LA SOUMISSION D' ABD - EL - KRIM - fnaom-actdm

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plait les allées et venues de nos goumiers et partisans qui rodaient dans ses parages. Il ne pouvait même plus obtenir des villageois les 200 animaux de bât dont il avait besoin pour se mettre lui et sa smalah hors de notre portée. Aussi, la journée du lendemain 25 mai s'annonça-t-elle pleine de promesses. Mais elles furent tout autres que celles qu'on escomptait. Tandis que s'exécutent de nouvelles targuibas qui amènent au camp les délégués de tribus riveraines de la Méditerranée, le chérif Ahmidou-el-Ouazzani, châtelain de la Kasbah Snada, apparaît escorté de quelques serviteurs et son arrivée suscite les commentaires étonnés de la foule. Il vient offrir sa garantie morale de la bonne foi d'Abd-el-Krim, réfugié chez lui, qu'il déclare méthug (fichu) et qui a l'intention de se rendre aux Français. Une telle solution semble aussitôt préférable au coup de main projeté qui, même assuré d'un heureux et complet succès, comportait des risques et des pertes. Le colonel Corap n'hésite pas à faire confiance au chérif. D'accord avec le général Ibos, il choisit trois de ses meilleurs officiers des affaires indigènes, le capitaine Suffren, le lieutenant de vaisseau Montagne et le lieutenant de Larouzière, qui partent sur le champ avec El Ouazzani dont ils seront les hôtes inviolables à Snada. Ils ont la mission d'obtenir d'Abd-el-Krim une prompte soumission sur les bases suivantes : comme gage de sa sincérité, l'émir fera conduire le lendemain, au camp, prisonniers espagnols et français, dont le refus de libération inconditionnelle par ses plénipotentiaires avait causé l'échec de la conférence d'Oudjda; en échange, le colonel Corap lui promettait la vie sauve, un sort honorable et la protection de sa famille et de ses biens!. Ainsi, les effets de notre présence à Targuist se succédaient avec trop de rapidité pour qu'on songeât à ralentir ou modifier le cours des événements, en sollicitant à l'arrière des ordres ou des instructions qui ne pouvaient plus être que contradictoires. L'isolement était donc la condition essentielle des initiatives et il n'était guère facile de le troubler hors de propos. Le poste de T.S.F. de la brigade © FNAOM-ACTDM / CNT-TDM émettait rarement et d'innombrables "parasites" rendaient l'écoute aléatoire. Cependant, le capitaine Suffren et le lieutenant de vaisseau Montagne étaient arrivés à Snada et le chérif El Ouazzani les avait aussitôt présentés à Abd-el-Krim. Celuici les recevait avec courtoisie, entouré des derniers vestiges de son "conseil des ministres" : une cinquantaine de guerriers en uniforme, bien armés et bien équipés, constituaient toute sa garde du corps, trop faible pour empêcher sa capture dans un assaut de la kasbah, ou pour le protéger dans un exode vers une lointaine région du Riff occidental où son délégué Kheriro conservait encore quelque autorité. Pendant ce temps, le pittoresque caïd Haddou, accompagné par un médecin français de la mission sanitaire envoyée par la Croix rouge auprès des prisonniers, venait aux nouvelles dans le camp et tentait une dilatoire diversion. Mais l'époque des grandeurs était passée pour lui. Le "délégué de la république riffaine", qui paradait naguère à la conférence d'Oudjda, eut beau prodiguer ses sourires amènes et ses engageantes poignées de main. Le colonel Corap lui fit vite comprendre que Targuist était loin d'Oudjda; convaincu de son impuissance, Haddou repartit avec son compagnon, non sans avoir promis d'employer au service de la France tout son crédit sur Abdel-Krim: il posait déjà sa mise sur un nouveau tableau. En réalité, il jouait de son mieux le rôle de la mouche du coche. A peine avait-il disparu que survenait un messager envoyé par le capitaine Suffren et le lieutenant de vaisseau Montagne. Il apportait les premiers résultats de leur délicate mission. Abd-el-Krim consentait à libérer les prisonniers, qui seraient mis en route vers le camp à l'aube du lendemain; il se présenterait lui-même, vers la fin de la nuit suivante, aux abords du village de Tizenmourène, à 10 kilomètres environ au nord du Djebel Mesdoui, où il remettrait son sort entre les mains du colonel Corap si la protection de sa famille et de ses biens lui était garantie. Pour cette protection il refusait l'emploi de nos par- La plaine de Targuist et le djebel Mesdoui tisans, dont il redoutait les rancunes et les instincts pillards ; il exigeait un détachement de troupes régulières, qui lui inspirerait plus de confiance. Les officiers ajoutaient qu'une escorte serait utile pour préserver le cortège des prisonniers contre les sévices possibles des indigènes pendant le trajet et que des méprises étaient à craindre du côté de l'aviation espagnole qui commençait à prendre la kasbah Snada et le territoire environnant comme objectifs de reconnaissance et de bombardement, Les garanties demandées par les officiers ne concordaient guère avec la lettre des ordres récemment reçus, concernant l'emploi indésirable des troupes régulières hors de leur bivouac du Djebel Mesdoui, mais ceux-ci pouvaient être interprétés dans le sens des changements qui avaient suivi leur rédaction. 8

Un capitaine aviateur, arrivé par la voie des airs pour reconnaître un terrain provisoire aménagé près du camp, se chargea de prévenir l'aviation espagnole et de faire survoler le convoi de prisonniers par quelques appareils français; les goums Schmidt et Bournazel, accompagnés d'infirmiers, furent envoyés pendant la nuit à Toufist pour servir d'escorte aux libérés, dont une cinquantaine environ devaient être transportés sur des mulets de nos trains régimentaires. Et, non sans quelque inquiétude, on attendit leur retour. De grands préparatifs étaient faits à l'ambulance de la colonne, dont l'unique médecin recevait un appréciable renfort dans la personne du médecin chef divisionnaire Camus, venu par avion de Boured, avec un chargement de médicaments et de matériel. Enfin, le 26 vers 10 heures, la tête du cortège, signalé depuis longtemps par les rondes de nos avions, apparaît au sommet d'un col lointain, Abd-el-Krim est donc résolu à tenir ses promesses et les envoyés du colonel Corap ont triomphé de ses dernières perplexités. Le cortège arrive au camp dans un tumulte d'acclamations. Sauf les Français qui avaient été relativement bien traités, les prisonniers portaient sur leur physionomie les marques des souffrances et des privations subies pendant une longue et dure captivité. Affublés d'invraisemblablesoripeaux, leur défilé ressemblait à une sorte de descente de la Courtille, dont nul spectateur ne songeait à l'égayer. Après l'examen à l'ambulance, les valides sont répartis dans les popotes et les "ordinaires" qui leur réservent un chaleureux accueil. La plupart croient encore faire un rêve et redoutent de se réveiller dans l'enfer riffain. Ils coupent les émouvants récits de leurs aventures par d'expansives assurances de reconnaissance éternelle à l'égard de leurs libérateurs. Dans © FNAOM-ACTDM / CNT-TDM Un des centres de ramassage du matériel de guerre pris par la division marocaine l'après-midi, le dernier groupe, celui des 46 malades et impotents, arrivait sur les mulets et recevait à l'ambulance les soins les plus dévoués, mais deux d'entre eux, épuisés, n'y entrèrent que pour mourir. Ce furent ainsi 6 officiers, 8 sous-officiers et 27 soldats français, 115 tirailleurs algériens et 6 sénégalais, 151 gradés et soldats espagnols, quelques civils, 2 femmes et 4 enfants razziés en zone espagnole, qui retrouvèrent sur le Les Etats-majors franco-espagnol, à la Mahakma d’Abd El Krim, à Targuist, le 13 avril 1926 Djebel Mesdoui la joie de vivre et la sécurité des lendemains. Ils furent conduits le jour suivant à Boured où, grâce aux moyens de transport d'une grande base, ils ne s'attardèrent pas longtemps dans les austères parages du Riff. L'arrivée des prisonniers, aussitôt annoncée par T.S.F. commença d'ébranler le scepticisme persistant de l'arrière. En combinant l'automobile et le cheval, le colonel Huot, chef de la région de Taza et supérieur hiérarchique du colonel Corap dans le service des affaires indigènes, arriva vers le milieu de l'après-midi pour confronter de visu la réalité des faits avec les comptes-rendus sensationnels de son subordonné. Il admira, complimenta et repartit sans avoir renoncé à croire que la dernière scène du drame nous réserverait une amère déception. Mais un autre visiteur, le colonel Armaingaud, chef de l'aéronautiquemilitaire au Maroc, à peine débarqué de son avion reconnut que nous aurions partie gagnée, ai quelque intrigue de la dernière heure n'en venait compromettre le résultat. Or, à Rabat, où restait vivace le souvenir des faux roguis capturés ou livrés tandis que le vrai continuait de soulever Jes tribus contre le sultan, une tromperie analogue paraissait encore possible. Il semblait invraisemblable qu'Abdel-Krim en personne vînt jouer à 9

plait les allées et venues de nos<br />

goumiers et partisans qui rodaient<br />

dans ses parages. Il ne pouvait<br />

même plus obtenir des villageois<br />

les 200 animaux de bât dont il<br />

avait besoin pour se mettre lui et<br />

sa smalah hors de notre portée.<br />

Aussi, la journée du lendemain 25<br />

mai s'annonça-t-elle pleine de promesses.<br />

Mais elles furent tout autres<br />

que celles qu'on escomptait.<br />

Tandis que s'exécutent de nouvelles<br />

targuibas qui amènent au<br />

camp les délégués de tribus riveraines<br />

de la Méditerranée, le chérif<br />

Ahmidou-el-Ouazzani, châtelain<br />

de la Kasbah Snada, apparaît escorté<br />

de quelques serviteurs et<br />

son arrivée suscite les commentaires<br />

étonnés de la foule. Il vient<br />

offrir sa garantie morale de la<br />

bonne foi d'Abd-el-Krim, réfugié<br />

chez lui, qu'il déclare méthug<br />

(fichu) et qui a l'intention de se<br />

rendre aux Français. Une telle solution<br />

semble aussitôt préférable<br />

au coup de main projeté qui,<br />

même assuré d'un heureux et<br />

complet succès, comportait des<br />

risques et des pertes. Le colonel<br />

Corap n'hésite pas à faire<br />

confiance au chérif. <strong>D'</strong>accord avec<br />

le général Ibos, il choisit trois de<br />

ses meilleurs officiers des affaires<br />

indigènes, le capitaine Suffren, le<br />

lieutenant de vaisseau Montagne<br />

et le lieutenant de Larouzière, qui<br />

partent sur le champ avec El<br />

Ouazzani dont ils seront les hôtes<br />

inviolables à Snada. Ils ont la mission<br />

d'obtenir d'Abd-el-Krim une<br />

prompte soumission sur les bases<br />

suivantes : comme gage de sa<br />

sincérité, l'émir fera conduire le<br />

lendemain, au camp, prisonniers<br />

espagnols et français, dont le refus<br />

de libération inconditionnelle<br />

par ses plénipotentiaires avait<br />

causé l'échec de la conférence<br />

d'Oudjda; en échange, le colonel<br />

Corap lui promettait la vie sauve,<br />

un sort honorable et la protection<br />

de sa famille et de ses biens!. Ainsi,<br />

les effets de notre présence à<br />

Targuist se succédaient avec trop<br />

de rapidité pour qu'on songeât à<br />

ralentir ou modifier le cours des<br />

événements, en sollicitant à l'arrière<br />

des ordres ou des instructions<br />

qui ne pouvaient plus être<br />

que contradictoires. L'isolement<br />

était donc la condition essentielle<br />

des initiatives et il n'était guère facile<br />

de le troubler hors de propos.<br />

Le poste de T.S.F. de la brigade<br />

© FNAOM-ACTDM / CNT-TDM<br />

émettait rarement et d'innombrables<br />

"parasites" rendaient l'écoute<br />

aléatoire.<br />

Cependant, le capitaine Suffren<br />

et le lieutenant de vaisseau Montagne<br />

étaient arrivés à Snada et le<br />

chérif El Ouazzani les avait aussitôt<br />

présentés à Abd-el-Krim. Celuici<br />

les recevait avec courtoisie, entouré<br />

des derniers vestiges de son<br />

"conseil des ministres" : une cinquantaine<br />

de guerriers en uniforme,<br />

bien armés et bien équipés,<br />

constituaient toute sa garde<br />

du corps, trop faible pour empêcher<br />

sa capture dans un assaut de<br />

la kasbah, ou pour le protéger<br />

dans un exode vers une lointaine<br />

région du Riff occidental où son<br />

délégué Kheriro conservait encore<br />

quelque autorité. Pendant ce<br />

temps, le pittoresque caïd Haddou,<br />

accompagné par un médecin<br />

français de la mission sanitaire<br />

envoyée par la Croix rouge auprès<br />

des prisonniers, venait aux nouvelles<br />

dans le camp et tentait une<br />

dilatoire diversion. Mais l'époque<br />

des grandeurs était passée pour<br />

lui. Le "délégué de la république<br />

riffaine", qui paradait naguère à la<br />

conférence d'Oudjda, eut beau<br />

prodiguer ses sourires amènes et<br />

ses engageantes poignées de<br />

main. Le colonel Corap lui fit vite<br />

comprendre que Targuist était loin<br />

d'Oudjda; convaincu de son impuissance,<br />

Haddou repartit avec<br />

son compagnon, non sans avoir<br />

promis d'employer au service de<br />

la France tout son crédit sur Abdel-Krim:<br />

il posait déjà sa mise sur<br />

un nouveau tableau.<br />

En réalité, il jouait de son mieux le<br />

rôle de la mouche du coche. A<br />

peine avait-il disparu que survenait<br />

un messager envoyé par le<br />

capitaine Suffren et le lieutenant<br />

de vaisseau Montagne. Il apportait<br />

les premiers résultats de leur<br />

délicate mission. Abd-el-Krim<br />

consentait à libérer les prisonniers,<br />

qui seraient mis en route<br />

vers le camp à l'aube du lendemain;<br />

il se présenterait lui-même,<br />

vers la fin de la nuit suivante, aux<br />

abords du village de Tizenmourène,<br />

à 10 kilomètres environ au<br />

nord du Djebel Mesdoui, où il remettrait<br />

son sort entre les mains<br />

du colonel Corap si la protection<br />

de sa famille et de ses biens lui<br />

était garantie. Pour cette protection<br />

il refusait l'emploi de nos par-<br />

La plaine de Targuist<br />

et le djebel Mesdoui<br />

tisans, dont il redoutait les rancunes<br />

et les instincts pillards ; il exigeait<br />

un détachement de troupes<br />

régulières, qui lui inspirerait plus<br />

de confiance. Les officiers ajoutaient<br />

qu'une escorte serait utile<br />

pour préserver le cortège des prisonniers<br />

contre les sévices possibles<br />

des indigènes pendant le trajet<br />

et que des méprises étaient à<br />

craindre du côté de l'aviation espagnole<br />

qui commençait à prendre<br />

la kasbah Snada et le territoire<br />

environnant comme objectifs<br />

de reconnaissance et de bombardement,<br />

Les garanties demandées par les<br />

officiers ne concordaient guère<br />

avec la lettre des ordres récemment<br />

reçus, concernant l'emploi indésirable<br />

des troupes régulières<br />

hors de leur bivouac du Djebel<br />

Mesdoui, mais ceux-ci pouvaient<br />

être interprétés dans le sens des<br />

changements qui avaient suivi leur<br />

rédaction.<br />

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