aérien
très appréciées sur les théâtres actuels
d’opérations comme l’Afghanistan, où
la plupart des opérations sont princi-
Nom: Gennart
Prénom: Luc
Âge: 51 ans
État civil: marié avec
Évelyne. Ensemble, ils ont
six enfants: Isabelle,
Anne-Sophie, François,
Astrid, Henri et Louise-Marie
« L’armée belge est reconnue
mondialement pour son très
haut niveau d’équipement
et la qualité de son entraînement
sur F-16. », Colonel
aviateur Luc Gennard
Avec sa nacelle de détection Sniper,
le F-16 est particulièrement apprécié pour
le soutien des opérations au sol.
palement effectuées au sol. «Dans un
tel contexte, l’avion devient un vecteur
qui permet de délivrer correctement une
arme», ajoute Julien Petit.
Ces dernières années, il convient aussi
de citer l’installation, dans le F-16, d’un
enregistreur numérique qui consigne
toutes les données affichées sur les
écrans de contrôle de l’appareil et qui
peuvent être facilement exploitées par
les pilotes lors de leur débriefing. Les
équipes de maintenance disposent
quant à elles du Viper, introduit récemment,
qui assure des fonctions de transfert
de données et de test à partir d’un
seul boîtier intégré.
Évolutions futures
Plusieurs évolutions supplémentaires
sont déjà prévues pour les prochaines
années. La nacelle de reconnaissance du
F-16 devrait profiter de nouveaux développements
logiciels permettant entre
autres la détection de cibles mouvantes
non traditionnelles et la transmission en
temps réel d’informations de reconnaissance
vers les troupes au sol.
CV: Il a suivi ses études primaires et en
humanités au collège St-Michel
à Bruxelles. Lorsqu’il reçut son
diplôme d’ingénieur avec la 134
Polytechnique, il avait déjà terminé
sa formation sur Marchetti.
Après une année sur Alpha Jet à
Saint-Trond, il sera formé sur F-16
au Flight B à Beauvechain.
›› Août 1986 : le premier-lieutenant
Gennart rejoint la 349
escadrille de chasse.
›› 1989 : Il y devient commandant
de flight.
›› De septembre 1990 à mai 1991 :
le capitaine Gennart suit le

Le système Carapace est aussi appelé
à évoluer: il sera plus facile à utiliser
et fournira davantage d’informations.
L’enregistreur vidéo numérique installé
dans le F-16 bénéficiera d’un quatrième
canal et sera en mesure d’enregistrer
les données du HUD, de deux écrans
de contrôle périphériques et des données
projetées sur la visière du casque.
Le F-16 devrait également être équipé
d’un nouveau système de brouillage de
ses signaux radar.
Adopté dès 1975 par l’État belge, le F-16
s’est avéré être un excellent choix pour
supporter toutes ces évolutions technologiques
et remplir sa mission d’avion
multirôle. «C’est un système capable de
tout faire aujourd’hui. Peu de systèmes
peuvent prétendre atteindre un tel niveau
de performance et de polyvalence dans
l’équipement militaire actuel de l’Armée
belge», observe le colonel Luc Gennard.
Malgré ce bilan largement positif, une
incertitude demeure: comment les évolutions
du F-16 seront-elles supportées
et mises en œuvre dans les prochaines
années, sachant que d’autres nations
utilisatrices du F-16 comme les Pays-
Bas, la Norvège et le Danemark ont déjà
fait leur choix en faveur du F-35, son
successeur ? Une décision du Gouvernement
belge reste ici aussi à prendre
de toute urgence.
cours de formation pour candidat
officier supérieur. Après un
bref retour à la 349 escadrille,
il est désigné pour la section
«Opérations» à l’État-major
de la Force Aérienne.
›› Juin 1992 : il effectue sa 1000 e
heure de vol sur F-16.
›› Décembre 1993: il est promu
au grade de major.
›› De juillet 1995 à août 1997 :
il commande la 350 escadrille
de chasse qui fit mouvement de
la base Beauvechain vers Florennes
en mars 1996.
À
la base aérienne de Florennes,
le progrès technologique
ne concerne pas seulement
les F-16 et leur équipement. Il se
manifeste aussi dans les équipements
de communication, en particulier
pour ce qui concerne les opérations
de déploiement. Dans le domaine
de la transmission de données lors
de missions ou d’exercices, Florennes
est l’avant-garde d’un projet de
téléphonie IP prévu pour fonctionner
sur le réseau satellitaire de l’armée
belge. «Le proof of concept ayant été
établi, on a pu passer à l’étape suivante:
l’achat de16 routeurs et 140 terminaux
téléphoniques », déclare le lieutenant
Vincent Cabosart, responsable de ce
projet au sein du Flight CIS (Communication
& Information Systems)
à Florennes.
Ce système VoIP devrait
permettre une utilisation
plus efficace et à un moindre
coût de la bande passante
disponible pour le
trafic voix et data entre une
base-mère et des bases
déployées sur le terrain.
«Jusqu’à présent, on a utilisé
derrière les antennes satellites,
un multiplexeur qui attri-
›› Septembre 1997 : il rejoint la
112 division du cours supérieur
d’État-major et reçoit le brevet
de l’Institut Royal Supérieur de
Défense.
›› Fin 1998 : il est promu
Lieutenant-colonel.
›› Janvier 2002 : lors de la
dissolution de cet État-major, il
est désigné à la division «Stratégie»
du nouvel État-major
interarmées.
›› Printemps 2003 : il recommence
une conversion sur F-16
- MLU cette fois - et est désigné
comme commandant du Groupe
Florennes,
pilote d’un projet VoIP
Philippe DU BUSQUIEL · DOSSIER
bue de manière fixe 256 ko au canal
voix et 256 ko au canal data. Avec le
système VoIP, on peut moduler la bande
passante disponible en fonction de l’importance
du trafic voix ou data et le cas
échéant utiliser toute la bande passante
pour une seule application», explique
Vincent Cabosart. Le chiffrement des
communications est assuré au moyen
des clés de chiffrement fournies par
la Défense belge. Des premiers tests
VoIP menés entre la base de Florennes
et une base déployée en Jordanie
se sont avérés concluants. Le système
sera opérationnel pour les prochains
opérations d’exercices à Florennes
et est également prévu pour être
déployé à Kandahar (Afghanistan).
de vol du 2 e Wing Tactique à
Florennes.
›› Décembre 2004 : Il est promu
colonel.
›› De juillet 2005 à juin 2008 : il
est chef de la branche «Exercices
et évaluations Air» auprès du
Quartier général du Commandement
de la composante maritime
alliée à Northwood (dans la
banlieue londonienne).
›› Son expérience en vol est de
3 000 heures dont 1 700 sur
F-16.
17

18
ATHENA 264 · Octobre 2010 > INTERNET
Dans la première partie de cet
article, nous avons proposé une
typologie des personnes utilisant
le Web pour trouver de l’information
en les répartissant en
chercheurs, trouveurs, receveurs
et passeurs:
Le Web
pour les Nuls
et les Professionnels
Comment les Trouveurs trouvent
Texte : Christian VANDEN BERGHEN • http://www.brainsfeed.com • cvb@brainsfeed.com
Illustrations : O. SAIVE
›› les chercheurs ... cherchent de l’information
et la trouvent parfois mais
en se contentant souvent d’une information
basique voire incomplète ou
erronée. Les chercheurs abordent
souvent le Web de manière empirique
par absence de formation à l’outil
et manque de visibilité sur toutes les
richesses que recèle le Web.
›› les trouveurs vont plus loin car ils
ont généralement suivi une formation,
appliquent une méthodologie,
connaissent les coins et les recoins
du Web, savent où trouver tel type
d’information en fonction de son format
probable ou de sa date de publication
et utilisent l’outil de recherche
adéquat, etc.
›› les receveurs ne cherchent plus, ils
font venir l’information à eux. Ayant
mis en place un système de veille, ils
n’ont plus à surveiller qu’une seule
page Web sur laquelle toute l’information
nouvelle vient se déposer.
›› les passeurs partagent l’information
qu’ils reçoivent et la mettent à disposition
de leurs clients, amis, collègues,
étudiants...
Nous consacrons le présent article à présenter
plus précisément les méthodes et
astuces des Trouveurs. Bien évidemment,
les thèmes abordés seront limités
par manque de place, mais ils devraient
donner envie au lecteur d’entrer plus
avant dans le monde du Web.
Ne pas confondre !
La notion d’information mérite d’être
distinguée de celle de donnée, comme
l’information primaire ne doit pas
être confondue avec l’information
secondaire.
Quelques concepts importants:
donnée - information - savoir
Une donnée est une information élémentaire
hors de tout contexte. C’est la
plus petite unité documentaire.
Une information est une donnée
possédant une valeur pour quelqu’un
dans un contexte privé ou professionnel
donné. Une donnée ne devient information
que si elle est mise au contact d’une
autre donnée.

Le savoir est tout ce qui naît de l’utilisation
d’une information.
Exemple:
Donnée = un Thalys quitte Paris à 17h55
Information = le train que je dois prendre
part à 17h55
Savoir = ll neige, le train risque de prendre
du retard. S’il arrive en retard, je vais
rater mon avion. Dans ce cas, je dois prévenir
mon contact. Il faut que j’appelle
ma secrétaire pour obtenir les coordonnées
de mon contact.
Information primaire -
Information secondaire
Information primaire
• originale
• non interprétée, non analysée, non
commentée, non restructurée
• inédite
• de première main (exposé public par
exemple)
• présentée par des personnes directement
impliquées dans une activité
Exemple: la déposition d’un témoin
devant un tribunal
Information secondaire
• interprétée, analysée ou résumée
• commentée
• écrite plus tard et souvent en l’absence
des auteurs
• permet de situer une information dans
un contexte (historique par exemple)
Exemple: compte-rendu journalistique
d’un témoignage devant un tribunal.
Information Blanche - Grise - Noire
Ce concept est très souvent utilisé par
les spécialistes en veille et intelligence
stratégique.
Information blanche
• facilement accessible par tous
• a peu de valeur
• nécessite tri et traitement importants
Information grise
• difficilement accessible aux nonspécialistes
• a une forte valeur marchande
• est souvent informelle (composée
de bribes d’informations qu’il faut
assembler pour faire apparaître une
cohérence)
• s’acquiert par indiscrétion, dans les
salons, etc.
Information noire
• ne peut être acquise que de façon
illégale
• décisive pour l’entreprise
• relève du piratage informatique et de
l’espionnage industriel.
Information formelle -
Information informelle
Information écrite
• a un support
• sources: journaux spécialisés, revues
professionnelles, magazines, cours,
articles scientifiques, brevets, bases de
données scientifiques et documentaires,
Internet...
Information informelle:
• sans support
• «ce qui est dit»
• partenaires de l’entreprise, réseaux
d’experts internes/externes, foires et
salons.
Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET
Information implicite -
Information explicite
Information implicite
• présente dans le cerveau d’un individu
ou d’un groupe d’individus (c’est typiquement
le savoir-faire d’un individu)
• qui n’a été ni enregistrée ni échangée
avec d’autres
• qui se partage difficilement car elle se
compose notamment de sensations,
d’impressions et d’émotions
• est à la fois technique (compétences
et savoir-faire) et cognitive (modèles
mentaux et perceptions)
Information explicite
• information ayant fait l’objet d’un
enregistrement ou d’un échange avec
d’autres personnes (mode d’emploi,
description d’un processus de fabrication,
etc.)
• facile à montrer, à visualiser et à
partager
• résulte de l’apprentissage, l’observation,
l’expérience, etc.
Classement de l’information
Globalement, et quelle que soit la nature
des «choses» à classer, qu’il s’agisse de
documents textuels, de photos, de films
ou de n’importe quoi d’autre, il existe
trois modes de classement sur Internet:
annuaire, moteur et métamoteur.
Annuaire
Un annuaire - les Anglo-Saxons parlent
de directory - est toujours créé et géré par
des êtres humains. Ceux-ci visitent les
sites qui leur sont proposés et décident,
selon des critères qui leur sont propres,
de rejeter le site ou de le classer dans
19

20
ATHENA 264 · Octobre 2010 > INTERNET
Les métamoteurs ne
possèdent pas de bases
de données comme
les moteurs classiques.
Ils utilisent le contenu
des bases de données
créées par les moteurs.
+
Pour en
savoir plus
Guide de recherche:
http://bit.ly/2bBSKw
Cours et exercices:
http://aeris.11vm-serv.net/
Conseils de recherche:
http://docinsa.insa-
lyon.fr/sapristi/
une catégorie ou sous-catégorie (histoire,
science, droit, médecine). Chaque site est
accompagné d’une description fournie
par son propriétaire. Dans un annuaire,
les sites sont classés par ordre alphabétique
(les premiers sites de la liste ne sont
donc pas meilleurs que les suivants).
Un annuaire se compose:
• d’une équipe de bibliothécaires qui
visitent et évaluent des sites Web
avant de les classer ou de les refuser;
• d’une arborescence composée de
catégories et sous-catégories.
Moteur
Google est un moteur de recherche, c’està-dire
une machine. La partie essentielle
d’un moteur de recherche est son robot
(appelé également spider, crawler ou
robot) qui parcourt le Web à longueur de
jour et de nuit à la recherche de pages à
lire et à indexer. Quand le robot trouve
une page, il suit les liens de celle-ci à
la recherche d’autres pages contenant
d’autres liens et ainsi de suite.
À l’autre bout de la chaîne, se trouve une
interface qui permet de chercher dans la
base de données ainsi constituée.
Un moteur est capable de trouver une
chaîne de caractères sur des pages Web.
Mais il n’établit pas systématiquement
de relation entre les pages qu’il trouve
puisqu’il commence, en général, par
«arracher» les pages des sites. Les pages
sont classées selon des critères comme
la présence du terme recherché dans le
titre, la notoriété de la page, etc.
Métamoteur
Les métamoteurs ne possèdent pas de
bases de données comme les moteurs
classiques. Ils utilisent le contenu
des bases de données créées par les
moteurs. Ce sont des moteurs qui cherchent
simultanément dans plusieurs
outils de recherche, consolidant toute
l’information trouvée sur une seule page
de résultats.
Avant même de se
lancer
Comme l’écrit si justement Lyse Desroches,
«le plus difficile ce ne sont pas les
réponses, c’est de se poser des questions».
Plutôt que de se lancer tête baissée dans
la recherche, et quel que soit l’objet de sa
recherche, le «trouveur» commence par
se poser les questions suivantes:
• l’information que je cherche a-t-elle
une chance de figurer sur le Web ?
• qui possède le type d’information dont
j’ai besoin ?
• quel outil de recherche est le mieux
adapté à ce genre de recherche ?
• suis-je prêt à payer pour obtenir
l’information ?
Examinons ces questions:
L’information dont j’ai besoin figuret-elle
sur le Web ?
Le Web est un attracteur d’information:
toute l’information finit tôt ou tard par
se trouver sur la toile. Cependant, certaines
mettent beaucoup de temps pour
y parvenir. C’est le cas par exemple d’informations
complexes demandant une
analyse par des spécialistes. Il est ainsi
inutile de chercher la liste des entreprises
algériennes de 20 à 50 employés,
actives dans le domaine des énergies
renouvelables, dont le chiffre d’affaires
est compris entre tel et tel montant et
qui ont déjà exporté vers des pays de

l’Union Européenne. Ce type d’information
peut évidemment être obtenu mais
pas «d’un coup» et probablement pas
gratuitement car il va falloir collecter des
informations dispersées, les évaluer, les
trier et les rassembler.
Qui possède le type d’information
que je recherche ?
Dans ce «qui», il faut voir des outils de
recherche (moteurs, annuaires, métamoteurs,
bases de données, etc.), des institutions
(Unesco, OMS, Banque Centrale,
etc.) mais aussi des individus connus ou
non (experts, bibliothécaires, membres
d’un réseau social, collègues, amis, etc.).
Si je suis producteur de farine et que
je cherche à dresser la liste de tous les
boulangers de la région de Namur, il
n’est pas du tout certain que l’Internet
soit la ressource la plus indiquée. Pourquoi
? Parce que beaucoup de boulangers
n’ont pas de site Internet et que je
n’ai donc aucune chance de pouvoir en
trouver la liste complète dans Google ou
ailleurs. Par contre, tous les boulangers
ont un numéro de téléphone et je les
trouverai dans les Pages d’or. Je procéderai
de la même manière pour réserver
un taxi à l’aéroport de Tokyo ou ailleurs
(les Pages jaunes sont très souvent proposées
en anglais et sont accessibles
à partir de plusieurs sites, dont Infobel
- http://www.infobel.com/fr/world/index.
aspx).
Quel est l’outil de recherche le mieux
adapté à ce genre de recherche ?
Si je décide d’utiliser un outil de recherche,
est-il préférable d’utiliser un moteur,
un annuaire ou un métamoteur ? L’information
se trouvera-t-elle dans une base
de données et si oui, laquelle ?
Suis-je prêt à payer pour obtenir les
informations ?
Trop de gens s’imaginent que l’accès au
contenu du Web est systématiquement
gratuit et ils ne comprennent pas que
parfois il faut payer pour acquérir une
information. C’est très souvent le cas des
bases de données, tout simplement parce
que la collecte des informations réclame
du travail. Dans bien des cas, il est plus
rentable de la confier à des professionnels
qui seront plus rapides et plus complets.
Rappelons cette loi dite parfois loi de
Nolan: lorsque nous cherchons de
l’information, nous nous trouvons devant
le dilemme suivant: nous avons deux
flèches pour toucher trois cibles, soit une
information pas chère, une information
de haute qualité, une information obtenue
rapidement. Il faudra toujours choisir
deux de ces trois cibles et renoncer à la
troisième:
• si je veux une information de haute
qualité et pas chère, je devrai attendre
qu’elle tombe dans le domaine public;
• si je veux rapidement une information
à bas prix, elle ne sera pas de bonne
qualité;
• si je souhaite acquérir rapidement une
information de bonne qualité, elle sera
onéreuse.
Utiliser plusieurs
outils de recherche
Le Web ne se limite pas à Google ! La part
du Web indexée par ce moteur - entre 8
et 30 milliards de documents - est même
extrêmement réduite puisque, selon
les estimations, elle varie de 0,8 à 3%
du volume total. En d’autres termes, si
on utilise uniquement Google mais à la
perfection (pas en y tapant un ou deux
mots), on renonce à 97% des documents
disponibles.
Pourquoi Google indexe-t-il si peu de
documents ?
Les raisons sont multiples, mais en voici
deux évidentes:
• la collecte, l’indexation et le stockage
des documents coûtent cher
• la quantité d’électricité nécessaire est
énorme. Un data center de Google (qui
en possède 36) consomme 432 millions
de kilowatt-heure. Pour l’ensemble de
ses centres, Google consommerait
donc environ 15 milliards de kWh par
an, c’est-à-dire à peu près le double de
ce que consomment ensemble tous
les centres de données du gouvernement
américain. Cela signifie que Google
consomme plus d’électricité que la
plupart des pays. Si c’était un pays, il se
situerait aux alentours de la 75e position
sur 215 en termes de consommation
électrique (http://google/AeiG).
En quoi les moteurs de recherche
diffèrent-ils ?
• tous ne se valent pas: leur index varie
en volume;
• tous ne contiennent pas les mêmes
documents;
• même s’ils contenaient les mêmes
documents, la manière dont ils les
classent fait qu’on ne trouve pas du
tout les mêmes d’un moteur à l’autre;
• tous proposent des possibilités d’affiner
les résultats mais pas nécessairement
les mêmes.
Le «trouveur» connaît le Web, sa géographie
et ses outils. Il s’informe des nouveaux
outils de recherche et de toutes
ces astuces qui le font progresser en
efficacité.
+
Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET
Quelques chiffres
sur Internet
›› Il existe environ 4,2 milliards
d’adresses IP uniques, hébergées
sur environ 44 millions de
serveurs.
›› Ceux-ci consomment environ
5% de l’électricité produite dans
le monde.
›› Ils produisent environ 2% des
émissions de dioxyde de carbone,
soit l’équivalent d’un
pays comme les Pays-Bas ou
l’Argentine.
21

22
ATHENA 264 · Octobre 2010 > FORMATION
Papa ,
c’est quoi cette
O
n pourrait croire de nos
jours que nombre d’enfants
et adolescents ont
perdu ce bel intérêt obstiné
pour les sciences. Le
pourcentage d’inscriptions universitaires
dans les programmes de sciences semble
en effet en nette diminution depuis
de nombreuses années. Ce à l’heure
où les sciences, au travers des GSM et
autres, dominent plus que jamais notre
quotidien. Comment expliquer ce désintérêt
manifeste pour des matières aussi
prégnantes et vitales pour nos sociétés ?
C'est la crise !
Précisons tout d’abord que cette désaffection
ne concerne pas l’ensemble
des matières scientifiques, les sciences
humaines et sociales ne connaissent
elles pas la crise. Une étude de 2008
menée par la Faculté Universitaire Notre
Dame de la Paix (FUNDP) de Namur indi-
bouteille
de lait ?
que que le nombre d’étudiants universitaires
inscrits en Communauté française
dans ces matières n’a cessé d’augmenter
depuis les années 90, comme du reste
l’ensemble des inscriptions universitaires.
Les filières plus techniques, en
particulier les sciences fondamentales
et agronomiques, sont par contre en
stagnation voire en nette diminution,
alors qu’elles sont justement considérées
comme directement liées à la croissance
économique, dans le cadre notamment
d’une future Europe de la connaissance.
Se pose donc le problème crucial d’un
manque de main d’œuvre qualifiée,
dans le secteur de la recherche et l’innovation,
fortement lié à la performance
économique.
À y regarder de plus près, ce n’est pourtant
pas précisément un désamour que
les jeunes éprouvent pour les matières
scientifiques dites «dures». Il ressort d'une
étude Eurobaromètre de 2008, conduite
auprès de 1 000 jeunes de 27 pays européens,
qu’en fait, la plupart d’entre eux
Rappelez-vous, il y a quelques
année, une célèbre publIcité
montrait un jeune garçon
demander de manière répétée
à son père «Papa, c’est quoi cette
bouteille de lait ?», en référence à
la bouteille posée sur la table du
petit déjeuner. Devant l’absence
de réponse, il finissait par demander
la manière dont on fait
les bébés. Gêne immédiate du
papa qui s’empressait de donner,
dans le menu détail, la composition
nutritionnelle et le processus
de fabrication de la dite bouteille
de lait…
Texte : Patrick VEILLARD
pveillar@gmail.com
Photos : REPORTERS
s’intéresse aux sciences (67%, beaucoup
plus que, par exemple, l’économie, 44%,
ou la politique, 43%). Plus de 80% considèrent
même que les sciences apportent
davantage de bénéfices que de nuisances
à notre société. Malgré cela, seule
une minorité de jeunes est disposée à
devenir scientifique ou ingénieur.
Barbe et blouse
blanche
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet
apparent paradoxe. Les perspectives de
carrière et les conditions de travail tout
d’abord. Les métiers scientifiques ont
la réputation de combiner de lourdes
heures de travail, un faible revenu et une
certaine insécurité de l’emploi. D’après
Michel Claessens, rédacteur en chef
de la revue Research de la Commission
Européenne (CE), ce ne sont que des clichés.
«Cela ne correspond pas à la réalité
du marché de l’emploi, en demande de ce

genre de profil». Mais ces préjugés ont la
vie dure semble-t-il, et nombre de jeunes
voient toujours les scientifiques comme
«de vieux savants barbus en blouse blanche,
manipulant fioles et alambics dans
leur laboratoire». Il existe donc un manque
cruel d’informations, notamment
sur la multitude et la diversité des professions
liées aux diplômes scientifiques,
qui semble d’ailleurs dû à une méconnaissance
de la part des formateurs euxmêmes,
d’origine académique pour la
plupart, alors que les débouchés se trouvent
majoritairement dans l’industrie.
Observer,
expérimenter
Autre facteur, l’enseignement des sciences,
en particulier chez les plus jeunes.
D’après Astrid Van Reijsen, directrice
des Jeunesses scientifiques de Belgique
(JSB), une asbl de support pédagogique
aux enseignants et aux instituteurs,
«plus le contact avec les sciences se fait
tôt, plus la motivation pour ces matières
est importante». Une motivation
qui semble indispensable tant les études
scientifiques sont souvent perçues
comme longues et difficiles. Il faut dire
que les méthodes pédagogiques majoritairement
en usage, dites déductives,
sont particulièrement rébarbatives: le
professeur se contente de transmettre
de manière descendante son savoir.
Contrairement à l’approche inductive,
où l’enfant construit ses connaissances
grâce à l’observation et à l’expérimentation.
«Le problème est que les professeurs
manquent de temps, de matériel et de
connaissances pour appliquer ce type de
méthodes, nécessairement plus risquées
qu’un simple cours magistral».
Une époque de néoobscurantisme
?
Enfin, dernier élément, les médias, qui
ont sans doute un rôle fondamental à
jouer de par l’image des sciences qu’ils
véhiculent. D’après Michel Classens, les
sciences sont non seulement «peu traitées,
en particulier à la télévision», mais
elles sont de plus «souvent montrées de
manière négative, au travers par exemples
de catastrophes écologiques ou de technologies
controversées comme les OGM ou
les nanotechnologies». La presse semble
ainsi exploiter la tendance de nos sociétés
occidentales à se méfier de plus en plus
des sciences, loin de l’esprit des lumières.
Une époque que d’aucuns s’empressent
de qualifier d’obscurantiste.
On est certes loin de la foi dans les technologies
caractéristiques du début du
siècle dernier mais faut-il pour autant
avoir une confiance aveugle dans les
sciences ? Bien sûr que non d’après
Michel Claessens, qui juge que la presse
Patrick Veillard · FORMATION
devrait cependant «davantage développer
la culture scientifique des citoyens et
insister sur l’aspect humain de la recherche».
Plus facile à dire qu’à faire sans
doute, tant les reportages journalistiques
semblent de plus en plus réduits
et formatés, en opposition avec la
complexification et la fragmentation
croissantes de la recherche scientifique.
Il existe de plus une très forte méfiance
et de grandes incompréhensions entre
journalistes et scientifiques. Ces derniers
reprochent ainsi souvent aux journalistes
de systématiquement altérer leurs
propos, en utilisant des images ou des
concepts trop simplistes.
Chercheur
vs. trader
Au final, les filières scientifiques semblent
donc combiner des coûts élevés
pour de faibles bénéfices. Si l’on
compare ces filières scientifiques avec
les filières d’économie et de gestion par
exemple, le choix semble vite fait tant
ces dernières donnent accès à des salaires,
des possibilités de promotion et une
image sociale plus valorisantes. Face à
ces constats, de nombreuses études ont
été commandées pour tenter d’esquisser
des solutions.
Outre le rapport 2007 de la CE, l’étude
de la FUNDP fait la somme des actions à
entreprendre pour relancer l’intérêt des
jeunes pour les filières scientifiques en
Belgique. Cette étude préconise notamment
de davantage lier les études scientifiques
aux problématiques sociétales
actuelles telles que l’environnement,
de mieux informer les étudiants sur
les possibilités de carrières, d’élaborer
des cursus en lien avec le monde de
l’entreprise et de développer la culture
scientifique dès le primaire. Enfin, point
peut être le plus crucial, il faut selon les
auteurs améliorer l’image générale des
sciences en informant les jeunes, et de
manière plus générale les citoyens, au
rôle de la science dans nos sociétés.
23

24
ATHENA 264 · Octobre 2010 > NEUROSCIENCES
La mémoire
à court terme
Texte : Philippe LAMBERT • ph.lambert.ph@skynet.be
Photo : Ph.LAMBERT (p.24)
Steve Majerus
existe-t-elle ?

Décrite au cours des dernières
décennies comme un système
mnésique à part entière, la
mémoire à court terme se révèle
beaucoup moins autonome qu’on
ne l’avait imaginé. Steve Majerus,
de l’Université de Liège, l’a étudiée
dans sa composante verbale.
Elle y apparaît comme intimement
liée à des processus généraux
mettant notamment en jeu
le système langagier, nos facultés
d’attention et notre capacité à
traiter l’ordre des informations
L
ongtemps, la mémoire fut
décrite comme une entité
monolithique fonctionnant
un peu à la manière d’un
muscle. Cette conception
mécaniste a été battue en brèche au
cours des dernières décennies, de sorte
que la mémoire est apparue comme
un ensemble de systèmes et de soussystèmes
indépendants en interaction.
Le modèle de référence de cette
«mémoire multiple» a été proposé en
1995 par le Canadien Endel Tulving,
de l’Université de Toronto. Selon lui, il
existerait cinq systèmes de mémoire
principaux: la mémoire épisodique,
la mémoire sémantique, la mémoire
procédurale, les systèmes de représentation
perceptive (PRS) et enfin la
mémoire de travail, dont la mission est
de maintenir temporairement une petite
quantité d’informations sous une forme
aisément accessible pendant la réalisation
de tâches cognitives diverses - un
calcul mental, par exemple.
Publié en 1974, le modèle le plus influent
de la mémoire de travail est l’œuvre
d’Alan Baddeley, de l’Université de York,
en Angleterre. Que postule-t-il ? En
haut de la pyramide, un administrateur
central remplirait les fonctions de chef
d’orchestre. Ainsi, dans l’hypothèse d’un
calcul mental, il gérerait le déroulement
des opérations. Toutefois, en raison de
Modèle de la mémoire de travail
de Baddeley (1986)
ressources limitées, il ne pourrait à la fois
gérer et stocker; dès lors, il s’en remettrait
à des systèmes esclaves pour les
opérations de stockage temporaire de
l’information.
Tel qu’il a été proposé, le modèle de Baddeley
ne comporte que deux systèmes
de ce type: le calepin visuo-spatial, pour
les images mentales et la boucle phonologique,
pour les éléments verbaux. Mais
il est concevable qu’il puisse s’enrichir
d’autres entités de même nature.
Dans l’approche du chercheur britannique,
la boucle phonologique comprendrait
deux composantes: le stock phonologique,
qui maintiendrait les sons - les
mots - quelques secondes en mémoire,
et le mécanisme de récapitulation articulatoire,
qui réintroduirait continuellement
ces items afin qu’ils demeurent
disponibles le temps nécessaire.
Changement de cap
Aujourd’hui, des données convergentes
mettent en exergue que des tâches
réputées simples, comme la répétition
de chiffres ou de mots, recrutent des
processus cognitifs complexes et, qui
plus est, en partie partagés avec d’autres
fonctions cognitives. Steve Majerus,
chercheur qualifié au Fonds national de
la recherche scientifique (F.R.S.-FRNS)
travaillant au sein du Centre de recherches
en neurosciences cognitives et
comportementales de l’Université de
Liège (ULg), s’intéresse à la question
en centrant ses recherches sur l’aspect
«stockage» de la composante verbale de
la mémoire de travail. Il se focalise donc
Philippe LAMBERT · NEUROSCIENCES
sur notre capacité de maintenir dans le
moment présent, sous une forme active
et consciente, des informations qui nous
permettent d’être cohérents avec ce qui
vient de se passer et ce qui va se produire
dans l’immédiat. En revanche, ses
études font abstraction des traitements
auxquels ces informations vont être soumises
(1), fonction orchestrée par l’administrateur
central dans le modèle de Baddeley.
C’est la raison pour laquelle Steve
Majerus spécifie que ses travaux portent
sur la mémoire à court terme verbale et
non sur la mémoire de travail verbale.
Pour mener ses recherches à bien, le psychologue
de l’ULg a recouru à des tâches
d’empan de chiffres et d’empan de mots,
lesquelles reposent sur la répétition verbale
de séquences de longueur croissante
de chiffres ou de mots. L’empan
traduit le nombre maximal d’éléments
que l’individu testé est capable de
restituer correctement. «Ainsi, l’empan
de chiffres passe de 3 à l’âge de 4 ans à 6
à l’âge de 15 ans et atteint son maximum
vers l’âge de 20 ans; l’empan de mots est
en général inférieur à celui de chiffres et
passe de 2 à l’âge de 4 ans à 5 à l’âge de
15 ans», souligne Steve Majerus dans un
article récent (2). Quelle est l’interprétation
classique de cette augmentation du
niveau d’empan ? On l’attribue généralement
à un accroissement des capacités
ou de l’efficacité des deux composantes
de la boucle phonologique - le stock
phonologique et le mécanisme de récapitulation
articulatoire. À la lumière des
données actuelles, le concours d’autres
facteurs plus généraux s’impose et remet
en question le postulat de l’existence
d’un système spécifique de mémoire à
court terme verbale. Quels sont ces facteurs
? Trois d’entre eux semblent désor-
25

26
ATHENA 264 · Octobre 2010 > NEUROSCIENCES
+
Pour en savoir plus
L’empan est une unité de longueur
ancienne. Elle a comme base la
largeur d’une main ouverte, du
bout du pouce jusqu’au bout du
petit doigt, soit environ 20 cm. Le
mot provient du francique spanna
désignant cet intervalle.
Par analogie, en sciences cognitives,
l’empan est la quantité limitée d’informations
(mots, chiffres, etc.) qui
peut être stockée dans la mémoire à
court terme.
mais bien identifiés: l’intervention du
système langagier, les capacités d’attention
sélective et le traitement de l’«ordre
sériel», c’est-à-dire de l’ordre dans lequel
les items (mots, chiffres) sont présentés.
Trois visages
«Traditionnellement, la boucle phonologique
était considérée comme indépendante
du système langagier, dit Steve
Majerus. Or on sait à présent que les
connaissances langagières stockées en
mémoire à long terme représentent un
facteur clé de la mémoire à court terme verbale.»
Ces connaissances possèdent trois
visages: elles sont tantôt phono logiques
(sons), tantôt lexicales (vocabulaire), tantôt
sémantiques (signification). La composante
lexicale est la plus déterminante
dans les scores de rappel de mots lors de
tâches de mémoire à court terme verbale.
Ainsi, Steve Majerus et Martial Van
der Linden, responsable des unités de
psychopathologie et de neuropsychologie
clinique aux Universités de Genève
et de Liège, ont montré que si l’empan
de mots est de l’ordre de 5 chez l’adolescent,
il n’est généralement pas supérieur
à 3 dans le cas de non-mots (3) peu ressemblants
à des mots existants.
Les connaissances phonologiques sont
cependant importantes, elles aussi,
dans la mémorisation verbale à court
terme. «Cela transparaît notamment à
travers le fait que des non-mots composés
de phonèmes fréquemment associés
dans la structure phonologique du français
sont mieux rappelés que des nonmots
contenant des phonèmes qui le sont
plus rarement», rapporte Steve Majerus.
Par ailleurs, des études relatives à la
sphère lexico-sémantique soulignent
entre autres que les mots fréquents,
concrets et ayant peu de voisins phonologiques
(4) sont mieux rappelés lors de
tâches de mémoire à court terme verbale
que les mots plus rares, abstraits
et ayant de nombreux voisins phonologiques.
Et l’on pourrait citer d’autres
exemples, multiplier les illustrations
de l’implication des trois «visages» des
connaissances langagières dans les performances
à de telles tâches.
L’imagerie cérébrale fonctionnelle, en
particulier l’IRMf (5), livrent la même
vérité. Plusieurs études, dont une réalisée
en 2010 par Steve Majerus et ses
collaborateurs, mettent en évidence
que «les régions sous-tendant le traitement
langagier (régions temporales
supérieures, moyennes et inférieures)
sont activement recrutées lors de la réalisation
de tâches de mémoire à court
terme (...) (6)».
À la suite de premiers travaux de neuroimagerie
fonctionnelle, les substrats
cérébraux de la boucle phonologique et
du mécanisme de récapitulation articulatoire
furent localisés respectivement
au niveau de la jonction temporo-pariétale
gauche et du gyrus frontal inférieur
(aire de Broca). Or ces régions sous-tendent
elles-mêmes des processus langagiers.
D’où cette conclusion de Steve
Majerus: «Les tâches de mémoire à court
terme verbale sont avant tout des tâches
langagières dépendant des mêmes substrats
cognitifs et cérébraux que les processus
langagiers.» Ce qui fait évidemment
vaciller le modèle d’Alan Baddeley sur
son piédestal. Et semble indiquer que la
première étape du processus de mémorisation
verbale à court terme se fonde
sur l’activation temporaire des systèmes
de la mémoire à long terme verbale.

Focalisation
attentionnelle
Comme évoqué précédemment, les
capacités d’attention sélective jouent
également un rôle cardinal dans les
performances réalisées lors de tâches
d’empan de mots et de chiffres et, partant,
dans le bon fonctionnement de
la mémoire à court terme verbale. Le
modèle de Baddeley postule, on le sait,
l’existence d’un administrateur central.
Toutefois, il était communément admis
que son intervention n’était requise que
pour les tâches de mémoire à court terme
dites actives, c’est-à-dire nécessitant la
manipulation de l’information stockée
en mémoire à court terme - par exemple,
pour exécuter un calcul mental. On considérait
donc que les processus de contrôle
attentionnel restaient «muets» dans les
tâches «passives» telles que les épreuves
d’empan classiques, où l’information doit
être simplement mémorisée et restituée.
Des recherches récentes ont dévoilé qu’il
n’en était rien. «En 2009, nous avons mené
une étude centrée sur les relations entre
mémoire à court terme verbale, attention
sélective et développement du vocabulaire
chez des enfants de 6 à 7 ans, relate Steve
Majerus. Qu’y avons-nous montré ? Que
les scores à des tâches d’attention sélective
auditive, comme détecter des mots cibles
dans une séquence auditive de mots, expliquaient
plus de 30% de la variance des performances
dans une tâche de mémoire à
court terme verbale.»
Des expériences antérieures (2005, 2007)
effectuées chez l’adulte allaient déjà dans
le sens d’une implication des processus
attentionnels dans les tâches passives de
mémoire à court terme verbale. Il apparut
en effet que plus le nombre de mots
à retenir augmentait, plus se réduisait la
probabilité que le sujet testé détecte un
stimulus furtif présenté de façon inopinée
dans son champ visuel.
Le sillon intrapariétal gauche et le cortex
dorso-latéral préfrontal sont les régions
les plus communément activées lors des
tâches de mémoire à court terme verbale.
Toutefois, il ressort d’études récentes en
IRMf, dont en particulier celle conduite
par Steve Majerus et ses collaborateurs
sur le maintien à court terme de séquences
de non-mots et de séquences de visages
non familiers, que ce réseau cérébral
est activé de façon similaire tant à l’occasion
de tâches de mémoire à court terme
verbale que de tâches de mémoire à
court terme visuo-spaciale. Que faut-il en
déduire ? «D’abord, que ces deux types de
mémoire ont beaucoup plus de processus
en commun que ne le postulait le modèle
de Baddeley, qui opérait une distinction
nette entre les deux fonctions de stockage
concernées, commente Steve Majerus.
Ensuite, que le sillon intrapariétal gauche et
le cortex dorso-latéral préfrontal possèdent
sans doute principalement une fonction
globale de focalisation attentionnelle lors
de la réalisation de tâches de mémoire à
court terme.»
La force de l’ordre
Dans toutes les langues, le nombre de
phonèmes est fini et c’est leur ordre
d’agencement qui permet de distinguer
des mots de même longueur et de
même structure syllabique. Cette composante
«ordre sériel» est le troisième
facteur général à prendre en considération
lorsqu’on étudie la mémoire à court
terme verbale. Les tâches d’empan classiques
imposent au sujet de maintenir et de
rappeler deux types d’information: l’information
«item», c’est-à-dire les mots ou les
chiffres présentés, et l’information «ordre
sériel», qui se réfère à l’ordre dans lequel
ils l’ont été. L’IRMf met en évidence que si
le maintien à court terme de l’information
«item» active les régions sous-tendant le
traitement langagier (régions temporales
supérieures, moyennes et inférieures), le
maintien de l’information «ordre sériel»
recrute un circuit qui lui est spécifique:
la partie antérieure du sillon intrapariétal
droit.
L’«ordre sériel» n’est en rien le parent
pauvre des processus généraux impliqués
dans la mémorisation verbale à
court terme. Au contraire ! Différentes
études ont observé un lien puissant et
spécifique entre cette composante et le
niveau de vocabulaire. À telle enseigne
que Steve Majerus précise que «certains
modèles théoriques récents postulent que
la capacité à stocker l’ordre de phonèmes en
mémoire à court terme détermine la vitesse
d’apprentissage à long terme de nouvelles
séquences verbales, lesquelles consistent
surtout dans un ordon nancement nouveau
de phonèmes déjà connus (7).»
Des travaux menés à Liège et à Brighton
(Angleterre) vont dans ce sens. Ainsi, chez
l’enfant, le niveau de vocabulaire à l’âge
de 6 ou 7 ans est fortement corrélé avec
Philippe LAMBERT · NEUROSCIENCES
ses capacités de rappel de l’information
«ordre sériel», tandis qu’à 4 ans, ces mêmes
capacités sont les meilleurs prédicteurs
de son niveau de vocabulaire un an plus
tard. Et chez l’adulte, plus cette faculté est
aiguisée, plus rapide est l’apprentissage
d’un nouveau vocabulaire.
Comme le conclut Steve Majerus, la
mémoire à court terme n’est pas un système
mnésique analogue aux autres
constituants du modèle proposé en 1995
par Endel Tulving. D’ailleurs, s’agit-il bien
d’un système mnésique à proprement
parler ? Dans sa composante verbale, ne
s’assimile-t-elle pas plutôt à une fonction
de maintien (de l’information) émergeant
avant tout de l’interaction d’activations
dans les systèmes langagier, attentionnel
et de traitement de l’«ordre sériel» ? La
«stratégie» de la mémoire à court terme
consisterait donc en quelque sorte à utiliser
les systèmes mnésiques à long terme
au service de traitements de l’information
dans le moment présent.
D’ores et déjà, une chose est certaine: les
tâches de mémoire à court terme ne font
pas appel à un système de stockage bien
spécifique. Au contraire, même les plus
simples d’entre elles supposent l’interaction
de multiples systèmes.
(1) Par exemple, durant la phase
où un numéro de téléphone
maintenu en mémoire est
effectivement composé. (2)
Les multiples déterminants de la
mémoire à court terme verbale:
implications théoriques et évaluations,
par Steve Majerus,
dans Dévelop pements, avril
2010.
(3) Termes dépourvus de sens, tels
«tincheluche» ou «mupfteux».
(4) Mots similaires au mot cible
et en différant par un seul
phonème.
(5) Imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle.
(6) et (7) Op. cit. (2).
27

28
ATHENA 264 · Octobre 2010 > ENVIRONNEMENT
Érodés, desséchés, inondés, les
sols endossent les variations
climatiques. Leur nature et leur
fonctionnement sont troublés
alors qu’ils contribuent aux
mécanismes atmosphériques.
En les surexploitant, les hommes
activent des bombes climatiques
au retardement incertain
Gaz
terre
à effet de
Texte : Paul DEVUYST
Photos : B. van Wesemael (p.30), L. Allanic/Flickr (p.29), Sophie/Flickr (p.31)
C ombien
de décideurs marchent
chaque jour sur la
terre qui charpente le sol ?
Et pourtant le sol abrite
nos racines et recèle nos
vivres. Livres ouverts sur le climat, les sols
révèlent aux scientifiques ses rythmes et
comportements millénaires.
Exemple. Les compositions isotopiques
des glaces des carottes groenlandaises
et antarctiques montrent les évolutions
de la concentration atmosphérique de
dioxyde de carbone (CO 2 ) - et donc de la
température - lors des transitions entre
les périodes glaciaires et interglaciaires.
Ces dernières, plus chaudes, ont connu
des taux de CO 2 de 300 ppmv (partie par
million en volume). Or aujourd’hui, la
concentration dépasse de 30% ces maximas
enregistrés sur des périodes de plus
de 800 000 ans.
Nos sols en danger
Si les corollaires les plus connus de la
hausse des températures sont la fonte
des glaces avec pour conséquences la
montée du niveau des mers et l’érosion
des rivages, on néglige très souvent les
changements géologiques qui se produisent
à l’intérieur des terres et qui ne
sont pourtant pas moins importants.
Plus de la moitié des surfaces cultivables
du monde, soit près de deux millions
d’hectares, sont déjà victimes de dégradations,
légères ou graves, ayant différentes
causes, souvent cumulées.
L’érosion hydrique, due à l’impact des
gouttes de pluie et au ruissellement,
emporte les particules des sols. Le
même phénomène se produit sous
l’effet du vent; l’érosion éolienne touchant
surtout les régions pré-désertiques.
L’autre source de dégradation des
sols est l’altération de leur composition
chimique - acidification, salinisation,
déversements d’effluves industriels, utilisation
abusive d’engrais ou de pesticides
- et de leurs propriétés physiques,
notamment avec le phénomène de tassement.
Autant d’altérations du sol qui
conduisent à la destruction de cette ressource
essentielle à l’homme. Il ne faut
pas oublier que les sols ont plusieurs
fonctions primordiales à notre survie:
ils assurent évidemment la production
alimentaire via l’agriculture, ils constituent
également une formidable réserve

de biodiversité, ils permettent de limiter
les effets de serre et enfin, ils participent
activement au cycle de l’eau et au maintien
de sa qualité.
Les processus de dégradation du sol
sont souvent le résultat de mauvaises
pratiques, comme l’utilisation de machines
trop lourdes en agriculture, foresterie
ou génie civil; de rejets de polluants,
notamment dans les zones industrielles;
de l’utilisation inadéquate d’engrais ou
de pesticides dans les parcs, jardins et en
agriculture; de la non-couverture du sol
en hiver; d’une urbanisation intensive,
etc…
Le projet
«PROSENSOLS»
En septembre 2006, la Commission européenne
proposait donc de mettre en
place une stratégie visant la protection
des sols. De là est né le projet Interreg IV
«PROSENSOLS» réunissant des partenaires
de Flandre, de Wallonie et du nord de
la France. L’idée, via cette collaboration
transfrontalière, est de sensibiliser le
grand public, de multiplier les échanges
en matière de techniques agricoles et
d’harmoniser la protection des sols.
À l’initiative des Universités catholiques
de Louvain et de Gand, des chambres
d’agriculture, des parcs naturels et des
administrations, ainsi qu’avec le soutien
du Fonds européen de développement
régional (FEDER) et de l’Union Européenne,
a été ainsi mise sur pied une
campagne de sensibilisation et d’information,
à destination des agriculteurs,
du monde politique, du grand public et
en particulier des jeunes.
Côté agricole, PROSENSOLS entend renforcer
la conscientisation des agriculteurs
sur l’importance de la protection
des sols. Il s’agit de les familiariser à des
pratiques plus respectueuses, explique le
professeur Bielders (1), afin d’améliorer,
à terme, la productivité de leurs exploitations
et d’accroître la qualité de vie.
Les experts les encouragent à utiliser des
techniques alternatives de travail du sol
(ou techniques culturales sans labour) et
avoir recours à des cultures intermédiaires
comme la moutarde. Ces techniques
réduisent le risque d’érosion, favorisent
l’accumulation de matière organique et
donc stimulent l’activité biologique. Le
cloisonnement des interbuttes est une
autre technique visant spécifiquement
à réduire les problèmes d’érosion en
cultures de pommes de terre. Diverses
formations et journées portes ouvertes
leur sont ainsi proposées afin de leur
permettre de se familiariser à ces nouvelles
pratiques.
Ce programme formule également une
série de recommandations aux élus et
administrations quant aux mesures à
mettre en œuvre pour réduire la dégradation
des sols. Il s’adresse au grand
public, aux jeunes en particulier, afin de
lui faire prendre conscience des diverses
fonctions économiques, sociales et
environnementales des sols ainsi qu’aux
pressions auxquelles ils sont soumis
aujourd’hui. «À ce niveau également, des
actions concrètes peuvent être menées
pour protéger les sols», explique Charles
Bielders. Il faut éviter l’utilisation abusive
de pesticides dans les parcs et jardins et
veiller à rapporter dans les centres de tri
les produits non utilisés plutôt que de les
déverser dans la nature. L’utilisation de
revêtements perméables pour les allées
et trottoirs en lieu et place de dalles en
ciment ou du goudron permet de maintenir
la vie du sol et de réduire les risques
d’inondations. Il est bon également
d’éviter de circuler avec des véhicules en
dehors des chemins balisés en période
humide, car la compaction qui s’en suit
favorise l’érosion et modifie le fonctionnement
du sol, avec des répercussions
sur la flore et la faune.
Le flux de carbone
«Les nouvelles concernant les relations
entre l’atmosphère et notre sol ne sont pas
réjouissantes et méritent de retenir toute
notre attention», explique le professeur
van Wesemael, de l’UCL (2). Une étude
menée par l’UCL, en collaboration avec
des chercheurs belges, américains et slovaques,
apporte un éclairage nouveau
sur un phénomène connu mais non élucidé:
depuis 1960, 70% des variations de
changement de carbone organique du
sol (COS) sont dues aux impacts liés à la
gestion et à l’utilisation du sol tandis que
les changements climatiques n’ont pas
d’effet significatifs.
En réalité, c’est un véritable cercle vicieux
qui s’enclenche: les énormes réserves de
carbone organique - estimées à 1 500
Paul DEVUYST · ENVIRONNEMENT
Sous nos pieds,
il y a...
Le sol, que l’on peut définir
comme la mince couche supérieure
de la croûte terrestre
(pédosphère) où s’interpénètrent la
roche (lithosphère), l’air (atmosphère),
l’eau (hydrosphère) et les organismes
vivants (biosphère), est un milieu plus
complexe que l’air ou l’eau. Entité
naturelle aux formes multiples, le sol
constitue peut-être le système le plus
complexe étudié par la science. Il se
compose de substances organiques
et inorganiques, de composés solides,
liquides et gazeux. Il renferme de grandes
quantités d’organismes vivants et
constitue le milieu soutenant la vie
dans son acception la plus large.
L’agriculture a longtemps reposé
sur l’hypothèse selon laquelle le sol
constituait une ressource inépuisable
pour une production en croissance
perpétuelle. Il n’en est rien:
compte tenu de l’extrême lenteur de
sa formation (100-400 ans par cm de
terre végétale), il doit être considéré
comme une ressource non-renouvelable
qu’il importe de préserver.
29

30
ATHENA 264 · Octobre 2010 > ENVIRONNEMENT
gigatonnes (10 9 t), soit le double de celui
contenu dans l’atmosphère - menacent,
en se liant à l’oxygène de l’air pour former
du CO 2 , de s’extraire des terres. Cet élixir
de vie, végétale principalement, ancre
les nutriments du sol et en assure la disponibilité
aux plantes, bactéries, vers et
insectes. Il contribue ainsi au maintien
de la structure du sol ainsi qu’à l’infiltration
des eaux et accélère la décomposition
des polluants.
Les modifications dans les variations des
précipitations et les augmentations de
température, associées aux bouleversements
de la gestion des terres - mécanisation,
spécialisation de la production,
simplification des gestions - accélèrent
la libération du carbone stocké, en intensifiant
les mécanismes de minéralisation
et l’activité microbienne qui décompose
la matière organique. L’agriculture peut
donc être considérée comme un des secteurs
économiques ayant le plus important
potentiel de réduction de gaz à effet
de serre via la séquestration du carbone
organique du sol et celui-ci peut être
considéré comme un indicateur essentiel
de sa qualité (un taux élevé indique un
sol fertile) et réduit les risques d’érosion.
Les stocks en Belgique
L’étude menée par les chercheurs de
l’UCL attachés au Georges Lemaître
Centre for Earth and Climate research et
à l’Earth and Life Institute, en collabora-
LE SOL EST UN MILIEU VIVANT...
Il faut environ 100 ans pour
former 10 millimètres de sol.
893 000 tonnes de terre sont arrachées
chaque année en Wallonie
et se déposent dans les cours
d’eau. On estime qu’il y a dans
les sols 3 à 4 fois plus de carbone
que dans la végétation et 2 à 3
fois plus que dans l’atmosphère.
Sur ses 20 premiers centimètres,
un sol peut facilement contenir
30 tonnes de carbone par hectare
(10 000 m²).
En Europe, on dénombre pas
moins de 3,5 millions de sites
tion avec la Colorado State University,
la Direction générale Agriculture de la
Région wallonne et le Soil Science and
Conservation Research Institute de Presov
(en Slovaquie) a permis de cartographier
les stocks de COS en Belgique. Ce
travail, publié dans la revue scientifique
américaine Proceedings of the National
Academy of Sciences (PNAS), a été réalisé
grâce à 600 carottages des sols effectués
aux quatre coins du pays datant des
années 60 et refaites en 2006. La conclusion
à laquelle les chercheurs sont arrivés
est la suivante: les stocks de COS en
Belgique ont augmenté d’une manière
générale de 1,3% mais pas de façon uniforme
puisqu’ils ont augmenté de 10%
pour les prairies mais diminué de 8% en
ce qui concerne les terres arables.
Si l’on considère la carte ci-dessus, on
constate que c’est dans le sud du pays
que se situent les zones où le gain en carbone
est le plus important, l’Ardenne et
contaminés, dont 0,5 million
hautement contaminé. Cela
peut aller très vite, car une pile
de montre peut polluer 1 m³ de
terre ou 400 litres d’eau pendant
50 ans !
Un hectare de prairie contient
environ 2 tonnes de vers de
terre.
Un gramme de terre renferme
plusieurs milliards de
bactéries.
Sous une empreinte de pas
laissée sur un sol forestier, il y a
le Condroz étant passés, depuis le début
du siècle, d’une agriculture vivrière à
un élevage de plus en plus important.
«Or un champ retient moins de carbone
qu’une prairie parce que le cultivateur
récolte la paille et qu’il n’y a finalement
pas autant de dépôt naturel de matière
organique», explique le professeur van
Wesemael. «On peut considérer que cette
situation a atteint un plafond aujourd’hui
et que le stock de carbone n’augmentera
pratiquement plus de façon notable»,
poursuit-il.
Par contre, si on s’attache à la région limoneuse
de l’Entre-Sambre-et-Meuse, on
constate qu’elle présente les plus hauts
taux de perte de carbone en un demisiècle
avec une moyenne entre 15 et
30% et avec localement des points plus
élevés. Si l’on considère, par exemple, la
région comprise entre Gembloux et Louvain-la-Neuve,
on constate qu’entre 1960
et 2006, les grandes cultures intensives
notamment: 2 à 3 millions d’animaux
unicellulaires, 20 000 petits
vers, 2 000 à 5 000 micro-arthropodes
(acariens,…), 6 vers de
terre, 10 larves d’insectes, 1 araignée,
2 mille-pattes, 1 cloporte.
Environ 9% du territoire européen
sont affectés par l’imperméabilisation,
qui bloque l’aération
du sol et donc limite la vie
du sol. Cela empêche également
l’eau de s’infiltrer et favorise les
inondations.

s’y sont multipliées à un point tel qu’on
y atteint aujourd’hui la limite de moins
de 1% de carbone dans le sol, taux où
la terre ne peut plus absorber la pluie,
le sol forme alors avec les précipitations
une «croûte en surface». Cette situation
est à l’origine des coulées de boue qui
frappent les villages brabançons lors des
orages.
Un équilibre…
précaire
L’accélération de la perte de carbone
organique est également constatée en
Campine parce que si avant les années
50, les nombreuses prairies étaient mal
drainées, depuis lors les techniques
modernes de drainage et de remembrement
ont eu pour conséquence une
meilleure exploitation et donc… une
perte de carbone organique du sol. Par
contre, l’étude révèle une balance positive
dans les provinces d’Anvers et des
deux Flandres.
«Avec une augmentation de 1,3% entre
1960 et 2006, la balance de carbone organique
du sol belge est donc très légèrement
positive mais il convient d’être extrêmement
prudent car si les stocks devaient
diminuer, nous risquerions d’atteindre le
seuil critique fixé par le Bureau européen
des sols (qui est de 10g C/kg) et donc
d’augmenter les risque d’érosion», conclut
le professeur van Wesemael.
Reste à savoir comment éviter ce danger.
Pour lui, la solution est relativement
simple: «Adopter des pratiques agricoles
plus respectueuses de l’environnement,
c’est-à-dire ne pas laisser le sol à nu en
laissant sur place les résidus comme la
paille et ne pas pratiquer le drainage
intensif.»
UNE EXPOSITION ET DES OUTILS DIDACTIQUES...
›› Des dossiers didactiques gratuits
à destination des 15-16 ans, richement
illustrés avec différents
niveaux de lecture et des activités
didactiques, sur le sol, l’érosion et la
matière organique des sols. Inclus
un cd-rom avec des illustrations.
›› Des valisettes à emprunter contenant
du matériel permettant de
réaliser dès 12 ans des expérimentations
en classe afin de découvrir le
sol, ses fonctions et les dangers qu’il
encoure.
›› Des expériences à réaliser soi-même
ou en groupe.
›› L’exposition itinérante gratuite
avec des activités interactives
voyagera entre septembre 2010 et
juin 2012 en Wallonie, en Flandre
et dans le Nord de la France (région
Nord-Pas de Calais et département
de l’Aisne). Plus précisément, elle
sera en Wal lonie (Dans le Hainaut
à Ellezelles, Tournai et Charleroi)
jusqu’en janvier 2011.
Paul DEVUYST · ENVIRONNEMENT
La perte de matière organique et le labour
sont deux facteurs de dégradation des
sols, qui deviennent alors plus sensibles
à l’érosion.
(1) Professeur Charles Bielders,
Université catholique
de Louvain, Faculté d’ingénierie
biologique, agronomique
et environnementale,
Earth and Life Institute - pôle
environnement (ELI),
Croix du Sud 2, bte 2,
1348 Louvain-la-Neuve,
tél.: 010/47.37.14, e-mail:
charles.bielders@uclouvain.be .
(2) Professeur Bas van Wesemael,
Université catholique de
Louvain, Faculté des sciences,
Earth and Life Institute (ELI),
GEO, Place Louis Pasteur 3,
1348 Louvain-la-Neuve,
tél.: 010/47.20.56, e-mail:
Bas.Vanwesemael@uclouvain.be
... à destination des enseignants pour sensibiliser les élèves à la protection des sols, c’est-à-dire :
›› Pour plus de détails sur les localisations
précises, il suffit de consulter
le site web du projet:
www.prosensols.eu
›› Des journées de formation pour les
enseignants afin de découvrir les
sols sur le terrain et les expériences
didactiques.
31

32
ATHENA 264 · Octobre 2010 > BIOLOGIE
Blanc, rose
ou bleu,
barbu
ou maléfique,
Texte : Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be
Photos : C. MEHLFÜHRER (p.32), G. VAN DER MERWE (p.35)
Il sera cette fois beaucoup
question d'anatomie: vous ferez
en effet connaissance avec un
singe à face blanche, un petit
poisson barbu, une chauve-souris
au nez blanc et un joli et minuscule
ver transparent. On vous
parlera aussi de roses et de choux
et du combat incessant de la vie
contre la mort...
qui suis-je ?
T’as de beaux yeux, tu sais!
Longtemps on a pensé que la
culture était le privilège d’une
seule espèce: la nôtre. De plus
en plus aujourd’hui, des spécialistes
pensent qu’il faut étendre la notion au
monde animal - le plus évolué en tout
cas - dans la mesure où nombre d’activités,
de gestes, sont transmis des parents
aux enfants, ces derniers reproduisant
ce que font leurs aînés. C’est effectivement
une forme de culture, puisque ces
gestes souvent utiles ne sont héréditaires
que par assimilation, la génétique
n’y étant pour rien.
L’acquis est en général bénéfique pour
l’individu; en matière d’alimentation,
de sécurité ou d’intégration sociale. À
ce propos, des zoologistes attachés à
l’étude longitudinale de populations
de singes capucins à face blanche
ont récemment assisté à l’émergence
d’un geste «social» nouveau, reproduit
depuis dans les populations étudiées,
et pour lequel ils se demandent encore
quel peut bien être son «utilité». En
l’occurrence, un de ces singes, face à
un autre du même groupe, lui introduit
un doigt sous la paupière et le pousse
jusqu’à l’articulation de la première
et de la seconde phalange. Déjà et par
simple assimilation, on peut suspecter
que le geste est passablement douloureux,
même si la notion de douleur est
différentielle d’une espèce à l’autre.
Mais il est aussi dangereux: les capucins,
comme la plupart des autres mammifères,
ont des ongles assez longs et rarement
manucurés; un risque existe donc
de blesser les globes oculaires et de les
infecter avec les conséquences qu’on
peut imaginer pour la vue.
On s’interroge donc sur l’origine et le
bien-fondé - s’il y en a un - de ce geste.
Les observateurs voudraient y voir un
signe d’intégration sociale avec une marque
de confiance dans l’autre. La douleur
- ou l’inconfort - associée serait précisément
la marque de cette confiance.
C’est vrai que l’espèce humaine sait
aussi gagner son intégration sociale par
la douleur parfois, entre scarifications,
tatouages ou circoncisions rituelles. On
n'en est tout de même pas encore là
chez le capucin…
Science 2010 ; 329 : 266

Comme souvent, l’histoire commence
assez mal: les côtes
de la Namibie regorgent de
poissons et notamment, de sardines,
particulièrement appréciées tant pour
la consommation que pour l’exportation.
On pêche, on pêche… et puis
les effectifs s’épuisent. Ce genre de
situation fait partie d’un discours aux
accents dramatiques trop souvent
entendu. Résultat: le plancton, dont
les populations gonflent plusieurs fois
par an, n’est plus assez consommé,
Le petit poisson du renouveau
meurt et sédimente au fond, où il crée
une forme de compost animal dont
personne ne veut. Personne ? Si, les
méduses, qui se mettent se mettent à
croître et qui elles aussi, par manque
de prédateurs, enrichissent les fonds
marins d’une couche supplémentaire
de matière organique. Pas anodine,
celle-ci: elle est additionnée du poison
produit par l’animal. Conséquence:
une raréfaction de l’oxygène en profondeur
où l’ambiance est à la fois
toxique et asphyxique. Bref, à première
vue, la situation ne peut qu’empirer, ce
qui laisse augurer d’une perturbation
de l’environnement local de plus en
plus irréversible.
Pas sûr. Alors qu’on pensait la situation
vraiment dramatique, on a vu émerger
des populations croissantes d’un gentil
petit poisson qui, rapidement, a semblé
s’accommoder de ces conditions
nouvelles. En l’occurrence, il s’agit d’un
gobie, Sufflogobius bibarbatus - ou
En cette année de la biodiversité, on n’a de
cesse de répéter que la diversité animale
et végétale court de grands risques pour
toutes les raisons - essentiel lement anthropiques
- que l’on connaît.
Mais la disparition de certaines espèces ne doit
rien à l’activité de l’homme; au moins directement.
On sait par exemple que des épizooties
ont fait des ravages au sein des populations de
pinnipèdes nord-européens, qu’une tumeur
pourrait venir à bout du diable de Tasmanie, etc.
Dernier exemple en date: celui d’une chauvesouris,
la Myotis lucifugus. L’espèce n’est a priori
gobie barbu - dont la taille peut atteindre
13 cm. Sa présence a évidemment
intrigué les spécialistes qui ont diligenté
une étude spécifique sur les lieux, complémentée
de vérifications en conditions
contrôlées de laboratoire.
Il apparaît d’abord que ce modeste
est indifférent au poison des tentacules
urticants; sans doute en raison
de l’épaisseur de sa peau. Ensuite, on
a constaté qu’il est un des seuls animaux
à pouvoir se nourrir
des méduses qui constituent
60% de son alimentation; ce
qui lui permet, au passage,
de réduire la densité de ces
dernières et qui accrédite
l’idée qu’il doit avoir mis au
point un système qui lui
permet de détoxiquer son
alimentation.
Petit par la taille, il doit
avoir de sérieux prédateurs
en surface. Certes, donc il
passe le plus clair de son
temps en profondeur, là
où s’accumule la matière
organique et où l’oxygène est plutôt
rare. Qu’importe. L’animal s’est aussi
adapté à cette situation puisque non
seulement il peut vivre avec peu d’oxygène,
mais il en profite pour se nourrir
de diatomées (de plancton, donc)
riches en sulfure d’hydrogène, produit
de la dégradation anaérobie locale. Et
puisqu’il a tout de même besoin de sa
ration d’oxygène, il remonte en surface…
la nuit: les prédateurs n’y sont
plus, ce qui n’est en revanche pas le
cas du phytoplancton dont il se repaît
aussi au passage.
Voilà donc une adaptation rondement
menée à bénéfice multiple. Elle permet
au passage de rappeler le dynamisme
du vivant; ce n’est pas parce qu’une
niche écologique n’est plus occupée
suite à un dérèglement - climatique ou
autre - qu’elle le demeure. Dans le cas
présent, si le gobie barbu a remplacé la
sardine au fond des mers, réglant par la
même occasion quelques problèmes
environnementaux, il l’a aussi remplacée
dans l’assiette des Namibiens !
Science 2010 ; 329 : 268
Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE
Un nez blanc comme un linceul
33

34
ATHENA 264 · Octobre 2010 > BIOLOGIE
pas rare puisqu’on la trouve aussi bien sur le territoire américain
que sur celui de la vieille Europe. Pourtant, les populations
tendent à se réduire avec une vitesse soutenue outre-Atlantique.
En cause: une moisissure qu’hébergent les fosses nasales
de l’animal - surtout pendant son hibernation - qui provoque
rapidement ce que l’on a tout simplement appelé le syndrome
du nez blanc, par allusion au signe d’infection manifesté par
l’animal atteint. Cette infection est fatale et si on n’y porte pas
rapidement remède, toutes les populations de la partie est de
l’Amérique du Nord pourraient bien disparaître au terme des 15
prochaines années.
On s’est donc ému de la situation et quelques spécialistes ont
pris le problème à bras le corps, des deux côtés de l’Atlantique.
Des roses et des choux...
La nature est ainsi faite que s’il y a
globalement autant de femmes
que d’hommes, les valeurs respectives
évoluent dans le temps. Il naît
en effet davantage de garçons que
de filles (dans une proportion proche
de 52 - 48% environ), essentiellement
parce que les fausses-couches concernent
davantage d’embryons et fœtus
de sexe féminin. Puis, au fil du temps,
la parité se rétablit et en fin de vie, il
subsiste, comme on le sait, bien plus
de veuves que de veufs…
Depuis de nombreuses années déjà,
on s’est inquiété de savoir si les nouvelles
méthodes de procréation - celles
qui reposent sur une intervention
médicalisée - n’avaient pas quelque
influence sur ce rapport garçon-fille à
la naissance, que les spécialistes appellent
tout simplement «sex ratio».
Il a fallu attendre que les effectifs
soient suffisants pour tirer quelques
conclusions plausibles dont on a pu
faire ressortir que le dopage hormonal
dont les femmes sont l’objet avant une
fécondation in vitro (FIV) pouvait en
effet avoir une influence sur ce paramètre.
Pour s’en assurer, il n’est qu’à
prendre en considération les valeurs
Et c’est là qu’une surprenante découverte est apparue: la même
moisissure - Geomyces destrutans - est présente des deux côtés
et par conséquent aussi, chez les chauves-souris européennes,
avec l’apparition du même syndrome. À une différence
près, toutefois: la maladie n’est pas mortelle de notre côté. Si
on en reste pour l’heure au stade de l’inter rogation quand à
cette différence d’effets, on sait qu’on a avancé d’une case: il
y a sans doute des explications à rechercher chez les animaux
européens atteints; atteints, mais toujours vivants. De quoi
offrir aussi, à terme, des chances de survie aux lointains cousins
américains.
Science 2010 ; 329 : 679-682
rapportées par la plus récente synthèse
nationale des PMA (procréations
médicalement assistées).
Si on s’en tient aux inséminations artificielles
simples, qui ne justifient pas
ce recours au dopage hormonal massif
(un «petit coup de pouce» ovarien est
toutefois souvent administré), la proportion
reste égale à ce qui est attendu
puisqu’il naît 48,7% de garçons et
47,8% de filles (le sexe n’ayant pas été
communiqué pour 3,5% des enfants
conçus). La différence semble faible,
mais donc toujours à la faveur des
enfants mâles.
Si, cette fois, on tient compte des naissances
après fécondation in vitro - avec
ou sans insémination assistée, mais
après replacement rapide d’embryons
- on note que le rapport s’est inversé
puisqu’il naît 48,5% de garçons et
49,8% de filles (1,72% étant inconnu).
À l’évidence, la stimulation ovarienne
massive ou la technique elle-même,
si ce n’est les deux ensemble, auraient
opéré une sélection embryonnaire à
la faveur des filles. Et si on s’intéresse
enfin aux enfants nés après le replacement
d’embryons préalablement
congelés, la différence est sans appel:
il naît 45,4% de garçons et 52,6% de
filles (2,1% de résultats restant inconnus).
À l’évidence, et pour autant que
ces dernières valeurs, qui portent sur
un effectif de 814 enfants, soient représentatives,
la congélation induirait une
perte plus grande d’embryons mâles.
La raison reste toutefois à identifier.
Faut-il y voir une méthode possible
de sélection du sexe ? On s’en gardera
bien; d’abord les valeurs s’écartent,
dans l’absolu, relativement peu
du 50–50, ce qui rend l’option peu
crédible. Mais surtout, les valeurs du
sex ratio pour les effectifs de l’année
précédente (3 270 enfants nés après
FIV et 619 après transfert d’embryons
décongelés) vont exactement dans le
sens opposé !
Les procréations médicalement assistées
ont pour objectif de permettre la
naissance d’un enfant quand la nature
le refuse. Le sexe de l’enfant, dans ce
contexte et dans la majorité des cas,
demeure donc hautement aléatoire. La
part de la surprise, en somme…
Report of the College of Physicians for
Assisted reproduction Therapy. Belgium
2007. Report of January 29, 2010 (FIV)
and November 20, 2009 (non-FIV)

Alzheimer ou…vieillesse ?
On sait que la maladie d’Alzheimer
- une dégénérescence
progressive du cortex cérébral
- est due au dépôt, sur ce même cerveau,
d’une protéine - la β-amyloïde -
associée à une autre, appelée Tau. L’ensemble
forme des plaques croissantes
qui, de façon progressive et inexorable,
hypothèquent la fonction cérébrale.
Leur caractère insoluble a amené des
chercheurs à rechercher, aussi tôt que
possible dans l’échelle évolutive, si on
ne retrouvait pas d’autres protéines de
ce genre, caractérisées par la même
insolubilité. Ils ont jeté leur dévolu sur
le petit ver microscopique Caenorhabditis
elegans et ils ont identifié, chez ce
nématode microscopique, 461 protéines
répondant à cette caractéristique.
Ils ont pu constater que certaines d’entre
elles deviennent même de plus en
plus insolubles à mesure que l’âge de
Depuis son identification au
milieu des années 80, le virus
HIV a fait l’objet d’un combat
sans relâche et il est peu dire que,
jusqu’ici, il reste largement invaincu. Ce
n’est évidemment pas faute d’avoir mis
en œuvre tous les moyens possibles
de lutte: médicaments, microbicides,
vaccins, utilisés seuls ou de façon combinée.
En dépit de plus de deux siècles
d’existence, le préservatif reste, comme
on le sait, le barrage le plus efficace,
mais malheureusement pas toujours le
plus utilisé. Restent les autres moyens
préventifs et, à défaut, les traitements
curatifs - tri-thérapeutiques ou
non - dont on sait qu’au mieux,
ils ne font que ralentir la
progression du mal.
Une nouvelle avancée, jugée
déterminante bien que non
l’animal augmente; parmi elles, quelques-
unes qui présentent une étrange
similitude moléculaire avec les responsables
de la maladie neurodégénérative
précitée. A contrario, les mêmes chercheurs
ont également constaté que les
vers qui disposent de la mutation qui
ralentit leur vieillissement, sont aussi
ceux pour lesquels l’accumulation, avec
l’âge, est la plus faible.
Que tout cela signifie-t-il ? Que l’accumulation
protéique responsable de la
maladie d’Alzheimer n’est peut-être
pas uniquement «pathologique», mais
qu'elle serait aussi liée à l’âge. Une
mutation rendrait simplement le processus
plus important chez ceux qui
développent réellement les symptômes
connus pour la maladie. Étrangement
- les résultats rapportés le prouvent -
le processus est très ancien puisqu’on
HIV: un pas déterminant ?
absolue quant à ses résultats, vient
d’être enregistrée à l’issue d’une étude
menée en Afrique du Sud, un pays particulièrement
concerné. 444 femmes
sexuellement actives, âgées de 18 à 40
ans ont été encouragées à introduire
deux fois par jour, dans leurs voies
génitales, un gel enrichi en tenofovir,
un produit microbicide. 445 autres ont
reçu un placebo. L’évaluation a duré
30 mois, période à l’issue de laquelle
des tests ont permis de noter que 38
femmes du premier groupe et 60 du
second avaient entretemps contacté
le virus; ce qui représente donc 13,5%
d’infection dans le groupe placebo,
contre 8,5% «seulement» dans le
groupe traité. C’est 8,5% de trop, bien
entendu, mais la différence que les
résultats font apparaître témoigne d’un
réel progrès. Il faut d’abord affiner les
valeurs recensées à la lueur d’un ques-
Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE
en retrouve des traces très loin dans
l’échelle évolutive. Si le processus s’est
maintenu, c’est parce qu’il ne contrarie
pas la survie des espèces (ses manifestations
surviennent à la fin de la vie)
ou - peut-être - qu’un avantage évolutif
lui est associé. Est-il conservé dans
l’espèce humaine ? C’est ce qui devrait
être recherché…
Nature 2010 ; 466 : 904
tionnaire précis permettant de savoir,
en particulier, comment le gel a été
employé, avec quelle fréquence, avec
ou sans préservatif associé, etc. Il sera
ensuite question d’améliorer le rendement
du traitement en y associant,
en particulier, un médicament de type
préventif à prendre par la bouche.
On aura compris que la démarche fondatrice
consiste à faire de la femme
l’instigatrice de sa propre prévention.
C’est donc un «plus» par rapport
au préservatif, dont l’utilisation
lui échappe en partie. Mais on l’aura
également compris, la partie n’est pas
encore gagnée pour autant.
Science 2010 ; 329 : 374-375
35

36
ATHENA 264 · Octobre 2010 > MÉDECINE
Le docteur Cédric
Blanpain, de l’Université
libre de Bruxelles, et deux
membres de son équipe :
Panagiota Sotiropoulou
et Aurélie Candi.
Les
cellules
souches
résistance
Dans un article récent (1) publié par Nature Cell Biology, l’équipe du
docteur Cédric Blanpain, de l’Université libre de Bruxelles, fait part de
sa découverte de nouvelles propriétés caractéristiques de certaines
cellules souches adultes en réponse aux dommages occasionnés à leur
ADN. Une avancée dans l’élucidation des mécanismes de la cancérisation
et du vieillissement
Texte : Philippe LAMBERT • ph.lambert.ph@skynet.be
Photos : Ph. LAMBERT (p.36), REPORTERS (pp.36 à 38)
L
a plupart des tissus adultes
contiennent des cellules
souches (SCs) qui assurent
le renouvellement des cellules
mortes ou endommagées
et la réparation des tissus de
l’organisme après lésion. Une de leurs
caractéristiques est de résider et de se
diviser durant de longues périodes au
sein de leur tissu d’appartenance, ce qui
les expose à un risque important d’accumulation
de mutations susceptibles de
mener au développement de cancers ou
au vieillissement. On connaît cependant
très peu la manière dont elles répondent
in vivo, dans leur niche naturelle,
aux dommages occasionnés à leur ADN.
Quelles sont les conséquences fonctionnelles
de tels dommages sur les cellules
souches et quels mécanismes moléculaires
ces dernières mettent-elles en œuvre
quand elles y sont exposées ? Voilà les
questions clés sur lesquelles s’est penchée
récemment une équipe de l’Institut
de Recherche Interdisciplinaire en Biologie
Humaine et Moléculaire (IRIBHM) de l’Université
libre de Bruxelles (ULB).
Les chercheurs se sont concentrés sur les
cellules souches résidant dans une région
spécialisée du follicule pileux appelée,
en anglais, le «bulge». Cette population
est très bien caractérisée et constitue un
font de la
réservoir de cellules souches multipotentes
capables de se différencier pour donner
naissance à l’ensemble des lignées
cellulaires de l’épiderme. De tous les
dommages à l’ADN, ceux dont les caractéristiques
sont les mieux connues sont
les cassures double brin. Aussi le groupe
du docteur Cédric Blanpain, chercheur
qualifié au Fonds national de la recherche
scientifique (FNRS), a-t-il étudié,
chez la souris, l’effet de ces dommages,
induits par radiations ionisantes, sur la
réponse des SCs du follicule pileux.
Arrêt prématuré
On sait qu’il existe chez toutes les
cellules eucaryotes (possédant un noyau
structuré) un mécanisme puissant qui
détecte les dommages à l’ADN, en avertit
la cellule, répare les lésions afin d’assurer
l’intégrité du génome et, si les
dommages sont trop étendus, conduit la
cellule soit à la mort cellulaire programmée
(apoptose), soit à l’arrêt définitif du
cycle cellulaire (sénescence), soit encore
à l’induction de sa différenciation prématurée.
«Des mutations au niveau des
gènes contrôlant les étapes de la réponse
cellulaire aux dommages occasionnés
à l’ADN ont été associées à différentes

pathologies humaines, comme une accélération
du vieillissement, des maladies
neurodégénératives et le cancer», précise
Cédric Blanpain.
Les chercheurs de son groupe ont exposé
à des radiations ionisantes des souris
âgées de sept semaines, au moment
où les cellules souches du bulge sont
très peu prolifératives ou encore quiescentes
(au repos). L’accumulation de
dommages à l’ADN s'est traduit par un
profond arrêt du cycle cellulaire, durant
96 heures, dans toutes les cellules de
l’épiderme, y compris les SCs du bulge. À
des temps précoces après irradiation, ces
dernières ont commencé à mourir, mais
dans une moindre mesure cependant
que les autres cellules de l’épiderme. En
outre, à partir de 12 heures après l’accumulation
de dommages à l’ADN, le taux
d’apoptose a drastiquement diminué
dans la population de SCs, au point de
devenir indétectable après 24 heures. En
revanche, la mort cellulaire s'est maintenue
durant plusieurs jours au sein de la
population des cellules différenciées de
l’épiderme.
Pourquoi donc cet arrêt prématuré de
l’apoptose chez les cellules souches
adultes du follicule pileux ? Fallait-il
incriminer des facteurs génétiques
dans la mesure où l’on sait que, selon
leur lignée, les souris manifestent des
différences de sensibilité aux radiations
ionisantes ? Pour répondre à cette question,
plusieurs lignées ont été étudiées.
Aucun écart significatif n'a été observé
entre elles dans la réponse des SCs du
bulge 7 et 24 heures après l’irradiation.
La composante génétique de la lignée
murine était donc sans influence sur
la résistance de ces cellules souches à
l’apoptose.
Depuis longtemps, il est acquis que la
sensibilité des cellules aux dommages
causés à leur l’ADN est corrélée avec
leur taux de prolifération. Dès lors, plus
celui-ci est élevé, plus les cellules sont
sensibles aux radiations ionisantes. D’où
la possibilité que la quiescence des SCs
du bulge durant la période de repos du
cycle de renouvellement du poil puisse
expliquer l’arrêt précoce de l’apoptose.
«Les SCs du bulge prolifèrent activement
durant la phase de régénération du poil,
indique Cédric Blanpain. Nous avons
irradié des souris pendant cette période.
Comme les autres cellules de l’épiderme,
les cellules souches sont entreés en arrêt
du cycle cellulaire, mais, une fois encore, se
sont montrées profondément résistantes
à l’apoptose. De surcroît, nous les avons
soumises à un traitement de cinq jours à
base de 12-O-tetradecanoylphorbol-13acetate
(TPA) afin de stimuler leur prolifération
avant de les irradier. L’arrêt précoce
du processus de mort cellulaire n'a pas été
inhibé pour autant.» Bref, l’explication
postulant un effet de la quiescence des
SCs sur l’arrêt de l’apoptose n’était pas la
bonne non plus.
Hypothèses
démenties
Troisième possibilité: plutôt que de se
soumettre à l’apoptose, les SCs du bulge
deviendraient sénescentes (vieillissantes),
préservant ainsi de façon temporaire
l’architecture de l’épiderme. Comme l’a
démontré un faisceau d’observations
expérimentales, cette piste a abouti, elle
aussi, dans un cul-de-sac. Par exemple,
après irradiation, les cellules souches du
bulge n'ont dévoilé aucune élévation de
l’activité de la β-galactosidase, enzyme
dont l’activité spécifique est associée à
la sénescence. De même, leur régénération
n'a nullement été compromise
par les radiations ionisantes, comme a
Philippe LAMBERT · MÉDECINE
permis de le conclure l’accroissement
normal du pourcentage de follicules
pileux en phase de maturation quelques
semaines après irradiation. Par ailleurs,
les chercheurs ont activé la prolifération
des cellules de l’épiderme par un traitement
à base de TPA. Qu'ont-ils constaté ?
Que les SCs du bulge des souris contrôles
et des souris irradiées incorporaient
de manière similaire la bromodeoxyuridine,
nucléoside synthétique utilisé pour
détecter les cellules en prolifération dans
un tissu vivant.
Autrement dit, l’administration ponctuelle
d’un rayonnement ionisant ne réduisait
pas les capacités des cellules souches
du bulge de proliférer en réponse à des
signaux inducteurs de la mitose (division
cellulaire). «Mieux encore, l’administration
répétée de radiations ionisantes pendant
trois ou dix semaines consécutives ne réduit
pas non plus l’aptitude des SCs à proliférer
naturellement ou après avoir été stimulées
au moyen de TPA», rapporte Cédric
Blanpain. La sénescence n’est donc pas
la voie suivie par ces cellules souches en
réponse aux dommages occasionnés à
leur ADN.
Étaient-elles alors au centre d’un
phénomène de différenciation prématurée
analogue à celui mis récemment en
37

38
ATHENA 264 · Octobre 2010 > MÉDECINE
évidence chez les cellules souches des
mélanocytes lorsque leur ADN a essuyé
des dommages identiques ? La question
était d’autant plus fondée que les unes
et les autres partagent la même localisation.
La réponse fut néanmoins à nouveau
négative, suggérant que les propriétés
intrinsèques des SCs d’un tissu
spécifique revêtent plus d’importance
que celles de leur environnement dans
le contrôle de leur réponse fonctionnelle
aux dommages causés à leur ADN.
Enfin, les chercheurs ont entrepris de
déterminer si la résistance à l’apoptose
était la résultante d’une perte de
l’expression de la protéine CD34,
marqueur membranaire des cellules du
bulge et, en conséquence, de la migration
des cellules souches du bulge en dehors
de leur niche vers le compartiment plus
différencié. Hypothèse démentie une
fois encore.
Bcl-2 et P53
Devant l’échec de toutes les tentatives
d’explication susmentionnées, le groupe
de Cédric Blanpain, au sein duquel
Panagiota Sotiropoulou et Aurélie Candi,
premiers auteurs de l’article paru dans
Nature Cell Biology, ont joué un rôle
majeur, s'est interrogé sur la réalité des
dommages à l’ADN qu’étaient censées
avoir subis les SCs du follicule pileux.
Cette fois, la réponse a toutefois été
résolument affirmative, dans la mesure
où ces cellules activaient normalement -
c’est-à-dire comme les autres cellules de
l’épiderme - l’expression de p53, gène
suppresseur de tumeur communément
appelé le «gardien du génome» - son
rôle est d’induire l’expression de facteurs
stimulant l’arrêt du cycle cellulaire et
l’apoptose.
«Nous avons alors pensé que la cause de
la résistance des cellules souches du bulge
à l’apoptose était peut-être qu’elles exprimaient
plus de facteurs anti-apoptotiques
que les autres cellules de l’épiderme»,
explique Cédric Blanpain. En effet, la
mort cellulaire programmée se situe au
cœur d’une interaction entre facteurs
pro-apoptotiques et anti-apoptotiques.
Parmi ces derniers, l’un des mieux
connus est la protéine Bcl-2, dont le
gène est situé sur le chromosome 18.
Or qu’ont observé les biologistes de
l’IRIBHM ? Précisément que les SCs du
bulge exprimaient Bcl-2 de façon significativement
plus élevée que ne le faisaient
les autres cellules épidermiques.
Aussi, dans la foulée, ont-ils étudié les
conséquences fonctionnelles de radiations
ionisantes chez des souris transgéniques
déficientes en Bcl-2. Résultat:
une plus grande sensibilité des cellules
souches du bulge à la mort cellulaire
programmée. «Une conclusion s’imposait,
dit Cédric Blanpain: de plus hauts
niveaux de Bcl-2 sont en partie responsables
de la résistance de ces cellules à
l’apoptose induite par les dommages
occasionnés à leur ADN. Cela explique
notamment pourquoi la mort cellulaire
est moins massive chez les SCs que chez
les autres cellules de l’épiderme dans les
premiers temps après l’irradiation, mais
pas la séquence temporelle qui aboutit à
l’arrêt précoce de l’apoptose.»
Un autre mécanisme devait donc intervenir,
en sus. Lequel ? Une possibilité
envisagée par les chercheurs de l’ULB
était que l’activation du gène p53 après
l’irradiation aie été plus transitoire dans
les SCs du bulge. Tel était bien le cas. De
fait, l’abondance de p53, initialement
«normale» en réponse aux dommages
causés à leur ADN, y déclinait plus rapidement
pour devenir à peine détectable
24 heures après l’irradiation, alors
que la protéine continuait à être fortement
exprimée dans les autres cellules
différenciées de l’épiderme. Encore
fallait-il prouver que ce phénomène
contribuait réellement à la résistance
des cellules souches du bulge à l’apoptose.
Pour ce faire, les chercheurs ont eu
recours à un modèle de souris transgéniques
qui leur ont permis d’augmenter
artificiellement l’abondance de p53
dans les cellules souches du follicule
pileux. Dans ces conditions, les SCs du
bulge continuaient à mourir au-delà de
24 heures après l’irradiation, à l’image
des autres cellules épidermiques et qui
plus est, selon le même schéma temporel
que ces dernières.
Entre réparation et
erreurs
Restait à trouver l’origine de la chute
rapide de l’expression de p53 dans
les cellules souches du follicule pileux
des souris normales (non génétiquement
modifiées) dont l’ADN avait subi
des cassures double brin. Comme des
boucles de rétrocontrôle négatif sont
présentes dans la quasi-totalité des
systèmes biologiques, une possibilité
aurait été l’intervention, au niveau des
SCs concernées, d’une telle boucle, qui
se serait révélée très active. «Nous n’avons
pu dégager aucun argument en ce sens,

mais cela n’exclut pas pour autant qu’un
tel phénomène puisse éventuel lement
avoir cours», indique le responsable du
groupe de recherche.
Une autre hypothèse explicative du fait
que l’activation de p53 est de beaucoup
plus courte durée dans les cellules
souches du follicule pileux serait que
les lésions de leur ADN sont réparées
plus rapidement que celles des autres
cellules épidermiques. Et c’est bien ce
qui se produit. Afin de le vérifier, les chercheurs
de l’IRIBHM ont évalué par immunofluorescence
l’expression de γ-H2AX
à différents moments après l’irradiation
des souris, le taux de cette protéine étant
corrélé avec la persistance de cassures
double brin non réparées. Il est apparu
que les foyers de γ-H2AX disparaissaient
plus vite dans les SCs du bulge que dans
les autres cellules de l’épiderme, accréditant
ainsi l’hypothèse émise.
Deux mécanismes président à la réparation
des cassures double brin: la recombinaison
homologue (HR), qui s’avère
très fidèle mais ne peut s’opérer que
quand les chromosomes sont appariés
en mitose, et la jonction des terminaisons
non homologue (NHEJ), qui est sujette
aux erreurs. La majorité des cellules en
phase de quiescence voient les cassures
double brin de leur ADN réparées par
NHEJ. Or la plupart des cellules de l’épiderme
sont le plus souvent quiescentes.
Plusieurs essais indépendants ont
permis au groupe de Cédric Blanpain de
montrer que l’activité de ce mécanisme
de NHEJ était particulièrement soutenue
dans les SCs du bulge après irradiation
des souris et qu’elle était associée à un
niveau d’expression élevé de DNA-PK,
une des protéines clés de cette voie de
réparation.
Afin de déterminer si le plus haut niveau
d’activation de DNA-PK dans ces cellules
était bien responsable de la réparation
plus rapide de leur ADN et, de façon
subséquente, de leur plus grande
résistance à l’apoptose, les chercheurs
de l’ULB ont administré des radiations
ionisantes à des souris transgéniques
qui portent une mutation ponctuelle
du gène codant pour DNA-PK. «Cette
mutation induit une diminution d’environ
50% de l’activité de la protéine et une augmentation
de l’apoptose, rapporte Cédric
Blanpain. Par comparaison avec les souris
contrôles, les souris transgéniques manifestaient
une carence dans la répara-
tion de leur ADN au niveau des cellules
souches du bulge, lesquelles abritaient de
nombreux foyers de γ-H2AX vingt- quatre
heures après l’irradiation. La présence
de lésions de l’ADN non réparées dans
les SCs s’accompagnait d’une expression
soutenue de p53 et d’un accroissement de
l’apoptose.»
Quelles perspectives ?
En langage imagé, nous pourrions dire
que les cellules souches du follicule
pileux «veulent survivre à tout prix».
Elles y arrivent d’ailleurs très bien, mais à
l’aide d’un mécanisme de réparation de
l’ADN propice aux erreurs. À long terme,
le risque d’accumulation de mutations
dans ces cellules est non négligeable.
L’arme est donc à double tranchant, dans
la mesure où un bénéfice immédiat (la
survie de la cellule) peut se réaliser aux
dépens de la maintenance de l’intégrité
génomique à long terme. En d’autres
mots, l’accumulation de mutations pourrait
favoriser l’apparition de cancers et le
vieillissement. «Quand on pense à l’évolution,
ce mécanisme de protection des cellules
souches a beaucoup de sens, souligne
Panagiota Sotiropoulou. Il y a plusieurs
centaines d’années, le vieillissement et le
cancer ne représentaient pas un problème
de survie pour l’homme, son espérance de
vie ne dépassant pas 30 ans. Il était bien
plus important de protéger les cellules
souches de la mort cellulaire que d’éviter de
nouvelles mutations dans leurs génomes.»
À la suite de la découverte des chercheurs
de l’IRIBHM se posent plusieurs
questions primordiales. La première
est de savoir si, comme on le pressent,
la résistance des cellules souches du
follicule pileux à l’apoptose est effectivement
une cause de cancérisation. «Nous
travaillons actuellement sur le sujet»,
précise Cédric Blanpain. Et pour autant
que, ayant accumulé des mutations,
les SCs du bulge aient pour possible
destin de devenir des cellules souches
cancéreuses, celles-ci conservent-elles
les mêmes facultés de résistance à la mort
cellulaire que les «cellules de départ»,
ce qui pourrait peut-être expliquer en
partie le relatif échec des traitements
anticancéreux classiques (radiothérapie,
chimiothérapie) dont le principe
consiste à provoquer des dommages à
l’ADN ? «Théoriquement, on pourrait alors
tenter d’inhiber la résistance à l’apoptose
Philippe LAMBERT · MÉDECINE
chez les cellules souches cancéreuses dans
le but d’améliorer l’efficacité des thérapies
anticancéreuses», considère Cédric
Blanpain.
Autre point essentiel: dans quelle mesure
le mécanisme de réparation de l’ADN et
de résistance à la mort cellulaire mis en
lumière chez les SCs du follicule pileux
est-il partagé par d’autres types de cellules
souches adultes, que ce soit au niveau
de la peau ou au niveau d’autres tissus ?
En fait, il semble que ces cellules, selon
leur nature, développent des stratégies
différentes pour répondre aux lésions
de leur ADN. Ainsi, les SCs de l’intestin
meurent massivement après irradiation,
tandis que dans les mêmes circonstances,
les cellules souches du mélanocyte
se différencient prématurément au sein
de leur niche. «Si l’on s’aventure à la lisière
de la science-fiction, on pourrait imaginer,
par exemple, d’augmenter l’expression
de la protéine Bcl-2 dans l’intestin pour
en protéger les cellules souches lorsqu’on
traite un patient par radiothérapie ou
chimiothérapie pour le cancer d’un autre
organe», confie notre interlocuteur.
Cela étant, les résultats préliminaires
(non encore publiés) de plusieurs équipes
semblent indiquer que le mécanisme
décrit par les biologistes de l’ULB
chez les SCs du bulge ne serait pas isolé
mais commun à d’autres cellules souches
adultes. L’élucidation des mécanismes
de la cancérisation et du vieillissement
se poursuit...
(1) Bcl-2 and accelerated DNA
repair mediates resistance of hair
follicle bulge stem cells to DNAdamage-induced
cell death,
par Panagiota A Sotiropoulou,
Aurélie Candi, Guilhem Mascré,
Sarah De Clercq, Khalil Kass
Youssef, Gaëlle Lapouge, Ellen
Dahl, Claudio Semeraro, Geertrui
Denecker, Jean-Christophe
Marine et Cédric Blanpain, dans
Nature Cell Biology, 2010.
39

40
ATHENA 264 · Octobre 2010 > PHYSIQUE
Une
radioactivité
sous influence ?
Texte : Henri DUPUIS • dupuis.h@belgacom.net • Photo : Eso (p.40)
La radioactivité est un phéno-
mène aléatoire. Voilà un dogme
de la physique dont certains
commencent à douter: elle serait
influencée par le Soleil, particulièrement
les éruptions solaires !
L
’actualité des publications en
physique révèle parfois des
moments intenses, où l’on
oscille entre imaginer être à
l’aube d’un bouleversement,
et se demander s’il ne s’agit pas plutôt
d’un banal effet agissant sur les appareils
de mesure.
La radioactivité est un phénomène physique
naturel, observé depuis longtemps,
bien connu et maîtrisé des physiciens.
L’être humain a toujours vécu dans un
environnement radioactif et dans nos
sociétés actuelles, la radioactivité provient
pour deux tiers environ du sol (radon) et
de l’air ambiant (rayons cosmiques) et
pour un tiers, des usages médicaux (cela
dépend évidemment fortement de tout
un chacun: une simple radio dentaire est
sans commune mesure avec une radiothérapie
destinée à soigner un cancer).
Le reste (industrie et retombée des essais
militaires) est pratiquement négligeable,
représentant moins de 1% de la radioactivité
ambiante totale. Même les objets
les plus courants, qui nous semblent
les plus anodins, sont radioactifs: 13 Bq
(becquerel, nous y reviendrons) pour un
litre d’eau de mer, 1 000 pour un kilo de
granit et 7 000 pour le corps humain ! À
comparer aux 12 000 Bq d’un gramme
d’uranium. Pourtant, malgré cette proximité
quotidienne avec la radioactivité,
beaucoup continuent à n’y voir qu’un
phénomène artificiel, dû à l’intervention
de l’homme. Et il reste mal connu du plus
grand nombre.
Une colle très spéciale
De manière très simple, on peut dire
que la radioactivité est un phénomène
au cours duquel un noyau atomique se
transforme spontanément en un autre
noyau, en émettant une ou plusieurs
particules. Pour comprendre les mécanismes
qui y sont à l’œuvre, rappelons que
les noyaux des atomes sont un agrégat
de neutrons et de protons (les nucléons).
Comme leur nom l’indique, les neutrons
sont neutres au niveau électrique alors

que les protons sont porteurs d’une
charge positive, ce qui signifie qu’ils ont
tendance à se repousser. La cohésion des
noyaux est donc assurée par une «colle»,
appelée interaction forte ou force
nucléaire forte, dont les caractéristiques
sont étonnantes: elle est très répulsive à
très courte distance puis devient attractive.
Cela a pour conséquence que les
nucléons se collent les uns aux autres,
mais qu’ils gardent leurs distances. On
devine ce qu’il va se passer. Si on veut
séparer des nucléons, il faut fournir de
l’énergie; à l’inverse, si des nucléons se
collent, ils vont libérer de l’énergie. Pourtant,
on ne peut pas former un nombre
illimité de noyaux et beaucoup de ceux
qui se forment disparaissent: ils sont instables,
radioactifs.
Pourquoi ? Une règle de la physique veut
en effet que tout système tend toujours
vers son état d’énergie minimale. Et la
radioactivité traduit en quelque sorte
la recherche de cet état d’énergie minimale
par les noyaux qui n’ont pas encore
atteint ce niveau.
Alpha, bêta, gamma
Cette «mise à niveau» va cependant se
faire selon des modalités différentes,
qui obéissent à des lois précises. Ainsi,
par exemple, un noyau d’uranium 238
(92 protons et 146 neutrons) devrait
se scinder en deux noyaux plus petits
de taille à peu près comparable et très
stables (un noyau de baryum et un de
krypton). Pourtant, la probabilité pour
que cela se passe (on parle de fission
spontanée) est très faible, même si
elle existe, pour des raisons de niveaux
d’énergie à franchir. Les noyaux lourds
comme ceux d’uranium préfèrent se
scinder en un noyau un peu plus léger
et un noyau très léger, l’hélium, qu’ils
expulsent. Ce rayonnement composé
de noyaux d’hélium est appelé rayonnement
alpha.
Mais ce n’est pas la seule manière dont
la radioactivité se manifeste, loin de là.
Ainsi, des noyaux riches en neutrons
vont se transmuter en émettant des
électrons (rayonnement bêta -) et des
antineutrinos. Les noyaux riches en protons,
eux, feront le processus inverse:
l’émission de positrons (rayonnement
bêta +). Dans d’autres cas, c’est l’expulsion
d’un neutron ou d’un proton qui est
la plus économique. Enfin, la radioacti-
vité se manifeste encore par l’émission
de photons, mais des photons très énergétiques
et de courte longueur d’onde
(rayonnement gamma). Cela se produit
lorsqu’après une des transitions précédentes,
le nouveau noyau n’est pas
encore en équilibre et que les nucléons
ont encore trop d’énergie.
Des lois précises
Ces différents phénomènes obéissent
cependant tous à des lois précises. Tout
d’abord, ils mettent en jeu des énergies
bien plus élevées que celles des liaisons
chimiques. Cela explique que la radioactivité
est indépendante des combinaisons
chimiques auxquelles les
atomes sont associés: la
radioactivité de l’uranium
est la même, qu’il soit
sous forme d’un métal
ou d’un oxyde par
exemple. Et bien
sûr, la température
(du moins jusqu’à
un certain seuil) et
la pression n’auront
également pas d’influence.
Mais surtout,
comme le phénomène
est d’ordre
quantique (il trouve
son origine dans les
noyaux), il est parfaitement
aléatoire: il est impossible de
prédire quand un noyau va transmuter,
va émettre une particule.
Monde quantique oblige, le phénomène
a par contre une probabilité bien définie
de se produire par unité de temps (sur
N noyaux, il y en a n qui se transmutent en
moyenne par seconde) et cette probabilité
est la même pour tous les noyaux d’un
type donné: elle n’est pas la même pour le
radium ou l’uranium, mais tous les noyaux
d’uranium ont la même probabilité de
transmutation. Il s’agit bien de moyenne,
donc, à chaque seconde, il peut y en avoir
un peu plus ou un peu moins. C’est ce qui
a donné naissance au becquerel (du nom
d’un physicien français): 1 becquerel (ou
1 Bq) correspondant à une transmutation
par seconde. Mais ce qui est important à
noter, c’est que tout cela est indépendant
du temps, de l’environnement chimique
ou thermique; c’est un phénomène intrinsèque,
propre à chaque type de noyau.
Du moins le pensait-on jusqu’il y a peu !
Henri DUPUIS · PHYSIQUE
L’influence du Soleil ?
Dans des articles mis en ligne cet été (1),
des chercheurs américains reviennent
sur des observations troublantes:
les taux de transmutation d’éléments
comme le manganèse 54, le silicium 32
ou le radium 226 fluctuent au cours de
l’année ! La radioactivité influencée par
les saisons ? De quoi remettre tout en
question ! D’après les premières observations,
la corrélation s’établit avec le
Soleil: sa distance à la Terre, mais aussi
son activité. L’explication proposée par
les chercheurs n’est encore qu’une hypothèse:
si «quelque chose» peut influencer
la radioactivité, ce doit être des
particules venant du Soleil,
et plus précisément, les
neutrinos. Cette hypothèse
s’appuie sur le
fait que les variations
de taux de radioactivité
suivent celles
du cœur du Soleil,
là où se produisent
les réactions
nucléaires émettrices
de neutrinos.
Mais, aujourd’hui,
personne ne voit
comment cette particule
pourrait interagir
avec le phénomène de
radioactivité.
Henri Becquerel,
le découvreur de
la radioactivité en 1896
(1) Evidence for Solar Influences on
Nuclear Decay Rates, Ephraim
Fischbach, Peter A. Sturrock,
Jere H. Jenkins, Daniel Javorsek
II, John B. Buncher, John T.
Gruenwald
Power Spectrum Analysis of BNL
Decay-Rate Data, P.A. Sturrock,
J.B. Buncher, E. Fischbach, J.T.
Gruenwald, D. Javorsek II, J.H.
Jenkins, R.H. Lee, J.J. Mattes,
J.R. Newport
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ATHENA 264 · Octobre 2010 > ASTRONOMIE
Petit mais
costaud :
une nouvelle
façon de voir
les planètes
D
ifficile de «voir» les autres
mondes, à cause de deux
difficultés majeures. Tout
d’abord, les (exo)planètes
sont proches de
leur étoile et situées bien loin de nous.
N’oublions pas que l’étoile la plus proche,
Proxima du Centaure, se trouve à
40 000 milliards de kilomètres de la
Terre alors que le Soleil n’en est éloigné
que de 150 millions… Vue de Proxima, la
distance Terre-Soleil représente un angle
de 0,8 seconde d’arc, soit deux millièmes
de la taille de la Pleine Lune. Atteindre un
tel niveau de détail est déjà réservé aux
meilleurs observatoires et aux meilleures
conditions météo, alors que dire du défi
de distinguer une exoplanète orbitant
comme Mercure mais située à des dizaines
d’années-lumière de la Terre ? Notre
turbulente atmosphère brouille alors la
vue des astronomes et pour distinguer
des détails aussi fins, il faut utiliser des
télescopes particuliers, spatiaux ou équipés
d’une technique de pointe (appelée
optique adaptative).
Facile à dire !
Hélas, ce n’est pas fini, car les planètes
sont aussi extrêmement peu lumineuses.
Dans le domaine visible, où elles réfléchissent
la lumière de leur soleil, elles sont un
milliard de fois moins brillantes que leur
étoile; dans l’infrarouge, où leur émission
propre vient s’ajouter, le contraste est
plus favorable, mais reste quand même
aux alentours d’un million ! En gros, il
faut distinguer depuis Bruxelles un petit
papillon de nuit voletant à côté d’un gros
phare situé à Athènes…
Seule solution: masquer le mieux possible
l’étoile pour apercevoir la planète
qui lui tourne autour. C’est ce que l’on
appelle la coronographie… et il s’agit
d’une solution connue depuis des siècles
! En effet, à chaque éclipse totale de
Soleil, la Lune vient faire écran, cachant
le disque solaire et révélant la couronne,
cette atmosphère ténue qui entoure
l’astre du jour. Ce phénomène naturel
a été reproduit dès les années 1930 par
le Français Bernard Lyot pour pouvoir
observer cette couronne à n’importe
quel moment de l’année.
La même chose peut évidemment
s’appliquer aux étoiles. Le masque doit
alors être plus petit, ce qui n’est pas
simple à construire mais a déjà été réalisé
avec succès: dans les années 1980,
Qui n’a pas entendu parler
des «exoplanètes»,
ces planètes tournant autour
d’autres étoiles que le Soleil ?
Depuis quinze ans, elles occupent
le devant de la scène
astronomique et elles ne risquent
pas de le quitter de sitôt !
Cependant, quasi toutes les
planètes connues aujourd’hui
ont été détectées indirectement,
et cela ne remplace pas l’observation
directe… car comme disait
Saint Thomas, «je crois ce que je
vois».
Texte : Yael NAZÉ · naze@astro.ulg.ac.be
Photos : Esa, Nasa, Eso, Keck
ces masques ont dévoilé les disques
de poussières autour de certaines étoiles,
telle l’emblématique Beta Pictoris;
aujourd’hui, ils révèlent des exoplanètes
tournant assez loin de leur étoile.
David bat Goliath
Depuis moins de dix ans, les astronomes
ont donc réussi à «photographier» quelques
exoplanètes. Ces succès, importants
même si peu nombreux, reposent sur
les meilleures technologies - elles sont
donc réservées aux meilleurs télescopes.
Les découvertes sont ainsi étiquetées
VLT, HST, Keck… tous des «Goliaths» de
l’astronomie.
Imaginons que le même travail puisse être
réalisé par un petit télescope terrestre:
Le coronographe le plus connu :
la Lune cachant
le disque solaire
lors des éclipses.

il se produirait alors une révolution technique
et scientifique. Un rêve ? Non, un
projet devenu réalité grâce à un ingénieur
wallon expatrié aux États-Unis ! Durant sa
thèse de doctorat, Dimitri Mawet a conçu
l’idée du coronographe «tourbillon»
(vortex dans la langue de Shakespeare); il
a pu ensuite mettre en œuvre et peaufiner
son concept outre-Atlantique.
Comment ça marche ? «En fait, les vortex
sont partout dans la nature. Il s’agit en
général de régions de l’espace où des phénomènes
physiques violents surviennent
(ouragan, tornade, trou noir au centre des
galaxies). Par analogie, un vortex optique
peut être vu comme un ouragan de
lumière. Tout le monde sait qu’au centre
d’un ouragan, ce que l’on connaît mieux
sous le nom de l’œil du cyclone, la vitesse
du vent est nulle. Pour un vortex optique,
cela se traduit simplement par l’absence
de lumière en son centre. Un vortex optique
"annule" la lumière, ce qui est la fonction
exacte d’un coronographe. Il suffit donc de
placer l’image d’une étoile sur un composant
induisant un vortex optique pour faire
disparaître l’astre», explique le jeune chercheur
engagé par la Nasa.
Exoplanète dévoilée par l’utilisation
d’un coronographe simple
dans le système AB Pic
Le grand avantage de ce coronographe,
c’est son absence de bords nets car l’écran
n’est ni un disque opaque inséré dans le
trajet des rayons lumineux ni un ensemble
de petites «marches» découpées
dans le matériau du masque, mais bien
un «simple» film de cristaux liquides. Du
coup, les nuisances instrumentales, dues
aux imperfections de construction, sont
minimales et le coronographe- tourbillon
possède une efficacité surprenante comparé
à ses collègues.
C’est sur le télescope du Mont Palomar
que le coronographe-tourbillon est testé
début 2010. Les résultats sont incroyables:
en n’utilisant qu’une zone de 1,5 m
de diamètre, on parvient à une image
semblable à celle prise par le télescope
Keck qui fait… 10 m de diamètre. En
comparant les images, on détecte même
le mouvement orbital de la planète la
plus éloignée. «En quelque sorte, c’est
David qui bat Goliath !», confie avec fierté
l’ingénieur.
Yael NAZÉ · ASTRONOMIE
Trio d'exoplanètes autour de l'étoile HR8799, obtenue par le Keck (à gauche)
et par le coronographe-tourbillon (à droite)
Quid du futur ? On peut bien sûr imaginer
multiplier l’expérience sur de petits
télescopes, plus facilement disponibles:
toute une armada scruterait le ciel à la
recherche d’exoplanètes, avec de nombreux
succès à la clé, à n’en pas douter.
Toutefois, on peut aussi envisager autre
chose - combiner David et Goliath… En
montant ce coronographe sur un «grand»
télescope, au sol ou dans l’espace, on
démultiplierait leurs pouvoirs, et qui sait
ce que l’on trouverait… Olivier Absil,
chercheur au sein de l’AEOS (laboratoire
de l’ULg où Dimitri Mawet a fait sa thèse),
confirme: «Cette nouvelle technologie est
très prometteuse dans le cadre des futures
missions actuellement étudiées à la Nasa.
Elle pourrait permettre d’imager des planètes
de type terrestre avec un télescope plus
petit qu’initialement prévu et, avec un peu
de chance, d’y trouver des traces d’activité
biologique.»
C’est sûr, la recherche exoplanétaire a
encore de beaux jours devant elle !
Le dôme du téléscope Hale de l'Observatoire
du Mont Palomar, où le coronographetourbillon
a été testé début 2010
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ATHENA 264 · Octobre 2010 > ASTRONOMIE
À la Une
du Cosmos
Texte : Yaël NAZÉ • naze@astro.ulg.ac.be • http://www.astro.ulg.ac.be/news
Retour sur Gliese 581. Ce système exoplanétaire avait
fait parler de lui pour avoir une planète «potentiellement
habitable». Si ce résultat avait ensuite été revu, onze ans de
patientes observations ont permis de dénicher une petite
planète - seulement trois masses terrestres au minimum -
dans la zone en question. Les conditions sont cependant
loin d'être semblables à la Terre: le «soleil» y est rouge, baignant
la planète dans la pénombre d'un coucher de soleil
permanent; le jour et la nuit y sont éternels car la planète
présente toujours la même face à son étoile.
(Photo: NSF)
Selon les auteurs antiques, une météorite de la taille d'un wagon se serait écrasée en
Grèce vers 467 avant notre ère - elle serait même devenue ensuite une sorte d'attraction
touristique. Une nouvelle étude indique que cet événement pourrait être lié à un
passage de la comète de Halley. Les textes faisant allusion à la chose seraient donc à
ranger parmi les plus anciens documents relatifs à cette célèbre comète.
(Photo: Nasa)
Paradoxe à l'horizon:
l'étouffante chaleur régnant à la
surface de Vénus provoquerait le
refroidissement de son intérieur !
Au départ de cette situation étrange,
les volcans: ils évacuent la chaleur
interne et rejettent des gaz à effet
de serre dans l'atmosphère, augmentant
la température en surface.
Ce réchauffement devint si important
sur Vénus que la croûte planétaire solide
se mit à bouger, perdant alors son
effet isolant: le cœur de la planète,
privé de son «manteau» protecteur, se
refroidit alors considérablement.
(Photo: DLR)

Les astéroïdes passant près de la Terre forment
une famille hétéroclite: il y a de vénérables sombres
(car ayant été longtemps exposés à la lumière solaire)
et des jeunes clairs, des visiteurs venus des confins
du système solaire et d'autres provenant de la ceinture
d'astéroïdes plus proche. Une diversité inattendue,
mais très intéressante.
(Photo:Nasa)
L'étoile LL Peg est en train de mourir,
et la nébuleuse planétaire qu'elle commence à
former possède une forme de spirale. De telles
structures, bien connues pour les galaxies, sont
plutôt rares pour l'environnement stellaire.
Celle-ci serait due à la présence d'un
compagnon, la spirale s'expliquant comme
pour les jets d'arrosoirs tournants: cette forme
combine l'expulsion de matière vers l'extérieur
avec le ballet d'une étoile autour de l'autre.
(Photo: HST)
Yael NAZÉ · ASTRONOMIE
Mars possède deux lunes, Deimos et Phobos.
On a longtemps pensé que ces deux objets étaient
des astéroïdes capturés par la planète rouge.
Il semblerait que ce ne soit pas le cas:
la composition de Phobos, qui ressemble en effet
très fort à celle de Mars et son orbite, cercle quasiparfait,
ne cadre pas non plus avec une capture.
Comme notre lune, Phobos serait en fait née
des suites d'un gros impact.
(Photo: JihemD)
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ATHENA 264 · Octobre 2010 > ESPACE
D
epuis les années 50,
l’astronomie et
l’astrophysique ont
fait reculer la connaissance
de l’infiniment grand dans les
différentes longueurs d’ondes
grâce à l’optique et à l’électronique.
Si on emploie des
observatoires spatiaux très
performants, on assiste au
développement de puissants
télescopes terrestres: au Chili,
à Hawaii, aux Canaries, en
Chine, etc. L’avalanche de
nouvelles données a fait
naître plus de questions que
de réponses. Et la communauté
scientifique de s’interroger:
de quoi se compose
l’Univers ? Qu’est-ce qui en
fait la force ? L’Univers est-il
en expansion ? Comment
se manifestent les trous
noirs ? Quelle est l’action de
l’antimatière et de la masse
noire (dont l’observation est
difficile) ?
Texte : Théo PIRARD · theopirard@yahoo.fr
Photo : Esa
L
’espace est-il plein… de vide ?
On a tendance à le croire. On imagine
que le ciel est un univers noir, fait d’un
vide infini, où scintillent des astres de
toutes les dimensions, où les explosions
se succèdent de façon éparse, où l’on
croise çà et là, après avoir parcouru de
longues, très longues distances, des planètes,
comètes, astéroïdes... L’Univers est
fait de matière et d’énergie. Mais comme
on ne les voit pas, on les dit cachées ou
noires. En fait, on ne les détecte pas avec
des instruments traditionnels.
On doit concevoir des télescopes spatiaux
munis de détecteurs qui fonctionnent
à de très basses températures,
proches du zéro absolu. Ces détecteurs,
comme ceux de l’observatoire européen
Planck, à 1,5 million de kilomètres de
la Terre, permettent de déceler les très
faibles niveaux de bruit, dus à la création
et à l’évolution du cosmos. Il s’agit
d’observer ce qu’on appelle le rayonnement
de fond cosmologique: on
remonte à nos origines et on atteint les
extrêmités de l’infiniment grand. Mais on
a encore tout à apprendre sur cet Univers
qui «vit»: est-il toujours en expansion ?
Ne risque-t-il pas de se contracter ?
Pourra-t-on un jour voyager à la
vitesse de la lumière ?
Près de 300 000 km/s, soit environ
1,08 milliard de km à l’heure: c’est la
vitesse, dans le vide, de la lumière et des
ondes radio portées par les photons.
L’observatoire spatial Planck analyse
le bruit de fond cosmique.
Ses senseurs ont été qualifiés
au Centre Spatial de Liège.
On parle de vitesse limite et on a pris
l’habitude de donner en années-lumière
les distances avec les étoiles, dans la
galaxie et au-delà. À quand la maîtrise
de cette source d’énergie extraordinaire
qui permettrait à un vaisseau spatial
de voyager à la vitesse de la lumière ?
Aujourd’hui, ce défi technologique est
pratiquement impossible à relever. Ce
qui n’empêche pas des chercheurs audacieux
d’explorer, grâce à la physique
quantique, les possibilités d’aller plus
vite que la lumière.
a-t-il des planètes en dehors du
Y système solaire ?
Ces dernières années, c’est le phénomène
«exoplanètes» - les planètes gravitant
autour d’autres étoiles - qui fascine, qui
fait couler de la salive et de l’encre et qui
ne cesse de s’amplifier. Au 27 août 2010,
on dénombrait 398 systèmes planétaires,
avec un catalogue de 490 exoplanètes.
Mais ces systèmes sont détectés de
façon indirecte - en analysant les oscillations
des étoiles - et on a affaire à des
planètes géantes de type gazeux. C’est
en 2005 que l’Eso (European Southern
Observatory) et la Nasa auraient observé
les premières exoplanètes de la taille de
Jupiter. Comme mentionné dans l’article
de Yaël Nazé, une nouvelle exoplanète
«potentiellement habitable» vient d’être
découverte. L’on en soupçonne de nombreuses
autres...

L' Institut d'Aéronomie
spatiale de Belgique (IASB)
est le spécialiste européen
du bilan de santé de notre
atmosphère, sous l’influence
combinée des caprices
solaires et des activités
humaines. À l’issue d’une
compétition, la Nasa et l’Esa
viennent de le sélectionner
pour représenter l’Europe
à bord de la sonde ExoMars
Trace Gas Orbiter, qui doit
partir vers Mars en 2016
et se placer en orbite
martienne en 2017
C
ette sonde américanoeuropénne,
qui a pour
principal objectif l’analyse
chimique de l’atmosphère
de la Planète Rouge, sera
équipée de l’instrument Soir-Nomad
(Solar Occultation in the Infra-Red-Nadir &
Occultation for Mars Discovery), proposé
par Ann Carine Vandaele, chercheur à
l’IASB, à la tête d’un consortium international.
La conception, l’assemblage
du spectromètre Soir-Nomad ainsi que
l’étude des données seront réalisés par
l’IASB, en collaboration avec l’Espagne,
l’Italie, le Royaume-Uni, le Canada et les
États-Unis.
Un œil belge sur
l’atmosphère
Texte : Théo PIRARD · theopirard@yahoo.fr
Photos : Esa (pp.47 et 49), T. Somers/IASB (p.48), T. PIRARD (p.48)
Ainsi l’Institut, responsable de cette
expérience d’analyse de l’atmosphère
martienne, renforce sa position clef de
spécialiste des composants atmosphériques
au sein de la communauté scientifique
mondiale. Créé en 1964, il est le
benjamin des trois établissements scientifiques
fédéraux du plateau d'Uccle,
sur l’avenue Circulaire. Prolongement
naturel des observations et recherches
de l'Observatoire Royal de Belgique et de
l'Institut Royal Météorologique, il a pris
forme avec les premiers lancements
des satellites scientifiques. Sa spécialité
est l'aéronomie, science jeune, officiellement
reconnue en 1954. Il s’agit
d’étudier les propriétés physiques et
analyser les processus chimiques de la
moyenne et de la haute atmosphère
terrestres, ainsi que de leurs interactions
avec les rayonnements solaires et cosmiques
comme avec les activités d'origine
humaine. Cette science multidisciplinaire
embrasse la quasi-totalité de l'environnement
atmosphérique, y compris
les relations entre Soleil et Terre, entre
biosphère, atmosphère et climat. Et elle
s'intéresse par extension, en établissant
des bilans comparatifs, aux atmosphères
des planètes (Vénus, Mars) et des
comètes.
Les activités de l'IASB, qui constitue
notre outil de veille atmosphérique, se
trouvent au cœur des préoccupations
Théo PIRARD · ESPACE
actuelles concernant la société globale
et le développement durable: le
trou d'ozone, l'effet de serre, l'impact
des aérosols, le taux des poussières, les
ceintures de radiations, les perturbations
radio-électriques... L'Institut, c’est
une équipe de quelque 145 personnes,
dont 76 chercheurs dans le domaine de
la recherche et des applications scientifiques:
soit 3/4 pour l'étude de l'atmosphère
et 1/4 pour la physique spatiale
et le space weather (météo de l’espace).
L’autre moitié du personnel s’occupe des
réalisations techniques, de la logistique
et de l’administration.
Les fusées-sondes, les satellites, puis les
navettes et stations spatiales ont donné
une nouvelle dimension aux chercheurs
qui étudient la partie de l'atmosphère
entre 10 et 1 000 km autour de la Terre.
Les scientifiques spécialisés en aéronomie
viennent judicieusement compléter
ce que les météorologistes, les géophysiciens
et les astrophysiciens observent
sur notre planète en mutation. La réalisation
d'expériences spatiales a permis
à l’IASB d'établir des partenariats internationaux,
notamment avec la Nasa. Il
a pu faire voler des instruments à bord
de la navette lors des missions Spacelab
et Atlas (Atmospheric Laboratory for
Applications & Science) des années 90.
Il est aujourd’hui partie prenante dans
l’exploitation de l’Iss (International Space
47

48
ATHENA 264 · Octobre 2010 > ESPACE
Dirk Frimout
et l’IASB
C
’est cet Institut qui a permis à un
premier Belge d’aller dans l’espace.
Le Vicomte Dirk Frimout y était
chercheur. Il sera le seul passager
belge à avoir volé dans la navette. Vu
ses compétences dans la compréhension
de la chimie atmosphérique, il a
été sélectionné par la Nasa pour participer
comme payload specialist (spécialiste
de charge utile) à la mission
Atlas-1 en mars 1992: plusieurs expériences
du Plateau d’Uccle, destinées
à l’étude de l’atmosphère, avaient pris
place dans la soute de la navette spatiale
Atlantis pour des observations et
mesures durant huit jours.
Noël Parmentier, Directeur de l’IASB
(ci-contre): «L’Institut doit apporter aux
citoyens des réponses à leurs questions
sur la santé de notre atmosphère».
Station) avec l’instrument Solspec (Solar
Spectrum) à l’extérieur du laboratoire
Columbus et grâce au B.Usoc (Belgian
User Support & Operation Centre) qui sert
au télé-contrôle d’expériences. Ce centre,
qui se trouve au 3 e étage de l’IASB, a été
aménagé par la société Spacebel comme
centre de mission scientifique «Picard»
(du nom d'un microsatellite Myriade du
CNES) qui doit gérer les opérations, récupérer,
archiver et traiter les données d’un
micro-observatoire solaire qui doit être
satellisé en avril par un lanceur russoukrainien
Dnepr.
L’Institut est particulièrement impliqué
dans l’analyse des données des instruments
Gomos (Global Ozone Monitoring
by Occultation of Stars) et Sciamachy
(Scanning Imaging Absorption Spectrometer
for Atmospheric Chartography) à
bord de l'observatoire spatial Envisat de
l’Esa qui pourra, on l’espère, rester opérationnel
jusqu’en 2013. Elles contribuent
à mieux comprendre l’impact des composants
chimiques dans le changement
du climat. L'expertise de l'Institut porte
sur l'état de l’ozone stratosphérique. Il
y a vingt-cinq ans, un article de la revue
scientifique Nature révélait la découverte
d’un trou dans la couche d’ozone
au-dessus de l’Antarctique. Ce qui allait
conduire aux mesures du Protocole de
Montréal en septembre 1987, afin de
maîtriser le phénomène et d’enrayer son
amplification.
L’IASB joue un rôle influent au niveau
mondial dans la compréhension de ce
système complexe qu’est l’atmosphère.
Comme dans cet environnement, tout se
tient, on ne peut en aucun cas découpler
le trou d'ozone d'avec le changement
climatique. Les effets qui vont de pair
sont l’objet d’une attention continue
au moyen d’équipements au sol et en
orbite. Le prochain outil scientifique en
projet est le microsatellite Altius (Atmospheric
Limb Tracker for Investigation
of the Upcoming
S t ra tosphere)
dont on veut
démontrer qu’il peut assurer la relève
des instruments d’Envisat pour des sondages
réguliers de la composition chimique
de l’atmosphère.
À la tête de l'Institut d’Aéronomie Spatiale
de Belgique depuis 2005, Noël
Parmentier, ingénieur provenant de
l’industrie, assure la délicate relève d'une
lignée de directeurs ayant contribué à sa
renommée dans le monde: le baron Marcel
Nicolet (1912-1996), le baron Marcel
Ackerman et Paul Simon. Nous l’avons
rencontré pour aborder les priorités et
nouveautés de l’Institut, ainsi que son rôle
clef au niveau européen, dans le cadre
de la contribution belge au programme
Gmes (Global Monitoring for Environment
& Security) entrepris conjointement par
la Commission européenne, l'Esa et l’Eea
(European Environment Agency).
«L'Institut est un acteur de premier plan au
sein du Pôle Espace», fait remarquer Noël
Parmentier, qui voit un avenir prometteur
pour ses missions scientifiques à la pointe
du progrès et au service de la société.
«Ce Pôle repose sur trois piliers d'activités:
l’environnement de l’espace, le comportement
de l'atmosphère, la valorisation et
l'exploitation de la recherche. Ce troisième
pilier, qui se veut innovant, donne lieu à des
produits et services. C'est vers quoi veut aussi
s'orienter l'Institut. On n'entend pas minimiser
ni contourner l'excellent travail scientifique
qu'on y réalise. Mais dans le contexte
d'aujourd'hui, et le personnel de mon Institut
l’a bien compris, la recherche doit se faire
dans un but socio-économique. En servant
davantage les citoyens avec des réponses
à leurs problèmes, l'Institut veut montrer le
retour des investissements publics.»
Au sujet des actions des Instituts du Plateau
d’Uccle: «Nous sommes tous trois
complémentaires pour la connaissance de
la planète, de son climat, de son environnement.
Depuis les mouvements de l’écorce
terrestre jusqu’aux influences du rayonnement
solaire, en passant par les prévisions
des phénomènes météorologiques et les
processus chimiques dans l’atmosphère.

Taches rouges : les foyers d’émission de
dioxyde d’azote, mesurés par l’instrument
Sciamachy du satellite européen Envisat.
Nous cherchons à optimiser entre nous les
opérations dans le but d'avoir un positionnement
européen. Ainsi quand on parle de
plasma spatial, qui est le quatrième état
de la matière, il y a deux volets à prendre
en compte: les aspects de physique solaire
pure et les influences du Soleil sur la Terre.
Le deuxième volet met plus l'accent sur
les applications, en tâchant de prévoir
l'action du vent solaire et son plasma sur
l'ionosphère terrestre. On fait, comme
l'Observatoire, du space weather ou météo
de l’espace, mais l'Institut visualise l'impact
du Soleil sur notre environnement et pour la
navigation par satellites.»
Le directeur d’insister sur la synergie
entre les instituts de l’avenue Circulaire:
«Ensemble, avec le soutien de la Politique
scientifique, on a mis en œuvre le Stce
(Solar-Terrestrial Centre of Excellence).
Ce centre belge d’expertise pour la connaissance
de la physique spatiale qui caractérise
les relations entre notre étoile et notre
planète est largement reconnu par la communauté
scientifique dans le monde. En
mettant ses produits à la disposition d'un
réseau européen d'informations, il constitue
un maillon essentiel dans la chaîne
des données du programme Ssa (Space
Situational Awareness) de l’Esa et de la
Commission européenne.»
Dans l’immédiat et pour mieux coller
aux réalités opérationnelles du monde
actuel, l’IASB s’est fixé une double priorité
en vue d’un fonctionnement plus
efficace et dynamique: la numérisation
des résultats de ses recherches sous la
forme d’une banque de données qui soit
aisément exploitable, ainsi que la gestion
plus autonome et plus flexible de
ses domaines de compétences. Noël Parmentier
précise: «Le fil rouge de son évolution,
telle que je la vois, est qu’il faut se
transformer d’un laboratoire de recherche
fondamentale en un centre de recherche
appliquée. Dans notre spécialité qu’est la
chimie de l’atmosphère, avec par exemple
l’objectif de réaliser des modélisations et
des prévisions sur la qualité de l’air.»
L’IASB poursuit des travaux scientifiques,
avec des retombées en matière
d’applications, qui se focalisent sur
ces trois grands thèmes d’importance
européenne:
›› La connaissance de l’influence
du Soleil sur le comportement
de l’atmosphère - le vent solaire,
la magnétosphère, les ceintures de
radiations -, l’exploration du système
solaire (notamment des planètes
atmosphériques que sont Vénus et
Mars), la sécurité des équipages à bord
des vaisseaux spatiaux lors de vols
de longue durée placent l’Institut en
bonne et due place aux avant-postes
du space weather. «C’est un domaine
de recherches pour lequel notre pays
mérite la reconnaissance de leader en
Europe». De son côté, l’Observatoire
Royal de Belgique s’intéresse à la physique
solaire, tandis que l’Institut Royal
Météorologique surveille les perturbations
de l’ionosphère et leurs effets sur
les signaux des satellites et Galileo.
›› L’environnement terrestre, le
changement global et le développement
durable sont étudiés sous
l’angle de la chimie de l’atmosphère.
«Nous sommes mondialement
reconnus comme des spécialistes de
l’ozone. Ce n’est pas facile de garder
cette position. Il faut investir dans les
instruments qui, tant depuis l’espace
qu’à partir des réseaux au sol, surveillent
la qualité de l’air, observent la
chimie de l’atmosphère, étudient l’évolution
des aérosols… L’atmosphère est
une machine complexe qui implique
bien des aspects scientifiques. On doit
être le plus ouvert possible à des synergies
avec d’autres centres et instituts de
recherche pour développer une appro-
Théo PIRARD · ESPACE
che commune et pluridisciplinaire. Au
sein d’Eumetsat, en partenariat avec les
services d’aéronomie en Europe et grâce
au Pôle Espace, on souhaite mettre sur
pied un centre d’excellence consacré
aux changements dans l’atmosphère.»
L’IASB met à la disposition de la communauté
scientifique le système Bascoe
(Belgian Assimilation System for
Chemical Observations) qu’il a mis au
point (grâce à Dominique Fonteyn,
l’actuel directeur général de la Politique
scientifique fédérale) pour modéliser
et prévoir l’évolution de l’ozone
stratosphérique pour une dizaine de
jours. Il participe à l’initiative de l’Esa
qui doit faciliter l’accès aux données
Ecv (Essential Climate Variables).
›› L’évaluation de dégâts pour la
biosphère et les impacts sociétaux
sont des services à rendre à
la population. «Ce sont autant de
défis difficiles qu’il faut relever et qui
représentent des efforts à long terme»,
note Noël Parmentier. Dans le cadre
du concept Gmes, qui est en train
de mûrir au niveau européen, l’IASB
entend développer de nouveaux
instruments confirmant son expertise
scientifique sous la forme de produits
et services à usage global.
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ATHENA 264 · Octobre 2010 > AGENDA
Sorti(s) de PRESSE...
Logicomix
Éditions Vuibert
La Chasse aux trésors mathématiques
Éditions Flammarion
En parlant de maths, voici le
second opus des miscellanées
du professeur Stewart, cette
Chasse aux trésors mathématiques vient
grossir le butin amassé dans le Cabinet
de curiosités. «À 14 ans, écrit Roger-Pol
Droit, cet énergumène a commencé à collectionner
énigmes logiques, paradoxes
arithmétiques, loufoqueries matheuses
de toutes sortes. Avec un appétit sans
bornes et une jubilation qui finit par devenir
contagieuse» (Le Monde des livres,
2 octobre 2009).
De quel côté tombe un chat avec
une tartine beurrée sur le dos ? Qui a
inventé le signe égal ? Quel est le bruit
S’appuyant sur la vie passionnée
des plus grands penseurs du
siècle dernier: Poincaré, Wittgenstein,
Hilbert, Russell, Frege, Cantor…,
Logicomix raconte, pour la première
fois en bande dessinée, l’une
des plus extraordinaires aventures
intellectuelles de l’époque. Tout au
long de ce psycho-thriller, sur fond
de mathématiques et de philosophie,
le lecteur découvrira comment,
de la fin du XIX e siècle au début de la
Seconde Guerre mondiale, la quête
de la vérité absolue a bouleversé la
pensée scientifique et occasionné les
plus violents débats dans la sphère
intellectuelle.
Les auteurs de ce roman graphique,
Apostolos Doxiadis et Christos Papadimitriou,
servis par une qualité graphique
remarquable, retracent de façon
accessible et non dénuée d’humour
l’esprit qui anima cette période. Ils ne
cachent rien des conflits intérieurs
du mathématicien qui se noie ? Quelle
est la surface d’un œuf d’autruche ?
Comment calculer Pi en observant les
étoiles ? Des casse-tête traditionnels
aux derniers
résultats de la recherche
en passant par des
anecdotes historiques
ou des points de vue
inédits sur les nombres,
c'est le trésor de toute
une vie passée dans les
terres méconnues des
mathématiques que
Ian Stewart nous fait
découvrir. On y croise
Euclide, Euler, Feller, Lin-
A. DOXIADIS, C. PAPADIMITRIOU,
A. PAPADATOS, A. DI DONNA
des personnages, dont certains, tout à
leur quête de vérité, vacillent au bord
de la folie. D’ores et déjà best-seller aux
États-Unis et en Grande- Bretagne ainsi
que dans plusieurs autres pays, Logicomix
est un phénomène. La richesse de
son intrigue et la clarté de son récit ont
déjà séduit un large public, aussi bien
littéraire que scientifique.
I. STEWART
coln, Newton, Byron, Wittgenstein, et
même Frédéric II… Et au passage on y
apprend ce qu’il en est de la sécurité sur
Internet !
Écrit dans un style clair
aux grandes variétés de
tons, loin de toute pompe
scolaire ou académique, et
avec cet humour propre à
nos voisins d’outre-manche,
cet ouvrage captive,
stimule, surprend, enrichit,
et ce dans un désordre
savamment orchestré
additionnant quelque
174 pépites.

À vos AGENDAS !
Sciences & Maisons: concours de projets scientifiques
Du 15 septembre au 1 er décembre 2010
Organisé par la Maison de la laïcité
de La Louvière, il s’agit d’un
concours ouvert à tous les élèves du
secondaire (professionnel, général,
technique) de tous réseaux.
Dans le cadre de ce concours, les
participants sont amenés à analyser,
trouver et illustrer un lien entre les
Sciences et les Maisons, toujours en
appliquant une démarche scientifique;
la maison en tant qu’espace et/
ou lieu de vie, la maison de l’homme
et/ou de l’animal, la place de la maison
Exposition Oasis Oasis
Du 17 septembre au 20 décembre 2010
Bonne nouvelle: l’Observatoire du
monde des plantes, repris par les
Espaces botaniques de l’Université de
Liège, a réouvert ses portes avec sa 1e exposition Oasis, oasis.
Le but ? Conscientiser le public aux
enjeux de la désertification. Valorisant
les résultats de différents projets en
télédétection, elle raconte le devenir
et l’évolution de plusieurs palmeraies
du Maroc, d’Algérie, de Tunisie et du
Niger au travers de collections d’imagerie
satellitaire et de photos au sol
s’échelonnant sur des décennies. Chaque
oasis a son histoire...
Au delà des mots, illustrant les menaces
qui pèsent sur les palmeraies du
Sahara, changements climatiques,
explosions démographiques, hydro-
dans un quartier et/ou une ville… Le
choix est vaste ! Mais encore, il peut
s’agir de travailler sur l’évolution de
l’isolation, des murs, de la construction…
ou d’imaginer de nouvelles
constructions, de nouveaux matériaux,
de nouveaux objets (horloges,
frigos… déco) ou encore de comparer
l’ancien et le nouveau…
Le support en est libre et aucune présélection
n’est opérée. En exploitant
l’opportunité qui leur est ainsi faite
d’être autonomes et créatifs, ils auront
la possibilité de passer de spectateur
à acteur de leur propre savoir
et connaîtront, de façon concrète,
des conditions de travail proches de
celles qu’ils rencontreront dans la vie
active.
Une exposition de clôture, ouverte à
tous, présentera le fruit de leurs recher-
graphiques, tourisme de masse, l’expo
présentera les enjeux socio-économiques
et humains de l’évolution de ces
palmeraies, avec en exergue, l’exode
de leurs habitants chassés par la
sècheresse, la perte de modes de vies
millénaires et leurs impacts sur les flux
migratoires qui affectent l’Europe.
Où ? Aux Espaces botaniques -
Chemin de la Ferme, 1 à 4000 Liège
(Sart-Tilman).
ches, de leurs trouvailles et de leurs
expériences du 27/02 au 01/03/2011
à La Louvière.
Pour qui ? Enseignement secondaire,
toutes sections confondues
Tarif ? Gratuit
Infos et inscriptions ?
Contact: Laurence Bury
Tél.: 064/84 99 74
E-Mail: bury@laicite-lalouviere.be
Quand ? Le mercredi de 13 à 19h; le
vendredi de 14 à 20h et les samedi et
dimanche de 10 à 18h.
Pour qui ? Ouvert à tous !
Géraldine TRAN · AGENDA
À La Louvière...
À Liège...
Prix ? (Avec accès à toutes les serres)
• Adultes: 5 euros;
• Étudiants de 12 à 18 ans: 3 euros;
• Enfants de 6 à 12 ans: 2 euros;
• Gratuit pour les moins de 6 ans et
pour les étudiants de l’ULg.
• Visites guidées sur réservation: 50
euros par groupe de 20 personnes.
Infos et inscriptions ? Sur le site
http://www.espacesbotaniques.be,
par téléphone au 04/366.96.76
ou par courriel à l’adresse:
espaces.botaniques@ulg.ac.be
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