L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free
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- Page 4 and 5: 4 LITTERATURE Entretien avec Khing
- Page 6 and 7: 6 CONFERENCE Seconde Conférence In
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- Page 26 and 27: 2 226 EDUCATIF Introduction à la l
- Page 28: Annonces Création de logiciels et
2<br />
Sommaire<br />
Édito 2<br />
Culture<br />
4Apsaras, danseuses célestes 3<br />
Littérature<br />
4Entretien avec Khing Hoc Dy,<br />
spécialiste de la littérature khmère 4<br />
Conférence<br />
4Seconde conférence<br />
intergouvernementale sur la sauvegarde<br />
et le développement d’Angkor 6<br />
Conte Khmer<br />
4La légende des collines 8<br />
Poême Khmer<br />
4La fortune au détriment de la liberté 9<br />
Communauté<br />
4Fen’X, les arts martiaux artistiques 10<br />
Témoignage<br />
4Un an au pays du sourire 11<br />
Zoom<br />
4Rathana, un jeune artiste peintre 12<br />
4Construire les futures générations<br />
du Cambodge 13<br />
DOSSIER<br />
4La restauration artistique toujours<br />
et encore... 14<br />
4La communauté artistique khmère<br />
en France, entre idéal d’hier et<br />
d’aujourd’hui 15<br />
4La culture mais pourquoi ? 16<br />
4A la croisée des écoles de danse<br />
artistique 17<br />
Repères<br />
4Faune et flore du Cambodge<br />
en danger 18<br />
50 ans d’indépendance<br />
4De l’oasis de paix aux tourmentes<br />
de la guerre (1955-1970, les années<br />
du Sangkum) 20<br />
En bref 24<br />
Lecture<br />
4Apocalypse khmer 25<br />
Educatif<br />
4Introduction à l’alphabet khmer 26<br />
Cuisine<br />
4La recette du “Creung” 27<br />
Annonces 28<br />
L'ÉCRIT D'ANGKOR<br />
Une publication de AAJ (Asie Aide à la Jeunesse)<br />
8, rue Teste - 93420 VILLEPINTE<br />
Email : lecritdangkor@free.fr<br />
Information Tél. : 06 03 62 06 21 (Prasnar)<br />
édition trimestrielle<br />
Abonnement annuel : 15 euros<br />
Veuillez libeller votre chèque à l'ordre de AAJ<br />
N° ISSN en cours<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
É D I T O R I A L<br />
Entre expérience et espoir<br />
Tout d'abord, je tiens à souhaiter au nom de toute l'équipe rédactionnelle<br />
de <strong>L'Ecrit</strong> <strong>d'Angkor</strong>, une merveilleuse année à tous nos lecteurs<br />
et lectrices, ainsi qu'à tou(te)s nos ami(e)s. Que cette année soit aussi<br />
belle voire meilleure que 2003. "Qu'importent les trésors ! Plutôt qu'argent<br />
entasser, mieux vaut amis posséder" telles étaient les paroles de<br />
Nicolaï Gogol, et tel est l'état d'esprit avec lequel a été enfanté votre<br />
cher magazine. Et ce sont ces paroles qui nous poussent à améliorer<br />
sans cesse l’EDA afin que notre plaisir d'écrire soit aussi votre plaisir de<br />
lire.<br />
Pour commencer cette année 2004 du bon pied, il me parait important<br />
au préalable de mettre en avant les initiatives créatrices qui affirment<br />
l’espoir de renouveau d’une culture cambodgienne, qui avance<br />
indéniablement, et qui ne cesse de prendre des couleurs; elles sont les<br />
signes évidents d’une culture vivante et vigoureuse. L’enthousiasme et<br />
le mordant du groupe "Les FenX", de même que l'inspiration et la créativité<br />
du jeune peintre Rathana en sont une belle illustration.<br />
La culture est donc le maître mot de ce numéro de l’EDA... Vous<br />
constaterez de vous même que la moisson a été excellente! Vous partirez,<br />
par exemple, à la découverte de la littérature khmère, accompagnés<br />
de l’avis éclairé du professeur Khing Hoc Dy, spécialiste dans ce<br />
domaine. Ensuite, vous plongerez en profondeur dans le monde des<br />
associations culturelles et artistiques: "pourquoi, pour qui, avec qui et<br />
vers où"; même les plus sceptiques d’entre vous ne résisteront à l’appel,<br />
tant il est vrai qu'il est difficile de rester insensible à la danse de<br />
nos gracieuses et splendides Apsaras.<br />
L'actualité, quant à elle, n’est pas en reste. Toujour orientée vers<br />
de notre cher pays, nous vous proposons de suivre la seconde conférence<br />
intergouvernementale portant sur le temple <strong>d'Angkor</strong>, et de continuer,<br />
dans un second volet, notre survol de "50 ans d'indépendance<br />
pour le Cambodge".<br />
Pour finir, j'aimerais revenir sur le titre de l’édito, révélateur de mon<br />
optimisme quant à l'avenir de notre culture, et dont les racines sont<br />
issues de l'expérience de nos aînés. Elle sont riches de plusieurs millénaires<br />
d’une tradition khmère qui s'étendra vers les cieux grâce à la<br />
volonté et l'espoir de la jeunesse de prendre le relais. Le XXIème siècle<br />
sera sans conteste une période décisive dans la détermination de notre<br />
existence en tant que Khmer.<br />
Remerciements<br />
Le comité de rédaction composé de Borane Huy, Socrate Lao, Monica Lim, Hisham<br />
Mousar, Joty Mousar, Sovattha Nhem, Sophoat Ngau, Thaséda Ou, Sovichea Vanny,<br />
Borin Vorng, Prasnar Yi souhaite sincèrement remercier :<br />
Fodel Berrichi pour la relecture et la correction des articles, Thearron Sieng You pour le<br />
design et le graphisme, et Thierry By pour la coordination artistique.<br />
Nous tenons également à remercier les personnes suivantes pour leur participation à la<br />
rédaction des articles dans ce quatrième numéro :<br />
Chetra Chea, Mlle R. Ly, Nicolas Meas, Marion Rigaux et Brigitte Taveau<br />
Un profond remerciement à Josiane Legrand pour nous avoir permis d’utiliser une de<br />
ses magnifiques aquarelles pour la couverture de ce numéro.<br />
Compléments d’information<br />
Joty MOUSAR<br />
L’association Fondation pour le Transfert des Technologies (FETT) nous a demandé d’apporter<br />
le complément d’information suivant suite à notre article paru dans le numéro 3 -<br />
Novembre 2003 :<br />
Site web de l’association : http://groups.msn.com/laFETT<br />
Adresse e-mail : lafett@free.fr<br />
Contact : Olivier TAING, Président de la FETT, Responsable de projets informatiques<br />
d’ADMAHC (http://admahc.free.fr), Maître d’œuvre et d’ouvrage de la Faculté de Médecine<br />
Virtuelle de Phnom Penh<br />
Adresse : 1 montée de la boucle, 69300 Caluire et Cuire, France<br />
Téléphone : 06 16 94 36 23
CULTURE<br />
Les Apsaras, danseuses célestes<br />
De la magnificence de la civilisation angkorienne, les Apsaras sont le reflet vivant que nos ancêtres<br />
nous ont laissé, et bien plus qu'un bas-relief, c'est celui de la danse classique khmère. Figées<br />
dans les pierres, elles ont dansé pour les dieux, renaissant dans les beautés khmères, les danseuses<br />
célestes éblouissent nos yeux par leurs mouvements gracieux et lents à faire arrêter le temps.<br />
IImmortalisées dans les bas-reliefs des<br />
temples <strong>d'Angkor</strong>, ces danseuses célestes<br />
- mi-humaines et mi-divines, intermédiaires<br />
entre les dieux, le roi et le peuple<br />
- que sont les Apsaras, reflètent l'apanage<br />
de la culture khmère. Il y a déjà de cela plus<br />
d'un millénaire que naquit cette tradition de<br />
danses classiques royales dans les fabuleux<br />
temples <strong>d'Angkor</strong> qui, à l'époque, était un<br />
rituel destiné à communiquer avec les<br />
dieux, à les divertir. La reine des Apsaras<br />
accompagnée de ses suivantes est descendue<br />
du paradis d'Indra et a exécuté une<br />
danse pure pour le seul plaisir des yeux des<br />
humains.<br />
Selon une légende, le mariage d'un<br />
ermite indien, Kampu, avec une danseuse<br />
Apsara, Mera, a été nommé Kampumera,<br />
qui est devenu le Cambodge. Les enfants de<br />
cette union étaient les Khmers.<br />
Historique<br />
Le plus ancien texte khmer mentionnant<br />
des danseuses est, semble-t-il, une<br />
inscription du VIe ou VIIe siècle. A l'apogée<br />
<strong>d'Angkor</strong>, au XIIe siècle, elles seront<br />
des milliers attachées aux grands temples et<br />
au palais du roi.<br />
De 500 danseuses à l'époque d'Ang<br />
Duong (1796-1859), souverain poète et<br />
protecteur des arts, la troupe royale passa à<br />
un nombre amenuisé d'une cinquantaine de<br />
ballerines au début du XXe siècle. Cela<br />
n'empêcha pourtant pas ces déesses d'inspirer<br />
bien des gens, notamment Auguste<br />
Rodin qui fut subjugué lors de l'été 1906<br />
par leur beauté et laissa une série de dessins<br />
affirmant la grandeur et la splendeur du ballet<br />
royal khmer.<br />
Fort heureusement cet art divin est<br />
défendu et sauvé par la reine Kossamak,<br />
mère du roi Sihanouk qui, après 35 années<br />
d'efforts, lui a rendu tout son éclat. Dans les<br />
années 50, la princesse Bopha Devi, fille du<br />
roi Sihanouk, donna vie aux danseuses<br />
célestes, figées dans les pierres, en créant la<br />
danse des Apsaras.<br />
Malgré les années rouges de Pol Pot,<br />
grâce à quelques danseuses survivantes de<br />
cette période de terreur, l'université des<br />
Beaux Arts fut ouverte en 1981. Elles ont<br />
pu ainsi perpétuer l'essentiel de la grande<br />
tradition chorégraphique khmère.<br />
Un apprentissage draconien<br />
Traditionnellement, les danseuses sont<br />
formées dès leur plus jeune âge (huit ans),<br />
et c'est avec une concentration extraordinaire<br />
que ces petites fleurs étudient les mouvements<br />
lents et minutieusement codifiés de<br />
la danse classique khmère : les doigts<br />
recourbés, la taille cambrée, l'orteil redressé,<br />
positions des mains, pas et postures du<br />
corps, tout doit être répété des centaines de<br />
fois pour atteindre la perfection.<br />
Dix longues et laborieuses années d'apprentissage<br />
vont éprouver la morphologie<br />
des danseuses qui doivent littéralement se<br />
Grâce, harmonie et beauté<br />
plier aux contraintes de la danse, et cela tout<br />
en sachant que rien ne laisse supposer qu'elles<br />
deviendront à leur tour, le maillon de la<br />
tradition.<br />
Je me rappelle de ma visite à l'école des<br />
Beaux Arts, où l'on peut admirer ces petites<br />
danseuses qui s'entraînent et enchaînent les<br />
postures sous l'œil attentif des "neak krou"<br />
(maîtresses). Un entraînement en groupe,<br />
puis chacune des danseuses peaufinent son<br />
propre personnage, donc son propre Kbach.<br />
Les déplacements des rôles féminins restent<br />
délicats et gracieux tandis que les rôles<br />
masculins, des géants et des singes deviennent<br />
plus amples…<br />
Costumes célestes<br />
Chaque rôle, se différencie par un<br />
costume, une coiffure, des bijoux et parfois<br />
3<br />
un masque. Les costumes, "des étoffes"<br />
pliés, drapés et cousus à même le corps se<br />
transforment en parure somptueuse. Les<br />
costumes des personnages masculins sont<br />
portés de la manière d'un sampot, drapé en<br />
culotte bouffante, alors que les personnages<br />
féminins le revêtent à la façon d'un sarong.<br />
A tout cela viennent s'ajouter un ou deux<br />
kilogrammes d'ornements, de bijoux et<br />
pierres précieuses. Tous ces préparatifs sont<br />
très longs et durent en moyenne 3 heures.<br />
Le gestuel, un véritable langage<br />
Une longue initiation est nécessaire<br />
pour suivre parfaitement le déroulement<br />
d'une légende interprétée par les danseuses<br />
khmères. Chaque geste a sa propre signification,<br />
elle-même modifiée par les gestes<br />
qui suivent ou qui précèdent, ainsi que par<br />
les circonstances dans lesquelles il est exécuté.<br />
Telle pose de la tête, des bras, des jambes<br />
a sa désignation que vient compléter,<br />
atténuer ou nuancer telle autre pose, tel<br />
regard, voire une imperceptible contraction<br />
des sourcils.<br />
Malgré une codification rigoureuse, ces<br />
danses constituent un véritable langage gestuel<br />
d'environ 4500 mots et expressions<br />
avec son vocabulaire, sa grammaire et sa<br />
syntaxe.<br />
"La danseuse khmère est une actrice,<br />
une mime. Elle représente un personnage<br />
de légende. Elle exprime les sentiments et<br />
représente les actions que chante le chœur.<br />
Chaque phrase des chanteuses sollicite un<br />
geste ou détermine une attitude de la danseuse,<br />
toujours muette. Ces attitudes, ces<br />
gestes sont rituels, uniques et se sont transmis<br />
de génération en génération sans qu'il<br />
en existe une didactique, un modèle écrit et<br />
précis."<br />
"Ces gestes aboutissent généralement à<br />
une attitude précise, marquée l'espace d'un<br />
temps, que le rythme soit lent ou précipité,<br />
et abandonnée après être restée juste le<br />
temps qu'on la perçoive, qu'on l'admire et<br />
qu'on la regrette." (George Groslier)<br />
La danse classique khmère est une invitation<br />
au voyage, à la paix, à l'harmonie et<br />
offre pour vos yeux une inoubliable note de<br />
poésie et de féerie.<br />
Brigitte TAVEAU<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
4<br />
LITTERATURE<br />
Entretien avec Khing Hoc Dy, spécialiste de la<br />
littérature khmère<br />
A l'occasion des parutions, au Cambodge, de ses deux derniers ouvrages, en cambodgien, sur la<br />
littérature khmère du XIXème et du XXème siècle, nous avons rencontré KHING Hoc Dy, ancien<br />
professeur, actuellement chercheur au CNRS, qui a consacré sa carrière à la littérature khmère.<br />
Le Cambodge est souvent représenté<br />
par les temples <strong>d'Angkor</strong>, qui<br />
symbolisent l'art khmer par excellence<br />
; mais la connaissance que l'on<br />
peut avoir de la culture et de la société<br />
khmères passe également par l'étude de<br />
sa littérature. Si l'on accepte l'idée que la<br />
littérature est le miroir d'une société,<br />
alors l'étude de la littérature khmère, en<br />
complément d'autres matières telle que<br />
l'Histoire, apparaît nécessaire pour une<br />
meilleure compréhension de la société<br />
cambodgienne.<br />
KHING Hoc Dy, passionné de littérature<br />
khmère<br />
Né à Kompong Thom, au Cambodge,<br />
en 1945, KHING Hoc Dy, obtient le<br />
diplôme de l'Ecole Normale Supérieure<br />
de Phnom-Penh puis une Licence de<br />
Lettres. Il enseigne la littérature khmère<br />
à l'université de Phnom-Penh de 1967 à<br />
1971, date à laquelle il obtient une bourse<br />
et se rend à Paris, emportant avec lui<br />
les documents qu'il a pu collecter aux<br />
archives de l'Institut Bouddhique de<br />
Phnom-Penh, pour préparer sa thèse de<br />
doctorat de 3ème cycle qu'il soutient en<br />
1974. L'arrivée au pouvoir des khmers<br />
rouges l'empêche de retourner au<br />
Cambodge et il reste en France où, de<br />
1975 à 1985, il travaille à la section<br />
d'ethnomusicologie du Musée de<br />
l'Homme. Parallèlement il continue ses<br />
recherches grâce aux textes cambodgiens<br />
détenus par les Français, et dirige<br />
la revue "Seksa khmer", éditée par le<br />
CEDOREK, le centre de documentation<br />
et de recherche sur la civilisation khmère.<br />
Il intègre ensuite le CNRS, Centre<br />
National de la Recherche Scientifique,<br />
ce qui lui permet de se consacrer entièrement<br />
à sa passion et à son doctorat d'état<br />
qu'il obtient en 1993. Soucieux de sauvegarder<br />
et de faire connaître la littérature<br />
khmère, il publie de nombreux articles et<br />
ouvrages, tantôt en français, tantôt en<br />
khmer. Il enseigne également la littérature<br />
khmère à l'INALCO, Institut National<br />
des Langues et Civilisations Orientales<br />
mais reconnaît que l'étude de cette<br />
matière n'est pas aisée. Selon lui, les jeu-<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
Le professeur Khing Hoc Dy<br />
nes Cambodgiens de France qui souhaitent<br />
avoir accès à la littérature khmère<br />
doivent d'abord faire le pas de venir<br />
apprendre leur langue maternelle et ne<br />
doivent pas se décourager. Savoir lire et<br />
comprendre une bonne partie des textes<br />
leur permettra ensuite d'étudier la littérature<br />
khmère, en commençant par la lecture<br />
de la littérature moderne, plus<br />
accessible, pour ensuite remonter dans le<br />
temps.<br />
De la littérature ancienne à la littérature<br />
moderne<br />
L'histoire de la littérature khmère<br />
peut se diviser en trois grandes périodes :<br />
les ères pré-angkorienne et angkorienne<br />
(du VIIème jusqu'à la fin du XIVème<br />
siècle de l'ère chrétienne), l'époque<br />
moyenne (du XVème au XIXème siècle)<br />
et la période contemporaine (de la fin du<br />
XIXème siècle à nos jours).<br />
La littérature ancienne est essentiellement<br />
constituée de textes gravés dans<br />
la pierre, appelés textes épigraphiques.<br />
Ces inscriptions, souvent en sanskrit,<br />
sont précieuses puisqu'elles ont permis<br />
de reconstituer l'histoire du pays aux<br />
époques pré-angkorienne et angkorien-<br />
ne. De nombreuses études ont été consacrées<br />
à l'épigraphie, notamment de la<br />
part de George Coèdes.<br />
En revanche, peu d'intérêt a été porté<br />
au reste de la littérature ; KHING Hoc<br />
Dy oriente alors ses recherches sur la littérature<br />
de l'époque moyenne, dite "classique",<br />
qui constitue la partie la plus<br />
importante de la littérature khmère. Les<br />
supports majoritairement utilisés à cette<br />
période sont les feuilles de latanier (ou<br />
palmes) et le papier traditionnel, fabriqué<br />
à partir de l'écorce des mûriers. La<br />
littérature classique comporte des textes<br />
très variés que l'on peut classer en deux<br />
grands ensembles : la littérature sacrée et<br />
la littérature de divertissement. La première<br />
catégorie comprend les textes religieux,<br />
et notamment les jataka, récits des<br />
vies antérieures du Bouddha. Elle englobe<br />
également les chroniques royales du<br />
Cambodge, écrits historiques qui décrivent<br />
le pays ; ou encore les textes dits<br />
"techniques", comme les textes juridiques,<br />
les recueils de coutumes. Enfin,<br />
on peut classer parmi la littérature sacrée<br />
les textes éthiques qui énoncent des<br />
enseignements moraux, tels que les proverbes,<br />
dictons et maximes. La littérature<br />
de divertissement comprend elle aussi<br />
des textes très divers. On classe dans cet<br />
ensemble la littérature transmise oralement<br />
qui a ensuite été écrite. Il s'agit des<br />
contes et légendes, des devinettes, des<br />
chansons. Les contes et légendes cambodgiens<br />
sont très nombreux, et l'un des<br />
plus populaires est le conte du Juge lièvre.<br />
Cette matière a fait l'objet de diverses<br />
études permettant de les classer, et l'une<br />
des spécialistes de ce sujet est Solange<br />
Thierry. A côté de cette littérature populaire,<br />
on trouve également une littérature<br />
plus savante qui comprend les épopées,<br />
dont la plus célèbre est le Ramakerti,<br />
Ramayana cambodgien ; et les romans<br />
classiques en vers. Les œuvres romanesques<br />
classiques ont fait l'objet de peu<br />
d'études, en partie parce qu'il s'agit de<br />
textes longs et relativement difficiles à<br />
lire du fait de l'emploi de termes issus du<br />
sanskrit ou du pali. Il n'en demeure pas<br />
moins que ces romans en vers, dont les
thèmes s'inspirent largement du bouddhisme,<br />
représentent une part importante<br />
de la littérature khmère.<br />
Avec l'arrivée des Français, devenus<br />
protecteurs en 1863, et le développement<br />
de l'imprimerie, la littérature se transforme<br />
peu à peu. On voit apparaître de nouveaux<br />
genres littéraires, et notamment le<br />
roman moderne, exclusivement écrit en<br />
prose, et non plus en vers comme à l'époque<br />
précédente. Rim Kin est l'auteur<br />
du premier roman moderne, intitulé<br />
"Suphat", publié en 1942, qui eut un<br />
grand succès. Parmi les écrivains<br />
contemporains connus, nous pouvons<br />
également citer Biv Chhay Leang, auteur<br />
de nombreux romans, dont "Les<br />
Bracelets jumelés", adapté au cinéma. Si<br />
le thème prédominant des romans de la<br />
littérature contemporaine est l'amour, on<br />
recense également des romans d'aventure<br />
et de mystère, des romans historiques,<br />
policiers ou encore politiques. A partir<br />
des années 1960, d'autres genres littéraires<br />
apparaissent, tels les romans photo,<br />
bandes dessinées, les essais et études ou<br />
les poèmes modernes.<br />
Perspectives pour la littérature<br />
khmère<br />
La période khmère rouge, avec la<br />
destruction du patrimoine littéraire et l’élimination<br />
de nombreux écrivains, a été<br />
désastreuse pour la<br />
littérature khmère.<br />
De 1975 à 1979,<br />
aucune œuvre n'est<br />
publiée, mis à part les<br />
poèmes et articles de<br />
propagande. S'il existe<br />
à l'heure actuelle<br />
des auteurs cambodgiens,<br />
ils sont<br />
confrontés, comme<br />
toute la population,<br />
aux difficultés aux-<br />
quelles doit faire face le pays et ne peuvent<br />
vivre de leur seule écriture. Par<br />
ailleurs, du fait de la concurrence de l'audiovisuel,<br />
le nombre de lecteurs est relativement<br />
faible ; il est en effet plus difficile<br />
de lire que de regarder et écouter.<br />
KHING Hoc Dy soutient qu'il faut toutefois<br />
éduquer la population et relancer la<br />
lecture. C'est la raison pour laquelle,<br />
après avoir publié de nombreux articles<br />
et ouvrages sur la littérature khmère,<br />
souvent en langue française, parfois en<br />
anglais et en cambodgien, il souhaite<br />
aujourd'hui se consacrer plus particulièrement<br />
au public cambodgien. Ses<br />
S'il existe à l'heure<br />
actuelle des auteurs<br />
cambodgiens, ils sont<br />
confrontés, comme<br />
toute la population,<br />
aux difficultés auxquelles<br />
doit faire face<br />
le pays et ne peuvent<br />
vivre de leur seule<br />
écriture.<br />
Anthologie de la littérature khmère du<br />
XIXème siècle<br />
ouvrages, "Anthologie de la littérature<br />
khmère du XIXème siècle" (311 pages) et<br />
"Anthologie de la littérature khmère du<br />
XXème siècle" (667 pages), publiés en<br />
khmer, ont pour objet de faire découvrir<br />
aux Cambodgiens leur littérature. Il y<br />
présente des extraits choisis de textes,<br />
sans apporter de jugement de valeur, et<br />
en mentionnant la biographie de l'auteur<br />
lorsque celle-ci a pu<br />
LITTERATURE<br />
être reconstituée.<br />
Après les XIXème<br />
et XXème siècles,<br />
KHING Hoc Dy projette<br />
de publier des textes<br />
du XVIIIème siècle.<br />
Nous espérons que<br />
son travail trouvera<br />
écho auprès du public<br />
et que les autorités et<br />
les responsables cambodgiens<br />
auront cette même volonté de<br />
faire perdurer la littérature khmère afin<br />
que notre culture ne soit pas, à terme,<br />
évincée par celle de nos voisins.<br />
Monica LIM<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
Nous citons ici quelques éléments bibliographiques<br />
de KHING Hoc Dy ; vous<br />
pourrez trouver l'ensemble de ses ouvrages<br />
et articles sur http://aefek.free.fr/travaux/index.html<br />
Ouvrages<br />
- Contes et légendes du pays khmer,<br />
Conseil International de la langue française,<br />
Paris, 1989<br />
- Contribution à l'histoire de la littérature<br />
khmère, volume 1 : L'époque<br />
"classique" (XVe-XIXe siècles),<br />
Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris, 1991<br />
- Contribution à l'histoire de la littérature<br />
khmère, volume 2 : Ecrivains et<br />
expressions littéraires du Cambodge au<br />
XXe siècle,<br />
Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris, 1993<br />
5<br />
- Un épisode du Ramayana khmer,<br />
Rama endormi par les maléfices de Vaiy<br />
Rabn,<br />
Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris, 1995<br />
- Aperçu général sur la littérature<br />
khmère (en cambodgien),<br />
Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris 1997<br />
- Anthologie de la littérature khmère du<br />
19ème siècle (en cambodgien),<br />
Khing Hoc Dy, Pannakear Angkor,<br />
Phnom Penh, 2003<br />
- Anthologie de la littérature khmère du<br />
20e siècle (en cambodgien),<br />
Khing Hoc Dy, Pannakear Angkor,<br />
Phnom Penh, 2004<br />
Articles<br />
- "Quelques témoignages et expériences<br />
de recherches sur la littérature d'expression<br />
orale et écrite au Cambodge",<br />
Objets et Mondes (Paris), t. 23, fasc. 3-4,<br />
1983 : 111-116.<br />
- "La poésie cambodgienne de langue<br />
khmère et de langue française", Lettres<br />
et Cultures de langue française (Paris),<br />
VIII, n° 4, 1985 : 3-12.<br />
- "Le développement économique et la<br />
transformation littéraire dans le<br />
Cambodge moderne", Journal de<br />
l'Association des Médecins du Vietnam<br />
(Paris), n° 42, 1998 : 16-17.<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
6 CONFERENCE<br />
Seconde Conférence Intergouvernementale<br />
sur la sauvegarde et le développement<br />
durable <strong>d'Angkor</strong> et de sa région<br />
Les 14 et 15 novembre 2003 ont eu<br />
lieu, à Paris, la seconde Conférence<br />
Intergouvernementale sur la sauvegarde<br />
et le développement <strong>d'Angkor</strong> au<br />
Centre de Conférences internationales de<br />
Paris. Organisé par la France et le Japon,<br />
avec le concours de l'UNESCO, cet événement<br />
a été inauguré par le ministre des<br />
Affaires étrangères, M. Dominique de<br />
Villepin, et par M. Ichiro Aisawa, son<br />
homologue japonais, vice ministre, en présence<br />
d'une très importante délégation cambodgienne,<br />
conduite par Son Altesse<br />
Royale la Princesse Norodom Buppha<br />
Devi, ministre de la culture du Cambodge,<br />
le ministre d'état S.E. Vann Molyvann - l'inventeur<br />
et le principal moteur de ce programme<br />
international -, et les représentants<br />
de l'Autorité pour la Protection du Site et<br />
l'Aménagement de la Région <strong>d'Angkor</strong><br />
(APSARA), qui est en charge, depuis 1995,<br />
de la gestion du site.<br />
Tout au long des deux journées, des<br />
réunions de travail des commissions techniques<br />
ad-hoc et des séances plénières se<br />
sont déroulées sous la présidence de M.<br />
Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture<br />
et de la communication, avec la participation<br />
de nombreux officiels, d'éminents<br />
experts sur le développement, de spécialistes<br />
et de chercheurs, de représentants d'instances<br />
financières mondiales (Banque<br />
mondiale, FMI, BAD, …) et d'organisations<br />
non-gouvernementales, tous, associés<br />
à ce dispositif de coopération internationale<br />
pour la sauvegarde et la mise en valeur du<br />
site <strong>d'Angkor</strong>. Co-présidée par la France et<br />
le Japon depuis octobre 1993, en coopération<br />
étroite avec l'UNESCO, cette instance<br />
compte aujourd'hui plus de vingt états<br />
membres, dont l'Inde impliquée dans la restauration<br />
du site dans les années 80, durant<br />
le régime de l'Etat du Cambodge, qui fait un<br />
retour remarqué et salué par tous.<br />
Déclaration de Paris du 15 novembre<br />
2003<br />
Cette conférence a pour vocation,<br />
conformément aux objectifs fixés par la<br />
première, celle tenue à Tokyo en 1993, de<br />
dresser le bilan de dix ans d'activités en<br />
matière de formation, de recherche, de protection<br />
du patrimoine et de mise en valeur<br />
du site <strong>d'Angkor</strong>. Elle permet par ailleurs<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
Paris, 14 - 15 novembre 2003<br />
Son Altesse Royale Buppha Devi, Ministre de la culture du Cambodge, M. de Villepin et<br />
M. Ichiro Aisawa, vice ministre japonais des Affaires étrangères © F. de la Mure<br />
d'élaborer un plan d'action pour la décennie<br />
2003-2013 et portera une attention particulière<br />
aux perspectives de développement<br />
durable de la région. Al'issue de celle-ci, les<br />
pays et les instances internationales, membres<br />
de ce dispositif ont confirmé leurs<br />
engagements à travers le texte de la<br />
Déclaration de Paris du 15 novembre 2003<br />
qui stipule en substance les grandes lignes<br />
suivantes :<br />
4 la volonté de poursuivre la coopération<br />
internationale dans le cadre du Comité<br />
International de coordination pour la sauvegarde<br />
et le développement du site <strong>d'Angkor</strong><br />
en renforçant le rôle de l'Autorité APSARA<br />
au sein de ce mécanisme et en préservant<br />
l'approche intégrée et pluridisciplinaire ;<br />
4 le souhait de voir élaborer un document<br />
précisant l'éthique et la pratique de la<br />
conservation (conservation, mise en valeur<br />
et développement), dont les principes doivent<br />
se conformer à encourager un tourisme<br />
solidaire et durable dans la zone de<br />
Siem Reap/Angkor, qui puisse devenir un<br />
outil véritable de lutte contre la pauvreté ;<br />
4 l'importance d'associer les populations<br />
locales à la promotion de cette politique,<br />
afin de mettre en valeur la diversité de leurs<br />
ressources culturelles, et leur faciliter l'accès<br />
d'une part à l'éducation et à la formation,<br />
d'autre part à l'emploi et à la vie culturelle<br />
;<br />
4 la nécessité de transférer le savoir-faire<br />
entre les experts internationaux et leurs<br />
homologues cambodgiens et de contribuer<br />
à la promotion de la formation universitaire<br />
et de la recherche ;<br />
4 la mise en commun des connaissances et<br />
informations relatives à Angkor par un soutien<br />
actif et permanent au Centre international<br />
de documentation pour Angkor (APSA-<br />
RA/UNESCO) où tous les intervenants<br />
sont encouragés à y déposer régulièrement<br />
les documents relatifs à leurs travaux passés<br />
et en cours ;<br />
4 la mise en sécurité du site <strong>d'Angkor</strong> tant<br />
au niveau du déminage que de la lutte contre<br />
le pillage archéologique.<br />
Enfin, tous les membres ont convenu de<br />
la tenue d'une troisième conférence, en<br />
temps opportun, afin d'examiner les progrès<br />
réalisés et de débattre de la nécessité de<br />
nouvelles actions. Cette Conférence pourrait<br />
alors se tenir au Cambodge.<br />
Un hommage particulier à l'EFEO<br />
Cette réunion a été l'occasion pour tous<br />
les participants de rendre hommage à l'immense<br />
travail accompli depuis plus d'un<br />
siècle au travers de l'Ecole Française<br />
d'Extrême-Orient (EFEO), précurseur dans<br />
le domaine de l'étude et de la préservation<br />
du site <strong>d'Angkor</strong>.<br />
La conférence a pris fin le samedi 15<br />
novembre 2003, à 16h30, sous les auspices<br />
de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué<br />
à la coopération et à la francophonie.<br />
Nicolas MEAS
CONFERENCE<br />
Bilan et perspectives sur la conservation<br />
d’Angkor et de sa région<br />
Bilan de la décennie de sauvegarde<br />
(1993 - 2003)<br />
Moins d'un an après l'inscription du site sur la Liste du patrimoine<br />
mondial, la première Conférence intergouvernementale sur<br />
Angkor, organisée à Tokyo, les 12 et 13 octobre 1993, a véritablement<br />
lancé le programme international en faveur du site éco-historique<br />
<strong>d'Angkor</strong>. Le Gouvernement Royal du Cambodge et la communauté<br />
internationale s'étaient alors fixés trois objectifs majeurs :<br />
Mobiliser la communauté internationale<br />
A l’instar des grandes campagnes internationales de sauvegarde<br />
des monuments de Nubie (1960), de Venise<br />
(1966), de Borobudur (1972) et de Carthage<br />
(1972), la mobilisation de la communauté<br />
internationale pour Angkor a réuni plus d'une<br />
vingtaine de pays, organisations internationales<br />
et partenaires privés qui contribuent financièrement<br />
à la sauvegarde et au développement<br />
du site, pour un montant total de 5<br />
millions de dollar US par an en moyenne, avec<br />
maintenant dix ans d’activités.<br />
Remplir cinq conditions posées par le Comité du<br />
Patrimoine Mondial<br />
La première condition porte sur la création du Comité international<br />
de Coordination pour la sauvegarde et le développement du<br />
site historique <strong>d'Angkor</strong> (CIC), véritable instance politique où siègent<br />
les représentants des pays et organisations membres. Son<br />
secrétariat était assuré par l'UNESCO.<br />
Deux autres conditions ont été remplies grâce à l'adoption, le<br />
28 mai 1994, du Décret Royal sur le zonage de la région de Siem<br />
Reap / Angkor qui instaure son découpage en cinq niveaux de protection.<br />
Le 19 février 1995, le Gouvernement Royal du Cambodge<br />
remplit la quatrième condition, en créant par décret, un établissement<br />
public national chargé de la gestion du site : l'Autorité pour la<br />
Protection du Site et l'Aménagement de la Région <strong>d'Angkor</strong>, mieux<br />
connu sous le nom d'Autorité APSARA.<br />
La dernière des cinq conditions a été remplie le 25 janvier<br />
1996, avec la promulgation de la loi sur la protection du patrimoine<br />
culturel national, élaborée avec le soutien de l'UNESCO, et dont<br />
le décret d'application est entré en vigueur le 18 septembre 2002.<br />
Mettre en oeuvre un plan de sauvegarde<br />
Un plan quinquennal est présenté par les autorités cambodgiennes<br />
lors de la première réunion du CIC, les 22 et 23 décembre<br />
1993. Ce plan adopte une approche résolument transdisciplinaire,<br />
au service d'un développement durable de la Région de Siem Reap<br />
/ Angkor, dans le respect du site et de son environnement local. Il<br />
donne une vision originale du site d’Angkor devant à la fois être<br />
perçu comme :<br />
- Un site culturel majeur, comptant une quarantaine de monuments<br />
principaux et des centaines de sites archéologiques ;<br />
- Un espace naturel exceptionnel, de 40.000 hectares, fait de rivières,<br />
de forêts et de rizières ;<br />
- Un lieu de vie, avec la présence de plusieurs dizaines de milliers<br />
d'habitants, installés dans les différents villages répartis sur l'ensemble<br />
du site.<br />
Huit secteurs d'intervention sont proposés par les autorités<br />
cambodgiennes qui constituent, depuis 10 ans, la trame de l'ensemble<br />
du programme international <strong>d'Angkor</strong>.<br />
7<br />
Perspectives de développement durable<br />
(2003 - 2013)<br />
Angkor constitue pour le Cambodge un atout culturel et patrimonial<br />
exceptionnel à mettre au service du développement économique<br />
et social du pays. La richesse du site archéologique suscite<br />
à elle seule l'intérêt des visiteurs nationaux comme internationaux.<br />
Sa fréquentation est ainsi passée de 90.000 visiteurs internationaux<br />
en 1996 à 320.000 en 2002, le nombre de visiteurs cambodgiens<br />
étant évalué en 2004 à près de 300.000 personnes.<br />
La maîtrise du tourisme culturel<br />
Le développement d'un tourisme culturel<br />
maîtrisé dans la région de Siem Reap / Angkor<br />
est devenu un enjeu national qui suppose l'implication<br />
et la formation des populations locales<br />
dans les activités génératrices de revenus<br />
mais aussi la mise en place de procédures équitables<br />
de répartitions des retombées financières<br />
du tourisme afin d'améliorer leurs conditions<br />
de vie. L'objectif de cette politique touristique<br />
réclame de la région qu’elle devienne une destination<br />
de “séjour haut de gamme”, choisie<br />
par les visiteurs pour la qualité et la diversité de son offre touristique<br />
et culturelle, mais aussi pour la facilité de son accès aérien. Il<br />
s'agit de favoriser l'allongement de la durée moyenne de séjour en<br />
donnant aux visiteurs le goût et l'envie de découvrir les multiples<br />
attraits de la région, et de générer une activité économique accrue<br />
pour créer, à terme, 50.000 emplois. Il s'agit aussi d'utiliser la notoriété<br />
<strong>d'Angkor</strong>, pour ouvrir, dans le cadre d'une politique d'aménagement<br />
du territoire, l'ensemble des richesses du pays au développement<br />
touristique.<br />
Aménagement des “Portes d’Angkor”<br />
Dans cette perspective, l'aménagement des "Portes <strong>d'Angkor</strong>",<br />
espace de transition vers le site archéologique, sera un facteur fort<br />
de développement du tourisme en apportant les services d'accueil<br />
et d'information qui aujourd'hui font défaut. Il pourra aussi, par des<br />
équipements adaptés, attirer progressivement de nouveaux segments<br />
de marché touristique, générateurs de ressources nouvelles,<br />
notamment pendant la basse saison du tourisme traditionnel. Le<br />
rôle de l'Autorité APSARA sera, à cet égard, décisif.<br />
Aménagement de l’environnement urbain et régional<br />
de Siem Reap<br />
Le développement d'un tourisme de qualité à Angkor doit être<br />
indissociable d'une amélioration durable de l'environnement urbain<br />
à Siem Reap, de plus en plus menacé par l'augmentation des flux<br />
de visiteurs et des populations. Son patrimoine propre, architectural<br />
et naturel, nécessite, en priorité, une mise en valeur à la hauteur<br />
des attentes des visiteurs et des besoins des habitants, notamment<br />
les plus défavorisés.<br />
Les autorités municipales et provinciales de Siem Reap auront<br />
là un rôle privilégié à jouer. Car cette politique de valorisation touristique,<br />
culturelle et environnementale doit être mise en œuvre à<br />
l'échelle de la région tout entière et, à terme, du pays dans son<br />
ensemble.<br />
Ce article a été élaboré à partir des documents présentés lors de la<br />
Seconde conférence intergouvernementale sur la conservation d’Angkor<br />
et de sa région, à Paris, le 14 et 15 novembre 2004.<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
8 CONTE KHMER<br />
Les collines du Cambodge<br />
Comme dans toutes les civilisations,<br />
la civilisation cambodgienne<br />
possède elle aussi sa littérature<br />
populaire. Celle-ci se présente sous<br />
forme de contes, de légendes, de proverbes...<br />
qui sont transmis de génération en<br />
génération dans les villages khmers. "La<br />
colline des hommes et la colline des femmes"<br />
est une des petites histoires que<br />
1'on peut retrouver dans le recueil des<br />
"Contes et légendes du pays khmer",<br />
regroupant divers contes recueillis et traduits<br />
par Khing Hoc Dy.<br />
Ce conte est singulier en soi parce<br />
qu'il relate comment les relations entre<br />
hommes et femmes ont pu évoluer au gré<br />
des époques. Mettant ainsi en scène, un<br />
jeu empreint d'humour et de malice, où<br />
le prix serait le droit d'être courtisé par<br />
les vaincus. Au delà de cet aspect culturel,<br />
et comme tout conte qui se respecte,<br />
la morale reprend le dessus et rétablit<br />
l'ordre des choses, rendant ainsi, à celles<br />
qui font tant pour inspirer les cœurs des<br />
Roméo, celles qui n'ont de cesse, de tout<br />
faire pour rappeler aux valentins qu'être<br />
aimé est intemporel.<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
R. Ly<br />
Si nous faisons le voyage de Phnom<br />
Penh à Kompong Cham, en prenant la<br />
route nationale 7 pour arriver à la borne<br />
kilométrique 116, et que l’on regarde au<br />
nord-est, à notre gauche, à une distance<br />
d'un kilomètre de la route nationale, nous<br />
voyons deux collines qui se dressent<br />
côte-à-côte. On remarque alors que celle<br />
de l’est est plus haute que celle de<br />
l'ouest. La plus haute s'appelle Phnom<br />
Srei, "colline des femmes", et la moins<br />
haute est dénommée Phnom Pros, "colline<br />
des hommes".<br />
La "colline des hommes et<br />
la colline des femmes"<br />
d’après le recueil des "Contes et légendes du pays khmer",<br />
regroupant divers contes recueillis et traduits par Khing Hoc Dy<br />
er]gPñMRbusPñMRsI<br />
ebIeyIgeZVIdMeNIrecjBIRkugPñMeBjeTAkMBg´cam tampøÚvCatielx7 dl´eTA<br />
eKalKILÚEm¨RtTII 116 ehIyecalEPñkeTATis¤sanEdlenAxageqVgéd<br />
cMgay BIzñl´CatieTA RbmaNCamYyKILÚEm¨Rt eyIgnwgeXIjPñM2enATnÞwmKña<br />
1xagekItx¬s´ 1xaglicTab . PñMx¬s´eQµaHPñMRsI PñMTabeQµaHPñMRbus .<br />
er]geRBgRbcaMPñMenaH mandUcteTAenH ;<br />
kalBIeRBgnay manesþcRsImYyRBHGgEdlenAeRkamRBHraeCavaTRBHnag k¾dNþwg<br />
Rbus> eZVICasVamItamEdr .<br />
~grC¢kalenaH muxKYroevTnanwgRsI>xøHEdlmanrUbGn´>eTAdNþwgRbus><br />
eKnaMKñaRbEkkminyk eKerIsEtRsI>manrUblÁ eTIbykeZVICaPriya . eZVIdUc<br />
enH Gs´mYyraCüesþcRsIenH . luHmkdl´raCüesþceRkay>eT[t BYkRsI><br />
CMnuMKñaza ²"«LÚvenHdUcCaminsmesaH xøÜneyIgCaRsI ehIyedIrdNþwgRbus><br />
eZVICabþI ebIdUecñHeyIgnwgnaMKñaelIkdIBUnCaPñM Pñal´CamYynwgBYkRbus><br />
KWRbuselIkdIeZVICaPñMmYy eyIgRsIeZVICaPñMmYy Pñal´Kña . ebIRbus>caj´eyIg<br />
RtUvoRbus>dNþwgeyIgCaRsIvij³ . luHKitdUecñHehIy k¾naMKñaeTAbbYl<br />
BYkRbus>eZVIPñM cuHxsnüaPñal´Kña dUceBalmkehIy eKk¾:ncat´emkMENn<br />
ekNÐmnusSRsIo:neRcIn xagRbusmankMENnxagRbusedIrekNÐ xagRsI<br />
manemkMENnxagRsIedIrekNÐ luHekNÐ:nKñaeRcInRKb´cMnYnxagRbus<br />
xagRsI rYcehIyk¾niyaynwgKñaza ²eyIgTaMgGs´KñaRtUvCJ¢ÚndIdrabp,ayRBwk<br />
rH eTIbQb´TaMgGs´Kña ebIp,ayRBwkminrHminRtUvQb´eT³ . KitRBmKña<br />
dUcenHehIy k¾naMKñaCJ¢ÚndI ErkTUltamzamPaBer[gxøÜneTA .<br />
eBlenaHCaeBlraRtI BYkRsI>manR:C\a CJ¢ÚnGs´evla 3-4 em¨ag<br />
k¾naMKñabgØÚteKamtUcmYyy¨agx¬s´ enARCug¤sanPñM BYkRbusRkeLkemIleTA<br />
elI eXIjeKamEdlRsIbgØÚtnwg#sSImYyedImenaH sµanzap,ayRBwkrH<br />
k¾bbYlKñaQb´eZVIkar naMKñaniRTalk´Gs´eTAKµansl´mñak´ BYkRsI>k¾naMKña<br />
CJ¢ÚndIdrabdl´p,ayRBwkrHEmnETn eTIbQb´ .<br />
dl´man´rgavkWt Rbus>P\ak´eLIg eXIjp,ayRBwkrH k¾lan´mat´za ²eyIg<br />
TaMgGs´KñaxusehIy p,ayRBwkEmnETneTIbEtnwgrHesaH³ ehIynaMKña<br />
RkeLkemIleTAPñMRsImanTMhMZMx¬s´CagPñMrbs´xøÜn k¾manesckIþeG[nGn´~gcitþ<br />
edaycaj´klRsI> .<br />
taMgBIkalenaHmk Rbus>k¾dNþwgRsI> eZVICaPriyadrabdl´mksBVézá .
Voici la légende concernant ces collines<br />
:<br />
Il y a fort longtemps, une reine nommée<br />
Srei Ayuthyea régnait dans le Pays<br />
des Khmers. Comme elle était souveraine<br />
régnante, personne n'osait la demander<br />
en mariage pour en faire son épouse.<br />
C'est donc elle qui demanda en mariage<br />
un bel homme qui lui plaisait. Suivant<br />
I'exemple de la reine Srei Ayuthyea qui<br />
avait choisi son époux, les femmes qui<br />
étaient sous son auguste autorité firent de<br />
même.<br />
Durant ce règne, il était pitoyable de<br />
voir certaines femmes qui, ayant un physique<br />
désavantageux, demandaient les<br />
hommes en mariage ; ceux-ci les refusaient.<br />
Ils acceptaient seulement de belles<br />
femmes à prendre comme épouses.<br />
Cela dura tout le règne de cette souveraine.<br />
Au cours du règne qui suivit, les femmes<br />
tinrent réunion et dirent :<br />
- A présent, c'est indigne pour nous,<br />
les femmes, d'aller demander les hommes<br />
en mariage. Pour cela, nous allons<br />
prendre de la terre pour en élever des<br />
collines et nous proposerons un pari aux<br />
hommes : eux, avec de la terre, devront<br />
élever une colline et nous, les filles,<br />
ferons de même. Parions ensemble.<br />
Si les hommes perdent, ceux-ci, à<br />
leur tour, devront nous demander, nous,<br />
les femmes, en mariage.<br />
Après avoir réfléchi à cela, elles allèrent<br />
proposer aux hommes le projet de<br />
pari comme il a été dit. On choisit des<br />
chefs de recrutement qui furent chargés<br />
d'aller quérir en grand nombre des participants<br />
et des participantes. De tous les<br />
hommes, il y eut un chef de recrutement<br />
qui alla rassembler les hommes, de<br />
même pour toutes les femmes. Des hommes<br />
et des femmes étant rassemblés en<br />
nombre suffisant, ils parlèrent entre eux:<br />
“Nous tous, nous devrons transporter<br />
de la terre jusqu'à 1'apparition de 1'étoile<br />
du matin. Tant qu'elle ne se lèvera pas,<br />
nous ne devrons pas nous arrêter”.<br />
Ceci étant accepté, ils transportèrent<br />
de la terre en la mettant sur les épaules<br />
ou sur la tête selon la force de chacun.<br />
A un certain moment pendant la nuit,<br />
après trois ou quatre heures de travail,<br />
les femmes, plus intelligentes, hissèrent<br />
une petite lanterne, le plus haut possible,<br />
du côté nord-est de la colline. Les hommes,<br />
voyant cette lanterne que les femmes<br />
avaient hissée à l'aide d'un bambou,<br />
la prirent pour 1'étoile du matin. Ils cessèrent<br />
de travailler et s'endormirent tous<br />
sans exception pendant que les femmes<br />
POÊME KHMER<br />
:nsm|tiþ:t´esrI<br />
1- masR:k´RKan´EttMekIgys o:nx¬g´x¬s´EtmYymux<br />
sm|tiþminGacrMlt´Tuk¡ oeyIg:nsuxedaysareT .<br />
2- suxTuk¡ekItmkBIkiriya xøHRky¨agNasuxCageK<br />
xøHmanZnZaneRcInemø¨HeT CaemmanTuk¡rhUtsøab´ .<br />
3- xøHRkrkR:k´mYykak´Kµan sb|ayCab´manCalMdab´<br />
dUcer]gxageRkamEcgosþab´ sUmsþab´ehIyCYyBicarNa .<br />
4- manelaktamñak´nameQµaHZUr lk´TwketñatCUrCaZmµta<br />
CaCnsb|ay«tóbma rkCnÉNaeRb[bBuM:n .<br />
5- ral´ézáBIRBwkTl´RBlb´ hYceRc[g«tQb´bgÁg´xan<br />
RTmYyek[kCab´EtnwgR:N kUtelgkMsanþRbRktI .<br />
6- lk´dUr:nRKan´EtsIucay Et«txVl´xVayBIer]gGIV<br />
manEtBIrnak´RbBnÆbþI rs´edayesrITaMgBIrR:N .<br />
7- ézámYymanecAKat´mYynak´ oR:k´Kat´eRcInBn´RbmaN<br />
suMEtQb´eRc[gelgkMsanþ ehIyERbsnþancitþCazµI .<br />
8- GreBktaZUrelatkeBaäg Qb´eRc[gQb´elgRTcabuI<br />
edkcaMEtR:k´ElgeZVIGVI BuMh)ancuHdIedIreTANa .<br />
9- yb´>Kat´edkBuMsUvlk´ Gg
10<br />
COMMUNAUTE<br />
La team , des arts martiaux artistiques<br />
Certains lecteurs ignorent encore l'existence de ces jeunes motivés ayant créé eux-mêmes leur<br />
propre équipe .Ceux qui ont eu la chance de les voir, notamment à la soirée LJK le 31 octobre<br />
dernier, sont restés agréablement surpris.<br />
La Team Fen'X a été créée le 1er janvier 2003 par Jean-<br />
Paul, Jean-Michel et Shin Myong. Cette jeune équipe<br />
dont l'âge des membres varie entre 16 et 22 ans est principalement<br />
axée sur un sport encore peu développé en France:<br />
le Martial Arts Tricks. Ce dernier est un mélange d'arts martiaux,<br />
de gymnastique, et de toutes sortes de mouvements acrobatiques,<br />
provenant de sports extrêmes variés (tel que<br />
le snowboarding par exemple).<br />
L'équipe compte actuellement 11 membres<br />
provenant tous de divers sports et arts<br />
martiaux tels que la capoeira, le taekwondo,<br />
l'aïkido, le karaté, le breakdance<br />
et la gymnastique.<br />
Les membres font, pour la plupart,<br />
partie de la même famille, ou<br />
sont des amis d'enfance très proches.<br />
La team Fen’X forme avant<br />
tout, une bande d'amis, ce qui l'assimile<br />
à une grande famille.<br />
Son projet serait de s'orienter<br />
vers le cinéma, et pourquoi pas devenir<br />
des cascadeurs.<br />
La team s'est présentée lors d'une<br />
rencontre intercontinentale d'arts martiaux<br />
artistiques : le NASC (National All<br />
Stars Cup), organisé par la team<br />
C.A.S.C.A.D.E., le 07 Décembre 2003. Jean-Paul a<br />
lui-même participé à cette compétition, dans la catégorie<br />
espoir français. Il est arrivé 4ème sur 17 compétiteurs. D'autres<br />
membres de l'équipe se sont également illustrés lors de cette<br />
compétition, Daren Nop a remporté une 3ème place contre des<br />
Américains (pays fondateur du "Martial Arts Tricks"), dans la<br />
catégorie moins de 17ans, et aussi Kao Tauboug, qui a effectué<br />
une excellente prestation.<br />
La team Fen’X a aussi à ce jour tourné dans des clips<br />
vidéos, assisté à des courts métrages notamment avec l'assistant<br />
de Luc Besson.<br />
Concernant Jean-Paul, il a pu s'illustrer au festival de Bercy<br />
2003, et au festival de la nuit des arts martiaux “Nice 2003”, à<br />
la Garden Party.<br />
Je me suis entretenu avec Jean-Paul, l'un des membres fondateurs<br />
de Fen’X.<br />
L’Ecrit d’Angkor. - Bonjour Jean-Paul<br />
Jean-Paul. - Bonjour à EdA et aux lecteurs.<br />
EDA. - Actuellement peu connu par la communauté cambodgienne<br />
de France; lors de la soirée anniversaire LJK,<br />
t'attendais-tu à un tel enthousiasme de la part du public ?<br />
Jean-Paul - Nous ne nous attendions pas du tout à un tel<br />
enthousiasme, cela nous a particulièrement touché. Et cela<br />
nous a fait réellement plaisir.<br />
EDA. - Combien d'heures vous entraînez-vous par semaine ?<br />
Jean-Paul. - 4 heures par semaine.<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
EDA. - Depuis quand pratiques-tu cette forme d'arts martiaux<br />
?<br />
Jean-Paul. - Depuis 2 ans.<br />
EDA. - Quelles sont les idoles qui t'ont poussé à faire cela?<br />
Jean-Paul. - Chris Devera et Steve Terada !!<br />
EDA. - Penses-tu que n'importe qui serait<br />
capable de pratiquer le MARTIAL ARTS<br />
TRICKS?<br />
Jean-Paul. - Oui bien sûr, la grande<br />
condition c'est "LA PASSION" !! Mais<br />
il faut avoir néanmoins de bonnes<br />
bases en arts martiaux pour les postures,<br />
les poings, les pieds.<br />
EDA. -Aimerais-tu un jour faire<br />
une représentation devant des<br />
enfants khmers au Cambodge ?<br />
Jean-Paul. - Nous le savons tous, le<br />
sport unit les nations et les peuples.<br />
Faire une représentation pour des<br />
enfants khmers serait bien sûr un honneur,<br />
et également une joie. Cela nous permettrait<br />
de montrer à notre communauté<br />
notre sport et les valeurs des arts martiaux<br />
EDA. - J'ai pu assister à plusieurs de vos prestations, on<br />
pourrait penser que vous sortez d'un jeu vidéo, pensez vous<br />
avoir dépassé cela ?<br />
Jean-Paul. - Certains représentants de notre sport, arts martiaux<br />
artistiques, ont largement dépassé ce qui se fait dans les<br />
jeux vidéo de combat, et qu'il ne manque plus que les effets<br />
spéciaux (ndlr). Nous avons participé à un concours de<br />
COSPLAY (imiter nos personnages de dessins animés favoris),<br />
notre groupe a choisi d'imiter SOUL BLADE et nous sommes<br />
arrivés 1er.<br />
EDA. - Où pouvons-nous voir vos vidéos ou prestations ?<br />
Jean-Paul. - Il suffit d'aller sur Internet, sur notre site<br />
http://www.fenx.tk dans la partie Galerie.<br />
EDA. - Je te remercie de ta sympathie et je te souhaite bonne<br />
chance pour la suite.<br />
Jean-Paul. - De rien, à la prochaine ^_^<br />
Ce qui m'a beaucoup plu chez eux, ce fut leur disponibilité et<br />
leur sympathie. On retrouve avant tout une solidarité et une<br />
certaine harmonie dans le groupe... L'esprit des arts martiaux<br />
est vraiment présent, cela fait plaisir. La majorité des membres<br />
du groupe sont d'origine cambodgienne, et c'est la raison<br />
pour laquelle nous les présentons dans ce numéro.<br />
A suivre dans le numéro 5, un article sur la Boxe Khmère<br />
avec Hey Poutan...<br />
Thearron SIENG-YOU
TEMOIGNAGE<br />
Un an au Pays du Sourire<br />
Le sourire d'une personne que l'on croise dans la rue, celui de son voisin<br />
devant lequel on passe tous les jours et même celui d'un enfant qui<br />
vit dans les rues de Phnom Penh.<br />
Le Cambodge est le pays du sourire, ce<br />
sourire si mystérieux que l'on ne saurait<br />
qualifier d'heureux ou de superficiel,<br />
mais qui pourtant réchauffe le cœur et<br />
améliore la vie au quotidien. Ce pays m'a<br />
touchée, par sa simplicité, par son peuple<br />
mais aussi par ses difficultés.<br />
Marion, entourée d’enfants<br />
Mon travail et Krousar Thmey<br />
De juillet 2002 à septembre 2003, j'ai<br />
travaillé en tant que volontaire au sein de<br />
l'association Krousar Thmey.<br />
Krousar Thmey est une organisation<br />
cambodgienne d'aide à l'enfance défavorisée.<br />
Elle intervient auprès des enfants des<br />
rues, orphelins, abandonnés, victimes de<br />
trafic, de violence… Elle propose également<br />
une éducation aux enfants sourds et<br />
aveugles. Des bureaux européens s'occupent<br />
de la recherche de fonds. Krousar<br />
Thmey veille à impliquer dans ses activités<br />
le gouvernement mais aussi les cambodgiens<br />
car elle emploie 220 personnes pour<br />
seulement 3 volontaires.<br />
J'étais chargée de la communication.<br />
Mon travail consistait à rédiger en français<br />
et en anglais des rapports d'activités sur les<br />
programmes de l'association à destination<br />
de nos donateurs. Afin de glaner des informations<br />
sur nos centres d'accueil, je devais<br />
me rendre sur place, réaliser des interviews<br />
et prendre des photos. C'était pour moi des<br />
moments très intenses d'échanges avec les<br />
enfants qui me dévoilaient leur vie. Je<br />
découvrais au fur et à mesure de leur récit<br />
toutes les difficultés auxquelles ils avaient<br />
déjà dû faire face : certains vendus par leurs<br />
parents étaient forcés de mendier dans les<br />
rues de Bangkok par leur trafiquant, d'autres<br />
avaient été négligés par des parents submergés<br />
de problèmes, d'autres encore<br />
avaient été poussés à la prostitution, mais<br />
tous avaient ce sourire et cette gaieté de<br />
vivre qu'aucun occidental ne saurait comprendre.<br />
Ces petits adultes de 8 ou 12 ans me<br />
racontaient l'horreur avec des yeux d'enfants<br />
malicieux, et toujours avec ce sourire<br />
si franc… Je pouvais sentir en eux cette<br />
force de caractère, cette volonté de vivre<br />
malgré tout, de s'en sortir… C'était des<br />
moments bouleversants…<br />
Les Cambodgiens<br />
J'ai ainsi découvert un peuple certes<br />
meurtri et décimé, mais toujours debout,<br />
malgré la corruption, le manque de justice,<br />
et l'absence de modèles.<br />
Forte de ces constats, j'ai observé cette<br />
société vivre et se démener pendant un an.<br />
J'ai rencontré une multitude de gens courageux.<br />
J'ai regardé, impuissante, un peuple<br />
entier se débattre pour gagner leur riz quotidien.<br />
J'ai fait la connaissance de personnes<br />
qui m'ont beaucoup touchée. Elles changeront<br />
tôt ou tard ce pays. Déjà beaucoup<br />
commencent à oser exprimer leur opinion,<br />
malgré certaines intimidations. D'autres<br />
n'hésitent pas à sacrifier leur vie en faveur<br />
d’autrui, tels les employés de Krousar<br />
Thmey qui passent leur temps en compagnie<br />
d'enfants traumatisés. La nature foncièrement<br />
positive des cambodgiens les<br />
mènera nécessairement vers une vie plus<br />
clémente. Le plus dur dans tout cela sera<br />
probablement de garder le sourire !<br />
Ma vie au Cambodge<br />
C'est déjà avec émotion et nostalgie que<br />
je repense à la douceur de la vie cambodgienne.<br />
Malgré un salaire local, le faible<br />
coût de la vie là-bas me permettait de faire<br />
ce que bon me semblait : balade le long du<br />
Tonlé Sap, sortie dans les discothèques<br />
pour voir les stars chanter en public, cinéma<br />
à l'Alliance Française, restaurants locaux,<br />
ou tout simplement regarder les cambodgiens<br />
vivre… Tout me garantissait des loisirs<br />
agréables.<br />
Mais mon occupation favorite, facilitée<br />
par mon apprentissage de la langue khmère,<br />
a de loin été ces rencontres informelles<br />
dans la rue, dans les marchés, dans les<br />
transports en commun… Toutes ces discussions<br />
dans des villages reculés ou en plein<br />
marché O'Russey, ou encore cette conversation<br />
politique avec un moto-dup à la<br />
veille des élections, toutes ces questions:<br />
"Es-tu mariée ? Non ? Veux-tu alors épouser<br />
mon fils ?! Pourquoi es-tu au<br />
Cambodge ? Où vas-tu ?", me manquent<br />
aujourd'hui. Les Cambodgiens font preuve<br />
d'une curiosité sans limite qui tisse des liens<br />
entre les gens, dans une famille, dans une<br />
11<br />
entreprise ou dans un voisinage. Je ne me<br />
suis jamais autant sentie exister qu'au<br />
Cambodge, tout comme je n'ai jamais<br />
autant senti être acceptée pour ce que j'étais<br />
et exactement comme j'étais.<br />
Enfin, j'ai été fière de travailler pour les<br />
enfants du Cambodge, en faveur d'un pays<br />
qui a certes encore du chemin à faire mais<br />
qui a déjà évolué rapidement.<br />
Le Cambodge en un an<br />
Le Cambodge a en effet bien changé. Il<br />
y a un an j'arrivais dans un pays où la capitale<br />
était en piteux état et où les principales<br />
routes nationales étaient impraticables,<br />
avec des ponts cassés et des trous partout.<br />
En décembre j'en partais avec la longue<br />
liste des changements survenus, bien présents<br />
à mon esprit : réhabilitation des trottoirs<br />
de Phnom Penh, installation de feux de<br />
circulation avec décompte, construction de<br />
terres pleins centraux, et en province, remplacement<br />
des ponts par ceux en béton,<br />
rénovation des routes autour du Tonlé Sap<br />
et de la route d'accès à Preah Vihear… Je<br />
n'avais encore jamais vu un pays évoluer<br />
aussi rapidement.<br />
Pourtant ces améliorations ne sont pas<br />
signe de développement économique, vu<br />
que la totalité des travaux sont financés par<br />
la communauté internationale. Le pays a<br />
encore du chemin à faire tant au niveau<br />
économique que politique. De plus la violence<br />
est encore sous-jacente ; en témoignent<br />
les émeutes anti-thaïs de janvier 2003<br />
qui ont eu d'importantes conséquences<br />
financières, ou encore le scandale des viols<br />
collectifs de prostituées.<br />
A tout cela je ne peux répondre que par<br />
des questions : Que pouvons-nous faire<br />
pour aider le pays à s'en sortir ? Y a-t-il tellement<br />
d'ONG que le gouvernement ne<br />
craint pas pour la survie de son pays ? La<br />
solution est-elle simplement de changer de<br />
gouvernement et d'attirer les capitaux étrangers<br />
? Le développement d'un pays passe-til<br />
par l'éducation et la formation d'élites qui<br />
ensuite n'auront pas les opportunités professionnelles<br />
promises ?<br />
Je suis arrivée au Cambodge pleine de<br />
curiosité, j'en repars pleine de questions,<br />
mais forte d'une expérience et d'un désir de<br />
vivre jamais ressenti auparavant…<br />
Marion RIGAUX<br />
tchote@yahoo.fr<br />
www.krousar-thmey.org<br />
Contact : ktfrance@club-internet.fr<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
12<br />
ZOOM<br />
Malgré une jeune expérience dans<br />
la peinture, Rathana Lean, d'origine<br />
cambodgienne, né il y a<br />
vingt sept ans dans la région parisienne,<br />
nous parle avec enthousiasme de sa passion,<br />
à la fois en tant que professionnel voulant<br />
vivre de ses œuvres, qu’en tant qu'artiste<br />
désirant faire passer des messages par ses<br />
oeuvres.<br />
L’Ecrit d’Angkor. - Depuis quand as-tu<br />
commencé la peinture ?<br />
Rathana Lean. - Il me semble que je dessine<br />
depuis toujours. Durant ma période<br />
scolaire, j'illustrais déjà le journal du collège<br />
et du lycée ainsi que des affiches pour<br />
des associations sportives.<br />
Mais tout a commencé il y a trois ans<br />
lorsque j'ai commencé à travailler dans une<br />
galerie d'art à Paris. Et c'est là que j'ai été<br />
emporté par l'émulation culturelle de cette<br />
ville, merveilleuse et surprenante, qui m'a<br />
amené à sauter le pas et de tout entreprendre<br />
pour vivre de mon art. Depuis, j'ai découvert<br />
la couleur et, grâce à elle, la lumière<br />
que l'on pouvait reproduire en peinture. Je<br />
peins donc sérieusement depuis un an et<br />
demi, et je compte bien continuer ainsi<br />
toute ma vie !<br />
EDA. - Qu'est ce qui t'attire dans la peinture<br />
?<br />
RL. - C'est très difficile à dire…car il y a<br />
tellement de choses à dire ! De tout temps,<br />
l'être humain a utilisé la peinture pour<br />
reproduire son entourage, raconter des histoires,<br />
honorer ses dieux et ses rois, et ces<br />
images nous servent aujourd'hui à mieux<br />
connaître ces époques, à mieux comprendre<br />
nos prédécesseurs. Alors je dirais que<br />
c'est l'immortalité de la peinture qui m'a<br />
amené à peindre, car le moment que l'on<br />
saisit, et la manière dont on l'a saisi est<br />
unique, et elle provoquera des émotions à<br />
travers le temps…c'est le pouvoir de la<br />
peinture !<br />
EDA. - Quels sont tes peintres de référence<br />
?<br />
RL. - J'admire les œuvres de génies tels que<br />
Léonard De Vinci, Raphaël, Picasso ou<br />
Dali, qui sont incontournables, mais je suis<br />
également très touché par les œuvres des<br />
grands artistes japonais qu'étaient Hokusaï<br />
ou Hiroshigé, car les compositions de leurs<br />
gravures ou peintures sont tellement dynamiques…<br />
Enfin, je pourrais te donner beaucoup<br />
d'exemples encore, mais je me rends<br />
compte que je me réfère en fait à toutes les<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
Rathana, un jeune artiste-peintre<br />
C'est dans un appartement de la rue de Charonne à Paris, en ce vendredi 5 décembre 2003,<br />
que le jeune Rathana, non sans émotions, a exposé pour la première fois au grand public ses<br />
magnifiques tableaux, dont la plupart sont d'inspirations cambodgiennes.<br />
peintures que je peux voir, car elles sont de<br />
toute façon différentes de la mienne…<br />
Pour l'instant, je n'ai malheureusement pas<br />
eu le bonheur de rencontrer des peintres<br />
cambodgiens, mais j'ai eu l'honneur de rencontrer<br />
brièvement Séra, un dessinateurauteur<br />
cambodgien de bandes dessinées,<br />
qui a grandi là-bas, puis qui a dû venir vivre<br />
en France. Il a produit de très bons albums.<br />
EDA. - Quels sentiments as-tu sur le<br />
Cambodge ?<br />
RL. - C'est le pays de ma famille, j'ai besoin<br />
de le connaître et je me sens lié à lui. C'est<br />
d'ailleurs pour cela que mon thème d'inspiration<br />
principal est le Cambodge. Je pars<br />
cet été, enfin ! Et je préfère ne pas me poser<br />
trop de questions, je veux me laisser surprendre…<br />
Et je sais que ce sera une merveilleuse<br />
rencontre, en tous les cas ! Je t'en<br />
dirais plus à mon retour…<br />
EDA. - Comment trouves-tu ton inspiration<br />
dans tes peintures sur le Cambodge ?<br />
RL. - Au niveau émotionnel, il y a une<br />
grande part de souvenirs qui me viennent<br />
de ma grand-mère ; elle m'a raconté le<br />
Cambodge de son enfance, les contes oraux<br />
traditionnels et bouddhistes. Je combine<br />
ceux-ci à des recherches de documents<br />
photographiques, les expositions, etc.<br />
Ensuite, je m'enferme et je peins !<br />
EDA. - As-tu un objectif dans tes peintures<br />
?<br />
RL. - Je peins ce que j'ai besoin de peindre,<br />
sans objectif particulier, sinon de le montrer.<br />
J'espère juste faire du bien aux personnes<br />
qui voient ma peinture, et c'est à elle de<br />
faire le reste, car ensuite, la relation qui se<br />
crée avec chaque personne qui la regarde<br />
est unique…<br />
EDA. - Qu'as-tu ressenti lors de ta première<br />
exposition ?<br />
RL. - Je n'ai pas eu le temps de réfléchir sur<br />
le moment, j'étais juste un peu nerveux, car<br />
je m'étais “enfermé” chez moi pendant<br />
deux mois et demi pour peindre les toiles<br />
pour l'exposition. J'appréhendais le regard<br />
du public, bien sûr, mais je t'avouerais que<br />
tout s'est passé très rapidement.<br />
Mais le bilan est très positif, mon travail a<br />
été bien accueilli et c'est plutôt encoura-<br />
geant !<br />
EDA. - Quand et où aura lieu ta prochaine<br />
exposition ?<br />
RL. - J'ai quelques contacts en cours, mais<br />
je ne veux pas avancer de dates, car rien<br />
n'est encore certain… Vous serez conviés,<br />
de toutes manières !<br />
EDA. - Quels sont tes perspectives d'avenir<br />
?<br />
RL. - J'aimerais beaucoup travailler avec<br />
des artistes différents afin d'échanger le<br />
maximum et ainsi enrichir mes recherches<br />
en termes de peintures. Je veux également<br />
voyager afin de ressentir et voir la diversité<br />
des atmosphères et des couleurs qui existent…<br />
Prasnar YI
L'association non-gouvernementale<br />
Construire les générations futures du<br />
Cambodge (C.G.F Cambodge) a<br />
pour objectif de venir en aide aux enfants.<br />
Elle souhaite les aider à se construire solidement<br />
pour aborder dignement leur avenir,<br />
dans le respect de la tradition khmère.<br />
Créée par Cécile Veasna Malterre,<br />
Présidente fondatrice, l'association C.G.F<br />
Cambodge engage des actions résolument<br />
en faveur des écoliers du primaire. Elle<br />
encourage leur apprentissage des valeurs<br />
khmères à travers la connaissance de la<br />
richesse de leur culture. Elle désire également<br />
leur inculquer le sens des responsabilités<br />
par l’éducation civique ainsi que le<br />
savoir-vivre pour leur permettre d'évoluer<br />
harmonieusement dans la société cambodgienne.<br />
L'initiative a d'ores et déjà reçu les plus<br />
hauts et les plus éminents soutiens.<br />
L'équipe a dès cet hiver noué de solides<br />
liens avec les principaux acteurs de l'éducation<br />
nationale, des instances spirituelles et<br />
humanitaires, des représentants de délégations<br />
auprès d'institutions mondiales et des<br />
responsables d'organisations internationales<br />
qui lui apportent un soutien logistique,<br />
financier et moral.<br />
CGF Cambodge a récemment signé un<br />
protocole d'accord avec le Ministère<br />
Cambodgien de l'Education, de la Jeunesse<br />
et des Sports qui lance de façon officielle le<br />
début des activités de l'association au<br />
Cambodge.<br />
<strong>L'Ecrit</strong> <strong>d'Angkor</strong>. - Pourquoi créer cette<br />
association ?<br />
Cécile Veasna Malterre. - Vous n'êtes pas<br />
sans savoir la dramatique Histoire du<br />
Cambodge. Cette période noire a laissé des<br />
traces profondes dans toute la société<br />
khmère. C'est en particulier le cas du système<br />
scolaire qui éprouve, faute de moyens,<br />
les plus grandes difficultés à accomplir sa<br />
mission de formation et d'éducation. De<br />
nombreuses ONG font un travail merveilleux<br />
sur le terrain mais hélas, ce n'est<br />
pas encore suffisant. Nous devons tous<br />
réagir et agir davantage et encore. En tant<br />
que Cambodgienne, je me sens investie de<br />
cette mission d'apporter une petite pierre à<br />
l'édifice de la reconstruction de mon peuple.<br />
Parce que j'ai eu un jour la chance d'être<br />
sauvée en étant adoptée par une famille<br />
française et reçue toute l'instruction nécessaire<br />
en France, il est indispensable pour<br />
moi de transmettre le savoir à la génération<br />
future, surtout en faveur des jeunes écoliers<br />
qui ont besoin d'être éduqués et protégés. Il<br />
est crucial de bâtir les fondations de leur<br />
avenir qui doivent permettre aux enfants de<br />
connaître leur identité cambodgienne et de<br />
se construire en futur citoyen. Eduquer et<br />
instruire nos enfants est une urgence, on se<br />
doit d'y répondre.<br />
EDA. - Quels sont vos projets ?<br />
CVM. - Notre domaine de compétence est<br />
l'éducation des enfants dans le primaire.<br />
Notre site pilote est l'école d'Angkanh dans<br />
la province de Takeo mais nous comptons<br />
aussi œuvrer, à terme, dans toutes les provinces<br />
du Cambodge. Equiper l'école, fournir<br />
du matériel d'apprentissage de base est<br />
notre priorité. Nous aimerions aider à élaborer<br />
des moyens pédagogiques tels que les<br />
livres, les cassettes audios et vidéos en y<br />
mettant du contenu qui visent à éduquer et<br />
à apprendre les valeurs traditionnelles<br />
khmères qui prônent le respect et la morale.<br />
Nous voulons aussi mettre en place une<br />
médiathèque, un atelier de dessin et une<br />
bibliothèque pour ouvrir la perspective et<br />
l'horizon culturel des enfants. En second<br />
lieu, nous envisageons la création d'une<br />
ludothèque mettant à disposition des jeux<br />
pédagogiques qui apprennent les règles de<br />
vie en société, la discipline et la rigueur. Il<br />
nous est apparu nécessaire d'ouvrir une<br />
infirmerie qui aura une mission importante<br />
d'information auprès des chefs de villages<br />
et des parents sur l'hygiène des enfants. Et<br />
enfin, nous aimerions créer un atelier informatique<br />
qui doit relier les petits enfants au<br />
monde et à leurs petits camarades de l'étranger.<br />
EDA. - Qui vous soutient, et comment<br />
comptez-vous parvenir à atteindre vos<br />
objectifs ?<br />
CVM. - Je reviens du Cambodge où notre<br />
association a signé un partenariat avec le<br />
Ministère de l'Education, de la Jeunesse et<br />
des Sports qui nous ouvre en grand les portes<br />
des écoles primaires. Le ministre cambodgien<br />
invite CGF Cambodge à participer<br />
aux réunions et à donner son avis afin d'améliorer<br />
le contenu du programme officiel<br />
ZOOM<br />
Construire les générations futures du Cambodge<br />
dans le respect de la tradition khmère<br />
Cécile Veasna Malterre, Présidente fondatrice<br />
de CGFCambodge<br />
du primaire dans les matières qui nous tiennent<br />
à cœur comme l'instruction civique, le<br />
savoir-vivre, la culture. A ce sujet, je tiens à<br />
le remercier vivement de la confiance qu'il<br />
porte en nous. Par ailleurs, nous avons reçu<br />
le soutien de M. Etienne Clément, représentant<br />
du bureau de l'UNESCO à Phnom-<br />
Penh, le chef de cabinet de M. Jacques<br />
Chirac nous a fait parvenir une lettre amicale,<br />
SAR le Prince Norodom Sihamoni,<br />
Ambassadeur du Cambodge auprès de<br />
l'UNESCO, M. Jean-Pierre Boyer de la<br />
Commission nationale française pour<br />
l'UNESCO, le Vénérable Yos Hut, du Père<br />
Ceyrac, de Mgr Emile Destombes évêque<br />
catholique de Phnom-Penh, de Madeleine<br />
Giteau et de beaucoup d'autres membres.<br />
Nous allons d'ici peu signer aussi un partenariat<br />
avec le ministère de l'éducation, de<br />
la jeunesse et des sports français. Dans un<br />
avenir proche, nous allons créer une commission<br />
d'experts de l'éducation comprenant<br />
des cambodgiens et des français afin<br />
de travailler ensemble de façon constructive<br />
à améliorer le programme officiel du primaire<br />
au Cambodge et de faire des propositions<br />
concrètes au Ministère cambodgien<br />
de l'éducation sur la production des matériels<br />
pédagogiques.<br />
EDA. - Comment peut-on vous aider ?<br />
CVM. - Nous recherchons à cette occasion<br />
toutes les personnes intéressées par ce projet<br />
et nous lançons solennellement un appel<br />
aux chefs d'entreprise, aux donateurs et<br />
mécènes pour leurs aides matérielles et<br />
financières en faveur des écoliers cambodgiens.<br />
Nous sollicitons l'aide de tous les<br />
professionnels de l'éducation pour leur<br />
apport en matériels pédagogiques de toute<br />
nature. Nous avons besoin d'adhérents pour<br />
porter notre projet vers la réussite au profit<br />
des enfants cambodgiens.<br />
Mobilisons-nous pour les enfants du<br />
Cambodge !<br />
Propos recueillis par Sophoat NGAU<br />
Construire les générations futures<br />
du Cambodge (C.G.F Cambodge)<br />
Association non gouvernementale<br />
1, rue Edgar Faure 75015 Paris<br />
Tél. : 01 42 19 07 04 / 06 12 73 10 30<br />
Email : cgfcambodge@yahoo.fr<br />
Site Web : www.cgfcambodge.org<br />
Cotisation annuelle ou dons<br />
Membres sympathisants : 20 Euros<br />
Membres actifs : 30 Euros<br />
Membres bienfaiteurs : 75 euros<br />
Donateurs : selon votre générosité<br />
Si vous souhaitez nous aider,<br />
envoyez vos dons à l'ordre de<br />
C.G.F Cambodge<br />
13<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> -FÉVRIER 2004
14 DOSSIER<br />
La restauration<br />
artistique toujours<br />
et encore...<br />
«Rares sont<br />
les pays qui<br />
par leur seul<br />
nom évoquent l'image<br />
d'une déesse.<br />
C'est le privilège<br />
du Cambodge,<br />
d'où surgit l'image<br />
d'une ballerine"<br />
(Solange Thierry). La danse sacrée<br />
du palais royal est, en effet, jusqu’à<br />
reconnue par l’UNESCO<br />
(Organisation des Nations Unies<br />
pour l’Education, la Science et la<br />
Culture) comme patrimoine immatériel<br />
de l’humanité. Cette distinction<br />
reconnaît alors à l’histoire du<br />
Cambodge d’être intimement liée à<br />
cet art de spectacle, transmis de génération<br />
en génération, et ce, malgré les<br />
événements historiques qui auraient<br />
pu le faire sombrer dans les mémoires<br />
d’un peuple.<br />
Ainsi l’on comprend mieux les<br />
nombreux efforts des défenseurs de<br />
la danse artistique khmère, car la restauration<br />
de cet art est une manière<br />
pour eux d’affirmer le Cambodge sur<br />
la scène internationale.<br />
En France, les responsables<br />
artistiques khmers sont unanimes<br />
pour lancer un appel à la jeunesse,<br />
leur demandant de ne jamais oublier<br />
d’où ils viennent, "même si, pour<br />
ceux qui y sont nés le Cambodge est<br />
loin, et pour d’autres il demeure<br />
encore inconnu". Sans doute à travers<br />
cet appel, l’on peut lire la volonté<br />
ambitieuse d'œuvrer d’ici à la confirmation<br />
du Cambodge dans le monde,<br />
mais c’est surtout la volonté de transmettre<br />
cette belle façon de faire à la<br />
nouvelle génération en France. Ce<br />
combat par les arts est particulièrement<br />
touchant tant il est sincère et<br />
tant son engouement est grand.<br />
Sovattha NHEM<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
La communauté<br />
entre idéal<br />
L’idéal d’une genèse<br />
Aquelques dix mille kilomètres<br />
de Phnom Penh, au pays des<br />
Celtes et des grands crus, des<br />
gens se battent pour faire connaître<br />
l’art millénaire des Khmers. Comment<br />
cela est-ce possible ? L’histoire dramatique<br />
des années khmers rouges<br />
explique, pour une large part, cet état<br />
des choses.<br />
C’est, en effet, à partir de la fin<br />
des années 1970, que l’on voit apparaître<br />
en France des associations dont<br />
le but est de préserver et de faire<br />
connaître la culture khmère. C’est<br />
ainsi que, par exemple, Makara KOL,<br />
aujourd’hui président de l’école de<br />
danse Selepak Khmer, nous décrit les<br />
débuts de son engagement.<br />
Après avoir rencontré son épouse,<br />
Neary, ancienne élève à<br />
l’Université Royale des Beaux-Arts<br />
(URBA) et aujourd’hui maîtresse de<br />
ballet à Selepak Khmer, il s’engage<br />
avec elle dès 1975, au vu des terribles<br />
évènements frappant leur pays, au<br />
sein de l’Association pour le Maintien<br />
de la Culture Khmère (AMCK). De<br />
cette ferme volonté de préserver la<br />
culture, menacée par un régime fou à<br />
lier, leur engagement ne se tarit pourtant<br />
pas après la chute de Pol Pot.<br />
Partant du souci urgent de préserver la<br />
culture khmère,<br />
ils continuaient<br />
ainsi à se battre,<br />
non plus uniquement<br />
pour<br />
préserver leur<br />
culture d’origine,<br />
mais pour la<br />
diffuser en<br />
France.<br />
Cet idéal et<br />
sa genèse, beaucoup<br />
d’autres<br />
Cambodgiens en France à la même<br />
époque les partageaient. Il y eut ainsi<br />
d’autres associations, comme le prestigieux<br />
Ballet Classique Khmer<br />
(BCK) et le célèbre Centre de<br />
Documentation et de Recherche sur la<br />
Civilisation Khmère (CEDORECK),<br />
qui composaient, ensemble, le paysage<br />
de cette communauté artistique<br />
khmère en France.<br />
Le véritable sens du combat<br />
aujourd’hui<br />
Plus d’une vingtaine d’années<br />
après le début de leur engagement en<br />
France, la plupart de ces courageuses<br />
personnes de la communauté artistique,<br />
continuent encore de se battre<br />
au sein d’associations actuelles,<br />
comme Borann, le Groupe Artistique<br />
des Jeunes Khmers (GAJK),<br />
Hanumann,<br />
Selepak khmer et<br />
d’autres encore.<br />
Mais depuis le<br />
début de leur commun<br />
combat, jusqu’à<br />
aujourd’hui,<br />
beaucoup de choses<br />
ont changé. La première,<br />
et sans doute la plus heureuse,<br />
c’est que les gens de leur époque ont<br />
enfanté une nouvelle génération. Cette
DOSSIER<br />
artistique khmère en France,<br />
d’hier et d’aujourd’hui<br />
jeunesse aux origines bien khmères a<br />
pourtant une chose qui la distingue :<br />
elle ne connaît pas son pays d’origine.<br />
Cela n’a manqué dès lors de perturber<br />
les objectifs. Et la question qui hante<br />
est désormais : qui après continuera le<br />
combat ? Ou, quel avenir pour la communauté<br />
artistique en France ?<br />
La question de la relève<br />
Cette question n’est pas mince. Et<br />
elle touche, à dire vrai, d’autres sujets,<br />
comme celui de l’enseignement du<br />
cambodgien en France (cf. Dossier de<br />
L’Ecrit d’Angkor, numéro 2 - août<br />
2003). Isabelle<br />
VILLAREAL,<br />
présidente de<br />
l’école de danse<br />
Borann, nous<br />
fait partager son<br />
souci de voir<br />
des jeunes<br />
engagés lui prêter<br />
main forte,<br />
dans le cadre<br />
d’efforts ponctuels et nécessaires à la<br />
pérennité de son association ; tel que<br />
la collaboration dans la prise en charge<br />
d’évènements annuels, ou de<br />
manière plus quotidienne dans la<br />
gestion de l’école. Bien que son tra-<br />
Borann<br />
Ecole de danses classiques<br />
(créée en 1992)<br />
Centre Léo Lagrange<br />
Bd Ferdinand Buisson<br />
93330 Neuilly-sur-Marne<br />
http://www.borann.org<br />
Effectifs : une vingtaine d’élèves et<br />
2 maîtresses de ballet<br />
Heure d'ouverture : samedi<br />
de 14h30 à 17h<br />
vail soit incontestablement exemplaire,<br />
et que son courage ainsi que sa<br />
pugnacité ne soient, même un tant soit<br />
peu, entamés, la<br />
jeune présidente<br />
de Borann ne<br />
déconsidère pas<br />
cette préoccupation.<br />
A Selepak<br />
Khmer, où le<br />
président est un<br />
ancien engagé<br />
des années<br />
1975, et où le<br />
bureau d’administration a beaucoup<br />
de difficultés à se renouveler avec de<br />
jeunes éléments, la question est cruciale.<br />
A GAJK, les responsables de<br />
l’association ont eu l’opportunité d’amener<br />
leurs élèves au Cambodge en<br />
été 2002. La démarche du groupe<br />
artistique est simple et efficace : il s’agit<br />
simplement de permettre aux jeunes<br />
élèves d’aller à la rencontre du<br />
pays où tout a commencé. Cette belle<br />
aventure, qui laisse entrevoir un élément<br />
important vers une réponse au<br />
problème de la relève, Dina CHHEA,<br />
président de GAJK est fier de l’avoir<br />
rendu possible pour ses jeunes élèves.<br />
Isabelle VILLAREAL s’inscrit<br />
Groupe Artistique<br />
des Jeunes Khmers<br />
Troupe et école<br />
de danses folkloriques<br />
(créée en 1985)<br />
ESPACE Charles de Gaulle<br />
18, rue Buissonnière<br />
77600 Bussy-Saint-Georges<br />
Effectifs : une trentaine d’élèves<br />
Heure d'ouverture : samedi<br />
de 14h30 à 17h<br />
... / ...<br />
... / .<br />
Tarif d’adhésion :<br />
nouveau membre : 15 euros<br />
Réinscription gratuite<br />
Pour accéder au forum internet<br />
du GAJK :<br />
http://www.lesjeuneskhmers.co<br />
m/forum/viewforum.php?f=10<br />
Pour un récit exhaustif du voyage du<br />
GAJK au Cambodge<br />
du 3 au 22 juillet 2002 :<br />
http://www.lesjeuneskhmers.co<br />
m/menu.php?page=gajk<br />
15<br />
également dans cette volonté d’amener<br />
ses élèves au Cambodge, mais<br />
nous confie aussi sa déception suite à<br />
une demande de subvention publique<br />
à cet effet, restée infructueuse.<br />
Perception de l’avenir ?<br />
Cette préoccupation ne semble<br />
pas, cependant, vraiment troubler la<br />
perception optimiste qu’elle persiste à<br />
avoir. Isabelle a, notamment, cette<br />
phrase magnifique de bon sens : "je<br />
pense que l'appartenance à une culture<br />
est dans le cœur de chacun de nous".<br />
Petite fille<br />
d’une grande<br />
danseuse du<br />
Ballet royal,<br />
et enfant<br />
d’un couple<br />
eurasien,<br />
n’est-elle<br />
pas, en effet, pour la nouvelle génération<br />
en France, la preuve d’une relève<br />
artistique réussie et exemplaire ? Et si<br />
sa belle phrase disait vrai ? Je contemplais<br />
l’autre jour une légende chinoise<br />
qui enseignait, à qui voulait bien l’écouter,<br />
"qu’aux cœurs sincères, rien<br />
n’est impossible"...<br />
Hisham MOUSAR<br />
Répertoire des écoles de danse<br />
Selepak khmer<br />
Troupe de ballet classique<br />
et folklorique<br />
Ecole d'art chorégraphique<br />
(créée en 1994)<br />
Rue du Parc 77185 LOGNES<br />
http://www.selepak-khmer.org<br />
Effectifs : une cinquantaine d'élèves<br />
et 3 maîtresses de ballet<br />
Heure d'ouverture : dimanche matin<br />
de 10H00 à 13H00<br />
en période scolaire<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
16 DOSSIER<br />
La culture mais<br />
pourquoi<br />
?<br />
L’homme<br />
du nouv<br />
e a u<br />
monde, arborant,<br />
pavillon<br />
haut, un millénaireambitieux,<br />
celui de<br />
l’échange, de la<br />
redéfinition des<br />
frontières d’un temps révolu, de la<br />
transformation d’une vision hermétique<br />
de l’univers en un horizon que,<br />
d’un battement d’aile chevauchant le<br />
zéphir, jamais il n’est donné d’atteindre<br />
vraiment, cet homme du nouveau<br />
siècle, interrogatif, regarde ce qui fut<br />
et se demande pourquoi. Forgeron<br />
d’une époque nouvelle, il médite son<br />
passé.<br />
C’est bien dans cet esprit, que la<br />
génération nouvelle pense la question<br />
"la culture mais pourquoi ?". Et il<br />
semble que la plupart des jeunes<br />
cambodgiens en France qu’il nous a<br />
été possible d’interroger mènent cette<br />
réflexion avec talent et pragmatisme.<br />
A la question fondamentale<br />
"qu’est-ce que la culture khmère ?",<br />
ils apportent tous sans exception et à<br />
l’unisson, une réponse admirable de<br />
simplicité. Sophan, 24 ans, résume en<br />
disant qu’elle est "le savoir-faire<br />
khmer", en donnant des exemples<br />
aussi anodins que la nourriture et la<br />
langue. La culture n’est donc pas<br />
confinée à l’art. Cette simple vérité<br />
leur est acquise. Satha, 23 ans, précise<br />
toutefois, "qu’en France, du fait<br />
de l’éloignement, la jeunesse a<br />
besoin de repères culturels forts". Et<br />
lui d’ajouter : "la danse en est<br />
l’exemple par excellence". Une jeune<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
danseuse de 16 ans confirme : "Je<br />
fais de la danse aussi parce que cela<br />
me permet de connaître un peu plus<br />
la culture khmère ; et le fait d’en pratiquer<br />
à la pagode de Champs-sur-<br />
Marne m’y fait entrer davantage<br />
encore". Thearron, 18 ans, va plus<br />
loin encore, en attribuant à la pratique<br />
de la danse artistique par les<br />
jeunes d’ici une vocation sociale.<br />
Elle permet, dit-il à juste titre, aux<br />
jeunes khmers de se rencontrer.<br />
Cette jeunesse, à des milliers de<br />
kilomètres de la terre où tout a commencé,<br />
sait<br />
cependant pertinemment<br />
que<br />
le Cambodge<br />
d’hier n’est<br />
pas celui d’aujourd’hui.<br />
Les<br />
choses ont<br />
changé. Le<br />
Cambodge de<br />
leurs parents,<br />
celui du XX e<br />
siècle, ne peut avoir été épargné par<br />
le temps qui passe. Sireyrith ENG,<br />
co-fondateur du GAJK, a alors cette<br />
parole formidable lorsqu’il nous dit<br />
avec le pragmatisme qui le caractérise<br />
: "Beaucoup de choses changent -<br />
le langage en particulier - et tendent<br />
à séparer jeunes khmers de “l'intérieur”<br />
et de “l'extérieur”. La danse<br />
reste peut-être encore, entre eux, le<br />
point commun qui ne changera pas ;<br />
elle montre, dit-il, plus que tout autre<br />
signe de différence, que nous appartenons<br />
à la même famille".<br />
Hisham MOUSAR<br />
A la<br />
de<br />
Toutes enseignent la danse<br />
les écoles de danses s’explise<br />
déploie l’architecture de<br />
La première chose qui surprend<br />
lorsque l’on visite les différentes<br />
écoles de danse en<br />
France, c’est que l’on a cette étrange<br />
impression d’entrer en pays khmer.<br />
Sans doute est-ce le rythme lancinant<br />
et prenant des<br />
chants fredonnés<br />
par les<br />
maîtresses de<br />
ballet qui<br />
ponctuent<br />
l’exercice<br />
rigoureux et<br />
silencieux des<br />
élèves ; des<br />
élèves qui, soudainement, ne nous<br />
apparaissent plus comme enfants<br />
d’ici, mais de bien loin. Ou est-ce le<br />
déploiement des exercices en rangs<br />
ordonnés et harmonieux, qui donnent<br />
ce sentiment<br />
presque<br />
incrédule<br />
q u e<br />
l’on est<br />
u n<br />
instant projeté au Cambodge, dans<br />
l’ambiance suave du pays ?<br />
Pour autant, il est également une<br />
chose qui ne manque de caractériser<br />
chacune de ces écoles. En effet, à<br />
chacune d’entre elles, correspond une<br />
particularité qui les distingue toutes<br />
les unes des autres. Si au GAJK,<br />
l’ambiance est au folklore, à Selepak<br />
Khmer, les danses classiques sont<br />
mises à l’honneur, avec cela de particulier<br />
aussi que l’école de Lognes<br />
enseigne également la danse folklorique<br />
(cette présence du folklorique à
croisée des écoles<br />
danse artistique<br />
DOSSIER<br />
artistique khmère, mais aucune d’elles ne se ressemblent vraiment. Les différences entre<br />
quent par l’histoire de chacune et se justifient dans un ordre étonnement cohérent dans lequel<br />
la communauté artistique, chacune des écoles ayant conscience de jouer un rôle déterminant.<br />
l’école de Lognes<br />
s’explique du fait<br />
qu’avec le groupe<br />
artistique de<br />
Bussy-Saint-<br />
Georges, elle a succédé<br />
au CEDO-<br />
RECK qui s’était<br />
spécialisé dans la<br />
danse folklorique).<br />
Borann,<br />
quant à elle, nous<br />
paraît s’attacher et se passionner pour<br />
la pratique des danses sacrées. Ainsi,<br />
l’on devine que chacune des écoles<br />
participent à une certaine complétude<br />
dans la communauté artistique, chacune<br />
se spécialisant dans une des plusieurs<br />
facettes de la danse artistique<br />
khmère, exprimant ainsi un mouvement<br />
naturel et presque systémique.<br />
A chaque orientation, correspond<br />
bien entendu aussi une<br />
vocation propre à chacune des écoles.<br />
Le GAJK a choisi "d'orienter ses<br />
activités autour du folklore khmer",<br />
parce que c'est ce qui lui semble être<br />
"le plus proche des coutumes et traditions<br />
populaires". A Borann, l’accent<br />
est mis sur le nécessaire respect du<br />
caractère sacré de certaines danses.<br />
Le très beau site internet de l’Ecole<br />
de Neuilly-Sur-Marne retrace<br />
d’ailleurs excellemment, à travers<br />
notamment les magnifiques aquarelles<br />
d’Isabelle VILLAREAL (dont<br />
certaines tapissent les colonnes de ce<br />
dossier), l’histoire de la danse sacrée<br />
et classique.<br />
Nous avons eu la chance de rencontrer<br />
dans l’enceinte de l’école de<br />
Borann, Patrice OUM, personnage<br />
passionnant et profond, qui nous a<br />
touché par sa foi en la danse sacrée.<br />
Président de Hanumann - association<br />
héritière de l’ancien et très célèbre<br />
Ballet Classique Khmer -, dont le but<br />
est "de promouvoir le patrimoine<br />
immatériel qu'est la danse khmère",<br />
il est aussi très proche de l’école de<br />
Neuilly. Elève de - notamment - deux<br />
grands maîtres, Lok Khun Yeap<br />
(mère de SAR le Prince Norodom<br />
Sirivudh) et Mme TEP Tak, lui et sa<br />
femme - qui fut pendant longtemps<br />
maîtresse de ballet à Borann -, se<br />
consacrent à la transmission et au<br />
respect de cet art sacré et millénaire.<br />
Cette passion qui possède Patrice<br />
OUM se lit, bien sûr, aussi sur le<br />
visage de toutes les maîtresses de<br />
ballet de toutes les écoles associatives<br />
de la communauté artistique<br />
bénévole. En effet, à voir le visage de<br />
Neary KOL et<br />
la pugnacité<br />
avec laquelle<br />
elle enseigne la<br />
danse aux élèves<br />
de Selepak<br />
Khmer, on ne<br />
finit pas d’en<br />
apprendre<br />
aussi sur l’amour<br />
qu’il est<br />
possible de porter à cet art. Cette passion<br />
est partout, et elle va jusqu’à s’exprimer<br />
au sein même des pagodes où<br />
Remerciements<br />
17<br />
l’on y enseigne parfois aussi l’art de<br />
la danse khmère.<br />
Se pose néanmoins une difficulté<br />
due à la nature et au fonctionnement<br />
de toutes les écoles artistiques<br />
de la communauté. Les personnes<br />
qui les font vivre s’inscrivent, en<br />
effet, toutes dans une oeuvre de pur<br />
bénévolat. Il leur est ainsi difficile de<br />
sortir du cadre de leur propre école<br />
afin d’aller à la rencontre de ceux<br />
qui, comme eux, partagent cette passion<br />
au<br />
sein d’autresécoles<br />
que la<br />
leur. Si<br />
Isabelle<br />
VILLA-<br />
REAL<br />
n o u s<br />
confie faire des efforts en ce sens,<br />
par exemple avec le GAJK et les<br />
troupes de Chelles ou de Limoges, il<br />
semble néanmoins, à écouter les<br />
témoignages des responsables associatifs,<br />
que cette difficulté d’échanges<br />
reste actuelle. Ceci n’empêche<br />
cependant pas l’existence et la cohérence<br />
d’une communauté artistique<br />
aujourd’hui incontournable et plus<br />
passionnée que jamais.<br />
Hisham MOUSAR et<br />
Sovattha NHEM<br />
Le comité de rédaction souhaite sincèrement remercier Isabelle VILLAREAL pour nous avoir<br />
autorisé à publier, dans ce dossier, quelques-unes de ces belles aquarelles ainsi que sa photo<br />
dans le rôle d’une magnifique Apsara ; et Patrice OUM pour la bienveillance qu’il a eue à<br />
notre égard, en nous laissant y publier quelques superbes images et photos exposées dans<br />
le site internet de Hanumann (http://www.hanumann.org). Nous invitons, par ailleurs, nos<br />
lecteurs à retrouver toutes les magnifiques aquarelles d’Isabelle sur le site internet de<br />
Borann (http://www.borann.org).<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
18<br />
REPERES<br />
Faune et flore du Cambodge en danger<br />
Si la constitution du sol et du climat a doté le Cambodge d'une faune et d'une flore riches, ce potentiel<br />
est actuellement menacé par les besoins de l'homme ; le poids de l'histoire cambodgienne<br />
conduisant alors peu à peu le pays vers un désastre écologique.<br />
Pays tropical, le Cambodge disposait<br />
avant la guerre civile d'une<br />
faune riche en mammifères, insectes<br />
et reptiles. Ainsi, ours, éléphants, léopards,<br />
tigres, rhinocéros, singes, lémuriens,<br />
crocodiles, buffles sauvages (dit en<br />
kmher kô prey) peuplent le pays. Des<br />
oiseaux pullulaient aussi tels que aigrettes,<br />
hérons, cormorans, faisans etc…. La<br />
faune aquatique y est également abondante.<br />
Cette richesse est permise par l'existence<br />
de grandes surfaces forestières et<br />
d'eaux douces avec le lac Tonlé Sap ainsi<br />
que le fleuve du Mekong, offrant ainsi<br />
d'innombrables variétés de poissons :<br />
autre richesse importante du pays. Mais,<br />
la guerre, la déforestation, les activités<br />
humaines menacent des espèces animales<br />
rares : le Kô prey notamment, animal<br />
national du Cambodge, interdit de chasse<br />
suite à un décret royal - car il n'en<br />
existe que quelques dizaines dans le<br />
Nord-Est du pays -, et l'éléphant, dont il<br />
ne reste qu’approximativement 2000<br />
individus seulement.<br />
Une flore riche à préserver<br />
De nos jours, le Cambodge dispose<br />
de nombreuses ressources naturelles à<br />
haut rendement si elles sont exploitées<br />
de manière sensée. Elles sont variées,<br />
inégalement abondantes et réparties dans<br />
le pays. En effet, pour les ressources<br />
minérales, elles sont limitées. Les principales<br />
sont le phosphate, le basalte dans la<br />
province de Kompang Cham, le granite à<br />
Une fleur de lotus dans les mares cambodgiennes<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
Un paysage typique de la campagne cambodgienne<br />
Kompong Chnang , la pierre à chaux au<br />
nord et au nord-ouest du pays, le quartz<br />
à Takeo, le marbre à Stung Treng et surtout<br />
une abondance de gisements de<br />
pierres précieuses ( rubis de première<br />
qualité très convoités) dans la région de<br />
Païlin, frontalière à la Thaïlande. Il existerait<br />
aux frontières un trafic de pierres<br />
précieuses consistant à échanger des<br />
pierres authentiques contre des pierres<br />
contrefaites qui seraient écoulés, notamment<br />
dans les marchés de Phnom Penh.<br />
Cela mis à part, le secteur minier est<br />
inexistant. Du pétrole et du gaz semblent<br />
exister au large des côtes cambodgiennes<br />
pouvant assurer une autosuffisance<br />
énergétique du pays. Idem pour<br />
l'hydroélectricité encore inexploitée par<br />
manque de stabilité politique au yeux<br />
des investisseurs étrangers. Or, le<br />
Mekong, par saison de pluies, passe de<br />
1700m3 à 3900m3, ce qui est énorme ;<br />
des barrages seraient donc les bienvenus.<br />
En plus de cela, la végétation naturelle<br />
la plus dominante du Cambodge est<br />
sa forêt tropicale, car près des trois<br />
quarts du pays sont boisés (75% du territoire).<br />
Elle est marquée par un fort peuplement<br />
de tecks, un arbre de valeur.<br />
D'autres bois y sont présents tels que<br />
châtaigniers, bouleaux, chênes, pins. Sur<br />
les versants humides, on trouve aussi<br />
une forêt dense, toujours verte, essentiellement<br />
dans les montagnes et le long de<br />
la côte sud-ouest. L'agriculture sur brûlis<br />
a entraîné la dégradation de la forêt en<br />
savane et en veal, des étendues d'herbe<br />
où les arbres ont presque complètement<br />
disparu. Une forêt de marécages existe<br />
dans la cuvette à fond argileux, où se<br />
situent les nombreuses rizières. Les côtes<br />
sont marquées par la présence de mangroves<br />
(des forêts de palétuviers servant<br />
La mangrove
Le “Krabey” ou buffle d’eau, un animal qui rend de multiples services au paysan khmer<br />
à fabriquer du charbon). Ainsi, cocotiers,<br />
kapotiers, bananiers, manguiers, tamariniers,<br />
jacquiers, palmiers (arbre national<br />
du pays, le "thnôt") etc… sont des essences<br />
courantes.<br />
Ainsi, le Cambodge détient un milieu<br />
naturel riche mais actuellement en danger<br />
compte tenue surtout d'une déforestation<br />
accentuée aux conséquences écologiques<br />
dramatiques pour l'avenir.<br />
Un pays menacé par une déforestation<br />
galopante<br />
Même si aucun chiffre précis ne peut<br />
être fourni, les rapports des différents<br />
observateurs (FAO, Banque Mondiale et<br />
organisation Global Witness entre autres)<br />
sont concordants : environ 3M (millions)<br />
d'hectares (ha) de forêts ont été rasés<br />
Sources<br />
Le Cambodge, Soizick Crochet, éditions<br />
Karthala, Paris 1997<br />
Le Cambodge, Nick Ray, Lonely<br />
Planet, Paris 2000<br />
Le Cambodge, Jean Delvert, PUF,<br />
Paris 1998<br />
Le Cambodge, E.Brisbois, éditions<br />
Peuples du Monde, Cahors, 1993<br />
Cambodge Laos, Analiese Wulf,<br />
Nelles Guide, Munich 1999<br />
Géo, n°291, mai 2003<br />
www.lesjeuneskhmers.com<br />
www.fao.org<br />
www.kh.refer.org<br />
http://asiep.free/cambodge<br />
www.census.gov<br />
www.wrm.org/bulletinfr/65/asie<br />
depuis 1970 soit un quart de leur superficie<br />
originale, dont 2,4M depuis 1990.<br />
La mangrove disparaît aussi à grands pas<br />
dans la province de Koh Kong pour<br />
faire face à la culture industrielle de la<br />
crevette.<br />
Les conséquences, en l'absence de<br />
tout programme de reforestation, sont<br />
déjà visibles comme à Kompong Speu<br />
avec une rapide érosion des sols, sécheresse<br />
suivie d'inondations catastrophiques<br />
comme en 1996 et en 2000, déséquilibre<br />
écologique, déclin de la biodiversité….<br />
Des effets accentués aussi par<br />
l'exploitation du bois de feu et son dérivé<br />
le charbon de bois, principale source<br />
d'énergie gratuite en zone rurale et constituant<br />
84% des besoins énergétiques en<br />
milieu urbain.<br />
Mais, ce sont surtout les Khmers<br />
Rouges qui, ayant financé leur effort de<br />
guerre au prix de centaines de milliers<br />
d'hectares de forêt leur rapportant jusqu'à<br />
150M de francs /mois, sont les plus<br />
grands responsables du désastre écologique<br />
qui se prépare. Malgré la présence<br />
de militaires, les exploitations illégales<br />
Le fruit Jacquier<br />
REPERES<br />
19<br />
se poursuivent. Le passage d'une économie<br />
planifiée à une économie de marché<br />
y contribue aussi, car cela a poussé le<br />
gouvernement à vendre ses ressources<br />
naturelles pour surmonter ses difficultés<br />
financières ; la demande internationale<br />
en bois étant aussi importante. De plus,<br />
une réglementation moins sévère en<br />
matière de déforestation au Cambodge<br />
pousse ainsi les compagnies étrangères<br />
d'exploitation du bois à affluer vers le<br />
Cambodge. Fin 1995, ce sont ainsi près<br />
de 6.5 M d'ha de forêt tropicale qui ont<br />
été cédés à une trentaine de concessionnaires<br />
soit presque la totalité de cette<br />
forêt hormis les parcs nationaux et les<br />
régions du nord-ouest riches en bois précieux<br />
représentant une superficie de 3.4<br />
M d'ha. Ce sont les seules zones préservées<br />
par un décret royal en novembre<br />
1993.<br />
De plus, fin 1998, Global Witness,<br />
groupe britannique de protection de l'environnement,<br />
a mis la main, au Laos, sur<br />
des documents autorisant des exportations<br />
illégales de bois portant les signatures<br />
de l'ancien Premier Ministre Ung<br />
Huot, et du second Premier Ministre Hun<br />
Sen. Quand la corruption gangrène le<br />
sommet de l'Etat, quel espoir peut-on<br />
avoir pour la forêt en danger et sa faune<br />
menacée ?<br />
Bref, de grands risques environnementaux<br />
sont à craindre pour l'ensemble<br />
du pays. Si le gouvernement ne se soucie<br />
pas davantage de la préservation de la<br />
forêt, on assistera à une mort lente et certaine<br />
d'une ressource majeure du pays<br />
qui constitue aussi sa spécificité paysagère.<br />
En 2003, nous soulignons la générosité<br />
de l'actrice américaine, Angélina<br />
Jolie qui, en plus d'un don de 5 M de dollars<br />
étalé sur 15 ans en faveur de la construction<br />
d'une réserve naturelle au<br />
Cambodge, offre, en 2004, 1.5 M de<br />
dollars à l'organisation Cambodian<br />
Vision in Development pour fournir du<br />
bétail à des paysans cambodgiens pauvres<br />
; le but étant de protéger la nature au<br />
Cambodge, mais surtout de lutter contre<br />
la déforestation et la chasse dans les<br />
régions reculées du nord-ouest du pays.<br />
Cela est une bonne initiative qui ne pourra<br />
pas stopper net les déforestations illégales,<br />
mais pourrait peut-être contribuer<br />
à sensibiliser la population locale et les<br />
autorités sur les menaces qui pèsent sur<br />
les richesses naturelles du pays.<br />
Borane HUY<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
220<br />
CAMBODGE, 50 ANS D’INDEPENDANCE<br />
De l'oasis de paix aux tourmentes de la guerre<br />
1955 - 1970, les années du Sangkum<br />
Le second volet de notre dossier "Cambodge, 50 ans d'indépendance" est consacré à la période<br />
charnière qui s'étend de 1955 à 1970 pendant laquelle Norodom Sihanouk, après son abdication,<br />
prend la destinée du pays entre ses mains, fonde son mouvement populaire, le Sangkum Reastr<br />
Niyum sur les bases du "socialisme bouddhique" et affirme sa volonté de pratiquer une politique de<br />
neutralité, avant d'être déposé le 18 mars 1970, marquant l'entrée du Cambodge dans le conflit<br />
américano-vietnamien.<br />
Quand le roi Norodom Sihanouk<br />
abdique en faveur du Prince<br />
Suramarit, son père, pour entrer<br />
dans l'arène politique lors des élections de<br />
1955, le Cambodge vient de recouvrer<br />
depuis peu sa totale indépendance (cf. l'article<br />
"De la difficile indépendance du<br />
Cambodge", <strong>L'Ecrit</strong> <strong>d'Angkor</strong> numéro 3,<br />
novembre 2003). Le pays rentre alors dans<br />
une période de relative stabilité politique<br />
qui lui permet de s'engager dans un processus<br />
d'édification nationale et de modernisation<br />
du pays.<br />
Durant les années qui suivent, sous la<br />
direction du Prince Sihanouk qui a réussi,<br />
en interne, à mettre en œuvre une idéologie<br />
fondée sur le "socialisme bouddhique",<br />
et sur le plan extérieur à affirmer<br />
une politique de neutralité, le Cambodge<br />
est perçu dans l'imagination consensuelle<br />
populaire comme un "oasis de paix", une<br />
période "faste" qui fait encore référence<br />
même de nos jours.<br />
Mais ces années ont aussi été décisives<br />
pour le pays khmer qui a vu germer en son<br />
sein les semences funestes d'un prochain<br />
chaos, et le glissement inexorable vers les<br />
tourmentes de la guerre du Vietnam.<br />
La conférence de Genève : la totale<br />
souveraineté<br />
Tenue en juillet 1954, au moment<br />
même où les troupes françaises ont été<br />
défaites à Dien Bien Phu par l'armée nordvietnamienne,<br />
la conférence de Genève a<br />
porté sur le désengagement de la France<br />
du bourbier indochinois et le règlement<br />
des problèmes inhérents à ce départ.<br />
La délégation cambodgienne menée<br />
par S.E. Penn Nouth obtient tout d'abord<br />
que le cas du Cambodge ne soit pas lié au<br />
problème vietnamien. Elle réussit ensuite<br />
à écarter les partisans khmers communistes<br />
(Khmers Vietminh) que les Nord-<br />
Vietnamiens ont voulu imposer à la table<br />
des négociations, empêchant ainsi une<br />
possible partition du territoire à l'instar du<br />
Vietnam, séparé en deux par le 17ème<br />
parallèle. Enfin elle parvient à faire reconnaître<br />
sur le plan international la pleine<br />
souveraineté du Cambodge à définir sa<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
Samdech Euv, Norodom Sihanouk, durant l’un de ses “discours fleuves”.<br />
propre politique de sécurité.<br />
En août 1954, conformément aux<br />
accords, les dernières troupes vietminh<br />
quittent le territoire khmer. L'armistice<br />
général est déclaré sur tous les fronts indochinois.<br />
Le Sangkum Reastr Niyum<br />
Après le départ des troupes françaises<br />
et vietminh, le roi Norodom Sihanouk a<br />
voulu transformer ses victoires diplomatiques<br />
en triomphe personnel en organisant<br />
en février 1955 un référendum sur "la<br />
croisade royale pour l'indépendance". Les<br />
résultats plébiscitaires (plus de 99,8% des<br />
voix) de cette consultation populaire le<br />
place au devant de la scène politique,<br />
éclipsant tous les partis en présence. Cette<br />
victoire lui permet de se proclamer "Père<br />
de l'indépendance nationale" et lui ouvre<br />
la voie, après son abdication en faveur de<br />
son père, à la création en mars 1955 du<br />
Sangkum Reastr Niyum (littéralement la<br />
Communauté Pro-Peuple, cf. Norodom<br />
Sihanouk dans "Souvenirs doux et<br />
amers"), un rassemblement pour l'unité<br />
des khmers, et l'instauration d'une véritable<br />
"démocratie socialiste". S'il a renoncé<br />
au trône, le prince Sihanouk entend garder<br />
son titre de Samdech Upayuvareach (littéralement<br />
le Prince qui fut Roi) et aussi de<br />
Samdech Euv (Monseigneur Père), sousentendu<br />
de ses sujets du Cambodge.<br />
Président fondateur du Sangkum, dont<br />
chaque membre est appelé Sahachivin<br />
(Compagnon), Samdech Sahachivin<br />
(Prince Compagnon) s'emploie dès lors à<br />
le développer aux dépens des autres mouvements<br />
politiques. Ne pouvant contenir<br />
la vague du Sangkum, plusieurs partis prononcent<br />
leur dissolution pour s'intégrer au<br />
mouvement de Samdech Euv tels que<br />
"Démocratie Nationale" de M. Oum<br />
Chheang Sun, "Rénovation khmère" du<br />
colonel Lon Nol et le parti du "Peuple" de<br />
Sam Sary. Des personnalités démocrates,<br />
comme LL.EE Penn Nouth et Son Sann,<br />
se rallient individuellement au Sangkum<br />
entraînant un peu plus tard la dissolution<br />
complète du Parti Démocrate. Seul, le<br />
Prachéachon (Parti Communiste<br />
Cambodgien) fondé par les anciens<br />
Khmers Vietminh dont les accords de<br />
Genève ont permis l'établissement, refuse<br />
de suivre le mouvement.<br />
Quelques mois plus tard, aux élections<br />
législatives du 11 septembre 1955, le<br />
Sangkum obtient 83% des voix, les démocrates<br />
12% et les communistes 4%. A la<br />
suite de ce scrutin, le Prince Sihanouk<br />
prend la tête du gouvernement. Il entend<br />
établir un contact direct avec le peuple, et<br />
promouvoir le développement rapide du<br />
pays tout en contrôlant l'administration par<br />
la base grâce aux congrès nationaux du<br />
Sangkum qui supplantent le Parlement<br />
élu.<br />
Le Sangkum, selon les affirmations du<br />
Prince, devait en principe mettre fin à<br />
l'instabilité et au tumulte politique. Mais
en trois années, de 1955 à 1958, neuf gouvernements<br />
se sont succédés et le prince,<br />
lui-même, s'est volontairement démis quatre<br />
fois de son poste de Premier ministre.<br />
A la mort du roi Suramarit survenu le<br />
3 avril 1960, le prince Sihanouk se fait<br />
élire Chef de l'Etat par référendum et<br />
demeure dans cette haute fonction jusqu'à<br />
sa destitution en mars 1970.<br />
"Le socialisme bouddhique"<br />
CAMBODGE, 50 ANS D’INDEPENDANCE<br />
Ayant le plein contrôle des rouages de<br />
l'état, le Prince Sihanouk a toute latitude<br />
d'orienter le développement du pays et de<br />
définir l'idéologie fondatrice du Sangkum<br />
Reastr Niyum, "le socialisme bouddhique"<br />
qu'il définit de la façon suivante : "Le<br />
socialisme, ce sera mon parti qui l'inventera,<br />
si je puis dire, en se référant simplement<br />
à la doctrine bouddhique, la plus<br />
avancée de toute sur le plan social," écritil<br />
sur ce sujet. En résumé, le socialisme<br />
bouddhique commande que le dirigeant<br />
traite ses sujets de façon équitable, avec<br />
bonté et compassion. Cette idéologie met<br />
en valeur l'idée "d'une intense et constante<br />
croisade pour le développement national,<br />
contre l'injustice sociale et le sousdéveloppement."<br />
La création du Sangkum et la définition<br />
du socialisme bouddhique ont donc<br />
servi de socle pour les efforts d'édification<br />
nationale durant une période de l'histoire<br />
contemporaine où l'Etat et l'interventionnisme<br />
d'Etat ont été considérés comme<br />
prépondérants dans le succès du développement<br />
d'un pays.<br />
Les efforts d'édification nationale<br />
"Il n'y a pas d'indépendance réelle, en<br />
effet, pour un état qui possède tous les<br />
attributs de la souveraineté, mais qui est<br />
économiquement sous-développé…", écrit<br />
le prince Sihanouk. Le développement du<br />
Cambodge fait ainsi partie de ses grandes<br />
priorités.<br />
De grands progrès sont très vite réalisés<br />
conformément aux axes définis par<br />
deux premiers plans biennaux (1956-1958<br />
et 1958-1960), et ensuite par deux autres<br />
plans quinquennaux (1960-1964 et 1965-<br />
1969), soutenus par des aides étrangères<br />
(France, Etats-Unis, Chine, Union<br />
Soviétique, Tchécoslovaquie). Les résultats<br />
sont rapidement visibles.<br />
L'infrastructure se développe à grande<br />
vitesse avec la construction du port maritime<br />
à eaux profondes de Kompong Som<br />
(l'actuel Sihanoukville), et de deux aéroports<br />
de classe internationale (Pochentong<br />
et Siem Reap), l'extension du réseau routier,<br />
et l'aménagement des villes, surtout<br />
de la capitale Phnom-Penh.<br />
Les plans ont pour but de diversifier<br />
les moyens de production jusque là centrés<br />
sur la riziculture et la production de caoutchouc<br />
en créant une industrie de transformation<br />
qui doit limiter les importations de<br />
produits, et fournir des emplois à une<br />
population en rapide accroissement.<br />
Dans le domaine de l'énergie, la priorité<br />
est donnée au développement de l'hydro-électricité<br />
par l'exploitation des<br />
réseaux d'irrigation des régions rizicoles.<br />
Dans le domaine industriel, les investissements<br />
privés sont encouragés mais<br />
une large part est réservée au secteur<br />
public ou aux entreprises d'économie<br />
mixte, notamment dans la filature, le tissage,<br />
les verreries, les distilleries, les cimenteries,<br />
les usines de pneu, de cigarettes, de<br />
conserves, de papier... Une raffinerie de<br />
pétrole est même construite à Kompong<br />
Som.<br />
Sur le plan social, le maître mot est le<br />
développement communautaire à la campagne,<br />
avec des regroupements de villages<br />
munis d'écoles et de dispensaires. Le droit<br />
de vote est accordé aux femmes et la seule<br />
utilisation de la langue cambodgienne est<br />
instaurée dans les institutions publiques<br />
mettant un terme à la tentative de romanisation<br />
de l'écriture khmère. L'enseignement<br />
à tous les niveaux est encouragé. Des écoles,<br />
des lycées et des universités sont construits<br />
pour accueillir davantage d'élèves et<br />
d'étudiants mais les débouchés restent<br />
relativement insuffisants dans les secteurs<br />
de l'administration, du commerce et de<br />
l'industrie. Les jeunes, mieux instruits et<br />
formés, se détournent de l'agriculture traditionnelle<br />
entraînant un début de chômage.<br />
Une classe aisée fait son apparition et<br />
draine à son profit une grande partie de<br />
l'aide étrangère.<br />
En 1963, le prince Sihanouk annonce<br />
que l'Etat se doit de mieux contrôler l'économie<br />
nationale, et d'assumer la responsabilité<br />
du commerce extérieur. Il fait nationaliser<br />
toutes les banques aussi bien<br />
khmères qu'étrangères. Dans le même<br />
mouvement, il renonce à l'aide américaine<br />
pour se tourner vers celle des pays socialistes,<br />
et de la France.<br />
La politique de neutralité<br />
En 1955, au sommet afro-asiatique de<br />
Bandung, le prince Sihanouk fait la<br />
connaissance de deux hommes qui vont<br />
avoir une influence prépondérante sur ses<br />
orientations politiques extérieures. Ce sont<br />
les Premiers ministres chinois et indien,<br />
Chou En Lai et Nehru. Avec le premier, il<br />
noue une grande amitié malgré les soubresauts<br />
ultérieurs des relations khméro-chinoises.<br />
Chou En Lai, de son côté, va s'avérer<br />
être aussi son plus puissant soutien<br />
dans les années qui suivent. Quant à<br />
21<br />
Nehru qu'il a déjà rencontré en 1954, le<br />
prince le considère comme son guru, son<br />
maître spirituel.<br />
Après cette conférence, le prince<br />
Sihanouk comprend que l'unité interne et<br />
la sécurité extérieure du Cambodge<br />
dépendent de l'orientation de sa politique<br />
étrangère. S'il penche vers l'Occident, il<br />
sera attaqué par la gauche qui bénéficie<br />
des appuis de Hanoi et de Pékin. A l'inverse,<br />
s'il se tourne vers Moscou ou Pékin, les<br />
conservateurs et les démocrates soutenus<br />
par Bangkok, Saigon et Washington lui<br />
mèneront la vie dure. Aussi, seule une<br />
politique de stricte neutralité peut sauvegarder<br />
l'indépendance et l'union nationale.<br />
Le 14 décembre 1955, le Cambodge est<br />
admis à l'ONU. Le Prince Sihanouk y<br />
affirme alors sa volonté de pratiquer une<br />
politique totalement indépendante des<br />
deux blocs et de relations amicales avec<br />
tous les pays.<br />
En 1956, voulant équilibrer l'influence<br />
des Etats-Unis qui désirent voir Phnom-<br />
Penh s'aligner sur ses alliés de Bangkok et<br />
de Saigon dans un glacis anti-chinois, le<br />
prince se rend à Pékin et obtient de la<br />
Chine la promesse d'une aide substantielle<br />
pour la consolidation de la neutralité cambodgienne.<br />
Dans la même année, il reçoit<br />
de l'URSS l'assurance d'une assistance<br />
conséquente qui lui vaut en retour l'étiquette<br />
de "pro-communiste" ou de "Prince<br />
rouge", attribuée par les américains.<br />
Le non-alignement ou la neutralité<br />
active<br />
Confronté à des irritations internes et à<br />
l'hostilité grandissante de ses voisins, le<br />
Cambodge se devait de sortir d'un risque<br />
d'isolement. L'occasion lui est donnée à la<br />
conférence de Belgrade des Non-alignés<br />
en 1960 où le prince Sihanouk fait un discours<br />
remarqué. Fort de ce coup d'éclat, le<br />
prince se lance, les années suivantes, dans<br />
des opérations de médiation d'abord en<br />
faveur du Laos déchiré par un affrontement<br />
tripartite, et plus tard pour essayer de<br />
ramener, sans succès, à la table de discussion,<br />
Chinois et Indiens, sur leur différend<br />
frontalier du Ladakh.<br />
Le sommet des Non-alignés à Belgrade en<br />
1960<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
222<br />
CAMBODGE, 50 ANS D’INDEPENDANCE<br />
Alors que le prince Sihanouk s'active<br />
sur le plan diplomatique et international,<br />
des troubles internes surgissent. Il doit<br />
alors ménager, tour à tour, ses deux flancs,<br />
les communistes et les conservateurs qui,<br />
influencés par leurs appuis étrangers<br />
respectifs, réagissent de plus en plus face à<br />
la montée des tensions qui opposent les<br />
deux Vietnam en 1962, et conséquemment,<br />
les Etats-Unis au Nord-Vietnam en<br />
1965.<br />
Ayant déjà renoncé à l'aide américaine<br />
en 1963, le prince Sihanouk coupe les<br />
relations diplomatiques avec les Etats-<br />
Unis suite à leur intervention armée dans<br />
le conflit vietnamien en 1965. Il passe des<br />
accords secrets avec le Vietcong, pressentant<br />
peut-être déjà leur victoire. Selon les<br />
termes de cette entente, les troupes communistes<br />
vietnamiennes sont autorisées à<br />
stationner à l'intérieur du territoire khmer<br />
et à être ravitaillées par la Chine, en armes<br />
et en nourriture, par le port de<br />
Sihanoukville. En échange, les Nord<br />
Vietnamiens doivent reconnaître les frontières<br />
cambodgiennes et éviter le contact<br />
avec les Forces Armées Royales Khmères<br />
(FARK) ainsi qu'avec la population khmère.<br />
Anticipant probablement la mauvaise<br />
réaction des Américains, le prince<br />
Sihanouk a sans doute cherché le soutien<br />
du Général de Gaulle, un grand défenseur<br />
de la politique de neutralité, qui s'est<br />
démarqué des Etats-Unis en quittant<br />
l'OTAN et auquel il voue une très grande<br />
admiration. Le président de la République<br />
française accepte de faire une visite d'Etat<br />
Norodom Sihanouk et Charles de Gaulle<br />
sur le perron du Palais de l’Elysée.<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
de trois jours au Cambodge et y prononce<br />
en 1966 son fameux discours de Phnom-<br />
Penh où il demande la neutralisation de la<br />
zone du Sud-Est asiatique et désapprouve<br />
à mi-mot l'intervention armée américaine.<br />
Après cette visite, le prince Sihanouk<br />
se retrouve bientôt en face d'une situation<br />
interne inédite pour lui. Lors des élections<br />
législatives suivantes, une majorité écrasante<br />
de conservateurs est élue à<br />
l'Assemblée nationale. Mais trois représentants<br />
du Prachéachon, Hou Youn, Hu<br />
Nim et Khieu Samphan réussissent à entrer<br />
au parlement. Ces résultats sont alors<br />
qualifiés par le Prince lui-même de victoire<br />
"des forces réactionnaires ". Le Général<br />
Lon Nol est désigné Premier ministre par<br />
les deux chambres. Fort agacé de ce choix,<br />
le prince organise une opposition sihanoukiste<br />
à Lon Nol en créant un contre-gouvernement.<br />
Ainsi, les acteurs de la future chute du<br />
Prince Sihanouk sont en position et la<br />
radicalisation des confrontations entre les<br />
conservateurs et les communistes khmers<br />
peut alors faire sournoisement ses basses<br />
œuvres.<br />
L'émergence des oppositions<br />
Dans les années 60, un correspondant<br />
de presse américain écrit que "le<br />
Cambodge, c'est Sihanouk" et aussitôt un<br />
écrivain français de surenchérir en disant<br />
"qu'il est le Cambodge" faisant allusion à<br />
la maxime, "Je suis l'Etat", du roi Soleil<br />
Louis XIV. Bien qu'il ne soit plus roi<br />
depuis son abdication en 1955, le prince<br />
Sihanouk garde les prérogatives d'un<br />
monarque en tant que Chef de l'Etat du<br />
Cambodge. Il prend soin de faire inscrire<br />
dans les textes de la Constitution que la<br />
personne du Chef d'Etat est sacrée et<br />
inviolable, les attributs même d'un authentique<br />
souverain. Son insistance à se faire<br />
appeler Samdech Euv et à désigner les<br />
Cambodgiens ses "Kaun Chau" (enfants)<br />
reflète aux yeux de ses opposants et<br />
détracteurs son penchant paternaliste et<br />
autoritaire. Il est vite aussi accusé de<br />
despotisme.<br />
De 1955 à la fin des années 60, il<br />
n'existe véritablement aucune opposition<br />
sérieuse, ni efficace voire même crédible.<br />
A part quelques personnalités démocrates<br />
qui ont par la suite adhéré au Sangkum, le<br />
Prince Sihanouk jouit d'une immense ferveur<br />
populaire, héritage de son ancien statut<br />
royal. Toutefois, un bourgeon de<br />
contestataires existe, une réminiscence des<br />
mouvements d'opposition qui ont pris<br />
naissance pendant la Seconde guerre mondiale<br />
: d'un côté les Khmers Issarak qui<br />
vont devenir par la suite les Khmers Sérei<br />
et de l'autre côté les Khmers Vietminh qui<br />
vont faire place aux Khmers communistes<br />
du Prachéachon ou PCK (Parti<br />
Communiste Khmer).<br />
Le prince Sihanouk réussit sans mal à<br />
neutraliser le premier mouvement d'opposition<br />
symbolisé par le trio Dap Chhuon -<br />
Sam Sary - Son Ngoc Thanh. Cette mise<br />
aux pas se traduit dans les faits par une élimination<br />
physique ou politique de leurs<br />
chefs de file. Le général Dap Chhuon,<br />
ancien Khmer Issarak, ex-ministre de la<br />
Sécurité et gouverneur de Siem Reap, est<br />
le premier à tomber à la suite d'un complot<br />
dit du "Plan de Bangkok" où des troupes<br />
de Khmers Sérei devaient converger à la<br />
fois de la Thaïlande et du Sud Vietnam<br />
pour entrer au Cambodge. Le général Dap<br />
Chhuon est tué et des accusations sont<br />
portées par le prince contre la Thaïlande et<br />
le Sud Vietnam d'être les instigateurs de ce<br />
complot. Quelques années plus tard, sans<br />
doute à la suite d'un colis piégé envoyé au<br />
palais royal qui a attenté à la vie du roi<br />
Suramarit et de la reine Kossomak, mais<br />
sans qu'une corrélation évidente ne soit<br />
établie, c'est au tour de Sam Sary de disparaître<br />
mystérieusement. Quant à Son Ngoc<br />
Thanh, il est neutralisé politiquement, en<br />
exil à l'étranger.<br />
Après les Khmers Sérei, c'est au tour<br />
du Prachéachon qui subit des attaques de<br />
la part du régime sangkumien et au prince<br />
de déclarer dans une allocution en 1962 :<br />
"Je ne saurai approuver le clan<br />
Prachéachon et surtout je ne saurai lui<br />
permettre de faire du Cambodge, notre<br />
patrie, un second Laos ou un second<br />
Vietnam, tant que notre peuple ne me dira
CAMBODGE, 50 ANS D’INDEPENDANCE<br />
pas de le laisser faire." Le Prachéachon ne<br />
représente pas à l'époque une menace<br />
sérieuse immédiate, d'autant plus que le<br />
prince Sihanouk convole une lune de miel<br />
avec les dirigeants des pays qui soutiennent<br />
les communistes khmers. Mais en<br />
secret, après l'assassinat du Secrétaire<br />
général Tou Samouth en 1962, le PCK est<br />
repris en main en 1963 par un certain<br />
Saloth Sar, connu plus tard sous le sinistre<br />
nom de Pol Pot. Des hauts cadres du parti,<br />
tels que Son Sén ou Ieng Thirith, commencent<br />
alors à prendre le maquis en préparation<br />
d'une lutte plus radicale.<br />
Les Khmers Sérei évacués manu militari<br />
et le Prachéachon réduit à sa plus simple<br />
expression, le prince Sihanouk peut<br />
penser à juste titre être débarrassé de tout<br />
opposant à sa politique mais la première<br />
estocade fatale qui va lui être portée en<br />
mars 1970, provient du clan des conservateurs,<br />
ceux-là même qui se sont ralliés à<br />
son mouvement.<br />
La destitution du prince Sihanouk<br />
En 1966, le Général Lon Nol est<br />
Premier ministre avec une Assemblée<br />
nationale majoritairement gagnée à sa<br />
cause. Trois personnalités du Prachéachon<br />
sont élues et l'un d'entre-eux, Khieu<br />
Samphan fait partie du contre-gouvernement<br />
mis en place par le prince Sihanouk.<br />
Dès le début des années 60, les conservateurs<br />
voient d'un très mauvais œil le rapprochement<br />
du prince Sihanouk avec les<br />
pays communistes, tels que la Chine,<br />
l'URSS ou la Tchécoslovaquie. L'aide<br />
américaine qui afflue à cette époque au<br />
Cambodge a bénéficié à une classe aisée<br />
formée par des élites et des intellectuels<br />
bourgeois. Il n'est pas surprenant qu'ils<br />
soient alors mécontents de voir la fin de<br />
l'assistance américaine en 1963 et la rupture<br />
diplomatique avec les Etats-Unis en<br />
1965. Un profond ressentiment commence<br />
à prendre forme contre le prince Sihanouk,<br />
d'autant plus que ce dernier ne se prive pas<br />
de leur manifester sa méfiance et son<br />
mépris.<br />
C'est la révolte des paysans de Samlaut<br />
en mars 1967 qui précipite les événements.<br />
Contre l'expropriation de leurs terres<br />
par l'armée pour les donner à des<br />
Khmers Sérei repentis, des paysans de la<br />
région de Païlin se rebellent entraînant une<br />
répression sanglante. Ces soulèvements se<br />
propagent alors dans d'autres provinces et<br />
à Phnom-Penh où le gouvernement de Lon<br />
Nol est acculé à la démission. Khieu<br />
Samphan, Hou Youn et Hu Nim disparaissent<br />
à cette époque là de la scène politique<br />
et prennent le maquis. Le PCK que le prince<br />
a baptisé de "Khmers rouges" décide<br />
alors de lancer une insurrection armée<br />
contre le gouvernement. Durant l'été 1967,<br />
des attaques et des attentats se multiplient,<br />
suivis de représailles sanglantes.<br />
Assailli de toutes parts (campagne de<br />
presse aux Etats-Unis révélant que le port<br />
de Sihanoukville servait de lieu de trafic<br />
d'armes à destination des soldats Nord-<br />
Vietnamiens, reprise des attaques des<br />
Khmers Sérei sur la frontière thaïlandaise,<br />
escarmouches entre les FARK et l'armée<br />
Vietcong), le prince Sihanouk se doit de<br />
réagir vigoureusement sur le plan intérieur<br />
et extérieur du Cambodge.<br />
Comme le commande l'urgence de la<br />
situation, il s'en prend d'abord, en interne,<br />
aux communistes en dénonçant l'entreprise<br />
de subversion de la jeunesse faite par<br />
les Khmers rouges maoïstes soutenus par<br />
la Chine. "Le communisme d'importation<br />
n'a rien à nous apporter, si ce n'est la dissolution<br />
de notre identité nationale",<br />
déclare-t-il. Il interdit les associations d'amitiés<br />
khméro-chinoises mais en même<br />
temps il critique sèchement les "Khmers<br />
bleus" de "pro-américains" qui ne "représentent<br />
qu'un moindre danger car il s'agit<br />
d'un petit cercle de commerçants cupides.".<br />
En 1968, le PCK entame une véritable<br />
guérilla dans onze provinces sur dixneuf,<br />
concordant avec l'offensive du Têt<br />
déclenchée par l'armée Vietcong au Sud<br />
Vietnam. Contre les activités bellicistes<br />
des Khmers rouges, une reprise de l'assistance<br />
économique et militaire américaine<br />
est négociée. Les relations diplomatiques<br />
sont rétablies en 1969 avec les Etats-Unis<br />
avec pour conséquence le ralliement des<br />
Khmers Sérei au gouvernement cambodgien<br />
que le prince qualifie plus tard de<br />
manœuvre de la C.I.A qui prépare son renversement<br />
ultérieur.<br />
Pour faire face aux problèmes externes,<br />
le prince Sihanouk dénonce l'implan-<br />
23 3<br />
tation Vietcong dans les régions frontalières<br />
"qui entre dans le plan Vietnamien et<br />
Thaïlandais de réduire le Cambodge dans<br />
sa plus simple expression". Mais son<br />
offensive de reprise en main des affaires<br />
du pays arrive trop tard. En août 1969, le<br />
Général Lon Nol devient à nouveau<br />
Premier ministre.<br />
Avec les campagnes occupées par la<br />
guerilla Khmère rouge, les frontières<br />
empiétées par les troupes Vietcong, les<br />
villes en ébullition à cause des mouvements<br />
de protestation des étudiants et des<br />
enseignants gauchisants, des forces<br />
armées khmères frustrées de ne pas pouvoir<br />
répliquer contre les troupes nord-vietnamiennes<br />
et une Assemblée nationale qui<br />
ne lui est pas favorable, le prince Sihanouk<br />
finit par se couper de tout support à l'intérieur<br />
du pays. Sur le plan international, il<br />
ne reçoit plus aucun soutien franc du bloc<br />
communiste déchiré entre les courants staliniens<br />
et maoïstes. Avec les Américains,<br />
la méfiance réciproque reste encore grande.<br />
Déjà, les Etats-Unis pensent à leur désengagement<br />
de la région et préparent<br />
secrètement l'après Sihanouk.<br />
Le 18 mars 1970, alors que le prince<br />
Sihanouk est en France pour recevoir des<br />
soins, l'Assemblée nationale vote sa destitution<br />
de sa fonction de Chef d'Etat du<br />
Cambodge.<br />
Chetra CHEA<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
Souvenirs doux et amers<br />
- Norodom Sihanouk, Hachette/Stock, 1981<br />
Norodom Sihanouk, l’indochine vue de<br />
Pékin<br />
- Entretiens avec Jean Lacouture, éditions<br />
du Seuil, 1972.<br />
Sihanouk et le drame cambodgien<br />
- Bernard Hamel, L’Harmattan, 1993<br />
Sihanouk, le fin des illusions<br />
- André Tong, La Table Ronde, 1972<br />
Norodom Sihanouk, la CIA contre le<br />
Cambodge<br />
- François Maspéro, Cahiers Libres, 1973<br />
Cambodge Actuel, Chronologie 1953-<br />
1987<br />
- Publication ADECA<br />
A history of Cambodia<br />
- David Chandler, Westview Press, 2000<br />
Sihanouk, Prince of light, prince of<br />
darkness<br />
- Milton Osborne, University of Hawai<br />
Press, 1994<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
224<br />
EN BREF<br />
Khmer Rouge<br />
Khieu Samphan reconnaît les<br />
«massacres» commis par les<br />
Khmers rouges, mais pas le génocide,<br />
alors que Nuon Chea, l’ex<br />
“frère numéro deux” parle “d’erreur”<br />
Interrogé le 23 janvier sur France-<br />
Inter, Khieu Samphan, ancien président<br />
du Kampuchéa démocratique, a reconnu<br />
que des “crimes” et des “massacres”<br />
avaient été “commis sous le régime<br />
khmer rouge”, qui a fait environ 1,7<br />
million de morts dans les années 1970,<br />
mais il a rejeté l'idée de “génocide”.<br />
En revanche, “je n'arrive pas à comprendre<br />
si facilement qu'il pourrait y<br />
avoir (eu) génocide”, a ajouté l'ex-président,<br />
qui pourrait comparaître prochainement<br />
pour génocide devant un tribunal<br />
cambodgien créé en coopération avec les<br />
Nations unies.<br />
Nuon Chea, plus haut dignitaire<br />
khmer rouge encore en vie, l'ex “frère<br />
numéro deux”, reconnait des “erreurs” et<br />
se dit prêt à comparaître devant un tribunal<br />
chargé de juger les responsables du<br />
génocide cambodgien, mais refuse de se<br />
considérer comme un “criminel de guerre”.<br />
“Je n'ai pas fait usage de suffisament<br />
de sagesse pour découvrir la vérité sur ce<br />
qui se passait, pour vérifier qui agissait<br />
mal et qui agissait bien. J'accepte cette<br />
erreur”, déclare Nuon Chea.<br />
Aucun ancien dirigeant khmer rouge<br />
n'a été jugé à ce jour pour les atrocités<br />
perpétrées entre 1975 et 1979.<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
Le calendrier 2004 <strong>d'Angkor</strong><br />
d’après AP (23 janvier 2003)<br />
Ala suite d'un voyage d'une semaine au Cambodge, à Siem Reap,<br />
après la découverte <strong>d'Angkor</strong>, j'ai eu le désir de faire revivre en aquarelles<br />
ces merveilleux temples. Le passage au nouveau millénaire au<br />
pied <strong>d'Angkor</strong> Vat, admirant la grâce des danseuses du Ballet Royal,<br />
réincarnations des petites apsaras de pierre…<br />
L'émotion ressentie devant ces énigmatiques visages des tours du<br />
Bayon et ces ficus amoureux de leurs temples… Autant de souvenirs<br />
qui firent naître en moi le plaisir de les reproduire en tableaux, puis<br />
d'en sélectionner sept pour accompagner les mois de l'année 2004<br />
avec les citations des premiers découvreurs <strong>d'Angkor</strong>. C'est une joie<br />
de faire connaître par cet ouvrage les temples de l'art khmer et de<br />
donner l'envie de partir là-bas, dans ce merveilleux pays.<br />
Renseignements auprès de Josiane LEGRAND :01.39.71.19.77 ou 06.10.81.14.48<br />
e-mail : christian.legrand@gadz.org<br />
La “grippe du poulet”<br />
au Cambodge<br />
Un premier cas de grippe aviaire a été<br />
décelé au Cambodge dans un élevage de<br />
poulets près de Phnom Penh, a annoncé,<br />
le 23 janvier, l'organisation des Nations<br />
unies pour l'alimentation et l'agriculture<br />
(FAO).<br />
Cette annonce survient après la<br />
confirmation de deux premiers cas, chez<br />
l'homme, en Thaïlande où sept millions<br />
de poulets sont morts depuis novembre<br />
dernier. Le virus a été trouvé "sur des<br />
poulets dans un élevage près de la capitale<br />
Phnom Penh. Certains tests ont été<br />
envoyés à Paris par le gouvernement et<br />
ont confirmé la présence du virus H5N1",<br />
a ajouté la FAO.<br />
d’après AFP (23 janvier 2004)<br />
Plus de 350 000<br />
Cambodgiens<br />
utilisateurs du<br />
téléphone mobile<br />
Le Cambodge compte maintenant<br />
plus de 350 000 utilisateurs de téléphone<br />
mobile, 10 fois plus que les utilisateurs<br />
de téléphone fixe. Ils représentent plus de<br />
3,43% des 12 millions d'habitants du<br />
Cambodge.<br />
La croissance la plus rapide a été<br />
enregistrée dans les quartiers de Phnom<br />
Penh, qui comptent 60%.<br />
Il y a trois opérateurs de téléphone<br />
mobile au Cambodge. Et le plus grand<br />
est MobiTel, qui possède 70% des clients<br />
totaux, alors que COMSHIN, la deuxième<br />
grande société du service de téléphone<br />
mobile, a 20% de consommateurs.<br />
d’après Xinhua (4 janvier 2004)<br />
Le principal leader<br />
syndical abattu<br />
Le plus populaire des leaders syndicaux<br />
cambodgiens a été abattu jeudi 22<br />
janvier 2004 à Phnom Penh. Chea<br />
Vichea, qui présidait le Syndicat des<br />
ouvriers du royaume du Cambodge, militait<br />
également dans les rangs de l’opposition<br />
aux côtés du PSR, le Parti de Sam<br />
Rainsy, dont trois membres ont été assassinés<br />
ces dernières semaines. Sa mort<br />
intervient alors que le pays est englué<br />
dans une grave crise politique qui le prive<br />
de gouvernement depuis six mois, date<br />
des dernières législatives.<br />
d’après RFI Cambodge (22 janvier 2004)<br />
Fin de tournage de<br />
“Dogora”, un film de<br />
Patrice Leconte<br />
Le réalisateur français Patrice<br />
Leconte vient d'achever le tournage au<br />
Cambodge d'un film d'un genre inédit et<br />
"inclassable" intitulé "Dogora", qui<br />
devrait sortir dans les salles ce printemps.<br />
"Il s'agit d'un film musical d'une heure<br />
vingt sans acteur ni dialogue, dont le scénario<br />
est constitué par une suite symphonique<br />
du compositeur français Etienne<br />
Perruchon intitulée Dogora", a-t-il précisé<br />
Patrice Leconte.<br />
"C'est une musique porteuse de sensations<br />
très fortes que je songeais à mettre<br />
en images depuis trois ans, mais à<br />
laquelle je n'ai trouvé un écho qu'il y a un<br />
an, dans le cadre d'un voyage familial au<br />
Cambodge", a confié le réalisateur.<br />
"J'y ai été assailli d'émotions diverses<br />
et invraisemblables telles que je n'en<br />
avais jamais ressenti dans les autres pays<br />
où j'ai été. Ce qui m'a le plus marqué au<br />
Cambodge est ce sentiment que la vie est<br />
la plus forte malgré des conditions extrêmes",<br />
a souligné Leconte.
Avril 1975 : Phnom Penh est vidée<br />
de ses habitants. " Pour trois<br />
jours ", avaient affirmé ces mystérieux<br />
sauveurs. Mais l'Histoire nous a<br />
prouvé l'ampleur du mensonge…<br />
Somanos Sar, à travers son œuvre,<br />
nous fait part d'un témoignage touchant<br />
et percutant, à la fois beau et apocalyptique.<br />
La couverture du livre ? Le charnier<br />
de Choeung Ek, devant lequel un jeune<br />
garçon, coiffé d'un krama, nous jette un<br />
regard assez hostile. Mais en réalité, il<br />
exprime souffrance, incompréhension et<br />
désarroi…<br />
Afin de mieux comprendre la tragédie,<br />
l'auteur nous invite à une rétrospective<br />
de la vie cambodgienne durant la<br />
guerre du Vietnam dont il retrace l'histoire<br />
vue par ses yeux d'en-<br />
fants…<br />
De l'Indépendance à<br />
la prise de Phnom Penh<br />
par les Khmers Rouges :<br />
le Sangkum Reastr<br />
Niyum (socialisme bouddhiste) de<br />
Norodom Sihnaouk et le régime capitaliste<br />
corrompu du général pro-américain<br />
Lon Nol.<br />
Nous saluons cette initiative qui évite<br />
aux lecteurs de faire des recherches historiques,<br />
qui en même temps nous permet<br />
de ressentir la plénitude des évènements<br />
qui suivront. “Apocalypse<br />
Khmère” n'est pas un conte de fée, il<br />
aurait pu être un roman cauchemardesque<br />
mais le talent de l'auteur nous a<br />
évité cela. Au fil des pages, nous pouvons<br />
découvrir, ou redécouvrir le<br />
Cambodge, son histoire et sa beauté.<br />
L'Apocalypse a bien eu lieu, il ne s'agit<br />
pas d'un mauvais film ou encore d'un<br />
film d'épouvante. Ce n'est pas de la fiction.<br />
“Trois jours”, avaient-ils affirmé.<br />
Trois jours, trois mois, trois ans et<br />
même plus…<br />
Le petit Somanos, dont la mère vit en<br />
France et le père a disparu pendant l'évacuation,<br />
se retrouve quelque peu seul. Il<br />
ne sait pas encore tout ce qu'il va devoir<br />
subir, mais il n'est pas dupe malgré son<br />
jeune âge, il comprend très vite qu'il va<br />
se retrouver dans un enfer sans nom.<br />
L'Angkar, ainsi fut nommée<br />
l'Organisation Khmers Rouges, était sans<br />
Apocalypse Khmère<br />
pitié. Une révolution passait absolument<br />
par une " purification spirituelle ". Toute<br />
personne déjà éduquée pouvait être dangereuse<br />
pour l'Angkar. Selon elle, une<br />
poignée de khmers suffisait pour exploiter<br />
les terres riches du Cambodge. Nul<br />
n'avait besoin de réfléchir, il fallait avant<br />
tout obéir, suivre ses directives au risque<br />
de ne pas avoir à manger et donc, mourir<br />
de faim.<br />
Rien à perdre en te perdant, rien à<br />
gagner en t'épargnant.<br />
Cette phrase, maintes fois répétée,<br />
résumait grosso modo comment les<br />
Khmers Rouges traitaient leurs travailleurs<br />
prisonniers. Prisonniers sans<br />
même être capturés car il n'y avait pas<br />
d'autres choix que de travailler pour<br />
l'Angkar. Le pays était malicieusement<br />
quadrillé, nul ne pouvait<br />
passer entre les mailles<br />
du filet.<br />
Chaque jour ressemblait<br />
à la veille et au lendemain.<br />
La souffrance<br />
était à son paroxysme. La mort ne faisait<br />
plus peur et représentait dans cette folie<br />
meurtrière une sorte d'échappatoire à<br />
l'Apocalypse. Travailler toute la journée<br />
pour manger de moins en moins chaque<br />
soir. Travailler inutilement dans des<br />
conditions inhumaines, n'est-ce pas la<br />
mort lente que proposait les Khmers<br />
Rouges ?<br />
Les résistants à l'Angkar disparaissaient<br />
massivement ou alors étaient<br />
publiquement abattus pour servir<br />
d'exemple à quiconque voulait contrarier<br />
ce maudit système.<br />
Déplacés plusieurs fois, les jeunes<br />
travailleurs, dont faisait partie l'auteur,<br />
avaient perdu tout espoir. Il était impossible<br />
de concevoir autre chose que la<br />
mort. La faim était la première préoccupation<br />
mais en même temps, à quoi<br />
bon... puisque le point de non-retour<br />
avait déjà été dépassé d'une manière si<br />
lâche.<br />
Cet ouvrage constitue un témoignage<br />
assez exhaustif. Il permet au lecteur de<br />
comprendre la souffrance des personnes<br />
qui ont vécu cet enfer, cette apocalypse...<br />
Ce crime contre l'Humanité, jusqu'ici<br />
resté incompris, n'a toujours pas été<br />
puni.<br />
LECTURE<br />
de Somanos SAR - Paris, Edition Jean Picollec, 2003<br />
Le titre de l'ouvrage à lui seul nous fait froid dans le dos et nous rappelle que ce génocide a bel et<br />
bien eu lieu et qu'il restera à jamais gravé dans la mémoire de tous les khmers qui l'ont directement<br />
ou indirectement subi.<br />
"Rien à perdre en te<br />
tuant, rien à gagner en<br />
t'épargnant."<br />
25<br />
Pol Pot est mort mais un génocide,<br />
aussi cruel soit-il, ne peut être oublié. Il<br />
est même un devoir de se remémorer<br />
l'Année Zéro, cette révolution dénuée de<br />
sens.<br />
Plus de 2 millions de cambodgiens<br />
ont trouvé la mort durant ses 3 ans, 8<br />
mois et 20 jours. Ce lourd bilan est resté<br />
et restera dans la mémoire collective<br />
aussi longtemps que l'âme Khmère existera.<br />
Somanos SAR<br />
Sophak UONG<br />
Né en 1965 à Phnom Penh, Somanos<br />
Sar n'avait pas 10 ans lorsque les<br />
Khmers rouges s'emparèrent du pou-<br />
voir. Dès son arrivée en France en<br />
1982, il voulut relater ce drame par<br />
écrit, mais la tâche lui parut alors<br />
insurmontable tant la langue françai-<br />
se, dont il ne connaissait que quelques<br />
mots, lui était étrangère. Aujourd'hui,<br />
après un DESS de microélectronique<br />
obtenu à la Faculté des Sciences<br />
d'Orsay, il est ingénieur en informa-<br />
tique. Ce récit constitue sa première<br />
oeuvre.<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004
2 226 EDUCATIF<br />
Introduction à la langue khmère<br />
Par ses origines anciennes et son lexique abondant, spécialistes et novices apprécient le khmer<br />
comme une langue riche et originale. Si sa grammaire paraît simple au premier abord, la langue<br />
khmère demeure néanmoins très complexe pour les non-initiés.<br />
Tirant ses origines de l'Asie du Sud,<br />
le khmer, langue officielle du<br />
royaume du Cambodge, fait partie<br />
intégrante de la branche des langues<br />
"Môn-Khmer", dont sont également issus<br />
quelques deux cents autres langues et dialectes<br />
de la péninsule de l'Asie du Sud-Est,<br />
allant du birman au vietnamien, passant<br />
par le thaïlandais et le lao. Quoique distinct<br />
et indépendant du thaïlandais, du lao<br />
et du birman, en empruntant une représentation<br />
écrite dérivant de l'alphabet indien<br />
(réputée de genèse divine tout comme les<br />
hiéroglyphes), le khmer partage avec ses<br />
voisins, en plus d'une même confession<br />
bouddhique Theravada, des racines communes<br />
de sanskrit et de pâli, héritage de<br />
plusieurs siècles d'une synergie linguistique<br />
et culturelle. Le sanskrit, langue du<br />
groupe indo-aryen est considéré par Victor<br />
Durant (in Histoire de beaucoup d'hommes,<br />
Payot 1937) comme "plus parfaite<br />
que le grec, plus riche que le latin, plus<br />
raffinée que toute autre". Le pâli, langue<br />
indo-européenne, est utilisé encore de nos<br />
jours comme langue religieuse par les<br />
bouddhistes.<br />
L'évolution du khmer<br />
Depuis la découverte de la plus<br />
ancienne inscription en khmer, les spécialistes<br />
distinguent trois périodes du khmer<br />
écrit : le khmer ancien du VIIè au XIIè siècle,<br />
le khmer moyen jusqu'au XVIIè et le<br />
khmer moderne, depuis lors.<br />
De nos jours où la mondialisation<br />
avance à grands pas, le Cambodge doit lui<br />
aussi faire face à la modernisation, il doit<br />
s'adapter tant au niveau du modus videndi,<br />
qu’au niveau de la langue, et cela sans perdre<br />
une once de richesse de sa culture et<br />
encore moins une note d'harmonie de sa<br />
langue.<br />
Cette dernière était à l'époque bien<br />
adaptée aux besoins de la civilisation traditionnelle.<br />
L'évolution très rapide de la<br />
société crée de nouveaux besoins linguistiques.<br />
Deux voies d'enrichissement sont<br />
en présence, l'une consistant à utiliser au<br />
maximum les procédés de dérivation traditionnels,<br />
l'autre à emprunter massivement<br />
au pâli.<br />
Dans son état actuel, le khmer ne correspond<br />
pas aux exigences du monde<br />
moderne. Les textes traitant de sujets<br />
administratifs, scientifiques ou politiques<br />
sont aussi difficiles à lire qu'à écrire. Ils<br />
peuvent mener immanquablement à des<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
contresens. Pendant la période du protectorat,<br />
les Français ont tenté la romanisation<br />
de la langue qui, tout à fait bien<br />
accueillie par les Vietnamiens, s'est rapidement<br />
conclue par un bel échec au<br />
Cambodge. Ils ont néanmoins laissé<br />
quelques traces lexicales: "poste",<br />
"conseil", "chemise", "machine", etc...<br />
Juste après, pour véhiculer la pensée révolutionnaire,<br />
le régime sanguinaire des<br />
Khmers rouges a aboli certains termes et,<br />
à la place, en a inventé d'autres reposant<br />
sur des néologismes sanskrit-pâli : "padevoat"<br />
révolution, "tiakropoat" impérialiste...<br />
Et à présent, avec le développement<br />
des technologies de l’information, apparaîssent<br />
de nouveaux mots - souvent<br />
anglo-saxons -, un nouveau vocabulaire<br />
pour s'adapter au monde moderne : "email",<br />
"Internet", "computer", "game",<br />
etc..<br />
Une langue hiérarchisée<br />
Autrefois, l'identité khmère était fondée<br />
sur les concepts de la monarchie, du<br />
bouddhisme et de la langue commune.<br />
L'affaiblissement des deux premiers,<br />
notamment chez les jeunes fait que la lan-<br />
gue reste aujourd'hui le ciment le plus<br />
solide de l'identité khmère. De nos jours,<br />
elle appartient à tous ceux qui la parlent,<br />
paysans et lettrés, commerçants et professeurs,<br />
nationaux et émigrés.<br />
Une langue originale<br />
A la différence des pays limitrophes, le<br />
khmer est atonal. En d'autres termes, les<br />
mots ne portent aucune intonation particulière<br />
qui modifie leur sens. Selon Georges<br />
Cambefort, dans les années 50, le khmer<br />
est "une langue d'analyse, plutôt que de<br />
synthèse, dans laquelle on doit toujours<br />
attendre la fin de la phrase pour en comprendre<br />
le sens". De ce fait, on constatera<br />
une certaine lenteur dans l'écriture, la lecture,<br />
l'échange des idées. Des "discours<br />
fleuves" sont souvent indispensables pour<br />
exprimer complètement et clairement une<br />
pensée.<br />
L'alphabet khmer<br />
Le khmer repose sur un alphabet original,<br />
provenant du sud de l'Inde, unique et<br />
complexe, qui a donné naissance aux<br />
alphabets thaï et lao. L'unité de base n'est<br />
pas le caractère alphabétique comme en<br />
langues romaines, mais la syllabe.<br />
Les caractères de base comprennent 33<br />
consonnes et symboles-pivots (Pchun Cha<br />
Neak) qui se subdivisent en deux groupes<br />
de sons, et 39 voyelles (Sraks) qui se divisent<br />
elles aussi en deux familles.<br />
Avec une grammaire au premier abord<br />
simple, balbutier des expressions comme<br />
"fille cette jolie très" ("srey nih saat nah")<br />
ou "moi aller marché acheter bananes"<br />
("kniom toeuv psar teign cheh") semble<br />
rapidement accessibles au premier venu, il<br />
faudra en fait des années pour maîtriser le<br />
cambodgien et lire couramment un article<br />
de journal. Jusqu'ici, un seul dictionnaire<br />
officiel de la langue a été publié en 1943<br />
par une commission de lettrés de l'Institut<br />
bouddhique, sous la supervision du<br />
Vénérable Chuon Nath.<br />
Prasnar YI<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
- Le Cambodge de Soizick Crochet<br />
- Parler le Cambodgien, Comprendre le<br />
Cambodgien de Pierre-Régis Martin et Dy<br />
Dathsy, Régiss Editions<br />
- Conférence prononcée le 28/03/98 par<br />
Alain Daniel, directeur des études cambodgiennes<br />
à l'Inalco<br />
- La grammaire du khmer du moderne<br />
de Khin Sok, Edition You Feng - 1999<br />
- Dictionnaire Français-Khmer de Michel<br />
Antelme et Suppya Bru-Nut, Edition<br />
Langues et Mondes - 2001<br />
- http://www.kh.refer.org/
Le "creung" est une sorte de condiment aux parfums et<br />
saveurs exotiques multiples dues à une composition<br />
riche en épices. Cette alchimie culinaire est typiquement<br />
khmère. C'est une recette qui se transmet de génération en<br />
génération au Cambodge. Dans ma famille, ma mère tient cette<br />
recette de sa mère et maintenant, je la tiens de ma mère même.<br />
On pourrait presque dire que c'est une tradition de la transmettre<br />
aux futures générations. Bien entendu, il existe certainement<br />
des variantes. La recette que je vous propose n'est absolument<br />
pas "l'authentique" recette mais c'est tout de même la recette<br />
classique du creung avec les cinq épices principaux (cf. ingrédients).<br />
D'un point de vue pratique, le creung sert de base ou de fond<br />
de sauce comme on utiliserait plus communément le fond de<br />
veau par exemple. Son procédé de fabrication est très minutieux.<br />
En effet, on obtient le creung en le broyant grâce au pilon<br />
et au mortier. Ce sont des ustensiles qui sont utilisés depuis des<br />
millénaires par nos ancêtres et dans beaucoup de civilisations<br />
orientales. Aujourd'hui, le pilon et le mortier sont détrônés par<br />
le robot mixeur. Mais la plupart des familles préfèrent encore le<br />
pilon et le mortier pour sans doute le respect de la tradition et<br />
l'obtention d'une meilleure saveur. Il n'empêche que cela constitue<br />
un travail de longue haleine et de patience, mais qui en<br />
vaut vraiment la peine quand on songe aux plats délicieux dont<br />
on pourrait se délecter.<br />
Ingrédients<br />
1- Citronnelle - "Sleuk Krey" 350gr<br />
2- Galanga - "Madeigne" 100gr<br />
3- Curcuma - "Lomieth" 50gr<br />
4- Combava ou Makrut - "Krauch saeuch" ou "Sleuk krauch"<br />
(utilisez soit le zeste du fruit ou les feuilles) 30gr<br />
5- Ail 1 gousse entière<br />
Préparation<br />
Il faut travailler tous les ingrédients de façon à obtenir une pâte<br />
homogène et cela, soit à l'aide d'un pilon et mortier (pour les<br />
plus courageux), soit d'un robot mixeur.<br />
Etape 1<br />
- Couper chaque pied de citronnelle en très fines rondelles<br />
- Couper de même pour le galanga, le curcuma et l'ail<br />
- Couper en fines lamelles la peau du citron ou les feuilles<br />
(selon votre choix)<br />
Etape 2<br />
CUISINE<br />
La recette du "CREUNG"<br />
- Piler ou mixer tous les produits jusqu'à obtenir un corps<br />
homogène qui servira de base pour la recette choisie<br />
Suggestion de recettes : Grâce à cette base obtenue, vous pouvez<br />
réaliser les plats traditionnels khmers tels que : le "samlor*<br />
matchou creung", le "samlor korkô", le "samlor khtys", le "prahoc<br />
creung", les "Sach kô aing" (brochette de bœuf), etc…<br />
*Samlor : Soupe<br />
Citronnelle<br />
Ail<br />
Galanga<br />
Curcuma<br />
Combava<br />
27<br />
Conseil du chef : Pour relever vos plats, vous pouvez rajouter<br />
un peu du prahoc dans votre creung. N'oublions pas que la cuisine<br />
khmère utilise souvent le prahoc * dans leurs mets<br />
* Vous trouverez un article consacré sur le prahoc dans l'Ecrit<br />
<strong>d'Angkor</strong> n°2<br />
Thaseda OU<br />
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Tous les jours<br />
de 5h30 à 6h30<br />
et de 19h30 à 20h30<br />
(au Cambodge)