<strong>Page</strong> 85 Hamad n’avait plus aucun doute sur sa mission. Après avoir encouragé sa sœur, il l’embrassa sur la joue et il la quitta. Il retourna vers les montagnes. Pendant qu’il marchait, il pensait à sa petite sœur. Il savait qu’il n’avait pas le choix, et puis c’était sa façon de débarrasser la planète de beaucoup de haine et de désespoir. Plus tard, cette journée-là, à l’heure de la prière, Hamad arriva au camp. Une explosion assourdissante se fit entendre.
Karianne Lemelin Un froid m'habite... <strong>Page</strong> 86 La musique dans mes oreilles aussi forte que c’est possible. Une course contre moi-même à la patinoire du quartier. Contre moi-même ou contre le temps, contre la vie. Je bondis le plus haut que mon corps me le permet, j’essaie d’attraper les nuages, mais j’en suis incapable. Aussi vite je retombe sur la pointe <strong>des</strong> mes patins, retombe sur terre. Il fait froid, très froid. Le souffle qui s’échappe de ma bouche, de mes lèvres, laisse une légère brume. Je grelotte tellement je suis frigorifiée, mais peu importe, je me sens VIVANTE! Il fait sombre, une seule lumière éclaire partiellement la glace et moi, je voltige, encore. Cette fois-ci, j’ai effleuré les nuages. Il se fait tard, je devrais rentrer, mais je n’en ai pas envie. À l'intérieur, il fait chaud, trop chaud et je me sens morte. Si j’entre, je devrai affronter mes pensées. Je devrai affronter le vide, son absence, le fait qu’il m’a quittée. Plus rien ne sera jamais pareil... Je me déchausse et je longe la route pour entrer. Il fait chaud dans mes couvertures, le bout de mon nez n’est presque plus rouge. Mais mon coeur, lui, il a froid, il est de glace. Pourquoi m’a-t-il fait ça? Pourquoi a-t-il levé l’ancre? Il m’avait pourtant promis que jamais il ne m’abandonnerait... Que jamais il ne me laisserait seule, seule avec moi-même... Je me laisse emporter dans les bras de Morphée. Aujourd’hui c’est samedi, un samedi glacial autant à l’extérieur qu’à l'intérieur. Le samedi était notre journée. Nous dormions enlacés sans nous soucier du temps. Ensuite, nous allions préparer le petit déjeuner. La plupart du temps, ça se terminait par une tranche de pain au beurre d’arachide, mais peu importe la simplicité du repas, l’important c’est que nous étions là tous les deux. Maintenant, je dois manger seule mes ‘‘toasts’’, et elles n’ont plus le même goût. Quand on y pense, on a beau croire avec certitude que quelque chose est éternel, mais ça fait de nous <strong>des</strong> êtres naïfs. Naïfs de penser qu’on peut contrôler ces choses-là. Je l’aime! Je l’aime et même s’il est parti, même s’il m’a quitté, je ne peux l’oublier! C’est trop dur, trop tôt, tout simplement impossible. Je n’étais pas prête à ça... J’enfile mes patins et je retourne sur cette glace. Je me laisse pousser par le vent sur ce givre plein d’illusions. J’envie les adolescents amoureux qui patinent main dans la main, se regardent et peuvent voir leur avenir dans les yeux de l’autre. Jadis nous étions comme eux, jeunes, la vie devant nous avec comme seule préoccupation, s’aimer. Je ne peux plus retenir mes pleurs. Les larmes perlent sur mes joues glacées, sans retenue. Aujourd’hui je n’ai pas la force d’attraper les nuages. C’est lui que je veux, lui, seulement lui en chair et en os. Son odeur, son souffle chaud dans mon cou, ses yeux, doux reflet d’océan. C’est le temps que j’entre, il fait froid, trop froid. Une soupe bouillante. Bouillante et tellement rassurante. Rien de mieux pour réchauffer l’âme. Je n’ai jamais si bien compris l’expression « voir quelqu’un dans sa soupe ». Dans la mienne, il y a nous deux. Parfois j’ai été dure avec lui, mais je l’aimais! ... Je l’aime toujours d’ailleurs! Je le jure... « Reviens-moi, et je te ferai
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