Mise en page 1 - Phnom Penh Accueil

Maloou Paul
La stèle pour mémoire.
et d’aréquiers pour arriver enfin dans
cet espèce de pays où il n’y avait plus
de villages, plus d’habitations, un
pays d’eau, de marais. Avec en bordure
de mer, les forêts de palétuviers,
qui étaient seules à émerger sur des
centaines d’hectares à la saison des
hautes eaux. » 2
La mère a racheté la concession à
un Vietnamien, une concession de
199 hectares accordée à titre provisoire
par l’administration coloniale,
dont elle n’obtiendra l’octroi définitif
qu’en 1937. Elle épuise ses forces et
son argent à essayer de mettre
en valeur ces terres incultes et
régulièrement recouvertes par les
marées. À travers le personnage de
Suzanne, Marguerite raconte : « Dès
la première année, elle mit en culture
la moitié de la concession. (…) Mais la
marée de juillet monta à l’assaut de la
plaine et noya la récolte. Croyant
qu’elle n’avait été victime que d’une
marée particulièrement forte, et malgré
les gens de la plaine qui tentaient
de l’en dissuader, l’année d’après la
mère recommença. La mer monta
encore. Alors, elle dut se rendre à la
Découverte
réalité : sa concession était incultivable.
Elle était annuellement
envahie par la mer. Il est vrai que la
mer ne montait pas à la même hauteur
chaque année. Mais elle montait
toujours suffisamment pour brûler
tout, directement ou par infiltration.
» 3
En butte à la malhonnêteté et à la
mauvaise volonté de l’administration
coloniale qui profite de sa naïveté et
de son inexpérience, la mère ne se
laisse pourtant abattre et pour
déjouer leur hostilité, elle mûrit de
nouveaux projets :
« Ceux-ci consistaient à demander
aux paysans qui vivaient misérablement
sur les terres limitrophes de la
concession de construire, en commun
avec elle, des barrages contre la mer.
Ils seraient profitables à tous. Ils
longeraient le Pacifique et remonteraient
le rac jusqu’à la limite des
marées de juillet. » 4 Le projet échoue.
En dépit des pieux de palétuviers
censés les consolider, les ouvrages
cèdent.
Marguerite est le témoin désabusé
des efforts désespérés de sa mère
qu’elle évoque une fois encore dans
« L’amant de la Chine du Nord » 5
« Pendant trois ans, elle a encore
espéré. Ça, nous, ses enfants, on ne
pouvait pas le comprendre. Et à notre
tour on a cru à la folie de notre mère,
mais sans lui dire jamais. Elle a
recommencé à acheter des rondins de
palétuviers pour consolider les barrages.
Elle a emprunté de l’argent.
Elle a encore acheté des pierres pour
consolider les talus le long des semis.
Bulletin de PPA - n°33- 13