Table des matières Allard, Michel Mika Page 1 Beaudet-Bélanger ...
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Alexandre Paiement<br />
La Chasse-galerie<br />
<strong>Page</strong> 97<br />
L’histoire que je m’apprête à vous raconter, vous ne le croirez peut-être pas, mais elle est bien vraie est<br />
arrivée il y a environ cent cinquante ans dans un petit camp de bûcherons tout près de Gatineau. Il s’agit de<br />
l’histoire de la Chasse-galerie là où le diable fait <strong>des</strong> siennes sur quelques bûcherons désespérés qui<br />
voulaient seulement retrouver leur femme le temps d’une soirée. Mais étaient-ils prêts à vendre leur âme<br />
pour un doux baiser de la part de leur bien-aimée? Nous le saurons bien assez vite... Ainsi va la légende de la<br />
Chasse-galerie.<br />
À l’aube du 31 décembre 1858, dans les gran<strong>des</strong> forêts au nord de Gatineau, un hiver assez brutal faisait<br />
rage, les bancs de neige atteignaient déjà plus de deux mètres. Comme à l’habitude en cette veille du Jour de<br />
l’an, tous les bûcherons reçurent un petit baril du meilleur rhum de la contrée. Le cuisinier avait déjà presque<br />
terminé le repas pour le festin du lendemain. L’odeur de la mélasse en fit baver plus d’un, mais pas question<br />
d’y toucher, c’était bien sûr pour une partie de tire au douzième coup de minuit afin de célébrer le Nouvel<br />
An. Le soir venu, tous étaient bien assis, une bonne pipe à la bouche devant un feu réconfortant rêvant de<br />
s’évader en ville pour fêter. « Si les petits ruisseaux forment de gran<strong>des</strong> rivières, les petits verres finissent par<br />
vider les grosses cruches », comme ils disaient dans ce temps-là.<br />
À boire comme ça, il n’était pas rare que les fêtes se terminent par de nombreuses batailles souvent attiser<br />
par le trop plein d’orgueil qu’il y a dans un endroit où résident autant d’hommes. Au onzième coups de<br />
l’horloge, plusieurs se retirèrent bien au chaud sous leur couette sans souhaiter la bonne année aux hommes<br />
du chantier voisin. Prêt à se passer du quart de lard. Batiste Durand, le plus téméraire, réveilla Joe le Cook<br />
sur le coup de minuit en lui disant « je m’en vais voir ma blonde a Lavaltrie. Veux-tu venir avec moi? » Joe<br />
réalisa qu’il lui demandait de courir la Chasse-galerie, de risquer son salut éternel pour le plaisir d’aller<br />
embrasser sa bien-aimée à plus de cent lieues du camp ou il se trouve. Que demander de mieux que d’être<br />
auprès d’elle? Joe, un peu ivre, n’ayant peur de rien, hésita tout de même à mettre son âme en jeu.<br />
Baptiste, bonimenteur d’expérience, le rassura <strong>des</strong> dangers avec de bons arguments et finalement réussit à le<br />
convaincre. Ils devaient seulement éviter de parler du Bon Dieu pendant le trajet et de ne pas s’accrocher aux<br />
croix <strong>des</strong> clochers en voyageant. Ce n’était guère la première fois que Baptiste mettait son âme en gage pour<br />
retrouver sa belle. « Pense à la belle Liza Guimebette et au plaisir que tu auras lorsqu’elle t’accordera la<br />
première danse. La première règle de ce pacte est qu’il doit absolument y avoir un nombre pair d’hommes à<br />
bord du canot, nous sommes sept déjà et tu seras le huitième ». Finalement Joe accepta. Les hommes étaient<br />
déjà dans le canot, l’aviron à la main. Sans même avoir le temps de réfléchir le canot s’éleva dans les airs,<br />
Baptiste aux comman<strong>des</strong> et au premier coup d’aviron le canot fila à vive allure à cinq ou six cents pieds au<strong>des</strong>sus<br />
<strong>des</strong> arbres.<br />
C’est à ce moment précis que les hommes réalisèrent que c’est maintenant le Diable qui menait leur voyage.<br />
Le canot fila plus vite que le vent. Une quinzaine de minutes plus tard, ils aperçurent Gatineau à l’horizon.<br />
Baptiste leur rappela qu’il fallait reprendre la route du chantier pour y être avant six heures du matin sans<br />
quoi ils pouvaient dire adieu à leur âme. Une heure plus tard, enfin arrivé à Lavaltrie, tous furent très<br />
heureux de les voir arriver. Les bûcherons chantèrent et dansèrent tous en choeur le restant de la nuit, mais<br />
Baptiste avait bu comme un trou et c’était lui qui devait gouverner le retour. La lune avait déjà entamé sa<br />
<strong>des</strong>cente, il était plus que temps de partir. Malheureusement, Baptiste n’avait pas la main aussi sûre aux<br />
comman<strong>des</strong> du canot, il manqua un clocher de très peu. « Par ta faute, on va s’retrouver en enfer si tu ne