Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
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LE MONDE-18 JUIN 1994 LA CROIXévénement - 19-20 JUIN 1994<br />
TURQUIE<br />
la Kur<strong>de</strong>s nationalistes<br />
ont perdu leur seule voix<br />
d'expression légale<br />
ISTANBUL<br />
<strong>de</strong> notre correspondante<br />
La Cour constitutionnelle turq~e<br />
a ordonné, jeu~i 16 juin, la<br />
dissolution du Partt <strong>de</strong> la démocratie<br />
(DEP), une formation prokur<strong>de</strong><br />
en raison <strong>de</strong> la «propagandi<br />
séparatiste» <strong>de</strong> ses dirigeants.<br />
Le parti était représenté<br />
par treize députés. Cinq d'entre<br />
eux arrêtés immédiatement après<br />
la l~vée <strong>de</strong> leur immunité parlementaire<br />
en mars, sont toujours<br />
détenus.<br />
Six <strong>de</strong>s huit élus restants se<br />
trouvent actuellement hors du<br />
pays. Ne <strong>de</strong>meurent en Turquie<br />
que. Sélim Sadak <strong>et</strong> Sedat Yurtdas,<br />
qui risquent d'être arrêtés'<br />
après la publication officielle <strong>de</strong><br />
la décision <strong>de</strong> la cour.<br />
Parti<br />
banni<br />
Les députés kur<strong>de</strong>s avaient<br />
démissionné du DEP à la veille<br />
<strong>de</strong> la décision du tribunal, dans<br />
l'espoir <strong>de</strong> ne pas tomber sous le<br />
coup d'articles <strong>de</strong> la Constitution<br />
qui limitent l'activité politique<br />
future <strong>de</strong>s membres d'un parti<br />
banni.<br />
C<strong>et</strong>te dissolution, qui prive les<br />
nationalistes kur<strong>de</strong>s <strong>de</strong> leur seule<br />
voix d'expression politique légale,<br />
s'inscrit dans le cadre <strong>de</strong> la campagne<br />
gouvernementale contre les<br />
militants séparatistes du PKK<br />
(Parti <strong>de</strong>s travailleurs du Kurdistan).<br />
Afin d'éviter <strong>de</strong>s élections<br />
partielles, intermédiaires si le<br />
nombre <strong>de</strong>s stèges à pourvoir au<br />
Parlement atteint vingt-trois, la<br />
COltr constitutionnelle a décidé<br />
<strong>de</strong> maintenir le statut parlementaire<br />
<strong>de</strong>s quatre autres députés<br />
kur<strong>de</strong>s, anciens membres du<br />
DEP, aujourd'hui indépendants,<br />
mais qui sont cependant accusés<br />
<strong>de</strong>s mêmes délits que leurs collègues.<br />
Parmi eux figure Mahmut<br />
Alinak, emprisonné <strong>de</strong>puis mars<br />
avec ses anciens camara<strong>de</strong>s du<br />
DEP. Des élections partielles risqueraient<br />
<strong>de</strong> profiter aux islamistes<br />
du Parti <strong>de</strong> la prospérité<br />
(RP), populaire dans le Sud-Est<br />
anatolien.<br />
NICOLE POPE<br />
LE SOIR DE BRUXELLES - 19 juin 1994<br />
PERSPECTIVES<br />
Un parti kur<strong>de</strong> interdit<br />
• La Cour constitutionnelle tur.<br />
que a frappé : elle a décidé<br />
jeudi soir, après huit heures <strong>de</strong><br />
délibération, d'Interdire le Parti<br />
<strong>de</strong> la démocratie (DEP), forma-<br />
tion pro-kur<strong>de</strong> qui comptait dix-<br />
sept députés au Parlement<br />
d'Ankara. la dissolution prive<br />
chacun d'eux <strong>de</strong> leur mandat <strong>de</strong><br />
parlementaire qui les m<strong>et</strong>tait re-<br />
lativement à l'abri <strong>de</strong> poursui-<br />
tes. Cinq d'entre eux sont déjà<br />
en prison <strong>de</strong>puis trois mois,<br />
leur immunité ayant été levée à<br />
l'époque par "Assemblée natio-<br />
nale turque. Ils atten<strong>de</strong>nt d'être<br />
jugés par la cour <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong><br />
l'État pour séparatisme <strong>et</strong> at.<br />
teinte à l'Intégrité territoriale.<br />
Le principal reproche fait par<br />
les autorités turques aux parlementaires<br />
du DEP est leur revendication<br />
permanente pour<br />
la prise en compte <strong>de</strong> "i<strong>de</strong>ntité<br />
kur<strong>de</strong> en Turquie. Le mouve-<br />
ment n'est certes pas toujours<br />
parvenu à se défaire <strong>de</strong> l'in-<br />
fluence du Parti <strong>de</strong>s travailleurs<br />
du Kurdistan (PKK), mouve-<br />
ment <strong>de</strong> guérilla sécession-<br />
niste très actif dans le sud-est<br />
du pays <strong>et</strong> qui semble avoir décidé<br />
d'accroître ses attentats à<br />
la bombe dans les gran<strong>de</strong>s vil-<br />
les <strong>de</strong> l'ouest <strong>de</strong> la Turquie, no-<br />
tamment Istan!»ul. Mais aucun<br />
acte <strong>de</strong> tenorlsme n'est Imputa-<br />
ble aux parlementaires du DEP<br />
<strong>et</strong> le parti a toujours placé son<br />
combat sur le terrain politique<br />
<strong>et</strong> démocratique.<br />
Une polémique opposait en-<br />
core vendredi la Cour constitu-<br />
tionnelle au DEP, sur la poSsibi-<br />
laé d'organiser <strong>de</strong>s élections<br />
partielles afin <strong>de</strong> remplacer les<br />
députés privés <strong>de</strong> leur mandat <strong>et</strong><br />
dont les circonscriptions se<br />
trouvent dans le sud-est du<br />
pays. La Constitution prévoit<br />
que lorsque 5 % (soit 23) <strong>de</strong>s siè-'<br />
ges <strong>de</strong> l'assemblée sont va-<br />
cànts, <strong>de</strong>s élections partielles<br />
doivent avoir lieu. Or quatre dé-<br />
putés du DEP ayant démissionné<br />
<strong>de</strong> leur parti quelques<br />
jours avant la décision <strong>de</strong> la cour<br />
constitutionnelle <strong>de</strong> "Interdire,<br />
afin <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong>r leurs sièges,<br />
le nombre <strong>de</strong>s sièges v.<br />
cants n:est aujourd'hui que <strong>de</strong><br />
21. Le DEP semble faire pression<br />
pour que ces quatre députés, qui<br />
ont créé une nouvelle formation,<br />
le Ha<strong>de</strong>p, soient toujours consi-<br />
dérés comme appartenant à ses<br />
rangs.<br />
Jean-Christophe PLOQUIN<br />
Six députés du DEP ont décidé <strong>de</strong> rester à Bruxelles, où ils étaient en visite<br />
Le parti kur<strong>de</strong> <strong>de</strong> Turquie dissous<br />
La Turquie a une fois <strong>de</strong> plus<br />
enfourché son cheval <strong>de</strong> bataille<br />
<strong>de</strong> la « propagan<strong>de</strong> séparatiste<br />
JO. Et elle a frappé fort: la<br />
Cour constitutionnelle a purement<br />
<strong>et</strong> simplement interdit hier<br />
le Parti <strong>de</strong> la démocratie (DEP),<br />
une formation essentiellement<br />
kur<strong>de</strong> qu'Ankara accuse d'être<br />
liée au PKK, le Parti <strong>de</strong>s travailleurs<br />
du Kurdistan, un mouvement<br />
terroriste <strong>et</strong> séparatiste<br />
-lien qui n'a jamais été prouvé,<br />
loin s'en faut.<br />
En principe, c<strong>et</strong>te décision <strong>de</strong> la<br />
Cour entraine, pour les 13 députés<br />
du DEP, la déchéance <strong>de</strong><br />
leur qualité <strong>de</strong> parlementaires<br />
- pour autant que c<strong>et</strong>te déchéance<br />
soit approuvée par la<br />
prési<strong>de</strong>nce du Parlement. Six<br />
<strong>de</strong> ces députés, dont l'immunité<br />
a été levée en mars, sont déjà<br />
en prison <strong>et</strong> atten<strong>de</strong>nt leur procès<br />
pour «séparatisme JO <strong>et</strong><br />
« atteinte à la sécurité <strong>de</strong> l'État JO<br />
- une situation jugée tellement<br />
aberrante que <strong>de</strong>s avocats d'un<br />
peu partout en Europe, dont<br />
l'ancien ministre français <strong>de</strong>s Affaires<br />
étrangères Roland Dumas,<br />
se sont mobilisés pour<br />
défendre les six parlementaires.<br />
Les sept autres députés du<br />
DEP, sentant venir la dissolution<br />
<strong>de</strong> leur parti <strong>et</strong> leur déchéance<br />
parlementaire, avaient tenté<br />
d'en éviter les conséquences -<br />
l'interdiction <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r tout autre<br />
parti pendant 10 ans - en<br />
créant, dès le mois <strong>de</strong> mai, une<br />
autre formation, le Parti <strong>de</strong> la<br />
démocratie du peuple (Ha<strong>de</strong>p),<br />
<strong>et</strong> en démissionnant du DEP<br />
mercredi. Mais, entendant le<br />
proc~reur <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> sûr<strong>et</strong>é<br />
<strong>de</strong> l'Etat les traiter <strong>de</strong> « terroristes<br />
lO, on peut douter <strong>de</strong> l'efficacité<br />
<strong>de</strong> leur tactique ...<br />
Sans le savoir, six <strong>de</strong> ces sept<br />
députés encore en liberté ont<br />
toutefois réussi à se m<strong>et</strong>tre à<br />
l'abri: ils se trouvent en eff<strong>et</strong> à<br />
Bruxelles, où ils doivent donner<br />
(Avec Clau<strong>de</strong> ORTACa<br />
à Istanbul)<br />
<strong>de</strong>s conférences, ainsi qu'à<br />
Strasbourg. Et ils ont annoncé<br />
dès hier qu'ils avaient l'intention<br />
<strong>de</strong> rester dans notre pays, la<br />
république turque ayant montré<br />
une nouvelle fois au mon<strong>de</strong><br />
qu'elle n'est pas un pays démocratique.<br />
L'avocat du DEPa aussi<br />
déclaré qu'il allait déposer un<br />
recours auprès d'instances internationales.<br />
Dans l'histoire <strong>de</strong> la république<br />
turque, le DEP est le quatorzième<br />
parti à être dissous pour<br />
délit d'opinion, en l'occurrence<br />
pour la simple affirmation d'une<br />
i<strong>de</strong>ntité autre que turque.<br />
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