Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PRESSE~PRESS REVIEW~BERHEVOKA ÇAPÊ~RlVISTA STAMPA~DENTRO DE LA PRENSA~BASIN OZETi
[Le Courrier -' 28 juin 1994
TÉMOIGNAGE
« Le Gouvernement turc combat
jusqu'à l'identité même des Kurdes!»
De retour du Kurdistan turc, un médecin suisse a pu y eonstate~ le ((~éni totah) cJ.el'identité
kurde. Pour Jean Ziegler, la Suisse aurait son mot à dire vu la situation diplomatique.
La répression des Kurdes par le Gouvernement d'Ankara s'est intensifiée ces derniers mois. Keystone/AP
Le médecin Daniel Robert a
profité d'une récente mission
humanitaire au Kurdistan ir~kien
pour se rendre en TurquIe
avec deux membres du
Freundschaftkreis-Kurdistan, une association
de soutien aux Kurdes. Ces
derniers mois, le Gouvernement turc a
renoncé à une solution politique de la
question kurde en laissant l'armée
«faire le ménage»l. Par rapport à son
précédent voyage, il y a deux ans, le
docteur a constaté l'ampleur du climat
de terreur qui s'abat sur la population.
Nous reproduisons ici de larges extraits
de l'exposé qu'il a donné le 16
juin à Genève.
VILLAGES DÉTRUITS
«La route qui va de Nusaybin à Djéziré
longe la frontière syrienne sur environ
90 kilomètres. Là, on ne peut pas
dire qu'il reste beaucoup de villages.
Nous avons eu la chance d'avoir un
chauffeur courageux qui nous a
conduits par des petites routes en zigzaguant
entre les villages de «Kou-
roudjous», les collaborateurs kurde~
payés par l'Etat turc et les différents
postes de contrôle de la police qui
s'échelonnent tous les dix kilomètres.
Nous avons compté 14 villages détruits,
souvent très récemment. Celui
de Kopa par exemple a été incendié il y
a trois mois. Au-delà du constat, il faut
encore s'imaginer comment les choses
se passent: tôt le matin, les unités spéciales
turques arrivent soudainement,
font sortir les gens de leur maison et
leur donnent une demi-journée pour
quitter les lieux en leur annonçant
qu'ils vont tout détruire».
OBJECTIFS TURCS
«Le but avoué est de «vider l'eau de
l'aquarium», c'est-à-dire supprimer
les foyers de guérilla. Mais en fait les
autorités visent à détruire en profondeur
la société kurde dans sa culture et
dans son système de valeurs. Par rapport
à mon précédent voyage, j'ai été
terriblement frappé par l'ampleur de
la peur qui s'est emparée de la population.
On n'ose plus afficher sa kurdi-
)
té, alors qu'il y a deux ans encore, dès
que je bredouillais quelques mots en
kurde. mes interlocuteurs réagissaient
au quart de tour: invitations, discus-
,sions, cadeaux, ... A Djéziré, où 30 à
40% de la population a fui, la seule
personne que j'ai retrouvée est le propriétaire
d'une maison de thé. Il m'a
spontanément offert un plantureux repas
sans toutefois oser m'adresser la
parole. Ecrasé par la peur d'ètre vu en
conversation avec un étranger, d'être
arrêté et torturé, cet homme s'est vu
humilié en reniant l'une des valeurs les
plus sacrées des Kurdes, l'hospitalité.
Les gens ont cependant besoin de
communiquer leurs souffrances. Un
exemple. Après avoir longuement insisté.j'ai
réussi à obtenir l'autorisation
de me rendre dans la petite ville
d'IdiI... accompagné par deux policiers
en civil. Dans l'autobus, personne
n'osait me parler. En arrivant,
tout un quartier à l'entrée de la ville
était abandonné avec des maisons criblées
de balles et d'obus. Profitant
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