Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PRESSE~PRESS REVIEW~BERHEVOKAÇAPÊ~RNISTA STAMPA~DENTRO DE LA PRENSA~BASIN ÖZETi
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I
Kurdistan: les traditions entre Etat kemaliste et
Ecole officielle et iden
Face aux pressions qu'ils
subissent, notamment
quant à l'affirmation de
leur identité culturelle, les
Kurdes ne réagissent pas
tous de la même manière. '
Jacq ueline Sammali examine
ici les diverses réponses,
au sein de la corn"::
munauté familiale par '
exemple, adoptées par la
population kurde face à
ces pressions. Mme Sammali
est éditrice responsa-'
ble de «L'Appel du Kurdistan»,
le bulletin de
l'Association Suisse-Kurdistan,
qui se veut indé,;.
pendant de tout groupement
politique et religieux.
(Réd)
L'identité menacée et dévalorisée
provoque une souffrance
immédiate et incite à des stratégies
qui permettent de l'.éviter
ou de la diminuer». C'est
ce qu'affirme Malewska-Peyre1 qui
avec d'autres chercheurs a étudié les
conduites de groupes d'immigrés qui
subissent une discrimination.
Les Kurdes, dont l'identité est dévalorisée
jusqu'à la négation, adoptent
des conduites du même type pour évi-
,ter ou atténuer la souffrance psychologique
qui enrésùIte.' .
Certains refoulent les expériences.
douloureuses, ils suppriment inconsciemment
l'objet de l'angoisse. Durant
les années de scolarité, l'enfant
kurde n'entend que des propos mépri-.
sants sur son identité et s'entend répé-
'ter qu'il doit être fier d'être turc. Tout
cela peut amener à un refoulement
profond de l'identité hont~use. Ma-.
lewska-Peyre, dans' 'ses "recherches, a
constaté que de jeunes'Arabes disent,
face à des expériences racistes: :\ent aidé
beaucoup d'entre eux à s;"'p~ • ' ,
Des Kurdes, surtout dans la :régi:on
mixte où Turcs et Kurdes se côtoient,
. dans les métropoles, dévaloriserlLlèur
langue, qu'ils' considèrent com;ne
«primitive» ainsi qu'on le leur a en~eigné.
«Quand ils discutent entre, eux,'
beaucoup de Kurdes pensent que'c'est
mieux de parler turc, ou bien ils I~.font
automatiquement, tellement ils. ont
. vécu l'interdit. Ils se sentent comme
obligés, Parfois, quand un Kurdé ne,
sait pas le turc, c'est un peu comme s'il.
était inférieur. C'est comme automatique,
cela vient de la Turquie ..,»
L'Appel a déjà publié les propos du :
sociologue Besikci qui a décrit cdong'
processus tendant à faire intérioriser'
aux Kurdes le fait qu'ils sont des gens
sans droits, que le pouvoir turc peut
traiter comme bon lui semble.
Cette conduite est proche de celle
des peuples colonisés. Albert Memmi 3
écrit, dans son «Portrait du colonisé»
(1957): «Confronté en éonstance a'vec
cette image de lui-même, proposée,
impOSée dans. les institution.~.:comme':
ddr;,. ~0tit'can'tact '~ium'ain, comment
6';y'réagirait-il? (..:W:Ouhaité, répandu
,p!jr le colonisateur, 'ce portrait mythi-
'que et dégradant finit, dans une certaine
mesure, par être accepté et vécu
par le colonisé». (p. 108)
CULTURE DÉVALORISÉE
Mais c'est aussi tout le bagage culturel
qui est dévalorisé. On n'a plus conscience
de sa valeur. Un Kurde, Serdar,
nous disait au sujet de ses sentiments
durant ses études:
«Mon frère, c'est quelqu'un qui ra-,
conte des épopées, il chantait des
chansons kurdes ... une accumulation.
de culture familiale était là, les épopées
kurdes ... mais moi, je n'avais pas .
conscience que ce sont les épopées
,kurdes, comme je le pense aujourd'hui,
que cela fait notre richesse...»
Parfois, la répression, le regard dé- .
valorisant porté sur eux sont tels. que
certains Kurdes en viennent à cacher'
.leur identité. C'est la stratégie du déni"
autre action mise en place pour éviter
la souffrance, pour fuir la répression:
l'individu refuse l'identité qui le fait
souffrir. Il sait bien. au fond de lui,
qu'il est kurde, mais il le nie et s'affirme
turc. Cette s.tratégie se rencontre
surtout 'dans les régions mixtes du
.Kurdistan, dans les métropoles. Ce
sont aussi ces parents qui se taisent sur
leur origine pour éviter des souffran~'
.:ces à leurs enfants à l'école. Alors que
,j'étais en visite chez une famille kurde
, récemment arrivée en Suisse, au cours
de la discussion une des filles a dit tout
à coup:
«Moi, des fois je me dis: nous sommes
kurdes, mais en fait, je ne sais pas
ce que cela veut dire.»
Et sa mère d'expliquer:
«Quand les enfants vont à l'école"
s'ils parlent en kurde à la maison, ils.
. risquent d'avoir un accent. Alors on
'les méprise et ils ont honte. Nous ne
leur avons rien dit sur la vie des Kur-'
. des. C'était mieux qu'ils ne sachent
: rien, il fallait cacher qu'on est kurdes,
parce que, sinon, ..on' a tellement de
problèmes. Mais 6'n ne se demandait
. pas vraiment pourquoi ils nous traitaient
de cette man~ère. C'était comme
ca.»
"