L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free

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2<br />

Sommaire<br />

Édito 2<br />

Culture<br />

4Apsaras, danseuses célestes 3<br />

Littérature<br />

4Entretien avec Khing Hoc Dy,<br />

spécialiste de la littérature khmère 4<br />

Conférence<br />

4Seconde conférence<br />

intergouvernementale sur la sauvegarde<br />

et le développement d’Angkor 6<br />

Conte Khmer<br />

4La légende des collines 8<br />

Poême Khmer<br />

4La fortune au détriment de la liberté 9<br />

Communauté<br />

4Fen’X, les arts martiaux artistiques 10<br />

Témoignage<br />

4Un an au pays du sourire 11<br />

Zoom<br />

4Rathana, un jeune artiste peintre 12<br />

4Construire les futures générations<br />

du Cambodge 13<br />

DOSSIER<br />

4La restauration artistique toujours<br />

et encore... 14<br />

4La communauté artistique khmère<br />

en France, entre idéal d’hier et<br />

d’aujourd’hui 15<br />

4La culture mais pourquoi ? 16<br />

4A la croisée des écoles de danse<br />

artistique 17<br />

Repères<br />

4Faune et flore du Cambodge<br />

en danger 18<br />

50 ans d’indépendance<br />

4De l’oasis de paix aux tourmentes<br />

de la guerre (1955-1970, les années<br />

du Sangkum) 20<br />

En bref 24<br />

Lecture<br />

4Apocalypse khmer 25<br />

Educatif<br />

4Introduction à l’alphabet khmer 26<br />

Cuisine<br />

4La recette du “Creung” 27<br />

Annonces 28<br />

L'ÉCRIT D'ANGKOR<br />

Une publication de AAJ (Asie Aide à la Jeunesse)<br />

8, rue Teste - 93420 VILLEPINTE<br />

Email : lecritdangkor@free.fr<br />

Information Tél. : 06 03 62 06 21 (Prasnar)<br />

édition trimestrielle<br />

Abonnement annuel : 15 euros<br />

Veuillez libeller votre chèque à l'ordre de AAJ<br />

N° ISSN en cours<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

É D I T O R I A L<br />

Entre expérience et espoir<br />

Tout d'abord, je tiens à souhaiter au nom de toute l'équipe rédactionnelle<br />

de <strong>L'Ecrit</strong> <strong>d'Angkor</strong>, une merveilleuse année à tous nos lecteurs<br />

et lectrices, ainsi qu'à tou(te)s nos ami(e)s. Que cette année soit aussi<br />

belle voire meilleure que 2003. "Qu'importent les trésors ! Plutôt qu'argent<br />

entasser, mieux vaut amis posséder" telles étaient les paroles de<br />

Nicolaï Gogol, et tel est l'état d'esprit avec lequel a été enfanté votre<br />

cher magazine. Et ce sont ces paroles qui nous poussent à améliorer<br />

sans cesse l’EDA afin que notre plaisir d'écrire soit aussi votre plaisir de<br />

lire.<br />

Pour commencer cette année 2004 du bon pied, il me parait important<br />

au préalable de mettre en avant les initiatives créatrices qui affirment<br />

l’espoir de renouveau d’une culture cambodgienne, qui avance<br />

indéniablement, et qui ne cesse de prendre des couleurs; elles sont les<br />

signes évidents d’une culture vivante et vigoureuse. L’enthousiasme et<br />

le mordant du groupe "Les FenX", de même que l'inspiration et la créativité<br />

du jeune peintre Rathana en sont une belle illustration.<br />

La culture est donc le maître mot de ce numéro de l’EDA... Vous<br />

constaterez de vous même que la moisson a été excellente! Vous partirez,<br />

par exemple, à la découverte de la littérature khmère, accompagnés<br />

de l’avis éclairé du professeur Khing Hoc Dy, spécialiste dans ce<br />

domaine. Ensuite, vous plongerez en profondeur dans le monde des<br />

associations culturelles et artistiques: "pourquoi, pour qui, avec qui et<br />

vers où"; même les plus sceptiques d’entre vous ne résisteront à l’appel,<br />

tant il est vrai qu'il est difficile de rester insensible à la danse de<br />

nos gracieuses et splendides Apsaras.<br />

L'actualité, quant à elle, n’est pas en reste. Toujour orientée vers<br />

de notre cher pays, nous vous proposons de suivre la seconde conférence<br />

intergouvernementale portant sur le temple <strong>d'Angkor</strong>, et de continuer,<br />

dans un second volet, notre survol de "50 ans d'indépendance<br />

pour le Cambodge".<br />

Pour finir, j'aimerais revenir sur le titre de l’édito, révélateur de mon<br />

optimisme quant à l'avenir de notre culture, et dont les racines sont<br />

issues de l'expérience de nos aînés. Elle sont riches de plusieurs millénaires<br />

d’une tradition khmère qui s'étendra vers les cieux grâce à la<br />

volonté et l'espoir de la jeunesse de prendre le relais. Le XXIème siècle<br />

sera sans conteste une période décisive dans la détermination de notre<br />

existence en tant que Khmer.<br />

Remerciements<br />

Le comité de rédaction composé de Borane Huy, Socrate Lao, Monica Lim, Hisham<br />

Mousar, Joty Mousar, Sovattha Nhem, Sophoat Ngau, Thaséda Ou, Sovichea Vanny,<br />

Borin Vorng, Prasnar Yi souhaite sincèrement remercier :<br />

Fodel Berrichi pour la relecture et la correction des articles, Thearron Sieng You pour le<br />

design et le graphisme, et Thierry By pour la coordination artistique.<br />

Nous tenons également à remercier les personnes suivantes pour leur participation à la<br />

rédaction des articles dans ce quatrième numéro :<br />

Chetra Chea, Mlle R. Ly, Nicolas Meas, Marion Rigaux et Brigitte Taveau<br />

Un profond remerciement à Josiane Legrand pour nous avoir permis d’utiliser une de<br />

ses magnifiques aquarelles pour la couverture de ce numéro.<br />

Compléments d’information<br />

Joty MOUSAR<br />

L’association Fondation pour le Transfert des Technologies (FETT) nous a demandé d’apporter<br />

le complément d’information suivant suite à notre article paru dans le numéro 3 -<br />

Novembre 2003 :<br />

Site web de l’association : http://groups.msn.com/laFETT<br />

Adresse e-mail : lafett@free.fr<br />

Contact : Olivier TAING, Président de la FETT, Responsable de projets informatiques<br />

d’ADMAHC (http://admahc.free.fr), Maître d’œuvre et d’ouvrage de la Faculté de Médecine<br />

Virtuelle de Phnom Penh<br />

Adresse : 1 montée de la boucle, 69300 Caluire et Cuire, France<br />

Téléphone : 06 16 94 36 23


CULTURE<br />

Les Apsaras, danseuses célestes<br />

De la magnificence de la civilisation angkorienne, les Apsaras sont le reflet vivant que nos ancêtres<br />

nous ont laissé, et bien plus qu'un bas-relief, c'est celui de la danse classique khmère. Figées<br />

dans les pierres, elles ont dansé pour les dieux, renaissant dans les beautés khmères, les danseuses<br />

célestes éblouissent nos yeux par leurs mouvements gracieux et lents à faire arrêter le temps.<br />

IImmortalisées dans les bas-reliefs des<br />

temples <strong>d'Angkor</strong>, ces danseuses célestes<br />

- mi-humaines et mi-divines, intermédiaires<br />

entre les dieux, le roi et le peuple<br />

- que sont les Apsaras, reflètent l'apanage<br />

de la culture khmère. Il y a déjà de cela plus<br />

d'un millénaire que naquit cette tradition de<br />

danses classiques royales dans les fabuleux<br />

temples <strong>d'Angkor</strong> qui, à l'époque, était un<br />

rituel destiné à communiquer avec les<br />

dieux, à les divertir. La reine des Apsaras<br />

accompagnée de ses suivantes est descendue<br />

du paradis d'Indra et a exécuté une<br />

danse pure pour le seul plaisir des yeux des<br />

humains.<br />

Selon une légende, le mariage d'un<br />

ermite indien, Kampu, avec une danseuse<br />

Apsara, Mera, a été nommé Kampumera,<br />

qui est devenu le Cambodge. Les enfants de<br />

cette union étaient les Khmers.<br />

Historique<br />

Le plus ancien texte khmer mentionnant<br />

des danseuses est, semble-t-il, une<br />

inscription du VIe ou VIIe siècle. A l'apogée<br />

<strong>d'Angkor</strong>, au XIIe siècle, elles seront<br />

des milliers attachées aux grands temples et<br />

au palais du roi.<br />

De 500 danseuses à l'époque d'Ang<br />

Duong (1796-1859), souverain poète et<br />

protecteur des arts, la troupe royale passa à<br />

un nombre amenuisé d'une cinquantaine de<br />

ballerines au début du XXe siècle. Cela<br />

n'empêcha pourtant pas ces déesses d'inspirer<br />

bien des gens, notamment Auguste<br />

Rodin qui fut subjugué lors de l'été 1906<br />

par leur beauté et laissa une série de dessins<br />

affirmant la grandeur et la splendeur du ballet<br />

royal khmer.<br />

Fort heureusement cet art divin est<br />

défendu et sauvé par la reine Kossamak,<br />

mère du roi Sihanouk qui, après 35 années<br />

d'efforts, lui a rendu tout son éclat. Dans les<br />

années 50, la princesse Bopha Devi, fille du<br />

roi Sihanouk, donna vie aux danseuses<br />

célestes, figées dans les pierres, en créant la<br />

danse des Apsaras.<br />

Malgré les années rouges de Pol Pot,<br />

grâce à quelques danseuses survivantes de<br />

cette période de terreur, l'université des<br />

Beaux Arts fut ouverte en 1981. Elles ont<br />

pu ainsi perpétuer l'essentiel de la grande<br />

tradition chorégraphique khmère.<br />

Un apprentissage draconien<br />

Traditionnellement, les danseuses sont<br />

formées dès leur plus jeune âge (huit ans),<br />

et c'est avec une concentration extraordinaire<br />

que ces petites fleurs étudient les mouvements<br />

lents et minutieusement codifiés de<br />

la danse classique khmère : les doigts<br />

recourbés, la taille cambrée, l'orteil redressé,<br />

positions des mains, pas et postures du<br />

corps, tout doit être répété des centaines de<br />

fois pour atteindre la perfection.<br />

Dix longues et laborieuses années d'apprentissage<br />

vont éprouver la morphologie<br />

des danseuses qui doivent littéralement se<br />

Grâce, harmonie et beauté<br />

plier aux contraintes de la danse, et cela tout<br />

en sachant que rien ne laisse supposer qu'elles<br />

deviendront à leur tour, le maillon de la<br />

tradition.<br />

Je me rappelle de ma visite à l'école des<br />

Beaux Arts, où l'on peut admirer ces petites<br />

danseuses qui s'entraînent et enchaînent les<br />

postures sous l'œil attentif des "neak krou"<br />

(maîtresses). Un entraînement en groupe,<br />

puis chacune des danseuses peaufinent son<br />

propre personnage, donc son propre Kbach.<br />

Les déplacements des rôles féminins restent<br />

délicats et gracieux tandis que les rôles<br />

masculins, des géants et des singes deviennent<br />

plus amples…<br />

Costumes célestes<br />

Chaque rôle, se différencie par un<br />

costume, une coiffure, des bijoux et parfois<br />

3<br />

un masque. Les costumes, "des étoffes"<br />

pliés, drapés et cousus à même le corps se<br />

transforment en parure somptueuse. Les<br />

costumes des personnages masculins sont<br />

portés de la manière d'un sampot, drapé en<br />

culotte bouffante, alors que les personnages<br />

féminins le revêtent à la façon d'un sarong.<br />

A tout cela viennent s'ajouter un ou deux<br />

kilogrammes d'ornements, de bijoux et<br />

pierres précieuses. Tous ces préparatifs sont<br />

très longs et durent en moyenne 3 heures.<br />

Le gestuel, un véritable langage<br />

Une longue initiation est nécessaire<br />

pour suivre parfaitement le déroulement<br />

d'une légende interprétée par les danseuses<br />

khmères. Chaque geste a sa propre signification,<br />

elle-même modifiée par les gestes<br />

qui suivent ou qui précèdent, ainsi que par<br />

les circonstances dans lesquelles il est exécuté.<br />

Telle pose de la tête, des bras, des jambes<br />

a sa désignation que vient compléter,<br />

atténuer ou nuancer telle autre pose, tel<br />

regard, voire une imperceptible contraction<br />

des sourcils.<br />

Malgré une codification rigoureuse, ces<br />

danses constituent un véritable langage gestuel<br />

d'environ 4500 mots et expressions<br />

avec son vocabulaire, sa grammaire et sa<br />

syntaxe.<br />

"La danseuse khmère est une actrice,<br />

une mime. Elle représente un personnage<br />

de légende. Elle exprime les sentiments et<br />

représente les actions que chante le chœur.<br />

Chaque phrase des chanteuses sollicite un<br />

geste ou détermine une attitude de la danseuse,<br />

toujours muette. Ces attitudes, ces<br />

gestes sont rituels, uniques et se sont transmis<br />

de génération en génération sans qu'il<br />

en existe une didactique, un modèle écrit et<br />

précis."<br />

"Ces gestes aboutissent généralement à<br />

une attitude précise, marquée l'espace d'un<br />

temps, que le rythme soit lent ou précipité,<br />

et abandonnée après être restée juste le<br />

temps qu'on la perçoive, qu'on l'admire et<br />

qu'on la regrette." (George Groslier)<br />

La danse classique khmère est une invitation<br />

au voyage, à la paix, à l'harmonie et<br />

offre pour vos yeux une inoubliable note de<br />

poésie et de féerie.<br />

Brigitte TAVEAU<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


4<br />

LITTERATURE<br />

Entretien avec Khing Hoc Dy, spécialiste de la<br />

littérature khmère<br />

A l'occasion des parutions, au Cambodge, de ses deux derniers ouvrages, en cambodgien, sur la<br />

littérature khmère du XIXème et du XXème siècle, nous avons rencontré KHING Hoc Dy, ancien<br />

professeur, actuellement chercheur au CNRS, qui a consacré sa carrière à la littérature khmère.<br />

Le Cambodge est souvent représenté<br />

par les temples <strong>d'Angkor</strong>, qui<br />

symbolisent l'art khmer par excellence<br />

; mais la connaissance que l'on<br />

peut avoir de la culture et de la société<br />

khmères passe également par l'étude de<br />

sa littérature. Si l'on accepte l'idée que la<br />

littérature est le miroir d'une société,<br />

alors l'étude de la littérature khmère, en<br />

complément d'autres matières telle que<br />

l'Histoire, apparaît nécessaire pour une<br />

meilleure compréhension de la société<br />

cambodgienne.<br />

KHING Hoc Dy, passionné de littérature<br />

khmère<br />

Né à Kompong Thom, au Cambodge,<br />

en 1945, KHING Hoc Dy, obtient le<br />

diplôme de l'Ecole Normale Supérieure<br />

de Phnom-Penh puis une Licence de<br />

Lettres. Il enseigne la littérature khmère<br />

à l'université de Phnom-Penh de 1967 à<br />

1971, date à laquelle il obtient une bourse<br />

et se rend à Paris, emportant avec lui<br />

les documents qu'il a pu collecter aux<br />

archives de l'Institut Bouddhique de<br />

Phnom-Penh, pour préparer sa thèse de<br />

doctorat de 3ème cycle qu'il soutient en<br />

1974. L'arrivée au pouvoir des khmers<br />

rouges l'empêche de retourner au<br />

Cambodge et il reste en France où, de<br />

1975 à 1985, il travaille à la section<br />

d'ethnomusicologie du Musée de<br />

l'Homme. Parallèlement il continue ses<br />

recherches grâce aux textes cambodgiens<br />

détenus par les Français, et dirige<br />

la revue "Seksa khmer", éditée par le<br />

CEDOREK, le centre de documentation<br />

et de recherche sur la civilisation khmère.<br />

Il intègre ensuite le CNRS, Centre<br />

National de la Recherche Scientifique,<br />

ce qui lui permet de se consacrer entièrement<br />

à sa passion et à son doctorat d'état<br />

qu'il obtient en 1993. Soucieux de sauvegarder<br />

et de faire connaître la littérature<br />

khmère, il publie de nombreux articles et<br />

ouvrages, tantôt en français, tantôt en<br />

khmer. Il enseigne également la littérature<br />

khmère à l'INALCO, Institut National<br />

des Langues et Civilisations Orientales<br />

mais reconnaît que l'étude de cette<br />

matière n'est pas aisée. Selon lui, les jeu-<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

Le professeur Khing Hoc Dy<br />

nes Cambodgiens de France qui souhaitent<br />

avoir accès à la littérature khmère<br />

doivent d'abord faire le pas de venir<br />

apprendre leur langue maternelle et ne<br />

doivent pas se décourager. Savoir lire et<br />

comprendre une bonne partie des textes<br />

leur permettra ensuite d'étudier la littérature<br />

khmère, en commençant par la lecture<br />

de la littérature moderne, plus<br />

accessible, pour ensuite remonter dans le<br />

temps.<br />

De la littérature ancienne à la littérature<br />

moderne<br />

L'histoire de la littérature khmère<br />

peut se diviser en trois grandes périodes :<br />

les ères pré-angkorienne et angkorienne<br />

(du VIIème jusqu'à la fin du XIVème<br />

siècle de l'ère chrétienne), l'époque<br />

moyenne (du XVème au XIXème siècle)<br />

et la période contemporaine (de la fin du<br />

XIXème siècle à nos jours).<br />

La littérature ancienne est essentiellement<br />

constituée de textes gravés dans<br />

la pierre, appelés textes épigraphiques.<br />

Ces inscriptions, souvent en sanskrit,<br />

sont précieuses puisqu'elles ont permis<br />

de reconstituer l'histoire du pays aux<br />

époques pré-angkorienne et angkorien-<br />

ne. De nombreuses études ont été consacrées<br />

à l'épigraphie, notamment de la<br />

part de George Coèdes.<br />

En revanche, peu d'intérêt a été porté<br />

au reste de la littérature ; KHING Hoc<br />

Dy oriente alors ses recherches sur la littérature<br />

de l'époque moyenne, dite "classique",<br />

qui constitue la partie la plus<br />

importante de la littérature khmère. Les<br />

supports majoritairement utilisés à cette<br />

période sont les feuilles de latanier (ou<br />

palmes) et le papier traditionnel, fabriqué<br />

à partir de l'écorce des mûriers. La<br />

littérature classique comporte des textes<br />

très variés que l'on peut classer en deux<br />

grands ensembles : la littérature sacrée et<br />

la littérature de divertissement. La première<br />

catégorie comprend les textes religieux,<br />

et notamment les jataka, récits des<br />

vies antérieures du Bouddha. Elle englobe<br />

également les chroniques royales du<br />

Cambodge, écrits historiques qui décrivent<br />

le pays ; ou encore les textes dits<br />

"techniques", comme les textes juridiques,<br />

les recueils de coutumes. Enfin,<br />

on peut classer parmi la littérature sacrée<br />

les textes éthiques qui énoncent des<br />

enseignements moraux, tels que les proverbes,<br />

dictons et maximes. La littérature<br />

de divertissement comprend elle aussi<br />

des textes très divers. On classe dans cet<br />

ensemble la littérature transmise oralement<br />

qui a ensuite été écrite. Il s'agit des<br />

contes et légendes, des devinettes, des<br />

chansons. Les contes et légendes cambodgiens<br />

sont très nombreux, et l'un des<br />

plus populaires est le conte du Juge lièvre.<br />

Cette matière a fait l'objet de diverses<br />

études permettant de les classer, et l'une<br />

des spécialistes de ce sujet est Solange<br />

Thierry. A côté de cette littérature populaire,<br />

on trouve également une littérature<br />

plus savante qui comprend les épopées,<br />

dont la plus célèbre est le Ramakerti,<br />

Ramayana cambodgien ; et les romans<br />

classiques en vers. Les œuvres romanesques<br />

classiques ont fait l'objet de peu<br />

d'études, en partie parce qu'il s'agit de<br />

textes longs et relativement difficiles à<br />

lire du fait de l'emploi de termes issus du<br />

sanskrit ou du pali. Il n'en demeure pas<br />

moins que ces romans en vers, dont les


thèmes s'inspirent largement du bouddhisme,<br />

représentent une part importante<br />

de la littérature khmère.<br />

Avec l'arrivée des Français, devenus<br />

protecteurs en 1863, et le développement<br />

de l'imprimerie, la littérature se transforme<br />

peu à peu. On voit apparaître de nouveaux<br />

genres littéraires, et notamment le<br />

roman moderne, exclusivement écrit en<br />

prose, et non plus en vers comme à l'époque<br />

précédente. Rim Kin est l'auteur<br />

du premier roman moderne, intitulé<br />

"Suphat", publié en 1942, qui eut un<br />

grand succès. Parmi les écrivains<br />

contemporains connus, nous pouvons<br />

également citer Biv Chhay Leang, auteur<br />

de nombreux romans, dont "Les<br />

Bracelets jumelés", adapté au cinéma. Si<br />

le thème prédominant des romans de la<br />

littérature contemporaine est l'amour, on<br />

recense également des romans d'aventure<br />

et de mystère, des romans historiques,<br />

policiers ou encore politiques. A partir<br />

des années 1960, d'autres genres littéraires<br />

apparaissent, tels les romans photo,<br />

bandes dessinées, les essais et études ou<br />

les poèmes modernes.<br />

Perspectives pour la littérature<br />

khmère<br />

La période khmère rouge, avec la<br />

destruction du patrimoine littéraire et l’élimination<br />

de nombreux écrivains, a été<br />

désastreuse pour la<br />

littérature khmère.<br />

De 1975 à 1979,<br />

aucune œuvre n'est<br />

publiée, mis à part les<br />

poèmes et articles de<br />

propagande. S'il existe<br />

à l'heure actuelle<br />

des auteurs cambodgiens,<br />

ils sont<br />

confrontés, comme<br />

toute la population,<br />

aux difficultés aux-<br />

quelles doit faire face le pays et ne peuvent<br />

vivre de leur seule écriture. Par<br />

ailleurs, du fait de la concurrence de l'audiovisuel,<br />

le nombre de lecteurs est relativement<br />

faible ; il est en effet plus difficile<br />

de lire que de regarder et écouter.<br />

KHING Hoc Dy soutient qu'il faut toutefois<br />

éduquer la population et relancer la<br />

lecture. C'est la raison pour laquelle,<br />

après avoir publié de nombreux articles<br />

et ouvrages sur la littérature khmère,<br />

souvent en langue française, parfois en<br />

anglais et en cambodgien, il souhaite<br />

aujourd'hui se consacrer plus particulièrement<br />

au public cambodgien. Ses<br />

S'il existe à l'heure<br />

actuelle des auteurs<br />

cambodgiens, ils sont<br />

confrontés, comme<br />

toute la population,<br />

aux difficultés auxquelles<br />

doit faire face<br />

le pays et ne peuvent<br />

vivre de leur seule<br />

écriture.<br />

Anthologie de la littérature khmère du<br />

XIXème siècle<br />

ouvrages, "Anthologie de la littérature<br />

khmère du XIXème siècle" (311 pages) et<br />

"Anthologie de la littérature khmère du<br />

XXème siècle" (667 pages), publiés en<br />

khmer, ont pour objet de faire découvrir<br />

aux Cambodgiens leur littérature. Il y<br />

présente des extraits choisis de textes,<br />

sans apporter de jugement de valeur, et<br />

en mentionnant la biographie de l'auteur<br />

lorsque celle-ci a pu<br />

LITTERATURE<br />

être reconstituée.<br />

Après les XIXème<br />

et XXème siècles,<br />

KHING Hoc Dy projette<br />

de publier des textes<br />

du XVIIIème siècle.<br />

Nous espérons que<br />

son travail trouvera<br />

écho auprès du public<br />

et que les autorités et<br />

les responsables cambodgiens<br />

auront cette même volonté de<br />

faire perdurer la littérature khmère afin<br />

que notre culture ne soit pas, à terme,<br />

évincée par celle de nos voisins.<br />

Monica LIM<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

Nous citons ici quelques éléments bibliographiques<br />

de KHING Hoc Dy ; vous<br />

pourrez trouver l'ensemble de ses ouvrages<br />

et articles sur http://aefek.free.fr/travaux/index.html<br />

Ouvrages<br />

- Contes et légendes du pays khmer,<br />

Conseil International de la langue française,<br />

Paris, 1989<br />

- Contribution à l'histoire de la littérature<br />

khmère, volume 1 : L'époque<br />

"classique" (XVe-XIXe siècles),<br />

Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris, 1991<br />

- Contribution à l'histoire de la littérature<br />

khmère, volume 2 : Ecrivains et<br />

expressions littéraires du Cambodge au<br />

XXe siècle,<br />

Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris, 1993<br />

5<br />

- Un épisode du Ramayana khmer,<br />

Rama endormi par les maléfices de Vaiy<br />

Rabn,<br />

Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris, 1995<br />

- Aperçu général sur la littérature<br />

khmère (en cambodgien),<br />

Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris 1997<br />

- Anthologie de la littérature khmère du<br />

19ème siècle (en cambodgien),<br />

Khing Hoc Dy, Pannakear Angkor,<br />

Phnom Penh, 2003<br />

- Anthologie de la littérature khmère du<br />

20e siècle (en cambodgien),<br />

Khing Hoc Dy, Pannakear Angkor,<br />

Phnom Penh, 2004<br />

Articles<br />

- "Quelques témoignages et expériences<br />

de recherches sur la littérature d'expression<br />

orale et écrite au Cambodge",<br />

Objets et Mondes (Paris), t. 23, fasc. 3-4,<br />

1983 : 111-116.<br />

- "La poésie cambodgienne de langue<br />

khmère et de langue française", Lettres<br />

et Cultures de langue française (Paris),<br />

VIII, n° 4, 1985 : 3-12.<br />

- "Le développement économique et la<br />

transformation littéraire dans le<br />

Cambodge moderne", Journal de<br />

l'Association des Médecins du Vietnam<br />

(Paris), n° 42, 1998 : 16-17.<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


6 CONFERENCE<br />

Seconde Conférence Intergouvernementale<br />

sur la sauvegarde et le développement<br />

durable <strong>d'Angkor</strong> et de sa région<br />

Les 14 et 15 novembre 2003 ont eu<br />

lieu, à Paris, la seconde Conférence<br />

Intergouvernementale sur la sauvegarde<br />

et le développement <strong>d'Angkor</strong> au<br />

Centre de Conférences internationales de<br />

Paris. Organisé par la France et le Japon,<br />

avec le concours de l'UNESCO, cet événement<br />

a été inauguré par le ministre des<br />

Affaires étrangères, M. Dominique de<br />

Villepin, et par M. Ichiro Aisawa, son<br />

homologue japonais, vice ministre, en présence<br />

d'une très importante délégation cambodgienne,<br />

conduite par Son Altesse<br />

Royale la Princesse Norodom Buppha<br />

Devi, ministre de la culture du Cambodge,<br />

le ministre d'état S.E. Vann Molyvann - l'inventeur<br />

et le principal moteur de ce programme<br />

international -, et les représentants<br />

de l'Autorité pour la Protection du Site et<br />

l'Aménagement de la Région <strong>d'Angkor</strong><br />

(APSARA), qui est en charge, depuis 1995,<br />

de la gestion du site.<br />

Tout au long des deux journées, des<br />

réunions de travail des commissions techniques<br />

ad-hoc et des séances plénières se<br />

sont déroulées sous la présidence de M.<br />

Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture<br />

et de la communication, avec la participation<br />

de nombreux officiels, d'éminents<br />

experts sur le développement, de spécialistes<br />

et de chercheurs, de représentants d'instances<br />

financières mondiales (Banque<br />

mondiale, FMI, BAD, …) et d'organisations<br />

non-gouvernementales, tous, associés<br />

à ce dispositif de coopération internationale<br />

pour la sauvegarde et la mise en valeur du<br />

site <strong>d'Angkor</strong>. Co-présidée par la France et<br />

le Japon depuis octobre 1993, en coopération<br />

étroite avec l'UNESCO, cette instance<br />

compte aujourd'hui plus de vingt états<br />

membres, dont l'Inde impliquée dans la restauration<br />

du site dans les années 80, durant<br />

le régime de l'Etat du Cambodge, qui fait un<br />

retour remarqué et salué par tous.<br />

Déclaration de Paris du 15 novembre<br />

2003<br />

Cette conférence a pour vocation,<br />

conformément aux objectifs fixés par la<br />

première, celle tenue à Tokyo en 1993, de<br />

dresser le bilan de dix ans d'activités en<br />

matière de formation, de recherche, de protection<br />

du patrimoine et de mise en valeur<br />

du site <strong>d'Angkor</strong>. Elle permet par ailleurs<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

Paris, 14 - 15 novembre 2003<br />

Son Altesse Royale Buppha Devi, Ministre de la culture du Cambodge, M. de Villepin et<br />

M. Ichiro Aisawa, vice ministre japonais des Affaires étrangères © F. de la Mure<br />

d'élaborer un plan d'action pour la décennie<br />

2003-2013 et portera une attention particulière<br />

aux perspectives de développement<br />

durable de la région. Al'issue de celle-ci, les<br />

pays et les instances internationales, membres<br />

de ce dispositif ont confirmé leurs<br />

engagements à travers le texte de la<br />

Déclaration de Paris du 15 novembre 2003<br />

qui stipule en substance les grandes lignes<br />

suivantes :<br />

4 la volonté de poursuivre la coopération<br />

internationale dans le cadre du Comité<br />

International de coordination pour la sauvegarde<br />

et le développement du site <strong>d'Angkor</strong><br />

en renforçant le rôle de l'Autorité APSARA<br />

au sein de ce mécanisme et en préservant<br />

l'approche intégrée et pluridisciplinaire ;<br />

4 le souhait de voir élaborer un document<br />

précisant l'éthique et la pratique de la<br />

conservation (conservation, mise en valeur<br />

et développement), dont les principes doivent<br />

se conformer à encourager un tourisme<br />

solidaire et durable dans la zone de<br />

Siem Reap/Angkor, qui puisse devenir un<br />

outil véritable de lutte contre la pauvreté ;<br />

4 l'importance d'associer les populations<br />

locales à la promotion de cette politique,<br />

afin de mettre en valeur la diversité de leurs<br />

ressources culturelles, et leur faciliter l'accès<br />

d'une part à l'éducation et à la formation,<br />

d'autre part à l'emploi et à la vie culturelle<br />

;<br />

4 la nécessité de transférer le savoir-faire<br />

entre les experts internationaux et leurs<br />

homologues cambodgiens et de contribuer<br />

à la promotion de la formation universitaire<br />

et de la recherche ;<br />

4 la mise en commun des connaissances et<br />

informations relatives à Angkor par un soutien<br />

actif et permanent au Centre international<br />

de documentation pour Angkor (APSA-<br />

RA/UNESCO) où tous les intervenants<br />

sont encouragés à y déposer régulièrement<br />

les documents relatifs à leurs travaux passés<br />

et en cours ;<br />

4 la mise en sécurité du site <strong>d'Angkor</strong> tant<br />

au niveau du déminage que de la lutte contre<br />

le pillage archéologique.<br />

Enfin, tous les membres ont convenu de<br />

la tenue d'une troisième conférence, en<br />

temps opportun, afin d'examiner les progrès<br />

réalisés et de débattre de la nécessité de<br />

nouvelles actions. Cette Conférence pourrait<br />

alors se tenir au Cambodge.<br />

Un hommage particulier à l'EFEO<br />

Cette réunion a été l'occasion pour tous<br />

les participants de rendre hommage à l'immense<br />

travail accompli depuis plus d'un<br />

siècle au travers de l'Ecole Française<br />

d'Extrême-Orient (EFEO), précurseur dans<br />

le domaine de l'étude et de la préservation<br />

du site <strong>d'Angkor</strong>.<br />

La conférence a pris fin le samedi 15<br />

novembre 2003, à 16h30, sous les auspices<br />

de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué<br />

à la coopération et à la francophonie.<br />

Nicolas MEAS


CONFERENCE<br />

Bilan et perspectives sur la conservation<br />

d’Angkor et de sa région<br />

Bilan de la décennie de sauvegarde<br />

(1993 - 2003)<br />

Moins d'un an après l'inscription du site sur la Liste du patrimoine<br />

mondial, la première Conférence intergouvernementale sur<br />

Angkor, organisée à Tokyo, les 12 et 13 octobre 1993, a véritablement<br />

lancé le programme international en faveur du site éco-historique<br />

<strong>d'Angkor</strong>. Le Gouvernement Royal du Cambodge et la communauté<br />

internationale s'étaient alors fixés trois objectifs majeurs :<br />

Mobiliser la communauté internationale<br />

A l’instar des grandes campagnes internationales de sauvegarde<br />

des monuments de Nubie (1960), de Venise<br />

(1966), de Borobudur (1972) et de Carthage<br />

(1972), la mobilisation de la communauté<br />

internationale pour Angkor a réuni plus d'une<br />

vingtaine de pays, organisations internationales<br />

et partenaires privés qui contribuent financièrement<br />

à la sauvegarde et au développement<br />

du site, pour un montant total de 5<br />

millions de dollar US par an en moyenne, avec<br />

maintenant dix ans d’activités.<br />

Remplir cinq conditions posées par le Comité du<br />

Patrimoine Mondial<br />

La première condition porte sur la création du Comité international<br />

de Coordination pour la sauvegarde et le développement du<br />

site historique <strong>d'Angkor</strong> (CIC), véritable instance politique où siègent<br />

les représentants des pays et organisations membres. Son<br />

secrétariat était assuré par l'UNESCO.<br />

Deux autres conditions ont été remplies grâce à l'adoption, le<br />

28 mai 1994, du Décret Royal sur le zonage de la région de Siem<br />

Reap / Angkor qui instaure son découpage en cinq niveaux de protection.<br />

Le 19 février 1995, le Gouvernement Royal du Cambodge<br />

remplit la quatrième condition, en créant par décret, un établissement<br />

public national chargé de la gestion du site : l'Autorité pour la<br />

Protection du Site et l'Aménagement de la Région <strong>d'Angkor</strong>, mieux<br />

connu sous le nom d'Autorité APSARA.<br />

La dernière des cinq conditions a été remplie le 25 janvier<br />

1996, avec la promulgation de la loi sur la protection du patrimoine<br />

culturel national, élaborée avec le soutien de l'UNESCO, et dont<br />

le décret d'application est entré en vigueur le 18 septembre 2002.<br />

Mettre en oeuvre un plan de sauvegarde<br />

Un plan quinquennal est présenté par les autorités cambodgiennes<br />

lors de la première réunion du CIC, les 22 et 23 décembre<br />

1993. Ce plan adopte une approche résolument transdisciplinaire,<br />

au service d'un développement durable de la Région de Siem Reap<br />

/ Angkor, dans le respect du site et de son environnement local. Il<br />

donne une vision originale du site d’Angkor devant à la fois être<br />

perçu comme :<br />

- Un site culturel majeur, comptant une quarantaine de monuments<br />

principaux et des centaines de sites archéologiques ;<br />

- Un espace naturel exceptionnel, de 40.000 hectares, fait de rivières,<br />

de forêts et de rizières ;<br />

- Un lieu de vie, avec la présence de plusieurs dizaines de milliers<br />

d'habitants, installés dans les différents villages répartis sur l'ensemble<br />

du site.<br />

Huit secteurs d'intervention sont proposés par les autorités<br />

cambodgiennes qui constituent, depuis 10 ans, la trame de l'ensemble<br />

du programme international <strong>d'Angkor</strong>.<br />

7<br />

Perspectives de développement durable<br />

(2003 - 2013)<br />

Angkor constitue pour le Cambodge un atout culturel et patrimonial<br />

exceptionnel à mettre au service du développement économique<br />

et social du pays. La richesse du site archéologique suscite<br />

à elle seule l'intérêt des visiteurs nationaux comme internationaux.<br />

Sa fréquentation est ainsi passée de 90.000 visiteurs internationaux<br />

en 1996 à 320.000 en 2002, le nombre de visiteurs cambodgiens<br />

étant évalué en 2004 à près de 300.000 personnes.<br />

La maîtrise du tourisme culturel<br />

Le développement d'un tourisme culturel<br />

maîtrisé dans la région de Siem Reap / Angkor<br />

est devenu un enjeu national qui suppose l'implication<br />

et la formation des populations locales<br />

dans les activités génératrices de revenus<br />

mais aussi la mise en place de procédures équitables<br />

de répartitions des retombées financières<br />

du tourisme afin d'améliorer leurs conditions<br />

de vie. L'objectif de cette politique touristique<br />

réclame de la région qu’elle devienne une destination<br />

de “séjour haut de gamme”, choisie<br />

par les visiteurs pour la qualité et la diversité de son offre touristique<br />

et culturelle, mais aussi pour la facilité de son accès aérien. Il<br />

s'agit de favoriser l'allongement de la durée moyenne de séjour en<br />

donnant aux visiteurs le goût et l'envie de découvrir les multiples<br />

attraits de la région, et de générer une activité économique accrue<br />

pour créer, à terme, 50.000 emplois. Il s'agit aussi d'utiliser la notoriété<br />

<strong>d'Angkor</strong>, pour ouvrir, dans le cadre d'une politique d'aménagement<br />

du territoire, l'ensemble des richesses du pays au développement<br />

touristique.<br />

Aménagement des “Portes d’Angkor”<br />

Dans cette perspective, l'aménagement des "Portes <strong>d'Angkor</strong>",<br />

espace de transition vers le site archéologique, sera un facteur fort<br />

de développement du tourisme en apportant les services d'accueil<br />

et d'information qui aujourd'hui font défaut. Il pourra aussi, par des<br />

équipements adaptés, attirer progressivement de nouveaux segments<br />

de marché touristique, générateurs de ressources nouvelles,<br />

notamment pendant la basse saison du tourisme traditionnel. Le<br />

rôle de l'Autorité APSARA sera, à cet égard, décisif.<br />

Aménagement de l’environnement urbain et régional<br />

de Siem Reap<br />

Le développement d'un tourisme de qualité à Angkor doit être<br />

indissociable d'une amélioration durable de l'environnement urbain<br />

à Siem Reap, de plus en plus menacé par l'augmentation des flux<br />

de visiteurs et des populations. Son patrimoine propre, architectural<br />

et naturel, nécessite, en priorité, une mise en valeur à la hauteur<br />

des attentes des visiteurs et des besoins des habitants, notamment<br />

les plus défavorisés.<br />

Les autorités municipales et provinciales de Siem Reap auront<br />

là un rôle privilégié à jouer. Car cette politique de valorisation touristique,<br />

culturelle et environnementale doit être mise en œuvre à<br />

l'échelle de la région tout entière et, à terme, du pays dans son<br />

ensemble.<br />

Ce article a été élaboré à partir des documents présentés lors de la<br />

Seconde conférence intergouvernementale sur la conservation d’Angkor<br />

et de sa région, à Paris, le 14 et 15 novembre 2004.<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


8 CONTE KHMER<br />

Les collines du Cambodge<br />

Comme dans toutes les civilisations,<br />

la civilisation cambodgienne<br />

possède elle aussi sa littérature<br />

populaire. Celle-ci se présente sous<br />

forme de contes, de légendes, de proverbes...<br />

qui sont transmis de génération en<br />

génération dans les villages khmers. "La<br />

colline des hommes et la colline des femmes"<br />

est une des petites histoires que<br />

1'on peut retrouver dans le recueil des<br />

"Contes et légendes du pays khmer",<br />

regroupant divers contes recueillis et traduits<br />

par Khing Hoc Dy.<br />

Ce conte est singulier en soi parce<br />

qu'il relate comment les relations entre<br />

hommes et femmes ont pu évoluer au gré<br />

des époques. Mettant ainsi en scène, un<br />

jeu empreint d'humour et de malice, où<br />

le prix serait le droit d'être courtisé par<br />

les vaincus. Au delà de cet aspect culturel,<br />

et comme tout conte qui se respecte,<br />

la morale reprend le dessus et rétablit<br />

l'ordre des choses, rendant ainsi, à celles<br />

qui font tant pour inspirer les cœurs des<br />

Roméo, celles qui n'ont de cesse, de tout<br />

faire pour rappeler aux valentins qu'être<br />

aimé est intemporel.<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

R. Ly<br />

Si nous faisons le voyage de Phnom<br />

Penh à Kompong Cham, en prenant la<br />

route nationale 7 pour arriver à la borne<br />

kilométrique 116, et que l’on regarde au<br />

nord-est, à notre gauche, à une distance<br />

d'un kilomètre de la route nationale, nous<br />

voyons deux collines qui se dressent<br />

côte-à-côte. On remarque alors que celle<br />

de l’est est plus haute que celle de<br />

l'ouest. La plus haute s'appelle Phnom<br />

Srei, "colline des femmes", et la moins<br />

haute est dénommée Phnom Pros, "colline<br />

des hommes".<br />

La "colline des hommes et<br />

la colline des femmes"<br />

d’après le recueil des "Contes et légendes du pays khmer",<br />

regroupant divers contes recueillis et traduits par Khing Hoc Dy<br />

er]gPñMRbusPñMRsI<br />

ebIeyIgeZVIdMeNIrecjBIRkugPñMeBjeTAkMBg´cam tampøÚvCatielx7 dl´eTA<br />

eKalKILÚEm¨RtTII 116 ehIyecalEPñkeTATis¤sanEdlenAxageqVgéd<br />

cMgay BIzñl´CatieTA RbmaNCamYyKILÚEm¨Rt eyIgnwgeXIjPñM2enATnÞwmKña<br />

1xagekItx¬s´ 1xaglicTab . PñMx¬s´eQµaHPñMRsI PñMTabeQµaHPñMRbus .<br />

er]geRBgRbcaMPñMenaH mandUcteTAenH ;<br />

kalBIeRBgnay manesþcRsImYyRBHGgEdlenAeRkamRBHraeCavaTRBHnag k¾dNþwg<br />

Rbus> eZVICasVamItamEdr .<br />

~grC¢kalenaH muxKYroevTnanwgRsI>xøHEdlmanrUbGn´>eTAdNþwgRbus><br />

eKnaMKñaRbEkkminyk eKerIsEtRsI>manrUblÁ eTIbykeZVICaPriya . eZVIdUc<br />

enH Gs´mYyraCüesþcRsIenH . luHmkdl´raCüesþceRkay>eT[t BYkRsI><br />

CMnuMKñaza ²"«LÚvenHdUcCaminsmesaH xøÜneyIgCaRsI ehIyedIrdNþwgRbus><br />

eZVICabþI ebIdUecñHeyIgnwgnaMKñaelIkdIBUnCaPñM Pñal´CamYynwgBYkRbus><br />

KWRbuselIkdIeZVICaPñMmYy eyIgRsIeZVICaPñMmYy Pñal´Kña . ebIRbus>caj´eyIg<br />

RtUvoRbus>dNþwgeyIgCaRsIvij³ . luHKitdUecñHehIy k¾naMKñaeTAbbYl<br />

BYkRbus>eZVIPñM cuHxsnüaPñal´Kña dUceBalmkehIy eKk¾:ncat´emkMENn<br />

ekNÐmnusSRsIo:neRcIn xagRbusmankMENnxagRbusedIrekNÐ xagRsI<br />

manemkMENnxagRsIedIrekNÐ luHekNÐ:nKñaeRcInRKb´cMnYnxagRbus<br />

xagRsI rYcehIyk¾niyaynwgKñaza ²eyIgTaMgGs´KñaRtUvCJ¢ÚndIdrabp,ayRBwk<br />

rH eTIbQb´TaMgGs´Kña ebIp,ayRBwkminrHminRtUvQb´eT³ . KitRBmKña<br />

dUcenHehIy k¾naMKñaCJ¢ÚndI ErkTUltamzamPaBer[gxøÜneTA .<br />

eBlenaHCaeBlraRtI BYkRsI>manR:C\a CJ¢ÚnGs´evla 3-4 em¨ag<br />

k¾naMKñabgØÚteKamtUcmYyy¨agx¬s´ enARCug¤sanPñM BYkRbusRkeLkemIleTA<br />

elI eXIjeKamEdlRsIbgØÚtnwg#sSImYyedImenaH sµanzap,ayRBwkrH<br />

k¾bbYlKñaQb´eZVIkar naMKñaniRTalk´Gs´eTAKµansl´mñak´ BYkRsI>k¾naMKña<br />

CJ¢ÚndIdrabdl´p,ayRBwkrHEmnETn eTIbQb´ .<br />

dl´man´rgavkWt Rbus>P\ak´eLIg eXIjp,ayRBwkrH k¾lan´mat´za ²eyIg<br />

TaMgGs´KñaxusehIy p,ayRBwkEmnETneTIbEtnwgrHesaH³ ehIynaMKña<br />

RkeLkemIleTAPñMRsImanTMhMZMx¬s´CagPñMrbs´xøÜn k¾manesckIþeG[nGn´~gcitþ<br />

edaycaj´klRsI> .<br />

taMgBIkalenaHmk Rbus>k¾dNþwgRsI> eZVICaPriyadrabdl´mksBVézá .


Voici la légende concernant ces collines<br />

:<br />

Il y a fort longtemps, une reine nommée<br />

Srei Ayuthyea régnait dans le Pays<br />

des Khmers. Comme elle était souveraine<br />

régnante, personne n'osait la demander<br />

en mariage pour en faire son épouse.<br />

C'est donc elle qui demanda en mariage<br />

un bel homme qui lui plaisait. Suivant<br />

I'exemple de la reine Srei Ayuthyea qui<br />

avait choisi son époux, les femmes qui<br />

étaient sous son auguste autorité firent de<br />

même.<br />

Durant ce règne, il était pitoyable de<br />

voir certaines femmes qui, ayant un physique<br />

désavantageux, demandaient les<br />

hommes en mariage ; ceux-ci les refusaient.<br />

Ils acceptaient seulement de belles<br />

femmes à prendre comme épouses.<br />

Cela dura tout le règne de cette souveraine.<br />

Au cours du règne qui suivit, les femmes<br />

tinrent réunion et dirent :<br />

- A présent, c'est indigne pour nous,<br />

les femmes, d'aller demander les hommes<br />

en mariage. Pour cela, nous allons<br />

prendre de la terre pour en élever des<br />

collines et nous proposerons un pari aux<br />

hommes : eux, avec de la terre, devront<br />

élever une colline et nous, les filles,<br />

ferons de même. Parions ensemble.<br />

Si les hommes perdent, ceux-ci, à<br />

leur tour, devront nous demander, nous,<br />

les femmes, en mariage.<br />

Après avoir réfléchi à cela, elles allèrent<br />

proposer aux hommes le projet de<br />

pari comme il a été dit. On choisit des<br />

chefs de recrutement qui furent chargés<br />

d'aller quérir en grand nombre des participants<br />

et des participantes. De tous les<br />

hommes, il y eut un chef de recrutement<br />

qui alla rassembler les hommes, de<br />

même pour toutes les femmes. Des hommes<br />

et des femmes étant rassemblés en<br />

nombre suffisant, ils parlèrent entre eux:<br />

“Nous tous, nous devrons transporter<br />

de la terre jusqu'à 1'apparition de 1'étoile<br />

du matin. Tant qu'elle ne se lèvera pas,<br />

nous ne devrons pas nous arrêter”.<br />

Ceci étant accepté, ils transportèrent<br />

de la terre en la mettant sur les épaules<br />

ou sur la tête selon la force de chacun.<br />

A un certain moment pendant la nuit,<br />

après trois ou quatre heures de travail,<br />

les femmes, plus intelligentes, hissèrent<br />

une petite lanterne, le plus haut possible,<br />

du côté nord-est de la colline. Les hommes,<br />

voyant cette lanterne que les femmes<br />

avaient hissée à l'aide d'un bambou,<br />

la prirent pour 1'étoile du matin. Ils cessèrent<br />

de travailler et s'endormirent tous<br />

sans exception pendant que les femmes<br />

POÊME KHMER<br />

:nsm|tiþ:t´esrI<br />

1- masR:k´RKan´EttMekIgys o:nx¬g´x¬s´EtmYymux<br />

sm|tiþminGacrMlt´Tuk¡ oeyIg:nsuxedaysareT .<br />

2- suxTuk¡ekItmkBIkiriya xøHRky¨agNasuxCageK<br />

xøHmanZnZaneRcInemø¨HeT CaemmanTuk¡rhUtsøab´ .<br />

3- xøHRkrkR:k´mYykak´Kµan sb|ayCab´manCalMdab´<br />

dUcer]gxageRkamEcgosþab´ sUmsþab´ehIyCYyBicarNa .<br />

4- manelaktamñak´nameQµaHZUr lk´TwketñatCUrCaZmµta<br />

CaCnsb|ay«tóbma rkCnÉNaeRb[bBuM:n .<br />

5- ral´ézáBIRBwkTl´RBlb´ hYceRc[g«tQb´bgÁg´xan<br />

RTmYyek[kCab´EtnwgR:N kUtelgkMsanþRbRktI .<br />

6- lk´dUr:nRKan´EtsIucay Et«txVl´xVayBIer]gGIV<br />

manEtBIrnak´RbBnÆbþI rs´edayesrITaMgBIrR:N .<br />

7- ézámYymanecAKat´mYynak´ oR:k´Kat´eRcInBn´RbmaN<br />

suMEtQb´eRc[gelgkMsanþ ehIyERbsnþancitþCazµI .<br />

8- GreBktaZUrelatkeBaäg Qb´eRc[gQb´elgRTcabuI<br />

edkcaMEtR:k´ElgeZVIGVI BuMh)ancuHdIedIreTANa .<br />

9- yb´>Kat´edkBuMsUvlk´ Gg


10<br />

COMMUNAUTE<br />

La team , des arts martiaux artistiques<br />

Certains lecteurs ignorent encore l'existence de ces jeunes motivés ayant créé eux-mêmes leur<br />

propre équipe .Ceux qui ont eu la chance de les voir, notamment à la soirée LJK le 31 octobre<br />

dernier, sont restés agréablement surpris.<br />

La Team Fen'X a été créée le 1er janvier 2003 par Jean-<br />

Paul, Jean-Michel et Shin Myong. Cette jeune équipe<br />

dont l'âge des membres varie entre 16 et 22 ans est principalement<br />

axée sur un sport encore peu développé en France:<br />

le Martial Arts Tricks. Ce dernier est un mélange d'arts martiaux,<br />

de gymnastique, et de toutes sortes de mouvements acrobatiques,<br />

provenant de sports extrêmes variés (tel que<br />

le snowboarding par exemple).<br />

L'équipe compte actuellement 11 membres<br />

provenant tous de divers sports et arts<br />

martiaux tels que la capoeira, le taekwondo,<br />

l'aïkido, le karaté, le breakdance<br />

et la gymnastique.<br />

Les membres font, pour la plupart,<br />

partie de la même famille, ou<br />

sont des amis d'enfance très proches.<br />

La team Fen’X forme avant<br />

tout, une bande d'amis, ce qui l'assimile<br />

à une grande famille.<br />

Son projet serait de s'orienter<br />

vers le cinéma, et pourquoi pas devenir<br />

des cascadeurs.<br />

La team s'est présentée lors d'une<br />

rencontre intercontinentale d'arts martiaux<br />

artistiques : le NASC (National All<br />

Stars Cup), organisé par la team<br />

C.A.S.C.A.D.E., le 07 Décembre 2003. Jean-Paul a<br />

lui-même participé à cette compétition, dans la catégorie<br />

espoir français. Il est arrivé 4ème sur 17 compétiteurs. D'autres<br />

membres de l'équipe se sont également illustrés lors de cette<br />

compétition, Daren Nop a remporté une 3ème place contre des<br />

Américains (pays fondateur du "Martial Arts Tricks"), dans la<br />

catégorie moins de 17ans, et aussi Kao Tauboug, qui a effectué<br />

une excellente prestation.<br />

La team Fen’X a aussi à ce jour tourné dans des clips<br />

vidéos, assisté à des courts métrages notamment avec l'assistant<br />

de Luc Besson.<br />

Concernant Jean-Paul, il a pu s'illustrer au festival de Bercy<br />

2003, et au festival de la nuit des arts martiaux “Nice 2003”, à<br />

la Garden Party.<br />

Je me suis entretenu avec Jean-Paul, l'un des membres fondateurs<br />

de Fen’X.<br />

L’Ecrit d’Angkor. - Bonjour Jean-Paul<br />

Jean-Paul. - Bonjour à EdA et aux lecteurs.<br />

EDA. - Actuellement peu connu par la communauté cambodgienne<br />

de France; lors de la soirée anniversaire LJK,<br />

t'attendais-tu à un tel enthousiasme de la part du public ?<br />

Jean-Paul - Nous ne nous attendions pas du tout à un tel<br />

enthousiasme, cela nous a particulièrement touché. Et cela<br />

nous a fait réellement plaisir.<br />

EDA. - Combien d'heures vous entraînez-vous par semaine ?<br />

Jean-Paul. - 4 heures par semaine.<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

EDA. - Depuis quand pratiques-tu cette forme d'arts martiaux<br />

?<br />

Jean-Paul. - Depuis 2 ans.<br />

EDA. - Quelles sont les idoles qui t'ont poussé à faire cela?<br />

Jean-Paul. - Chris Devera et Steve Terada !!<br />

EDA. - Penses-tu que n'importe qui serait<br />

capable de pratiquer le MARTIAL ARTS<br />

TRICKS?<br />

Jean-Paul. - Oui bien sûr, la grande<br />

condition c'est "LA PASSION" !! Mais<br />

il faut avoir néanmoins de bonnes<br />

bases en arts martiaux pour les postures,<br />

les poings, les pieds.<br />

EDA. -Aimerais-tu un jour faire<br />

une représentation devant des<br />

enfants khmers au Cambodge ?<br />

Jean-Paul. - Nous le savons tous, le<br />

sport unit les nations et les peuples.<br />

Faire une représentation pour des<br />

enfants khmers serait bien sûr un honneur,<br />

et également une joie. Cela nous permettrait<br />

de montrer à notre communauté<br />

notre sport et les valeurs des arts martiaux<br />

EDA. - J'ai pu assister à plusieurs de vos prestations, on<br />

pourrait penser que vous sortez d'un jeu vidéo, pensez vous<br />

avoir dépassé cela ?<br />

Jean-Paul. - Certains représentants de notre sport, arts martiaux<br />

artistiques, ont largement dépassé ce qui se fait dans les<br />

jeux vidéo de combat, et qu'il ne manque plus que les effets<br />

spéciaux (ndlr). Nous avons participé à un concours de<br />

COSPLAY (imiter nos personnages de dessins animés favoris),<br />

notre groupe a choisi d'imiter SOUL BLADE et nous sommes<br />

arrivés 1er.<br />

EDA. - Où pouvons-nous voir vos vidéos ou prestations ?<br />

Jean-Paul. - Il suffit d'aller sur Internet, sur notre site<br />

http://www.fenx.tk dans la partie Galerie.<br />

EDA. - Je te remercie de ta sympathie et je te souhaite bonne<br />

chance pour la suite.<br />

Jean-Paul. - De rien, à la prochaine ^_^<br />

Ce qui m'a beaucoup plu chez eux, ce fut leur disponibilité et<br />

leur sympathie. On retrouve avant tout une solidarité et une<br />

certaine harmonie dans le groupe... L'esprit des arts martiaux<br />

est vraiment présent, cela fait plaisir. La majorité des membres<br />

du groupe sont d'origine cambodgienne, et c'est la raison<br />

pour laquelle nous les présentons dans ce numéro.<br />

A suivre dans le numéro 5, un article sur la Boxe Khmère<br />

avec Hey Poutan...<br />

Thearron SIENG-YOU


TEMOIGNAGE<br />

Un an au Pays du Sourire<br />

Le sourire d'une personne que l'on croise dans la rue, celui de son voisin<br />

devant lequel on passe tous les jours et même celui d'un enfant qui<br />

vit dans les rues de Phnom Penh.<br />

Le Cambodge est le pays du sourire, ce<br />

sourire si mystérieux que l'on ne saurait<br />

qualifier d'heureux ou de superficiel,<br />

mais qui pourtant réchauffe le cœur et<br />

améliore la vie au quotidien. Ce pays m'a<br />

touchée, par sa simplicité, par son peuple<br />

mais aussi par ses difficultés.<br />

Marion, entourée d’enfants<br />

Mon travail et Krousar Thmey<br />

De juillet 2002 à septembre 2003, j'ai<br />

travaillé en tant que volontaire au sein de<br />

l'association Krousar Thmey.<br />

Krousar Thmey est une organisation<br />

cambodgienne d'aide à l'enfance défavorisée.<br />

Elle intervient auprès des enfants des<br />

rues, orphelins, abandonnés, victimes de<br />

trafic, de violence… Elle propose également<br />

une éducation aux enfants sourds et<br />

aveugles. Des bureaux européens s'occupent<br />

de la recherche de fonds. Krousar<br />

Thmey veille à impliquer dans ses activités<br />

le gouvernement mais aussi les cambodgiens<br />

car elle emploie 220 personnes pour<br />

seulement 3 volontaires.<br />

J'étais chargée de la communication.<br />

Mon travail consistait à rédiger en français<br />

et en anglais des rapports d'activités sur les<br />

programmes de l'association à destination<br />

de nos donateurs. Afin de glaner des informations<br />

sur nos centres d'accueil, je devais<br />

me rendre sur place, réaliser des interviews<br />

et prendre des photos. C'était pour moi des<br />

moments très intenses d'échanges avec les<br />

enfants qui me dévoilaient leur vie. Je<br />

découvrais au fur et à mesure de leur récit<br />

toutes les difficultés auxquelles ils avaient<br />

déjà dû faire face : certains vendus par leurs<br />

parents étaient forcés de mendier dans les<br />

rues de Bangkok par leur trafiquant, d'autres<br />

avaient été négligés par des parents submergés<br />

de problèmes, d'autres encore<br />

avaient été poussés à la prostitution, mais<br />

tous avaient ce sourire et cette gaieté de<br />

vivre qu'aucun occidental ne saurait comprendre.<br />

Ces petits adultes de 8 ou 12 ans me<br />

racontaient l'horreur avec des yeux d'enfants<br />

malicieux, et toujours avec ce sourire<br />

si franc… Je pouvais sentir en eux cette<br />

force de caractère, cette volonté de vivre<br />

malgré tout, de s'en sortir… C'était des<br />

moments bouleversants…<br />

Les Cambodgiens<br />

J'ai ainsi découvert un peuple certes<br />

meurtri et décimé, mais toujours debout,<br />

malgré la corruption, le manque de justice,<br />

et l'absence de modèles.<br />

Forte de ces constats, j'ai observé cette<br />

société vivre et se démener pendant un an.<br />

J'ai rencontré une multitude de gens courageux.<br />

J'ai regardé, impuissante, un peuple<br />

entier se débattre pour gagner leur riz quotidien.<br />

J'ai fait la connaissance de personnes<br />

qui m'ont beaucoup touchée. Elles changeront<br />

tôt ou tard ce pays. Déjà beaucoup<br />

commencent à oser exprimer leur opinion,<br />

malgré certaines intimidations. D'autres<br />

n'hésitent pas à sacrifier leur vie en faveur<br />

d’autrui, tels les employés de Krousar<br />

Thmey qui passent leur temps en compagnie<br />

d'enfants traumatisés. La nature foncièrement<br />

positive des cambodgiens les<br />

mènera nécessairement vers une vie plus<br />

clémente. Le plus dur dans tout cela sera<br />

probablement de garder le sourire !<br />

Ma vie au Cambodge<br />

C'est déjà avec émotion et nostalgie que<br />

je repense à la douceur de la vie cambodgienne.<br />

Malgré un salaire local, le faible<br />

coût de la vie là-bas me permettait de faire<br />

ce que bon me semblait : balade le long du<br />

Tonlé Sap, sortie dans les discothèques<br />

pour voir les stars chanter en public, cinéma<br />

à l'Alliance Française, restaurants locaux,<br />

ou tout simplement regarder les cambodgiens<br />

vivre… Tout me garantissait des loisirs<br />

agréables.<br />

Mais mon occupation favorite, facilitée<br />

par mon apprentissage de la langue khmère,<br />

a de loin été ces rencontres informelles<br />

dans la rue, dans les marchés, dans les<br />

transports en commun… Toutes ces discussions<br />

dans des villages reculés ou en plein<br />

marché O'Russey, ou encore cette conversation<br />

politique avec un moto-dup à la<br />

veille des élections, toutes ces questions:<br />

"Es-tu mariée ? Non ? Veux-tu alors épouser<br />

mon fils ?! Pourquoi es-tu au<br />

Cambodge ? Où vas-tu ?", me manquent<br />

aujourd'hui. Les Cambodgiens font preuve<br />

d'une curiosité sans limite qui tisse des liens<br />

entre les gens, dans une famille, dans une<br />

11<br />

entreprise ou dans un voisinage. Je ne me<br />

suis jamais autant sentie exister qu'au<br />

Cambodge, tout comme je n'ai jamais<br />

autant senti être acceptée pour ce que j'étais<br />

et exactement comme j'étais.<br />

Enfin, j'ai été fière de travailler pour les<br />

enfants du Cambodge, en faveur d'un pays<br />

qui a certes encore du chemin à faire mais<br />

qui a déjà évolué rapidement.<br />

Le Cambodge en un an<br />

Le Cambodge a en effet bien changé. Il<br />

y a un an j'arrivais dans un pays où la capitale<br />

était en piteux état et où les principales<br />

routes nationales étaient impraticables,<br />

avec des ponts cassés et des trous partout.<br />

En décembre j'en partais avec la longue<br />

liste des changements survenus, bien présents<br />

à mon esprit : réhabilitation des trottoirs<br />

de Phnom Penh, installation de feux de<br />

circulation avec décompte, construction de<br />

terres pleins centraux, et en province, remplacement<br />

des ponts par ceux en béton,<br />

rénovation des routes autour du Tonlé Sap<br />

et de la route d'accès à Preah Vihear… Je<br />

n'avais encore jamais vu un pays évoluer<br />

aussi rapidement.<br />

Pourtant ces améliorations ne sont pas<br />

signe de développement économique, vu<br />

que la totalité des travaux sont financés par<br />

la communauté internationale. Le pays a<br />

encore du chemin à faire tant au niveau<br />

économique que politique. De plus la violence<br />

est encore sous-jacente ; en témoignent<br />

les émeutes anti-thaïs de janvier 2003<br />

qui ont eu d'importantes conséquences<br />

financières, ou encore le scandale des viols<br />

collectifs de prostituées.<br />

A tout cela je ne peux répondre que par<br />

des questions : Que pouvons-nous faire<br />

pour aider le pays à s'en sortir ? Y a-t-il tellement<br />

d'ONG que le gouvernement ne<br />

craint pas pour la survie de son pays ? La<br />

solution est-elle simplement de changer de<br />

gouvernement et d'attirer les capitaux étrangers<br />

? Le développement d'un pays passe-til<br />

par l'éducation et la formation d'élites qui<br />

ensuite n'auront pas les opportunités professionnelles<br />

promises ?<br />

Je suis arrivée au Cambodge pleine de<br />

curiosité, j'en repars pleine de questions,<br />

mais forte d'une expérience et d'un désir de<br />

vivre jamais ressenti auparavant…<br />

Marion RIGAUX<br />

tchote@yahoo.fr<br />

www.krousar-thmey.org<br />

Contact : ktfrance@club-internet.fr<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


12<br />

ZOOM<br />

Malgré une jeune expérience dans<br />

la peinture, Rathana Lean, d'origine<br />

cambodgienne, né il y a<br />

vingt sept ans dans la région parisienne,<br />

nous parle avec enthousiasme de sa passion,<br />

à la fois en tant que professionnel voulant<br />

vivre de ses œuvres, qu’en tant qu'artiste<br />

désirant faire passer des messages par ses<br />

oeuvres.<br />

L’Ecrit d’Angkor. - Depuis quand as-tu<br />

commencé la peinture ?<br />

Rathana Lean. - Il me semble que je dessine<br />

depuis toujours. Durant ma période<br />

scolaire, j'illustrais déjà le journal du collège<br />

et du lycée ainsi que des affiches pour<br />

des associations sportives.<br />

Mais tout a commencé il y a trois ans<br />

lorsque j'ai commencé à travailler dans une<br />

galerie d'art à Paris. Et c'est là que j'ai été<br />

emporté par l'émulation culturelle de cette<br />

ville, merveilleuse et surprenante, qui m'a<br />

amené à sauter le pas et de tout entreprendre<br />

pour vivre de mon art. Depuis, j'ai découvert<br />

la couleur et, grâce à elle, la lumière<br />

que l'on pouvait reproduire en peinture. Je<br />

peins donc sérieusement depuis un an et<br />

demi, et je compte bien continuer ainsi<br />

toute ma vie !<br />

EDA. - Qu'est ce qui t'attire dans la peinture<br />

?<br />

RL. - C'est très difficile à dire…car il y a<br />

tellement de choses à dire ! De tout temps,<br />

l'être humain a utilisé la peinture pour<br />

reproduire son entourage, raconter des histoires,<br />

honorer ses dieux et ses rois, et ces<br />

images nous servent aujourd'hui à mieux<br />

connaître ces époques, à mieux comprendre<br />

nos prédécesseurs. Alors je dirais que<br />

c'est l'immortalité de la peinture qui m'a<br />

amené à peindre, car le moment que l'on<br />

saisit, et la manière dont on l'a saisi est<br />

unique, et elle provoquera des émotions à<br />

travers le temps…c'est le pouvoir de la<br />

peinture !<br />

EDA. - Quels sont tes peintres de référence<br />

?<br />

RL. - J'admire les œuvres de génies tels que<br />

Léonard De Vinci, Raphaël, Picasso ou<br />

Dali, qui sont incontournables, mais je suis<br />

également très touché par les œuvres des<br />

grands artistes japonais qu'étaient Hokusaï<br />

ou Hiroshigé, car les compositions de leurs<br />

gravures ou peintures sont tellement dynamiques…<br />

Enfin, je pourrais te donner beaucoup<br />

d'exemples encore, mais je me rends<br />

compte que je me réfère en fait à toutes les<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

Rathana, un jeune artiste-peintre<br />

C'est dans un appartement de la rue de Charonne à Paris, en ce vendredi 5 décembre 2003,<br />

que le jeune Rathana, non sans émotions, a exposé pour la première fois au grand public ses<br />

magnifiques tableaux, dont la plupart sont d'inspirations cambodgiennes.<br />

peintures que je peux voir, car elles sont de<br />

toute façon différentes de la mienne…<br />

Pour l'instant, je n'ai malheureusement pas<br />

eu le bonheur de rencontrer des peintres<br />

cambodgiens, mais j'ai eu l'honneur de rencontrer<br />

brièvement Séra, un dessinateurauteur<br />

cambodgien de bandes dessinées,<br />

qui a grandi là-bas, puis qui a dû venir vivre<br />

en France. Il a produit de très bons albums.<br />

EDA. - Quels sentiments as-tu sur le<br />

Cambodge ?<br />

RL. - C'est le pays de ma famille, j'ai besoin<br />

de le connaître et je me sens lié à lui. C'est<br />

d'ailleurs pour cela que mon thème d'inspiration<br />

principal est le Cambodge. Je pars<br />

cet été, enfin ! Et je préfère ne pas me poser<br />

trop de questions, je veux me laisser surprendre…<br />

Et je sais que ce sera une merveilleuse<br />

rencontre, en tous les cas ! Je t'en<br />

dirais plus à mon retour…<br />

EDA. - Comment trouves-tu ton inspiration<br />

dans tes peintures sur le Cambodge ?<br />

RL. - Au niveau émotionnel, il y a une<br />

grande part de souvenirs qui me viennent<br />

de ma grand-mère ; elle m'a raconté le<br />

Cambodge de son enfance, les contes oraux<br />

traditionnels et bouddhistes. Je combine<br />

ceux-ci à des recherches de documents<br />

photographiques, les expositions, etc.<br />

Ensuite, je m'enferme et je peins !<br />

EDA. - As-tu un objectif dans tes peintures<br />

?<br />

RL. - Je peins ce que j'ai besoin de peindre,<br />

sans objectif particulier, sinon de le montrer.<br />

J'espère juste faire du bien aux personnes<br />

qui voient ma peinture, et c'est à elle de<br />

faire le reste, car ensuite, la relation qui se<br />

crée avec chaque personne qui la regarde<br />

est unique…<br />

EDA. - Qu'as-tu ressenti lors de ta première<br />

exposition ?<br />

RL. - Je n'ai pas eu le temps de réfléchir sur<br />

le moment, j'étais juste un peu nerveux, car<br />

je m'étais “enfermé” chez moi pendant<br />

deux mois et demi pour peindre les toiles<br />

pour l'exposition. J'appréhendais le regard<br />

du public, bien sûr, mais je t'avouerais que<br />

tout s'est passé très rapidement.<br />

Mais le bilan est très positif, mon travail a<br />

été bien accueilli et c'est plutôt encoura-<br />

geant !<br />

EDA. - Quand et où aura lieu ta prochaine<br />

exposition ?<br />

RL. - J'ai quelques contacts en cours, mais<br />

je ne veux pas avancer de dates, car rien<br />

n'est encore certain… Vous serez conviés,<br />

de toutes manières !<br />

EDA. - Quels sont tes perspectives d'avenir<br />

?<br />

RL. - J'aimerais beaucoup travailler avec<br />

des artistes différents afin d'échanger le<br />

maximum et ainsi enrichir mes recherches<br />

en termes de peintures. Je veux également<br />

voyager afin de ressentir et voir la diversité<br />

des atmosphères et des couleurs qui existent…<br />

Prasnar YI


L'association non-gouvernementale<br />

Construire les générations futures du<br />

Cambodge (C.G.F Cambodge) a<br />

pour objectif de venir en aide aux enfants.<br />

Elle souhaite les aider à se construire solidement<br />

pour aborder dignement leur avenir,<br />

dans le respect de la tradition khmère.<br />

Créée par Cécile Veasna Malterre,<br />

Présidente fondatrice, l'association C.G.F<br />

Cambodge engage des actions résolument<br />

en faveur des écoliers du primaire. Elle<br />

encourage leur apprentissage des valeurs<br />

khmères à travers la connaissance de la<br />

richesse de leur culture. Elle désire également<br />

leur inculquer le sens des responsabilités<br />

par l’éducation civique ainsi que le<br />

savoir-vivre pour leur permettre d'évoluer<br />

harmonieusement dans la société cambodgienne.<br />

L'initiative a d'ores et déjà reçu les plus<br />

hauts et les plus éminents soutiens.<br />

L'équipe a dès cet hiver noué de solides<br />

liens avec les principaux acteurs de l'éducation<br />

nationale, des instances spirituelles et<br />

humanitaires, des représentants de délégations<br />

auprès d'institutions mondiales et des<br />

responsables d'organisations internationales<br />

qui lui apportent un soutien logistique,<br />

financier et moral.<br />

CGF Cambodge a récemment signé un<br />

protocole d'accord avec le Ministère<br />

Cambodgien de l'Education, de la Jeunesse<br />

et des Sports qui lance de façon officielle le<br />

début des activités de l'association au<br />

Cambodge.<br />

<strong>L'Ecrit</strong> <strong>d'Angkor</strong>. - Pourquoi créer cette<br />

association ?<br />

Cécile Veasna Malterre. - Vous n'êtes pas<br />

sans savoir la dramatique Histoire du<br />

Cambodge. Cette période noire a laissé des<br />

traces profondes dans toute la société<br />

khmère. C'est en particulier le cas du système<br />

scolaire qui éprouve, faute de moyens,<br />

les plus grandes difficultés à accomplir sa<br />

mission de formation et d'éducation. De<br />

nombreuses ONG font un travail merveilleux<br />

sur le terrain mais hélas, ce n'est<br />

pas encore suffisant. Nous devons tous<br />

réagir et agir davantage et encore. En tant<br />

que Cambodgienne, je me sens investie de<br />

cette mission d'apporter une petite pierre à<br />

l'édifice de la reconstruction de mon peuple.<br />

Parce que j'ai eu un jour la chance d'être<br />

sauvée en étant adoptée par une famille<br />

française et reçue toute l'instruction nécessaire<br />

en France, il est indispensable pour<br />

moi de transmettre le savoir à la génération<br />

future, surtout en faveur des jeunes écoliers<br />

qui ont besoin d'être éduqués et protégés. Il<br />

est crucial de bâtir les fondations de leur<br />

avenir qui doivent permettre aux enfants de<br />

connaître leur identité cambodgienne et de<br />

se construire en futur citoyen. Eduquer et<br />

instruire nos enfants est une urgence, on se<br />

doit d'y répondre.<br />

EDA. - Quels sont vos projets ?<br />

CVM. - Notre domaine de compétence est<br />

l'éducation des enfants dans le primaire.<br />

Notre site pilote est l'école d'Angkanh dans<br />

la province de Takeo mais nous comptons<br />

aussi œuvrer, à terme, dans toutes les provinces<br />

du Cambodge. Equiper l'école, fournir<br />

du matériel d'apprentissage de base est<br />

notre priorité. Nous aimerions aider à élaborer<br />

des moyens pédagogiques tels que les<br />

livres, les cassettes audios et vidéos en y<br />

mettant du contenu qui visent à éduquer et<br />

à apprendre les valeurs traditionnelles<br />

khmères qui prônent le respect et la morale.<br />

Nous voulons aussi mettre en place une<br />

médiathèque, un atelier de dessin et une<br />

bibliothèque pour ouvrir la perspective et<br />

l'horizon culturel des enfants. En second<br />

lieu, nous envisageons la création d'une<br />

ludothèque mettant à disposition des jeux<br />

pédagogiques qui apprennent les règles de<br />

vie en société, la discipline et la rigueur. Il<br />

nous est apparu nécessaire d'ouvrir une<br />

infirmerie qui aura une mission importante<br />

d'information auprès des chefs de villages<br />

et des parents sur l'hygiène des enfants. Et<br />

enfin, nous aimerions créer un atelier informatique<br />

qui doit relier les petits enfants au<br />

monde et à leurs petits camarades de l'étranger.<br />

EDA. - Qui vous soutient, et comment<br />

comptez-vous parvenir à atteindre vos<br />

objectifs ?<br />

CVM. - Je reviens du Cambodge où notre<br />

association a signé un partenariat avec le<br />

Ministère de l'Education, de la Jeunesse et<br />

des Sports qui nous ouvre en grand les portes<br />

des écoles primaires. Le ministre cambodgien<br />

invite CGF Cambodge à participer<br />

aux réunions et à donner son avis afin d'améliorer<br />

le contenu du programme officiel<br />

ZOOM<br />

Construire les générations futures du Cambodge<br />

dans le respect de la tradition khmère<br />

Cécile Veasna Malterre, Présidente fondatrice<br />

de CGFCambodge<br />

du primaire dans les matières qui nous tiennent<br />

à cœur comme l'instruction civique, le<br />

savoir-vivre, la culture. A ce sujet, je tiens à<br />

le remercier vivement de la confiance qu'il<br />

porte en nous. Par ailleurs, nous avons reçu<br />

le soutien de M. Etienne Clément, représentant<br />

du bureau de l'UNESCO à Phnom-<br />

Penh, le chef de cabinet de M. Jacques<br />

Chirac nous a fait parvenir une lettre amicale,<br />

SAR le Prince Norodom Sihamoni,<br />

Ambassadeur du Cambodge auprès de<br />

l'UNESCO, M. Jean-Pierre Boyer de la<br />

Commission nationale française pour<br />

l'UNESCO, le Vénérable Yos Hut, du Père<br />

Ceyrac, de Mgr Emile Destombes évêque<br />

catholique de Phnom-Penh, de Madeleine<br />

Giteau et de beaucoup d'autres membres.<br />

Nous allons d'ici peu signer aussi un partenariat<br />

avec le ministère de l'éducation, de<br />

la jeunesse et des sports français. Dans un<br />

avenir proche, nous allons créer une commission<br />

d'experts de l'éducation comprenant<br />

des cambodgiens et des français afin<br />

de travailler ensemble de façon constructive<br />

à améliorer le programme officiel du primaire<br />

au Cambodge et de faire des propositions<br />

concrètes au Ministère cambodgien<br />

de l'éducation sur la production des matériels<br />

pédagogiques.<br />

EDA. - Comment peut-on vous aider ?<br />

CVM. - Nous recherchons à cette occasion<br />

toutes les personnes intéressées par ce projet<br />

et nous lançons solennellement un appel<br />

aux chefs d'entreprise, aux donateurs et<br />

mécènes pour leurs aides matérielles et<br />

financières en faveur des écoliers cambodgiens.<br />

Nous sollicitons l'aide de tous les<br />

professionnels de l'éducation pour leur<br />

apport en matériels pédagogiques de toute<br />

nature. Nous avons besoin d'adhérents pour<br />

porter notre projet vers la réussite au profit<br />

des enfants cambodgiens.<br />

Mobilisons-nous pour les enfants du<br />

Cambodge !<br />

Propos recueillis par Sophoat NGAU<br />

Construire les générations futures<br />

du Cambodge (C.G.F Cambodge)<br />

Association non gouvernementale<br />

1, rue Edgar Faure 75015 Paris<br />

Tél. : 01 42 19 07 04 / 06 12 73 10 30<br />

Email : cgfcambodge@yahoo.fr<br />

Site Web : www.cgfcambodge.org<br />

Cotisation annuelle ou dons<br />

Membres sympathisants : 20 Euros<br />

Membres actifs : 30 Euros<br />

Membres bienfaiteurs : 75 euros<br />

Donateurs : selon votre générosité<br />

Si vous souhaitez nous aider,<br />

envoyez vos dons à l'ordre de<br />

C.G.F Cambodge<br />

13<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> -FÉVRIER 2004


14 DOSSIER<br />

La restauration<br />

artistique toujours<br />

et encore...<br />

«Rares sont<br />

les pays qui<br />

par leur seul<br />

nom évoquent l'image<br />

d'une déesse.<br />

C'est le privilège<br />

du Cambodge,<br />

d'où surgit l'image<br />

d'une ballerine"<br />

(Solange Thierry). La danse sacrée<br />

du palais royal est, en effet, jusqu’à<br />

reconnue par l’UNESCO<br />

(Organisation des Nations Unies<br />

pour l’Education, la Science et la<br />

Culture) comme patrimoine immatériel<br />

de l’humanité. Cette distinction<br />

reconnaît alors à l’histoire du<br />

Cambodge d’être intimement liée à<br />

cet art de spectacle, transmis de génération<br />

en génération, et ce, malgré les<br />

événements historiques qui auraient<br />

pu le faire sombrer dans les mémoires<br />

d’un peuple.<br />

Ainsi l’on comprend mieux les<br />

nombreux efforts des défenseurs de<br />

la danse artistique khmère, car la restauration<br />

de cet art est une manière<br />

pour eux d’affirmer le Cambodge sur<br />

la scène internationale.<br />

En France, les responsables<br />

artistiques khmers sont unanimes<br />

pour lancer un appel à la jeunesse,<br />

leur demandant de ne jamais oublier<br />

d’où ils viennent, "même si, pour<br />

ceux qui y sont nés le Cambodge est<br />

loin, et pour d’autres il demeure<br />

encore inconnu". Sans doute à travers<br />

cet appel, l’on peut lire la volonté<br />

ambitieuse d'œuvrer d’ici à la confirmation<br />

du Cambodge dans le monde,<br />

mais c’est surtout la volonté de transmettre<br />

cette belle façon de faire à la<br />

nouvelle génération en France. Ce<br />

combat par les arts est particulièrement<br />

touchant tant il est sincère et<br />

tant son engouement est grand.<br />

Sovattha NHEM<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

La communauté<br />

entre idéal<br />

L’idéal d’une genèse<br />

Aquelques dix mille kilomètres<br />

de Phnom Penh, au pays des<br />

Celtes et des grands crus, des<br />

gens se battent pour faire connaître<br />

l’art millénaire des Khmers. Comment<br />

cela est-ce possible ? L’histoire dramatique<br />

des années khmers rouges<br />

explique, pour une large part, cet état<br />

des choses.<br />

C’est, en effet, à partir de la fin<br />

des années 1970, que l’on voit apparaître<br />

en France des associations dont<br />

le but est de préserver et de faire<br />

connaître la culture khmère. C’est<br />

ainsi que, par exemple, Makara KOL,<br />

aujourd’hui président de l’école de<br />

danse Selepak Khmer, nous décrit les<br />

débuts de son engagement.<br />

Après avoir rencontré son épouse,<br />

Neary, ancienne élève à<br />

l’Université Royale des Beaux-Arts<br />

(URBA) et aujourd’hui maîtresse de<br />

ballet à Selepak Khmer, il s’engage<br />

avec elle dès 1975, au vu des terribles<br />

évènements frappant leur pays, au<br />

sein de l’Association pour le Maintien<br />

de la Culture Khmère (AMCK). De<br />

cette ferme volonté de préserver la<br />

culture, menacée par un régime fou à<br />

lier, leur engagement ne se tarit pourtant<br />

pas après la chute de Pol Pot.<br />

Partant du souci urgent de préserver la<br />

culture khmère,<br />

ils continuaient<br />

ainsi à se battre,<br />

non plus uniquement<br />

pour<br />

préserver leur<br />

culture d’origine,<br />

mais pour la<br />

diffuser en<br />

France.<br />

Cet idéal et<br />

sa genèse, beaucoup<br />

d’autres<br />

Cambodgiens en France à la même<br />

époque les partageaient. Il y eut ainsi<br />

d’autres associations, comme le prestigieux<br />

Ballet Classique Khmer<br />

(BCK) et le célèbre Centre de<br />

Documentation et de Recherche sur la<br />

Civilisation Khmère (CEDORECK),<br />

qui composaient, ensemble, le paysage<br />

de cette communauté artistique<br />

khmère en France.<br />

Le véritable sens du combat<br />

aujourd’hui<br />

Plus d’une vingtaine d’années<br />

après le début de leur engagement en<br />

France, la plupart de ces courageuses<br />

personnes de la communauté artistique,<br />

continuent encore de se battre<br />

au sein d’associations actuelles,<br />

comme Borann, le Groupe Artistique<br />

des Jeunes Khmers (GAJK),<br />

Hanumann,<br />

Selepak khmer et<br />

d’autres encore.<br />

Mais depuis le<br />

début de leur commun<br />

combat, jusqu’à<br />

aujourd’hui,<br />

beaucoup de choses<br />

ont changé. La première,<br />

et sans doute la plus heureuse,<br />

c’est que les gens de leur époque ont<br />

enfanté une nouvelle génération. Cette


DOSSIER<br />

artistique khmère en France,<br />

d’hier et d’aujourd’hui<br />

jeunesse aux origines bien khmères a<br />

pourtant une chose qui la distingue :<br />

elle ne connaît pas son pays d’origine.<br />

Cela n’a manqué dès lors de perturber<br />

les objectifs. Et la question qui hante<br />

est désormais : qui après continuera le<br />

combat ? Ou, quel avenir pour la communauté<br />

artistique en France ?<br />

La question de la relève<br />

Cette question n’est pas mince. Et<br />

elle touche, à dire vrai, d’autres sujets,<br />

comme celui de l’enseignement du<br />

cambodgien en France (cf. Dossier de<br />

L’Ecrit d’Angkor, numéro 2 - août<br />

2003). Isabelle<br />

VILLAREAL,<br />

présidente de<br />

l’école de danse<br />

Borann, nous<br />

fait partager son<br />

souci de voir<br />

des jeunes<br />

engagés lui prêter<br />

main forte,<br />

dans le cadre<br />

d’efforts ponctuels et nécessaires à la<br />

pérennité de son association ; tel que<br />

la collaboration dans la prise en charge<br />

d’évènements annuels, ou de<br />

manière plus quotidienne dans la<br />

gestion de l’école. Bien que son tra-<br />

Borann<br />

Ecole de danses classiques<br />

(créée en 1992)<br />

Centre Léo Lagrange<br />

Bd Ferdinand Buisson<br />

93330 Neuilly-sur-Marne<br />

http://www.borann.org<br />

Effectifs : une vingtaine d’élèves et<br />

2 maîtresses de ballet<br />

Heure d'ouverture : samedi<br />

de 14h30 à 17h<br />

vail soit incontestablement exemplaire,<br />

et que son courage ainsi que sa<br />

pugnacité ne soient, même un tant soit<br />

peu, entamés, la<br />

jeune présidente<br />

de Borann ne<br />

déconsidère pas<br />

cette préoccupation.<br />

A Selepak<br />

Khmer, où le<br />

président est un<br />

ancien engagé<br />

des années<br />

1975, et où le<br />

bureau d’administration a beaucoup<br />

de difficultés à se renouveler avec de<br />

jeunes éléments, la question est cruciale.<br />

A GAJK, les responsables de<br />

l’association ont eu l’opportunité d’amener<br />

leurs élèves au Cambodge en<br />

été 2002. La démarche du groupe<br />

artistique est simple et efficace : il s’agit<br />

simplement de permettre aux jeunes<br />

élèves d’aller à la rencontre du<br />

pays où tout a commencé. Cette belle<br />

aventure, qui laisse entrevoir un élément<br />

important vers une réponse au<br />

problème de la relève, Dina CHHEA,<br />

président de GAJK est fier de l’avoir<br />

rendu possible pour ses jeunes élèves.<br />

Isabelle VILLAREAL s’inscrit<br />

Groupe Artistique<br />

des Jeunes Khmers<br />

Troupe et école<br />

de danses folkloriques<br />

(créée en 1985)<br />

ESPACE Charles de Gaulle<br />

18, rue Buissonnière<br />

77600 Bussy-Saint-Georges<br />

Effectifs : une trentaine d’élèves<br />

Heure d'ouverture : samedi<br />

de 14h30 à 17h<br />

... / ...<br />

... / .<br />

Tarif d’adhésion :<br />

nouveau membre : 15 euros<br />

Réinscription gratuite<br />

Pour accéder au forum internet<br />

du GAJK :<br />

http://www.lesjeuneskhmers.co<br />

m/forum/viewforum.php?f=10<br />

Pour un récit exhaustif du voyage du<br />

GAJK au Cambodge<br />

du 3 au 22 juillet 2002 :<br />

http://www.lesjeuneskhmers.co<br />

m/menu.php?page=gajk<br />

15<br />

également dans cette volonté d’amener<br />

ses élèves au Cambodge, mais<br />

nous confie aussi sa déception suite à<br />

une demande de subvention publique<br />

à cet effet, restée infructueuse.<br />

Perception de l’avenir ?<br />

Cette préoccupation ne semble<br />

pas, cependant, vraiment troubler la<br />

perception optimiste qu’elle persiste à<br />

avoir. Isabelle a, notamment, cette<br />

phrase magnifique de bon sens : "je<br />

pense que l'appartenance à une culture<br />

est dans le cœur de chacun de nous".<br />

Petite fille<br />

d’une grande<br />

danseuse du<br />

Ballet royal,<br />

et enfant<br />

d’un couple<br />

eurasien,<br />

n’est-elle<br />

pas, en effet, pour la nouvelle génération<br />

en France, la preuve d’une relève<br />

artistique réussie et exemplaire ? Et si<br />

sa belle phrase disait vrai ? Je contemplais<br />

l’autre jour une légende chinoise<br />

qui enseignait, à qui voulait bien l’écouter,<br />

"qu’aux cœurs sincères, rien<br />

n’est impossible"...<br />

Hisham MOUSAR<br />

Répertoire des écoles de danse<br />

Selepak khmer<br />

Troupe de ballet classique<br />

et folklorique<br />

Ecole d'art chorégraphique<br />

(créée en 1994)<br />

Rue du Parc 77185 LOGNES<br />

http://www.selepak-khmer.org<br />

Effectifs : une cinquantaine d'élèves<br />

et 3 maîtresses de ballet<br />

Heure d'ouverture : dimanche matin<br />

de 10H00 à 13H00<br />

en période scolaire<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


16 DOSSIER<br />

La culture mais<br />

pourquoi<br />

?<br />

L’homme<br />

du nouv<br />

e a u<br />

monde, arborant,<br />

pavillon<br />

haut, un millénaireambitieux,<br />

celui de<br />

l’échange, de la<br />

redéfinition des<br />

frontières d’un temps révolu, de la<br />

transformation d’une vision hermétique<br />

de l’univers en un horizon que,<br />

d’un battement d’aile chevauchant le<br />

zéphir, jamais il n’est donné d’atteindre<br />

vraiment, cet homme du nouveau<br />

siècle, interrogatif, regarde ce qui fut<br />

et se demande pourquoi. Forgeron<br />

d’une époque nouvelle, il médite son<br />

passé.<br />

C’est bien dans cet esprit, que la<br />

génération nouvelle pense la question<br />

"la culture mais pourquoi ?". Et il<br />

semble que la plupart des jeunes<br />

cambodgiens en France qu’il nous a<br />

été possible d’interroger mènent cette<br />

réflexion avec talent et pragmatisme.<br />

A la question fondamentale<br />

"qu’est-ce que la culture khmère ?",<br />

ils apportent tous sans exception et à<br />

l’unisson, une réponse admirable de<br />

simplicité. Sophan, 24 ans, résume en<br />

disant qu’elle est "le savoir-faire<br />

khmer", en donnant des exemples<br />

aussi anodins que la nourriture et la<br />

langue. La culture n’est donc pas<br />

confinée à l’art. Cette simple vérité<br />

leur est acquise. Satha, 23 ans, précise<br />

toutefois, "qu’en France, du fait<br />

de l’éloignement, la jeunesse a<br />

besoin de repères culturels forts". Et<br />

lui d’ajouter : "la danse en est<br />

l’exemple par excellence". Une jeune<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

danseuse de 16 ans confirme : "Je<br />

fais de la danse aussi parce que cela<br />

me permet de connaître un peu plus<br />

la culture khmère ; et le fait d’en pratiquer<br />

à la pagode de Champs-sur-<br />

Marne m’y fait entrer davantage<br />

encore". Thearron, 18 ans, va plus<br />

loin encore, en attribuant à la pratique<br />

de la danse artistique par les<br />

jeunes d’ici une vocation sociale.<br />

Elle permet, dit-il à juste titre, aux<br />

jeunes khmers de se rencontrer.<br />

Cette jeunesse, à des milliers de<br />

kilomètres de la terre où tout a commencé,<br />

sait<br />

cependant pertinemment<br />

que<br />

le Cambodge<br />

d’hier n’est<br />

pas celui d’aujourd’hui.<br />

Les<br />

choses ont<br />

changé. Le<br />

Cambodge de<br />

leurs parents,<br />

celui du XX e<br />

siècle, ne peut avoir été épargné par<br />

le temps qui passe. Sireyrith ENG,<br />

co-fondateur du GAJK, a alors cette<br />

parole formidable lorsqu’il nous dit<br />

avec le pragmatisme qui le caractérise<br />

: "Beaucoup de choses changent -<br />

le langage en particulier - et tendent<br />

à séparer jeunes khmers de “l'intérieur”<br />

et de “l'extérieur”. La danse<br />

reste peut-être encore, entre eux, le<br />

point commun qui ne changera pas ;<br />

elle montre, dit-il, plus que tout autre<br />

signe de différence, que nous appartenons<br />

à la même famille".<br />

Hisham MOUSAR<br />

A la<br />

de<br />

Toutes enseignent la danse<br />

les écoles de danses s’explise<br />

déploie l’architecture de<br />

La première chose qui surprend<br />

lorsque l’on visite les différentes<br />

écoles de danse en<br />

France, c’est que l’on a cette étrange<br />

impression d’entrer en pays khmer.<br />

Sans doute est-ce le rythme lancinant<br />

et prenant des<br />

chants fredonnés<br />

par les<br />

maîtresses de<br />

ballet qui<br />

ponctuent<br />

l’exercice<br />

rigoureux et<br />

silencieux des<br />

élèves ; des<br />

élèves qui, soudainement, ne nous<br />

apparaissent plus comme enfants<br />

d’ici, mais de bien loin. Ou est-ce le<br />

déploiement des exercices en rangs<br />

ordonnés et harmonieux, qui donnent<br />

ce sentiment<br />

presque<br />

incrédule<br />

q u e<br />

l’on est<br />

u n<br />

instant projeté au Cambodge, dans<br />

l’ambiance suave du pays ?<br />

Pour autant, il est également une<br />

chose qui ne manque de caractériser<br />

chacune de ces écoles. En effet, à<br />

chacune d’entre elles, correspond une<br />

particularité qui les distingue toutes<br />

les unes des autres. Si au GAJK,<br />

l’ambiance est au folklore, à Selepak<br />

Khmer, les danses classiques sont<br />

mises à l’honneur, avec cela de particulier<br />

aussi que l’école de Lognes<br />

enseigne également la danse folklorique<br />

(cette présence du folklorique à


croisée des écoles<br />

danse artistique<br />

DOSSIER<br />

artistique khmère, mais aucune d’elles ne se ressemblent vraiment. Les différences entre<br />

quent par l’histoire de chacune et se justifient dans un ordre étonnement cohérent dans lequel<br />

la communauté artistique, chacune des écoles ayant conscience de jouer un rôle déterminant.<br />

l’école de Lognes<br />

s’explique du fait<br />

qu’avec le groupe<br />

artistique de<br />

Bussy-Saint-<br />

Georges, elle a succédé<br />

au CEDO-<br />

RECK qui s’était<br />

spécialisé dans la<br />

danse folklorique).<br />

Borann,<br />

quant à elle, nous<br />

paraît s’attacher et se passionner pour<br />

la pratique des danses sacrées. Ainsi,<br />

l’on devine que chacune des écoles<br />

participent à une certaine complétude<br />

dans la communauté artistique, chacune<br />

se spécialisant dans une des plusieurs<br />

facettes de la danse artistique<br />

khmère, exprimant ainsi un mouvement<br />

naturel et presque systémique.<br />

A chaque orientation, correspond<br />

bien entendu aussi une<br />

vocation propre à chacune des écoles.<br />

Le GAJK a choisi "d'orienter ses<br />

activités autour du folklore khmer",<br />

parce que c'est ce qui lui semble être<br />

"le plus proche des coutumes et traditions<br />

populaires". A Borann, l’accent<br />

est mis sur le nécessaire respect du<br />

caractère sacré de certaines danses.<br />

Le très beau site internet de l’Ecole<br />

de Neuilly-Sur-Marne retrace<br />

d’ailleurs excellemment, à travers<br />

notamment les magnifiques aquarelles<br />

d’Isabelle VILLAREAL (dont<br />

certaines tapissent les colonnes de ce<br />

dossier), l’histoire de la danse sacrée<br />

et classique.<br />

Nous avons eu la chance de rencontrer<br />

dans l’enceinte de l’école de<br />

Borann, Patrice OUM, personnage<br />

passionnant et profond, qui nous a<br />

touché par sa foi en la danse sacrée.<br />

Président de Hanumann - association<br />

héritière de l’ancien et très célèbre<br />

Ballet Classique Khmer -, dont le but<br />

est "de promouvoir le patrimoine<br />

immatériel qu'est la danse khmère",<br />

il est aussi très proche de l’école de<br />

Neuilly. Elève de - notamment - deux<br />

grands maîtres, Lok Khun Yeap<br />

(mère de SAR le Prince Norodom<br />

Sirivudh) et Mme TEP Tak, lui et sa<br />

femme - qui fut pendant longtemps<br />

maîtresse de ballet à Borann -, se<br />

consacrent à la transmission et au<br />

respect de cet art sacré et millénaire.<br />

Cette passion qui possède Patrice<br />

OUM se lit, bien sûr, aussi sur le<br />

visage de toutes les maîtresses de<br />

ballet de toutes les écoles associatives<br />

de la communauté artistique<br />

bénévole. En effet, à voir le visage de<br />

Neary KOL et<br />

la pugnacité<br />

avec laquelle<br />

elle enseigne la<br />

danse aux élèves<br />

de Selepak<br />

Khmer, on ne<br />

finit pas d’en<br />

apprendre<br />

aussi sur l’amour<br />

qu’il est<br />

possible de porter à cet art. Cette passion<br />

est partout, et elle va jusqu’à s’exprimer<br />

au sein même des pagodes où<br />

Remerciements<br />

17<br />

l’on y enseigne parfois aussi l’art de<br />

la danse khmère.<br />

Se pose néanmoins une difficulté<br />

due à la nature et au fonctionnement<br />

de toutes les écoles artistiques<br />

de la communauté. Les personnes<br />

qui les font vivre s’inscrivent, en<br />

effet, toutes dans une oeuvre de pur<br />

bénévolat. Il leur est ainsi difficile de<br />

sortir du cadre de leur propre école<br />

afin d’aller à la rencontre de ceux<br />

qui, comme eux, partagent cette passion<br />

au<br />

sein d’autresécoles<br />

que la<br />

leur. Si<br />

Isabelle<br />

VILLA-<br />

REAL<br />

n o u s<br />

confie faire des efforts en ce sens,<br />

par exemple avec le GAJK et les<br />

troupes de Chelles ou de Limoges, il<br />

semble néanmoins, à écouter les<br />

témoignages des responsables associatifs,<br />

que cette difficulté d’échanges<br />

reste actuelle. Ceci n’empêche<br />

cependant pas l’existence et la cohérence<br />

d’une communauté artistique<br />

aujourd’hui incontournable et plus<br />

passionnée que jamais.<br />

Hisham MOUSAR et<br />

Sovattha NHEM<br />

Le comité de rédaction souhaite sincèrement remercier Isabelle VILLAREAL pour nous avoir<br />

autorisé à publier, dans ce dossier, quelques-unes de ces belles aquarelles ainsi que sa photo<br />

dans le rôle d’une magnifique Apsara ; et Patrice OUM pour la bienveillance qu’il a eue à<br />

notre égard, en nous laissant y publier quelques superbes images et photos exposées dans<br />

le site internet de Hanumann (http://www.hanumann.org). Nous invitons, par ailleurs, nos<br />

lecteurs à retrouver toutes les magnifiques aquarelles d’Isabelle sur le site internet de<br />

Borann (http://www.borann.org).<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


18<br />

REPERES<br />

Faune et flore du Cambodge en danger<br />

Si la constitution du sol et du climat a doté le Cambodge d'une faune et d'une flore riches, ce potentiel<br />

est actuellement menacé par les besoins de l'homme ; le poids de l'histoire cambodgienne<br />

conduisant alors peu à peu le pays vers un désastre écologique.<br />

Pays tropical, le Cambodge disposait<br />

avant la guerre civile d'une<br />

faune riche en mammifères, insectes<br />

et reptiles. Ainsi, ours, éléphants, léopards,<br />

tigres, rhinocéros, singes, lémuriens,<br />

crocodiles, buffles sauvages (dit en<br />

kmher kô prey) peuplent le pays. Des<br />

oiseaux pullulaient aussi tels que aigrettes,<br />

hérons, cormorans, faisans etc…. La<br />

faune aquatique y est également abondante.<br />

Cette richesse est permise par l'existence<br />

de grandes surfaces forestières et<br />

d'eaux douces avec le lac Tonlé Sap ainsi<br />

que le fleuve du Mekong, offrant ainsi<br />

d'innombrables variétés de poissons :<br />

autre richesse importante du pays. Mais,<br />

la guerre, la déforestation, les activités<br />

humaines menacent des espèces animales<br />

rares : le Kô prey notamment, animal<br />

national du Cambodge, interdit de chasse<br />

suite à un décret royal - car il n'en<br />

existe que quelques dizaines dans le<br />

Nord-Est du pays -, et l'éléphant, dont il<br />

ne reste qu’approximativement 2000<br />

individus seulement.<br />

Une flore riche à préserver<br />

De nos jours, le Cambodge dispose<br />

de nombreuses ressources naturelles à<br />

haut rendement si elles sont exploitées<br />

de manière sensée. Elles sont variées,<br />

inégalement abondantes et réparties dans<br />

le pays. En effet, pour les ressources<br />

minérales, elles sont limitées. Les principales<br />

sont le phosphate, le basalte dans la<br />

province de Kompang Cham, le granite à<br />

Une fleur de lotus dans les mares cambodgiennes<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

Un paysage typique de la campagne cambodgienne<br />

Kompong Chnang , la pierre à chaux au<br />

nord et au nord-ouest du pays, le quartz<br />

à Takeo, le marbre à Stung Treng et surtout<br />

une abondance de gisements de<br />

pierres précieuses ( rubis de première<br />

qualité très convoités) dans la région de<br />

Païlin, frontalière à la Thaïlande. Il existerait<br />

aux frontières un trafic de pierres<br />

précieuses consistant à échanger des<br />

pierres authentiques contre des pierres<br />

contrefaites qui seraient écoulés, notamment<br />

dans les marchés de Phnom Penh.<br />

Cela mis à part, le secteur minier est<br />

inexistant. Du pétrole et du gaz semblent<br />

exister au large des côtes cambodgiennes<br />

pouvant assurer une autosuffisance<br />

énergétique du pays. Idem pour<br />

l'hydroélectricité encore inexploitée par<br />

manque de stabilité politique au yeux<br />

des investisseurs étrangers. Or, le<br />

Mekong, par saison de pluies, passe de<br />

1700m3 à 3900m3, ce qui est énorme ;<br />

des barrages seraient donc les bienvenus.<br />

En plus de cela, la végétation naturelle<br />

la plus dominante du Cambodge est<br />

sa forêt tropicale, car près des trois<br />

quarts du pays sont boisés (75% du territoire).<br />

Elle est marquée par un fort peuplement<br />

de tecks, un arbre de valeur.<br />

D'autres bois y sont présents tels que<br />

châtaigniers, bouleaux, chênes, pins. Sur<br />

les versants humides, on trouve aussi<br />

une forêt dense, toujours verte, essentiellement<br />

dans les montagnes et le long de<br />

la côte sud-ouest. L'agriculture sur brûlis<br />

a entraîné la dégradation de la forêt en<br />

savane et en veal, des étendues d'herbe<br />

où les arbres ont presque complètement<br />

disparu. Une forêt de marécages existe<br />

dans la cuvette à fond argileux, où se<br />

situent les nombreuses rizières. Les côtes<br />

sont marquées par la présence de mangroves<br />

(des forêts de palétuviers servant<br />

La mangrove


Le “Krabey” ou buffle d’eau, un animal qui rend de multiples services au paysan khmer<br />

à fabriquer du charbon). Ainsi, cocotiers,<br />

kapotiers, bananiers, manguiers, tamariniers,<br />

jacquiers, palmiers (arbre national<br />

du pays, le "thnôt") etc… sont des essences<br />

courantes.<br />

Ainsi, le Cambodge détient un milieu<br />

naturel riche mais actuellement en danger<br />

compte tenue surtout d'une déforestation<br />

accentuée aux conséquences écologiques<br />

dramatiques pour l'avenir.<br />

Un pays menacé par une déforestation<br />

galopante<br />

Même si aucun chiffre précis ne peut<br />

être fourni, les rapports des différents<br />

observateurs (FAO, Banque Mondiale et<br />

organisation Global Witness entre autres)<br />

sont concordants : environ 3M (millions)<br />

d'hectares (ha) de forêts ont été rasés<br />

Sources<br />

Le Cambodge, Soizick Crochet, éditions<br />

Karthala, Paris 1997<br />

Le Cambodge, Nick Ray, Lonely<br />

Planet, Paris 2000<br />

Le Cambodge, Jean Delvert, PUF,<br />

Paris 1998<br />

Le Cambodge, E.Brisbois, éditions<br />

Peuples du Monde, Cahors, 1993<br />

Cambodge Laos, Analiese Wulf,<br />

Nelles Guide, Munich 1999<br />

Géo, n°291, mai 2003<br />

www.lesjeuneskhmers.com<br />

www.fao.org<br />

www.kh.refer.org<br />

http://asiep.free/cambodge<br />

www.census.gov<br />

www.wrm.org/bulletinfr/65/asie<br />

depuis 1970 soit un quart de leur superficie<br />

originale, dont 2,4M depuis 1990.<br />

La mangrove disparaît aussi à grands pas<br />

dans la province de Koh Kong pour<br />

faire face à la culture industrielle de la<br />

crevette.<br />

Les conséquences, en l'absence de<br />

tout programme de reforestation, sont<br />

déjà visibles comme à Kompong Speu<br />

avec une rapide érosion des sols, sécheresse<br />

suivie d'inondations catastrophiques<br />

comme en 1996 et en 2000, déséquilibre<br />

écologique, déclin de la biodiversité….<br />

Des effets accentués aussi par<br />

l'exploitation du bois de feu et son dérivé<br />

le charbon de bois, principale source<br />

d'énergie gratuite en zone rurale et constituant<br />

84% des besoins énergétiques en<br />

milieu urbain.<br />

Mais, ce sont surtout les Khmers<br />

Rouges qui, ayant financé leur effort de<br />

guerre au prix de centaines de milliers<br />

d'hectares de forêt leur rapportant jusqu'à<br />

150M de francs /mois, sont les plus<br />

grands responsables du désastre écologique<br />

qui se prépare. Malgré la présence<br />

de militaires, les exploitations illégales<br />

Le fruit Jacquier<br />

REPERES<br />

19<br />

se poursuivent. Le passage d'une économie<br />

planifiée à une économie de marché<br />

y contribue aussi, car cela a poussé le<br />

gouvernement à vendre ses ressources<br />

naturelles pour surmonter ses difficultés<br />

financières ; la demande internationale<br />

en bois étant aussi importante. De plus,<br />

une réglementation moins sévère en<br />

matière de déforestation au Cambodge<br />

pousse ainsi les compagnies étrangères<br />

d'exploitation du bois à affluer vers le<br />

Cambodge. Fin 1995, ce sont ainsi près<br />

de 6.5 M d'ha de forêt tropicale qui ont<br />

été cédés à une trentaine de concessionnaires<br />

soit presque la totalité de cette<br />

forêt hormis les parcs nationaux et les<br />

régions du nord-ouest riches en bois précieux<br />

représentant une superficie de 3.4<br />

M d'ha. Ce sont les seules zones préservées<br />

par un décret royal en novembre<br />

1993.<br />

De plus, fin 1998, Global Witness,<br />

groupe britannique de protection de l'environnement,<br />

a mis la main, au Laos, sur<br />

des documents autorisant des exportations<br />

illégales de bois portant les signatures<br />

de l'ancien Premier Ministre Ung<br />

Huot, et du second Premier Ministre Hun<br />

Sen. Quand la corruption gangrène le<br />

sommet de l'Etat, quel espoir peut-on<br />

avoir pour la forêt en danger et sa faune<br />

menacée ?<br />

Bref, de grands risques environnementaux<br />

sont à craindre pour l'ensemble<br />

du pays. Si le gouvernement ne se soucie<br />

pas davantage de la préservation de la<br />

forêt, on assistera à une mort lente et certaine<br />

d'une ressource majeure du pays<br />

qui constitue aussi sa spécificité paysagère.<br />

En 2003, nous soulignons la générosité<br />

de l'actrice américaine, Angélina<br />

Jolie qui, en plus d'un don de 5 M de dollars<br />

étalé sur 15 ans en faveur de la construction<br />

d'une réserve naturelle au<br />

Cambodge, offre, en 2004, 1.5 M de<br />

dollars à l'organisation Cambodian<br />

Vision in Development pour fournir du<br />

bétail à des paysans cambodgiens pauvres<br />

; le but étant de protéger la nature au<br />

Cambodge, mais surtout de lutter contre<br />

la déforestation et la chasse dans les<br />

régions reculées du nord-ouest du pays.<br />

Cela est une bonne initiative qui ne pourra<br />

pas stopper net les déforestations illégales,<br />

mais pourrait peut-être contribuer<br />

à sensibiliser la population locale et les<br />

autorités sur les menaces qui pèsent sur<br />

les richesses naturelles du pays.<br />

Borane HUY<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


220<br />

CAMBODGE, 50 ANS D’INDEPENDANCE<br />

De l'oasis de paix aux tourmentes de la guerre<br />

1955 - 1970, les années du Sangkum<br />

Le second volet de notre dossier "Cambodge, 50 ans d'indépendance" est consacré à la période<br />

charnière qui s'étend de 1955 à 1970 pendant laquelle Norodom Sihanouk, après son abdication,<br />

prend la destinée du pays entre ses mains, fonde son mouvement populaire, le Sangkum Reastr<br />

Niyum sur les bases du "socialisme bouddhique" et affirme sa volonté de pratiquer une politique de<br />

neutralité, avant d'être déposé le 18 mars 1970, marquant l'entrée du Cambodge dans le conflit<br />

américano-vietnamien.<br />

Quand le roi Norodom Sihanouk<br />

abdique en faveur du Prince<br />

Suramarit, son père, pour entrer<br />

dans l'arène politique lors des élections de<br />

1955, le Cambodge vient de recouvrer<br />

depuis peu sa totale indépendance (cf. l'article<br />

"De la difficile indépendance du<br />

Cambodge", <strong>L'Ecrit</strong> <strong>d'Angkor</strong> numéro 3,<br />

novembre 2003). Le pays rentre alors dans<br />

une période de relative stabilité politique<br />

qui lui permet de s'engager dans un processus<br />

d'édification nationale et de modernisation<br />

du pays.<br />

Durant les années qui suivent, sous la<br />

direction du Prince Sihanouk qui a réussi,<br />

en interne, à mettre en œuvre une idéologie<br />

fondée sur le "socialisme bouddhique",<br />

et sur le plan extérieur à affirmer<br />

une politique de neutralité, le Cambodge<br />

est perçu dans l'imagination consensuelle<br />

populaire comme un "oasis de paix", une<br />

période "faste" qui fait encore référence<br />

même de nos jours.<br />

Mais ces années ont aussi été décisives<br />

pour le pays khmer qui a vu germer en son<br />

sein les semences funestes d'un prochain<br />

chaos, et le glissement inexorable vers les<br />

tourmentes de la guerre du Vietnam.<br />

La conférence de Genève : la totale<br />

souveraineté<br />

Tenue en juillet 1954, au moment<br />

même où les troupes françaises ont été<br />

défaites à Dien Bien Phu par l'armée nordvietnamienne,<br />

la conférence de Genève a<br />

porté sur le désengagement de la France<br />

du bourbier indochinois et le règlement<br />

des problèmes inhérents à ce départ.<br />

La délégation cambodgienne menée<br />

par S.E. Penn Nouth obtient tout d'abord<br />

que le cas du Cambodge ne soit pas lié au<br />

problème vietnamien. Elle réussit ensuite<br />

à écarter les partisans khmers communistes<br />

(Khmers Vietminh) que les Nord-<br />

Vietnamiens ont voulu imposer à la table<br />

des négociations, empêchant ainsi une<br />

possible partition du territoire à l'instar du<br />

Vietnam, séparé en deux par le 17ème<br />

parallèle. Enfin elle parvient à faire reconnaître<br />

sur le plan international la pleine<br />

souveraineté du Cambodge à définir sa<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

Samdech Euv, Norodom Sihanouk, durant l’un de ses “discours fleuves”.<br />

propre politique de sécurité.<br />

En août 1954, conformément aux<br />

accords, les dernières troupes vietminh<br />

quittent le territoire khmer. L'armistice<br />

général est déclaré sur tous les fronts indochinois.<br />

Le Sangkum Reastr Niyum<br />

Après le départ des troupes françaises<br />

et vietminh, le roi Norodom Sihanouk a<br />

voulu transformer ses victoires diplomatiques<br />

en triomphe personnel en organisant<br />

en février 1955 un référendum sur "la<br />

croisade royale pour l'indépendance". Les<br />

résultats plébiscitaires (plus de 99,8% des<br />

voix) de cette consultation populaire le<br />

place au devant de la scène politique,<br />

éclipsant tous les partis en présence. Cette<br />

victoire lui permet de se proclamer "Père<br />

de l'indépendance nationale" et lui ouvre<br />

la voie, après son abdication en faveur de<br />

son père, à la création en mars 1955 du<br />

Sangkum Reastr Niyum (littéralement la<br />

Communauté Pro-Peuple, cf. Norodom<br />

Sihanouk dans "Souvenirs doux et<br />

amers"), un rassemblement pour l'unité<br />

des khmers, et l'instauration d'une véritable<br />

"démocratie socialiste". S'il a renoncé<br />

au trône, le prince Sihanouk entend garder<br />

son titre de Samdech Upayuvareach (littéralement<br />

le Prince qui fut Roi) et aussi de<br />

Samdech Euv (Monseigneur Père), sousentendu<br />

de ses sujets du Cambodge.<br />

Président fondateur du Sangkum, dont<br />

chaque membre est appelé Sahachivin<br />

(Compagnon), Samdech Sahachivin<br />

(Prince Compagnon) s'emploie dès lors à<br />

le développer aux dépens des autres mouvements<br />

politiques. Ne pouvant contenir<br />

la vague du Sangkum, plusieurs partis prononcent<br />

leur dissolution pour s'intégrer au<br />

mouvement de Samdech Euv tels que<br />

"Démocratie Nationale" de M. Oum<br />

Chheang Sun, "Rénovation khmère" du<br />

colonel Lon Nol et le parti du "Peuple" de<br />

Sam Sary. Des personnalités démocrates,<br />

comme LL.EE Penn Nouth et Son Sann,<br />

se rallient individuellement au Sangkum<br />

entraînant un peu plus tard la dissolution<br />

complète du Parti Démocrate. Seul, le<br />

Prachéachon (Parti Communiste<br />

Cambodgien) fondé par les anciens<br />

Khmers Vietminh dont les accords de<br />

Genève ont permis l'établissement, refuse<br />

de suivre le mouvement.<br />

Quelques mois plus tard, aux élections<br />

législatives du 11 septembre 1955, le<br />

Sangkum obtient 83% des voix, les démocrates<br />

12% et les communistes 4%. A la<br />

suite de ce scrutin, le Prince Sihanouk<br />

prend la tête du gouvernement. Il entend<br />

établir un contact direct avec le peuple, et<br />

promouvoir le développement rapide du<br />

pays tout en contrôlant l'administration par<br />

la base grâce aux congrès nationaux du<br />

Sangkum qui supplantent le Parlement<br />

élu.<br />

Le Sangkum, selon les affirmations du<br />

Prince, devait en principe mettre fin à<br />

l'instabilité et au tumulte politique. Mais


en trois années, de 1955 à 1958, neuf gouvernements<br />

se sont succédés et le prince,<br />

lui-même, s'est volontairement démis quatre<br />

fois de son poste de Premier ministre.<br />

A la mort du roi Suramarit survenu le<br />

3 avril 1960, le prince Sihanouk se fait<br />

élire Chef de l'Etat par référendum et<br />

demeure dans cette haute fonction jusqu'à<br />

sa destitution en mars 1970.<br />

"Le socialisme bouddhique"<br />

CAMBODGE, 50 ANS D’INDEPENDANCE<br />

Ayant le plein contrôle des rouages de<br />

l'état, le Prince Sihanouk a toute latitude<br />

d'orienter le développement du pays et de<br />

définir l'idéologie fondatrice du Sangkum<br />

Reastr Niyum, "le socialisme bouddhique"<br />

qu'il définit de la façon suivante : "Le<br />

socialisme, ce sera mon parti qui l'inventera,<br />

si je puis dire, en se référant simplement<br />

à la doctrine bouddhique, la plus<br />

avancée de toute sur le plan social," écritil<br />

sur ce sujet. En résumé, le socialisme<br />

bouddhique commande que le dirigeant<br />

traite ses sujets de façon équitable, avec<br />

bonté et compassion. Cette idéologie met<br />

en valeur l'idée "d'une intense et constante<br />

croisade pour le développement national,<br />

contre l'injustice sociale et le sousdéveloppement."<br />

La création du Sangkum et la définition<br />

du socialisme bouddhique ont donc<br />

servi de socle pour les efforts d'édification<br />

nationale durant une période de l'histoire<br />

contemporaine où l'Etat et l'interventionnisme<br />

d'Etat ont été considérés comme<br />

prépondérants dans le succès du développement<br />

d'un pays.<br />

Les efforts d'édification nationale<br />

"Il n'y a pas d'indépendance réelle, en<br />

effet, pour un état qui possède tous les<br />

attributs de la souveraineté, mais qui est<br />

économiquement sous-développé…", écrit<br />

le prince Sihanouk. Le développement du<br />

Cambodge fait ainsi partie de ses grandes<br />

priorités.<br />

De grands progrès sont très vite réalisés<br />

conformément aux axes définis par<br />

deux premiers plans biennaux (1956-1958<br />

et 1958-1960), et ensuite par deux autres<br />

plans quinquennaux (1960-1964 et 1965-<br />

1969), soutenus par des aides étrangères<br />

(France, Etats-Unis, Chine, Union<br />

Soviétique, Tchécoslovaquie). Les résultats<br />

sont rapidement visibles.<br />

L'infrastructure se développe à grande<br />

vitesse avec la construction du port maritime<br />

à eaux profondes de Kompong Som<br />

(l'actuel Sihanoukville), et de deux aéroports<br />

de classe internationale (Pochentong<br />

et Siem Reap), l'extension du réseau routier,<br />

et l'aménagement des villes, surtout<br />

de la capitale Phnom-Penh.<br />

Les plans ont pour but de diversifier<br />

les moyens de production jusque là centrés<br />

sur la riziculture et la production de caoutchouc<br />

en créant une industrie de transformation<br />

qui doit limiter les importations de<br />

produits, et fournir des emplois à une<br />

population en rapide accroissement.<br />

Dans le domaine de l'énergie, la priorité<br />

est donnée au développement de l'hydro-électricité<br />

par l'exploitation des<br />

réseaux d'irrigation des régions rizicoles.<br />

Dans le domaine industriel, les investissements<br />

privés sont encouragés mais<br />

une large part est réservée au secteur<br />

public ou aux entreprises d'économie<br />

mixte, notamment dans la filature, le tissage,<br />

les verreries, les distilleries, les cimenteries,<br />

les usines de pneu, de cigarettes, de<br />

conserves, de papier... Une raffinerie de<br />

pétrole est même construite à Kompong<br />

Som.<br />

Sur le plan social, le maître mot est le<br />

développement communautaire à la campagne,<br />

avec des regroupements de villages<br />

munis d'écoles et de dispensaires. Le droit<br />

de vote est accordé aux femmes et la seule<br />

utilisation de la langue cambodgienne est<br />

instaurée dans les institutions publiques<br />

mettant un terme à la tentative de romanisation<br />

de l'écriture khmère. L'enseignement<br />

à tous les niveaux est encouragé. Des écoles,<br />

des lycées et des universités sont construits<br />

pour accueillir davantage d'élèves et<br />

d'étudiants mais les débouchés restent<br />

relativement insuffisants dans les secteurs<br />

de l'administration, du commerce et de<br />

l'industrie. Les jeunes, mieux instruits et<br />

formés, se détournent de l'agriculture traditionnelle<br />

entraînant un début de chômage.<br />

Une classe aisée fait son apparition et<br />

draine à son profit une grande partie de<br />

l'aide étrangère.<br />

En 1963, le prince Sihanouk annonce<br />

que l'Etat se doit de mieux contrôler l'économie<br />

nationale, et d'assumer la responsabilité<br />

du commerce extérieur. Il fait nationaliser<br />

toutes les banques aussi bien<br />

khmères qu'étrangères. Dans le même<br />

mouvement, il renonce à l'aide américaine<br />

pour se tourner vers celle des pays socialistes,<br />

et de la France.<br />

La politique de neutralité<br />

En 1955, au sommet afro-asiatique de<br />

Bandung, le prince Sihanouk fait la<br />

connaissance de deux hommes qui vont<br />

avoir une influence prépondérante sur ses<br />

orientations politiques extérieures. Ce sont<br />

les Premiers ministres chinois et indien,<br />

Chou En Lai et Nehru. Avec le premier, il<br />

noue une grande amitié malgré les soubresauts<br />

ultérieurs des relations khméro-chinoises.<br />

Chou En Lai, de son côté, va s'avérer<br />

être aussi son plus puissant soutien<br />

dans les années qui suivent. Quant à<br />

21<br />

Nehru qu'il a déjà rencontré en 1954, le<br />

prince le considère comme son guru, son<br />

maître spirituel.<br />

Après cette conférence, le prince<br />

Sihanouk comprend que l'unité interne et<br />

la sécurité extérieure du Cambodge<br />

dépendent de l'orientation de sa politique<br />

étrangère. S'il penche vers l'Occident, il<br />

sera attaqué par la gauche qui bénéficie<br />

des appuis de Hanoi et de Pékin. A l'inverse,<br />

s'il se tourne vers Moscou ou Pékin, les<br />

conservateurs et les démocrates soutenus<br />

par Bangkok, Saigon et Washington lui<br />

mèneront la vie dure. Aussi, seule une<br />

politique de stricte neutralité peut sauvegarder<br />

l'indépendance et l'union nationale.<br />

Le 14 décembre 1955, le Cambodge est<br />

admis à l'ONU. Le Prince Sihanouk y<br />

affirme alors sa volonté de pratiquer une<br />

politique totalement indépendante des<br />

deux blocs et de relations amicales avec<br />

tous les pays.<br />

En 1956, voulant équilibrer l'influence<br />

des Etats-Unis qui désirent voir Phnom-<br />

Penh s'aligner sur ses alliés de Bangkok et<br />

de Saigon dans un glacis anti-chinois, le<br />

prince se rend à Pékin et obtient de la<br />

Chine la promesse d'une aide substantielle<br />

pour la consolidation de la neutralité cambodgienne.<br />

Dans la même année, il reçoit<br />

de l'URSS l'assurance d'une assistance<br />

conséquente qui lui vaut en retour l'étiquette<br />

de "pro-communiste" ou de "Prince<br />

rouge", attribuée par les américains.<br />

Le non-alignement ou la neutralité<br />

active<br />

Confronté à des irritations internes et à<br />

l'hostilité grandissante de ses voisins, le<br />

Cambodge se devait de sortir d'un risque<br />

d'isolement. L'occasion lui est donnée à la<br />

conférence de Belgrade des Non-alignés<br />

en 1960 où le prince Sihanouk fait un discours<br />

remarqué. Fort de ce coup d'éclat, le<br />

prince se lance, les années suivantes, dans<br />

des opérations de médiation d'abord en<br />

faveur du Laos déchiré par un affrontement<br />

tripartite, et plus tard pour essayer de<br />

ramener, sans succès, à la table de discussion,<br />

Chinois et Indiens, sur leur différend<br />

frontalier du Ladakh.<br />

Le sommet des Non-alignés à Belgrade en<br />

1960<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


222<br />

CAMBODGE, 50 ANS D’INDEPENDANCE<br />

Alors que le prince Sihanouk s'active<br />

sur le plan diplomatique et international,<br />

des troubles internes surgissent. Il doit<br />

alors ménager, tour à tour, ses deux flancs,<br />

les communistes et les conservateurs qui,<br />

influencés par leurs appuis étrangers<br />

respectifs, réagissent de plus en plus face à<br />

la montée des tensions qui opposent les<br />

deux Vietnam en 1962, et conséquemment,<br />

les Etats-Unis au Nord-Vietnam en<br />

1965.<br />

Ayant déjà renoncé à l'aide américaine<br />

en 1963, le prince Sihanouk coupe les<br />

relations diplomatiques avec les Etats-<br />

Unis suite à leur intervention armée dans<br />

le conflit vietnamien en 1965. Il passe des<br />

accords secrets avec le Vietcong, pressentant<br />

peut-être déjà leur victoire. Selon les<br />

termes de cette entente, les troupes communistes<br />

vietnamiennes sont autorisées à<br />

stationner à l'intérieur du territoire khmer<br />

et à être ravitaillées par la Chine, en armes<br />

et en nourriture, par le port de<br />

Sihanoukville. En échange, les Nord<br />

Vietnamiens doivent reconnaître les frontières<br />

cambodgiennes et éviter le contact<br />

avec les Forces Armées Royales Khmères<br />

(FARK) ainsi qu'avec la population khmère.<br />

Anticipant probablement la mauvaise<br />

réaction des Américains, le prince<br />

Sihanouk a sans doute cherché le soutien<br />

du Général de Gaulle, un grand défenseur<br />

de la politique de neutralité, qui s'est<br />

démarqué des Etats-Unis en quittant<br />

l'OTAN et auquel il voue une très grande<br />

admiration. Le président de la République<br />

française accepte de faire une visite d'Etat<br />

Norodom Sihanouk et Charles de Gaulle<br />

sur le perron du Palais de l’Elysée.<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

de trois jours au Cambodge et y prononce<br />

en 1966 son fameux discours de Phnom-<br />

Penh où il demande la neutralisation de la<br />

zone du Sud-Est asiatique et désapprouve<br />

à mi-mot l'intervention armée américaine.<br />

Après cette visite, le prince Sihanouk<br />

se retrouve bientôt en face d'une situation<br />

interne inédite pour lui. Lors des élections<br />

législatives suivantes, une majorité écrasante<br />

de conservateurs est élue à<br />

l'Assemblée nationale. Mais trois représentants<br />

du Prachéachon, Hou Youn, Hu<br />

Nim et Khieu Samphan réussissent à entrer<br />

au parlement. Ces résultats sont alors<br />

qualifiés par le Prince lui-même de victoire<br />

"des forces réactionnaires ". Le Général<br />

Lon Nol est désigné Premier ministre par<br />

les deux chambres. Fort agacé de ce choix,<br />

le prince organise une opposition sihanoukiste<br />

à Lon Nol en créant un contre-gouvernement.<br />

Ainsi, les acteurs de la future chute du<br />

Prince Sihanouk sont en position et la<br />

radicalisation des confrontations entre les<br />

conservateurs et les communistes khmers<br />

peut alors faire sournoisement ses basses<br />

œuvres.<br />

L'émergence des oppositions<br />

Dans les années 60, un correspondant<br />

de presse américain écrit que "le<br />

Cambodge, c'est Sihanouk" et aussitôt un<br />

écrivain français de surenchérir en disant<br />

"qu'il est le Cambodge" faisant allusion à<br />

la maxime, "Je suis l'Etat", du roi Soleil<br />

Louis XIV. Bien qu'il ne soit plus roi<br />

depuis son abdication en 1955, le prince<br />

Sihanouk garde les prérogatives d'un<br />

monarque en tant que Chef de l'Etat du<br />

Cambodge. Il prend soin de faire inscrire<br />

dans les textes de la Constitution que la<br />

personne du Chef d'Etat est sacrée et<br />

inviolable, les attributs même d'un authentique<br />

souverain. Son insistance à se faire<br />

appeler Samdech Euv et à désigner les<br />

Cambodgiens ses "Kaun Chau" (enfants)<br />

reflète aux yeux de ses opposants et<br />

détracteurs son penchant paternaliste et<br />

autoritaire. Il est vite aussi accusé de<br />

despotisme.<br />

De 1955 à la fin des années 60, il<br />

n'existe véritablement aucune opposition<br />

sérieuse, ni efficace voire même crédible.<br />

A part quelques personnalités démocrates<br />

qui ont par la suite adhéré au Sangkum, le<br />

Prince Sihanouk jouit d'une immense ferveur<br />

populaire, héritage de son ancien statut<br />

royal. Toutefois, un bourgeon de<br />

contestataires existe, une réminiscence des<br />

mouvements d'opposition qui ont pris<br />

naissance pendant la Seconde guerre mondiale<br />

: d'un côté les Khmers Issarak qui<br />

vont devenir par la suite les Khmers Sérei<br />

et de l'autre côté les Khmers Vietminh qui<br />

vont faire place aux Khmers communistes<br />

du Prachéachon ou PCK (Parti<br />

Communiste Khmer).<br />

Le prince Sihanouk réussit sans mal à<br />

neutraliser le premier mouvement d'opposition<br />

symbolisé par le trio Dap Chhuon -<br />

Sam Sary - Son Ngoc Thanh. Cette mise<br />

aux pas se traduit dans les faits par une élimination<br />

physique ou politique de leurs<br />

chefs de file. Le général Dap Chhuon,<br />

ancien Khmer Issarak, ex-ministre de la<br />

Sécurité et gouverneur de Siem Reap, est<br />

le premier à tomber à la suite d'un complot<br />

dit du "Plan de Bangkok" où des troupes<br />

de Khmers Sérei devaient converger à la<br />

fois de la Thaïlande et du Sud Vietnam<br />

pour entrer au Cambodge. Le général Dap<br />

Chhuon est tué et des accusations sont<br />

portées par le prince contre la Thaïlande et<br />

le Sud Vietnam d'être les instigateurs de ce<br />

complot. Quelques années plus tard, sans<br />

doute à la suite d'un colis piégé envoyé au<br />

palais royal qui a attenté à la vie du roi<br />

Suramarit et de la reine Kossomak, mais<br />

sans qu'une corrélation évidente ne soit<br />

établie, c'est au tour de Sam Sary de disparaître<br />

mystérieusement. Quant à Son Ngoc<br />

Thanh, il est neutralisé politiquement, en<br />

exil à l'étranger.<br />

Après les Khmers Sérei, c'est au tour<br />

du Prachéachon qui subit des attaques de<br />

la part du régime sangkumien et au prince<br />

de déclarer dans une allocution en 1962 :<br />

"Je ne saurai approuver le clan<br />

Prachéachon et surtout je ne saurai lui<br />

permettre de faire du Cambodge, notre<br />

patrie, un second Laos ou un second<br />

Vietnam, tant que notre peuple ne me dira


CAMBODGE, 50 ANS D’INDEPENDANCE<br />

pas de le laisser faire." Le Prachéachon ne<br />

représente pas à l'époque une menace<br />

sérieuse immédiate, d'autant plus que le<br />

prince Sihanouk convole une lune de miel<br />

avec les dirigeants des pays qui soutiennent<br />

les communistes khmers. Mais en<br />

secret, après l'assassinat du Secrétaire<br />

général Tou Samouth en 1962, le PCK est<br />

repris en main en 1963 par un certain<br />

Saloth Sar, connu plus tard sous le sinistre<br />

nom de Pol Pot. Des hauts cadres du parti,<br />

tels que Son Sén ou Ieng Thirith, commencent<br />

alors à prendre le maquis en préparation<br />

d'une lutte plus radicale.<br />

Les Khmers Sérei évacués manu militari<br />

et le Prachéachon réduit à sa plus simple<br />

expression, le prince Sihanouk peut<br />

penser à juste titre être débarrassé de tout<br />

opposant à sa politique mais la première<br />

estocade fatale qui va lui être portée en<br />

mars 1970, provient du clan des conservateurs,<br />

ceux-là même qui se sont ralliés à<br />

son mouvement.<br />

La destitution du prince Sihanouk<br />

En 1966, le Général Lon Nol est<br />

Premier ministre avec une Assemblée<br />

nationale majoritairement gagnée à sa<br />

cause. Trois personnalités du Prachéachon<br />

sont élues et l'un d'entre-eux, Khieu<br />

Samphan fait partie du contre-gouvernement<br />

mis en place par le prince Sihanouk.<br />

Dès le début des années 60, les conservateurs<br />

voient d'un très mauvais œil le rapprochement<br />

du prince Sihanouk avec les<br />

pays communistes, tels que la Chine,<br />

l'URSS ou la Tchécoslovaquie. L'aide<br />

américaine qui afflue à cette époque au<br />

Cambodge a bénéficié à une classe aisée<br />

formée par des élites et des intellectuels<br />

bourgeois. Il n'est pas surprenant qu'ils<br />

soient alors mécontents de voir la fin de<br />

l'assistance américaine en 1963 et la rupture<br />

diplomatique avec les Etats-Unis en<br />

1965. Un profond ressentiment commence<br />

à prendre forme contre le prince Sihanouk,<br />

d'autant plus que ce dernier ne se prive pas<br />

de leur manifester sa méfiance et son<br />

mépris.<br />

C'est la révolte des paysans de Samlaut<br />

en mars 1967 qui précipite les événements.<br />

Contre l'expropriation de leurs terres<br />

par l'armée pour les donner à des<br />

Khmers Sérei repentis, des paysans de la<br />

région de Païlin se rebellent entraînant une<br />

répression sanglante. Ces soulèvements se<br />

propagent alors dans d'autres provinces et<br />

à Phnom-Penh où le gouvernement de Lon<br />

Nol est acculé à la démission. Khieu<br />

Samphan, Hou Youn et Hu Nim disparaissent<br />

à cette époque là de la scène politique<br />

et prennent le maquis. Le PCK que le prince<br />

a baptisé de "Khmers rouges" décide<br />

alors de lancer une insurrection armée<br />

contre le gouvernement. Durant l'été 1967,<br />

des attaques et des attentats se multiplient,<br />

suivis de représailles sanglantes.<br />

Assailli de toutes parts (campagne de<br />

presse aux Etats-Unis révélant que le port<br />

de Sihanoukville servait de lieu de trafic<br />

d'armes à destination des soldats Nord-<br />

Vietnamiens, reprise des attaques des<br />

Khmers Sérei sur la frontière thaïlandaise,<br />

escarmouches entre les FARK et l'armée<br />

Vietcong), le prince Sihanouk se doit de<br />

réagir vigoureusement sur le plan intérieur<br />

et extérieur du Cambodge.<br />

Comme le commande l'urgence de la<br />

situation, il s'en prend d'abord, en interne,<br />

aux communistes en dénonçant l'entreprise<br />

de subversion de la jeunesse faite par<br />

les Khmers rouges maoïstes soutenus par<br />

la Chine. "Le communisme d'importation<br />

n'a rien à nous apporter, si ce n'est la dissolution<br />

de notre identité nationale",<br />

déclare-t-il. Il interdit les associations d'amitiés<br />

khméro-chinoises mais en même<br />

temps il critique sèchement les "Khmers<br />

bleus" de "pro-américains" qui ne "représentent<br />

qu'un moindre danger car il s'agit<br />

d'un petit cercle de commerçants cupides.".<br />

En 1968, le PCK entame une véritable<br />

guérilla dans onze provinces sur dixneuf,<br />

concordant avec l'offensive du Têt<br />

déclenchée par l'armée Vietcong au Sud<br />

Vietnam. Contre les activités bellicistes<br />

des Khmers rouges, une reprise de l'assistance<br />

économique et militaire américaine<br />

est négociée. Les relations diplomatiques<br />

sont rétablies en 1969 avec les Etats-Unis<br />

avec pour conséquence le ralliement des<br />

Khmers Sérei au gouvernement cambodgien<br />

que le prince qualifie plus tard de<br />

manœuvre de la C.I.A qui prépare son renversement<br />

ultérieur.<br />

Pour faire face aux problèmes externes,<br />

le prince Sihanouk dénonce l'implan-<br />

23 3<br />

tation Vietcong dans les régions frontalières<br />

"qui entre dans le plan Vietnamien et<br />

Thaïlandais de réduire le Cambodge dans<br />

sa plus simple expression". Mais son<br />

offensive de reprise en main des affaires<br />

du pays arrive trop tard. En août 1969, le<br />

Général Lon Nol devient à nouveau<br />

Premier ministre.<br />

Avec les campagnes occupées par la<br />

guerilla Khmère rouge, les frontières<br />

empiétées par les troupes Vietcong, les<br />

villes en ébullition à cause des mouvements<br />

de protestation des étudiants et des<br />

enseignants gauchisants, des forces<br />

armées khmères frustrées de ne pas pouvoir<br />

répliquer contre les troupes nord-vietnamiennes<br />

et une Assemblée nationale qui<br />

ne lui est pas favorable, le prince Sihanouk<br />

finit par se couper de tout support à l'intérieur<br />

du pays. Sur le plan international, il<br />

ne reçoit plus aucun soutien franc du bloc<br />

communiste déchiré entre les courants staliniens<br />

et maoïstes. Avec les Américains,<br />

la méfiance réciproque reste encore grande.<br />

Déjà, les Etats-Unis pensent à leur désengagement<br />

de la région et préparent<br />

secrètement l'après Sihanouk.<br />

Le 18 mars 1970, alors que le prince<br />

Sihanouk est en France pour recevoir des<br />

soins, l'Assemblée nationale vote sa destitution<br />

de sa fonction de Chef d'Etat du<br />

Cambodge.<br />

Chetra CHEA<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

Souvenirs doux et amers<br />

- Norodom Sihanouk, Hachette/Stock, 1981<br />

Norodom Sihanouk, l’indochine vue de<br />

Pékin<br />

- Entretiens avec Jean Lacouture, éditions<br />

du Seuil, 1972.<br />

Sihanouk et le drame cambodgien<br />

- Bernard Hamel, L’Harmattan, 1993<br />

Sihanouk, le fin des illusions<br />

- André Tong, La Table Ronde, 1972<br />

Norodom Sihanouk, la CIA contre le<br />

Cambodge<br />

- François Maspéro, Cahiers Libres, 1973<br />

Cambodge Actuel, Chronologie 1953-<br />

1987<br />

- Publication ADECA<br />

A history of Cambodia<br />

- David Chandler, Westview Press, 2000<br />

Sihanouk, Prince of light, prince of<br />

darkness<br />

- Milton Osborne, University of Hawai<br />

Press, 1994<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


224<br />

EN BREF<br />

Khmer Rouge<br />

Khieu Samphan reconnaît les<br />

«massacres» commis par les<br />

Khmers rouges, mais pas le génocide,<br />

alors que Nuon Chea, l’ex<br />

“frère numéro deux” parle “d’erreur”<br />

Interrogé le 23 janvier sur France-<br />

Inter, Khieu Samphan, ancien président<br />

du Kampuchéa démocratique, a reconnu<br />

que des “crimes” et des “massacres”<br />

avaient été “commis sous le régime<br />

khmer rouge”, qui a fait environ 1,7<br />

million de morts dans les années 1970,<br />

mais il a rejeté l'idée de “génocide”.<br />

En revanche, “je n'arrive pas à comprendre<br />

si facilement qu'il pourrait y<br />

avoir (eu) génocide”, a ajouté l'ex-président,<br />

qui pourrait comparaître prochainement<br />

pour génocide devant un tribunal<br />

cambodgien créé en coopération avec les<br />

Nations unies.<br />

Nuon Chea, plus haut dignitaire<br />

khmer rouge encore en vie, l'ex “frère<br />

numéro deux”, reconnait des “erreurs” et<br />

se dit prêt à comparaître devant un tribunal<br />

chargé de juger les responsables du<br />

génocide cambodgien, mais refuse de se<br />

considérer comme un “criminel de guerre”.<br />

“Je n'ai pas fait usage de suffisament<br />

de sagesse pour découvrir la vérité sur ce<br />

qui se passait, pour vérifier qui agissait<br />

mal et qui agissait bien. J'accepte cette<br />

erreur”, déclare Nuon Chea.<br />

Aucun ancien dirigeant khmer rouge<br />

n'a été jugé à ce jour pour les atrocités<br />

perpétrées entre 1975 et 1979.<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

Le calendrier 2004 <strong>d'Angkor</strong><br />

d’après AP (23 janvier 2003)<br />

Ala suite d'un voyage d'une semaine au Cambodge, à Siem Reap,<br />

après la découverte <strong>d'Angkor</strong>, j'ai eu le désir de faire revivre en aquarelles<br />

ces merveilleux temples. Le passage au nouveau millénaire au<br />

pied <strong>d'Angkor</strong> Vat, admirant la grâce des danseuses du Ballet Royal,<br />

réincarnations des petites apsaras de pierre…<br />

L'émotion ressentie devant ces énigmatiques visages des tours du<br />

Bayon et ces ficus amoureux de leurs temples… Autant de souvenirs<br />

qui firent naître en moi le plaisir de les reproduire en tableaux, puis<br />

d'en sélectionner sept pour accompagner les mois de l'année 2004<br />

avec les citations des premiers découvreurs <strong>d'Angkor</strong>. C'est une joie<br />

de faire connaître par cet ouvrage les temples de l'art khmer et de<br />

donner l'envie de partir là-bas, dans ce merveilleux pays.<br />

Renseignements auprès de Josiane LEGRAND :01.39.71.19.77 ou 06.10.81.14.48<br />

e-mail : christian.legrand@gadz.org<br />

La “grippe du poulet”<br />

au Cambodge<br />

Un premier cas de grippe aviaire a été<br />

décelé au Cambodge dans un élevage de<br />

poulets près de Phnom Penh, a annoncé,<br />

le 23 janvier, l'organisation des Nations<br />

unies pour l'alimentation et l'agriculture<br />

(FAO).<br />

Cette annonce survient après la<br />

confirmation de deux premiers cas, chez<br />

l'homme, en Thaïlande où sept millions<br />

de poulets sont morts depuis novembre<br />

dernier. Le virus a été trouvé "sur des<br />

poulets dans un élevage près de la capitale<br />

Phnom Penh. Certains tests ont été<br />

envoyés à Paris par le gouvernement et<br />

ont confirmé la présence du virus H5N1",<br />

a ajouté la FAO.<br />

d’après AFP (23 janvier 2004)<br />

Plus de 350 000<br />

Cambodgiens<br />

utilisateurs du<br />

téléphone mobile<br />

Le Cambodge compte maintenant<br />

plus de 350 000 utilisateurs de téléphone<br />

mobile, 10 fois plus que les utilisateurs<br />

de téléphone fixe. Ils représentent plus de<br />

3,43% des 12 millions d'habitants du<br />

Cambodge.<br />

La croissance la plus rapide a été<br />

enregistrée dans les quartiers de Phnom<br />

Penh, qui comptent 60%.<br />

Il y a trois opérateurs de téléphone<br />

mobile au Cambodge. Et le plus grand<br />

est MobiTel, qui possède 70% des clients<br />

totaux, alors que COMSHIN, la deuxième<br />

grande société du service de téléphone<br />

mobile, a 20% de consommateurs.<br />

d’après Xinhua (4 janvier 2004)<br />

Le principal leader<br />

syndical abattu<br />

Le plus populaire des leaders syndicaux<br />

cambodgiens a été abattu jeudi 22<br />

janvier 2004 à Phnom Penh. Chea<br />

Vichea, qui présidait le Syndicat des<br />

ouvriers du royaume du Cambodge, militait<br />

également dans les rangs de l’opposition<br />

aux côtés du PSR, le Parti de Sam<br />

Rainsy, dont trois membres ont été assassinés<br />

ces dernières semaines. Sa mort<br />

intervient alors que le pays est englué<br />

dans une grave crise politique qui le prive<br />

de gouvernement depuis six mois, date<br />

des dernières législatives.<br />

d’après RFI Cambodge (22 janvier 2004)<br />

Fin de tournage de<br />

“Dogora”, un film de<br />

Patrice Leconte<br />

Le réalisateur français Patrice<br />

Leconte vient d'achever le tournage au<br />

Cambodge d'un film d'un genre inédit et<br />

"inclassable" intitulé "Dogora", qui<br />

devrait sortir dans les salles ce printemps.<br />

"Il s'agit d'un film musical d'une heure<br />

vingt sans acteur ni dialogue, dont le scénario<br />

est constitué par une suite symphonique<br />

du compositeur français Etienne<br />

Perruchon intitulée Dogora", a-t-il précisé<br />

Patrice Leconte.<br />

"C'est une musique porteuse de sensations<br />

très fortes que je songeais à mettre<br />

en images depuis trois ans, mais à<br />

laquelle je n'ai trouvé un écho qu'il y a un<br />

an, dans le cadre d'un voyage familial au<br />

Cambodge", a confié le réalisateur.<br />

"J'y ai été assailli d'émotions diverses<br />

et invraisemblables telles que je n'en<br />

avais jamais ressenti dans les autres pays<br />

où j'ai été. Ce qui m'a le plus marqué au<br />

Cambodge est ce sentiment que la vie est<br />

la plus forte malgré des conditions extrêmes",<br />

a souligné Leconte.


Avril 1975 : Phnom Penh est vidée<br />

de ses habitants. " Pour trois<br />

jours ", avaient affirmé ces mystérieux<br />

sauveurs. Mais l'Histoire nous a<br />

prouvé l'ampleur du mensonge…<br />

Somanos Sar, à travers son œuvre,<br />

nous fait part d'un témoignage touchant<br />

et percutant, à la fois beau et apocalyptique.<br />

La couverture du livre ? Le charnier<br />

de Choeung Ek, devant lequel un jeune<br />

garçon, coiffé d'un krama, nous jette un<br />

regard assez hostile. Mais en réalité, il<br />

exprime souffrance, incompréhension et<br />

désarroi…<br />

Afin de mieux comprendre la tragédie,<br />

l'auteur nous invite à une rétrospective<br />

de la vie cambodgienne durant la<br />

guerre du Vietnam dont il retrace l'histoire<br />

vue par ses yeux d'en-<br />

fants…<br />

De l'Indépendance à<br />

la prise de Phnom Penh<br />

par les Khmers Rouges :<br />

le Sangkum Reastr<br />

Niyum (socialisme bouddhiste) de<br />

Norodom Sihnaouk et le régime capitaliste<br />

corrompu du général pro-américain<br />

Lon Nol.<br />

Nous saluons cette initiative qui évite<br />

aux lecteurs de faire des recherches historiques,<br />

qui en même temps nous permet<br />

de ressentir la plénitude des évènements<br />

qui suivront. “Apocalypse<br />

Khmère” n'est pas un conte de fée, il<br />

aurait pu être un roman cauchemardesque<br />

mais le talent de l'auteur nous a<br />

évité cela. Au fil des pages, nous pouvons<br />

découvrir, ou redécouvrir le<br />

Cambodge, son histoire et sa beauté.<br />

L'Apocalypse a bien eu lieu, il ne s'agit<br />

pas d'un mauvais film ou encore d'un<br />

film d'épouvante. Ce n'est pas de la fiction.<br />

“Trois jours”, avaient-ils affirmé.<br />

Trois jours, trois mois, trois ans et<br />

même plus…<br />

Le petit Somanos, dont la mère vit en<br />

France et le père a disparu pendant l'évacuation,<br />

se retrouve quelque peu seul. Il<br />

ne sait pas encore tout ce qu'il va devoir<br />

subir, mais il n'est pas dupe malgré son<br />

jeune âge, il comprend très vite qu'il va<br />

se retrouver dans un enfer sans nom.<br />

L'Angkar, ainsi fut nommée<br />

l'Organisation Khmers Rouges, était sans<br />

Apocalypse Khmère<br />

pitié. Une révolution passait absolument<br />

par une " purification spirituelle ". Toute<br />

personne déjà éduquée pouvait être dangereuse<br />

pour l'Angkar. Selon elle, une<br />

poignée de khmers suffisait pour exploiter<br />

les terres riches du Cambodge. Nul<br />

n'avait besoin de réfléchir, il fallait avant<br />

tout obéir, suivre ses directives au risque<br />

de ne pas avoir à manger et donc, mourir<br />

de faim.<br />

Rien à perdre en te perdant, rien à<br />

gagner en t'épargnant.<br />

Cette phrase, maintes fois répétée,<br />

résumait grosso modo comment les<br />

Khmers Rouges traitaient leurs travailleurs<br />

prisonniers. Prisonniers sans<br />

même être capturés car il n'y avait pas<br />

d'autres choix que de travailler pour<br />

l'Angkar. Le pays était malicieusement<br />

quadrillé, nul ne pouvait<br />

passer entre les mailles<br />

du filet.<br />

Chaque jour ressemblait<br />

à la veille et au lendemain.<br />

La souffrance<br />

était à son paroxysme. La mort ne faisait<br />

plus peur et représentait dans cette folie<br />

meurtrière une sorte d'échappatoire à<br />

l'Apocalypse. Travailler toute la journée<br />

pour manger de moins en moins chaque<br />

soir. Travailler inutilement dans des<br />

conditions inhumaines, n'est-ce pas la<br />

mort lente que proposait les Khmers<br />

Rouges ?<br />

Les résistants à l'Angkar disparaissaient<br />

massivement ou alors étaient<br />

publiquement abattus pour servir<br />

d'exemple à quiconque voulait contrarier<br />

ce maudit système.<br />

Déplacés plusieurs fois, les jeunes<br />

travailleurs, dont faisait partie l'auteur,<br />

avaient perdu tout espoir. Il était impossible<br />

de concevoir autre chose que la<br />

mort. La faim était la première préoccupation<br />

mais en même temps, à quoi<br />

bon... puisque le point de non-retour<br />

avait déjà été dépassé d'une manière si<br />

lâche.<br />

Cet ouvrage constitue un témoignage<br />

assez exhaustif. Il permet au lecteur de<br />

comprendre la souffrance des personnes<br />

qui ont vécu cet enfer, cette apocalypse...<br />

Ce crime contre l'Humanité, jusqu'ici<br />

resté incompris, n'a toujours pas été<br />

puni.<br />

LECTURE<br />

de Somanos SAR - Paris, Edition Jean Picollec, 2003<br />

Le titre de l'ouvrage à lui seul nous fait froid dans le dos et nous rappelle que ce génocide a bel et<br />

bien eu lieu et qu'il restera à jamais gravé dans la mémoire de tous les khmers qui l'ont directement<br />

ou indirectement subi.<br />

"Rien à perdre en te<br />

tuant, rien à gagner en<br />

t'épargnant."<br />

25<br />

Pol Pot est mort mais un génocide,<br />

aussi cruel soit-il, ne peut être oublié. Il<br />

est même un devoir de se remémorer<br />

l'Année Zéro, cette révolution dénuée de<br />

sens.<br />

Plus de 2 millions de cambodgiens<br />

ont trouvé la mort durant ses 3 ans, 8<br />

mois et 20 jours. Ce lourd bilan est resté<br />

et restera dans la mémoire collective<br />

aussi longtemps que l'âme Khmère existera.<br />

Somanos SAR<br />

Sophak UONG<br />

Né en 1965 à Phnom Penh, Somanos<br />

Sar n'avait pas 10 ans lorsque les<br />

Khmers rouges s'emparèrent du pou-<br />

voir. Dès son arrivée en France en<br />

1982, il voulut relater ce drame par<br />

écrit, mais la tâche lui parut alors<br />

insurmontable tant la langue françai-<br />

se, dont il ne connaissait que quelques<br />

mots, lui était étrangère. Aujourd'hui,<br />

après un DESS de microélectronique<br />

obtenu à la Faculté des Sciences<br />

d'Orsay, il est ingénieur en informa-<br />

tique. Ce récit constitue sa première<br />

oeuvre.<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


2 226 EDUCATIF<br />

Introduction à la langue khmère<br />

Par ses origines anciennes et son lexique abondant, spécialistes et novices apprécient le khmer<br />

comme une langue riche et originale. Si sa grammaire paraît simple au premier abord, la langue<br />

khmère demeure néanmoins très complexe pour les non-initiés.<br />

Tirant ses origines de l'Asie du Sud,<br />

le khmer, langue officielle du<br />

royaume du Cambodge, fait partie<br />

intégrante de la branche des langues<br />

"Môn-Khmer", dont sont également issus<br />

quelques deux cents autres langues et dialectes<br />

de la péninsule de l'Asie du Sud-Est,<br />

allant du birman au vietnamien, passant<br />

par le thaïlandais et le lao. Quoique distinct<br />

et indépendant du thaïlandais, du lao<br />

et du birman, en empruntant une représentation<br />

écrite dérivant de l'alphabet indien<br />

(réputée de genèse divine tout comme les<br />

hiéroglyphes), le khmer partage avec ses<br />

voisins, en plus d'une même confession<br />

bouddhique Theravada, des racines communes<br />

de sanskrit et de pâli, héritage de<br />

plusieurs siècles d'une synergie linguistique<br />

et culturelle. Le sanskrit, langue du<br />

groupe indo-aryen est considéré par Victor<br />

Durant (in Histoire de beaucoup d'hommes,<br />

Payot 1937) comme "plus parfaite<br />

que le grec, plus riche que le latin, plus<br />

raffinée que toute autre". Le pâli, langue<br />

indo-européenne, est utilisé encore de nos<br />

jours comme langue religieuse par les<br />

bouddhistes.<br />

L'évolution du khmer<br />

Depuis la découverte de la plus<br />

ancienne inscription en khmer, les spécialistes<br />

distinguent trois périodes du khmer<br />

écrit : le khmer ancien du VIIè au XIIè siècle,<br />

le khmer moyen jusqu'au XVIIè et le<br />

khmer moderne, depuis lors.<br />

De nos jours où la mondialisation<br />

avance à grands pas, le Cambodge doit lui<br />

aussi faire face à la modernisation, il doit<br />

s'adapter tant au niveau du modus videndi,<br />

qu’au niveau de la langue, et cela sans perdre<br />

une once de richesse de sa culture et<br />

encore moins une note d'harmonie de sa<br />

langue.<br />

Cette dernière était à l'époque bien<br />

adaptée aux besoins de la civilisation traditionnelle.<br />

L'évolution très rapide de la<br />

société crée de nouveaux besoins linguistiques.<br />

Deux voies d'enrichissement sont<br />

en présence, l'une consistant à utiliser au<br />

maximum les procédés de dérivation traditionnels,<br />

l'autre à emprunter massivement<br />

au pâli.<br />

Dans son état actuel, le khmer ne correspond<br />

pas aux exigences du monde<br />

moderne. Les textes traitant de sujets<br />

administratifs, scientifiques ou politiques<br />

sont aussi difficiles à lire qu'à écrire. Ils<br />

peuvent mener immanquablement à des<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />

contresens. Pendant la période du protectorat,<br />

les Français ont tenté la romanisation<br />

de la langue qui, tout à fait bien<br />

accueillie par les Vietnamiens, s'est rapidement<br />

conclue par un bel échec au<br />

Cambodge. Ils ont néanmoins laissé<br />

quelques traces lexicales: "poste",<br />

"conseil", "chemise", "machine", etc...<br />

Juste après, pour véhiculer la pensée révolutionnaire,<br />

le régime sanguinaire des<br />

Khmers rouges a aboli certains termes et,<br />

à la place, en a inventé d'autres reposant<br />

sur des néologismes sanskrit-pâli : "padevoat"<br />

révolution, "tiakropoat" impérialiste...<br />

Et à présent, avec le développement<br />

des technologies de l’information, apparaîssent<br />

de nouveaux mots - souvent<br />

anglo-saxons -, un nouveau vocabulaire<br />

pour s'adapter au monde moderne : "email",<br />

"Internet", "computer", "game",<br />

etc..<br />

Une langue hiérarchisée<br />

Autrefois, l'identité khmère était fondée<br />

sur les concepts de la monarchie, du<br />

bouddhisme et de la langue commune.<br />

L'affaiblissement des deux premiers,<br />

notamment chez les jeunes fait que la lan-<br />

gue reste aujourd'hui le ciment le plus<br />

solide de l'identité khmère. De nos jours,<br />

elle appartient à tous ceux qui la parlent,<br />

paysans et lettrés, commerçants et professeurs,<br />

nationaux et émigrés.<br />

Une langue originale<br />

A la différence des pays limitrophes, le<br />

khmer est atonal. En d'autres termes, les<br />

mots ne portent aucune intonation particulière<br />

qui modifie leur sens. Selon Georges<br />

Cambefort, dans les années 50, le khmer<br />

est "une langue d'analyse, plutôt que de<br />

synthèse, dans laquelle on doit toujours<br />

attendre la fin de la phrase pour en comprendre<br />

le sens". De ce fait, on constatera<br />

une certaine lenteur dans l'écriture, la lecture,<br />

l'échange des idées. Des "discours<br />

fleuves" sont souvent indispensables pour<br />

exprimer complètement et clairement une<br />

pensée.<br />

L'alphabet khmer<br />

Le khmer repose sur un alphabet original,<br />

provenant du sud de l'Inde, unique et<br />

complexe, qui a donné naissance aux<br />

alphabets thaï et lao. L'unité de base n'est<br />

pas le caractère alphabétique comme en<br />

langues romaines, mais la syllabe.<br />

Les caractères de base comprennent 33<br />

consonnes et symboles-pivots (Pchun Cha<br />

Neak) qui se subdivisent en deux groupes<br />

de sons, et 39 voyelles (Sraks) qui se divisent<br />

elles aussi en deux familles.<br />

Avec une grammaire au premier abord<br />

simple, balbutier des expressions comme<br />

"fille cette jolie très" ("srey nih saat nah")<br />

ou "moi aller marché acheter bananes"<br />

("kniom toeuv psar teign cheh") semble<br />

rapidement accessibles au premier venu, il<br />

faudra en fait des années pour maîtriser le<br />

cambodgien et lire couramment un article<br />

de journal. Jusqu'ici, un seul dictionnaire<br />

officiel de la langue a été publié en 1943<br />

par une commission de lettrés de l'Institut<br />

bouddhique, sous la supervision du<br />

Vénérable Chuon Nath.<br />

Prasnar YI<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

- Le Cambodge de Soizick Crochet<br />

- Parler le Cambodgien, Comprendre le<br />

Cambodgien de Pierre-Régis Martin et Dy<br />

Dathsy, Régiss Editions<br />

- Conférence prononcée le 28/03/98 par<br />

Alain Daniel, directeur des études cambodgiennes<br />

à l'Inalco<br />

- La grammaire du khmer du moderne<br />

de Khin Sok, Edition You Feng - 1999<br />

- Dictionnaire Français-Khmer de Michel<br />

Antelme et Suppya Bru-Nut, Edition<br />

Langues et Mondes - 2001<br />

- http://www.kh.refer.org/


Le "creung" est une sorte de condiment aux parfums et<br />

saveurs exotiques multiples dues à une composition<br />

riche en épices. Cette alchimie culinaire est typiquement<br />

khmère. C'est une recette qui se transmet de génération en<br />

génération au Cambodge. Dans ma famille, ma mère tient cette<br />

recette de sa mère et maintenant, je la tiens de ma mère même.<br />

On pourrait presque dire que c'est une tradition de la transmettre<br />

aux futures générations. Bien entendu, il existe certainement<br />

des variantes. La recette que je vous propose n'est absolument<br />

pas "l'authentique" recette mais c'est tout de même la recette<br />

classique du creung avec les cinq épices principaux (cf. ingrédients).<br />

D'un point de vue pratique, le creung sert de base ou de fond<br />

de sauce comme on utiliserait plus communément le fond de<br />

veau par exemple. Son procédé de fabrication est très minutieux.<br />

En effet, on obtient le creung en le broyant grâce au pilon<br />

et au mortier. Ce sont des ustensiles qui sont utilisés depuis des<br />

millénaires par nos ancêtres et dans beaucoup de civilisations<br />

orientales. Aujourd'hui, le pilon et le mortier sont détrônés par<br />

le robot mixeur. Mais la plupart des familles préfèrent encore le<br />

pilon et le mortier pour sans doute le respect de la tradition et<br />

l'obtention d'une meilleure saveur. Il n'empêche que cela constitue<br />

un travail de longue haleine et de patience, mais qui en<br />

vaut vraiment la peine quand on songe aux plats délicieux dont<br />

on pourrait se délecter.<br />

Ingrédients<br />

1- Citronnelle - "Sleuk Krey" 350gr<br />

2- Galanga - "Madeigne" 100gr<br />

3- Curcuma - "Lomieth" 50gr<br />

4- Combava ou Makrut - "Krauch saeuch" ou "Sleuk krauch"<br />

(utilisez soit le zeste du fruit ou les feuilles) 30gr<br />

5- Ail 1 gousse entière<br />

Préparation<br />

Il faut travailler tous les ingrédients de façon à obtenir une pâte<br />

homogène et cela, soit à l'aide d'un pilon et mortier (pour les<br />

plus courageux), soit d'un robot mixeur.<br />

Etape 1<br />

- Couper chaque pied de citronnelle en très fines rondelles<br />

- Couper de même pour le galanga, le curcuma et l'ail<br />

- Couper en fines lamelles la peau du citron ou les feuilles<br />

(selon votre choix)<br />

Etape 2<br />

CUISINE<br />

La recette du "CREUNG"<br />

- Piler ou mixer tous les produits jusqu'à obtenir un corps<br />

homogène qui servira de base pour la recette choisie<br />

Suggestion de recettes : Grâce à cette base obtenue, vous pouvez<br />

réaliser les plats traditionnels khmers tels que : le "samlor*<br />

matchou creung", le "samlor korkô", le "samlor khtys", le "prahoc<br />

creung", les "Sach kô aing" (brochette de bœuf), etc…<br />

*Samlor : Soupe<br />

Citronnelle<br />

Ail<br />

Galanga<br />

Curcuma<br />

Combava<br />

27<br />

Conseil du chef : Pour relever vos plats, vous pouvez rajouter<br />

un peu du prahoc dans votre creung. N'oublions pas que la cuisine<br />

khmère utilise souvent le prahoc * dans leurs mets<br />

* Vous trouverez un article consacré sur le prahoc dans l'Ecrit<br />

<strong>d'Angkor</strong> n°2<br />

Thaseda OU<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004


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(au Cambodge)

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