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dimanche 24 septembre

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m iiiiii LE <strong>24</strong> SEPTEMBRE 1933 nHMMiiiHmiiiiiiiiiiiiiiiMiiiiiiminiiiimimiMiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiii 5 iiiiiiinmiiiiiiiiiiiimuiiniHiiiiiiiiiiiiH ■■■itiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiui DIMANCHE-ILLUSTRÉ «« 3<br />

Si nous connaissons, à l'heure actuelle,<br />

d'une façon presque parfaite, les<br />

intrigues politiques qui se sont<br />

nouées à la cour des rois de France<br />

pendant la deuxième partie du<br />

XV" siècle, c'est surtout à Comines que<br />

nous le devons. Comme la plupart des chroniqueurs<br />

de cette époque, Comines était-il<br />

donc un ménestrel, un frère heureux des<br />

anciens jongleurs, en un mot le louangeur<br />

attitré d'un qrand seigneur qui devenait<br />

ainsi, tout à la fois, le patron et le héros<br />

de l'œuvre entreprise ? Point du tout.<br />

Philippe van den Clyte, sire de Comines,<br />

était d'une excellente famille des Flandres.<br />

S'il écrivit ses Mémoires, ce fut parce que<br />

l'inaction lui pesait, pour son propre plaisir<br />

et non dans l'espoir de récompenses qui ne<br />

pouvaient égaler celles précédemment reçues.<br />

Né en 1445, le sire de Comines ne fut<br />

point un « escumeur » de latin. Les humanités<br />

furent lettres mortes pour lui ; par<br />

contre, son enfance, passa à apprendre le<br />

noble métier des armes, à manier parfaitement<br />

le cheval. Ce fut donc un fort gentil<br />

page que le duc de Bourgogne, Philippe<br />

le Bon, vit arriver un jour et qu'il s'empressa<br />

de donner pour compagnon à son fus, le<br />

comte de Charolais.<br />

Une étroite amitié ne tarda pas à unir<br />

ces jeunes gens. Petit-fils de Jean Sans Peur,<br />

le comte de Charolais ne devait pas mentir<br />

à sa valeureuse ascendance ; bientôt, il<br />

changeait son nom pour un autre que l'Histoire<br />

n'oubliera pas de sitôt et que Comines<br />

put graver en lettres d'airain, celui<br />

de Charles le Téméraire.<br />

NTRER dans la vie aux côtés d'un si noble<br />

E et puissant personnage était déjà une<br />

chance, l'espérance d'une existence aventureuse<br />

et pleine de prouesses. Le comte de<br />

Charolais n'était pas maître à laisser chômer<br />

ses bons compagnons et c'est pourquoi<br />

nous trouvous, en H65, le jeune Comines<br />

tout à l'enthousiasme de ses vingt ans, sur<br />

le champ de bataille de Montlhéry.<br />

Il se battait sous la. bannière de la Ligue<br />

du Bien Public et l'ennemi était représenté<br />

par un jeune homme qui, lui aussi, devait<br />

faire ses premières preuves de bravoure et<br />

de stratégie dans cette journée. C'était un<br />

certain Louis, qui venait de recueillir la<br />

couronne de France et entendait la porter<br />

sans avoir à la tenir de ses nobles féaux.<br />

Louis XI inaugurait son règne de façon singulière.<br />

La Ligue du Bien Public n'avait guère<br />

"d'autre motif que la défense des intérêts et<br />

des privilèges féodaux contre l'autorité<br />

royale. Le détenteur de la couronne voulait<br />

abaisser les grands possesseurs de fiefs.<br />

La lutte s engagea sous les tours même<br />

du château célèbre dans l'histoire du moyen<br />

.âqe par ses résistances au pouvoir et que^ les<br />

premiers successeurs de Hugues Capet n'ac-<br />

'quirent qu'en s'alliant aux seigneurs de<br />

Montlhéry. Pour la première fois, Comines<br />

put voir à l'œuvre ceux qu'il devait servir<br />

avec des fortunes diverses — Charles et<br />

Louis — et leurs actes, dans cette journée,<br />

lui dictèrent peut-être sa conduite future.<br />

Les soldats avaient mollement engagé le<br />

combat, mais les deux chefs accomplissaient<br />

prouesses sur prouesses. Louis XI eut un<br />

cheval tué sous lui au plus fort de la mêlée.<br />

On le crut mort ; mais, reparaissant soudain,<br />

il rallia ses troupes et, par trois fois, les<br />

ramena à l'assaut. Seulement, le jeune Louis<br />

était déjà un fin renard ; le gain de la journée<br />

étant assuré, il rentra vivement dans<br />

Paris, enjeu de la bataille. Comines nous<br />

montre alors le comte de Charolais tout<br />

gonflé d'orgueil. « Il estima la gloire être<br />

sienne, ce qui, depuis, lui a coûté bien cher,<br />

car jamais plus il n'usa de conseil d'homme,<br />

mais du sien propre et, par là, fut finie sa<br />

vie et sa maison détruite. »<br />

Néanmoins, étant Flandrien, Comines<br />

se trouvait attaché au sort de cette maison<br />

par Emile Pagès<br />

de Bourgogne. Sans consulter ses préférences<br />

secrètes, il suivit donc la fortune du<br />

comte de Charolais. Cette fortune le conduisit<br />

sur maints champs de bataille, Charles<br />

ne cessant de guerroyer. Il assista ainsi à<br />

la destruction de Liège, à des scènes d'horreur<br />

qui révoltaient son humanité et son<br />

sens de fin politique.<br />

C'est de cette époque, sans doute, que<br />

date le refroidissement de l'amitié du duc<br />

et de son serviteur. Charles le Téméraire<br />

n'autorisait aucun conseil et Comines<br />

commença à essuyer bien des rebuffades, des<br />

brutalités même, dit-on. L eloignement ne fit<br />

que s'accentuer entre les deux hommes, à<br />

la suite de la fameuse entrevue de Péronnc.<br />

Louis XI était pris dans le piège ; au comble<br />

de la colère, le duc de Bourgogne n'avait<br />

qu'un geste à faire pour supprimer son royal<br />

cousin. Comines osa parler haut, s'opposer<br />

au geste.<br />

Charles le Téméraire ne pardonna jamais<br />

ce conseil de clémence, mais Louis ne l'oublia<br />

pas. Aussi, en 1472, lorsque la vie fut<br />

devenue impossible auprès du premier maître,<br />

Comines trouva-t-il une refuge près<br />

de celui qui, depuis fort longtemps, attendait<br />

sa venue.<br />

A la cour de France, l'arrivant ne trouva<br />

pas de grands seigneurs en adulation perpétuelle<br />

devant le maître ; un entourage effacé,<br />

des hommes simples, un médecin, un barbier :<br />

Tristan Coictier, Olivier le Daim. Mais ces<br />

hommes sans titres étaient rompus à toutes<br />

les difficultés de la diplomatie, savaient parfaitement<br />

déjouer les intrigues, démasquaient<br />

les traîtres : un cardinal La Ballue, un-connétable<br />

de Saint-Pol, un duc de Nemours.<br />

Le duc de Nemours ! Comines assista à<br />

toutes les phases de cette sanglante tragédie.<br />

Allié à la famille des Armagnacs,<br />

Nemours, petit ca'det de fortune, était passé<br />

plusieurs fois du service de Louis XI à celui<br />

de ses ennemis. Las de ces volte-face, le<br />

8 juillet 1470, le roi fit jurer à Nemours<br />

que, désormais, il lui serait fidèle et l'avertirait<br />

de tout ce qui se tramerait contre lui.<br />

Nemours prêta le serment terrible qui engageait<br />

sa tête. Mais des yeux vigilants surent<br />

lire dans sa correspondance au connétable<br />

de Saint-Pol et le seigneur de Plessis-les-<br />

Tours remit Nemours aux mains de son<br />

tortionnaire juré en lui disant : « Faites-le<br />

moi bien parler ; faites-le moi parler clair. »<br />

Le duc parla clair, très clair... et sa tête<br />

roula sous le glaive du bourreau en la place<br />

des Halles.<br />

Le sire Philippe de Comines et sa femme en prières, d'après une sculpture<br />

du quinzième siècle (Musée du Louvre).<br />

Le supplicié laissait de grands biens. Comines<br />

rêva de les faire entrer dans sa maison.<br />

Nemours n'avait-il pas un fils et lui possédait<br />

une fille. Une telle idée était bien de<br />

ce fin politique, qui s'assurait en outre la<br />

bienveillance de Louis XI, heureux de voir<br />

l'héritier d'un rebelle s'allier à la famille<br />

d'un de ses plus fidèles serviteurs. Seulement<br />

Coictier et Olivier, jaloux de ce grand seigneur<br />

trop bon diplomate, le desservirent<br />

de toutes leurs forces auprès du maître.<br />

C'est qu'il y avait vraiment de quoi exciter<br />

l'envie. Alors que les autres demeuraient<br />

obscurs, bien que payés magnifiquement,<br />

Comines, lui, grandissait d'éclatante manière.<br />

Maintenant, il se voyait paré de la<br />

dignité de sénéchal du Poitou et s'honorait<br />

du titre de seigneur d'Argenton. Au surplus,<br />

il gagnait dignement ces honneurs.<br />

Après avoir servi Charles le Téméraire<br />

au péril même de sa vie, il servait maintenant<br />

avec fidélité et empressement ce<br />

Louis XI qu'il admirait et dont il appréciait<br />

les qualités supérieures. Il y avait entre le<br />

roi et lui une unité parfaite de vues.<br />

Aussi Comines fut-il désigné pour se<br />

rendre en Flandre, en Bourgogne, en Angleterre.<br />

A cette époque, il est à l'apogée de<br />

sa carrière. Villemain l'a bien dépeint :<br />

« Comines est un esprit sérieux, solide,<br />

intelligent de toutes les ruses, jugeant avec<br />

un sens merveilleux le caractère, la forme,<br />

le but des gouvernements ; plus habile que<br />

scrupuleux, mais cependant s'élevant à la<br />

probité par le bon sens, parce que, à tout<br />

prendre, elle est plus raisonnable que le<br />

reste et qu'elle assure mieux le maintien de<br />

la puissance. »<br />

Donc, pendant onze ans, jusqu'à la mort<br />

du roi en 1483, Comines fut le confident<br />

de Louis XI, son intime, son « valet de<br />

chambre ». Un valet de chambre grand<br />

seigneur, cela va sans dire et qui ne pouvait<br />

disparaître brusquement de la scène politique<br />

comme un Olivier, un Tristan l'Hermite,<br />

du fait d'un trépas illustre. D'ailleurs,<br />

pour un tel politique, la situation paraissait<br />

excellente.<br />

Une femme, Anne de Beaufeu, fille du roi<br />

défunt, exerçait la régence jusqu'à la majorité<br />

de son jeune frère, le futur Charles VIII.<br />

Un épisode vécu des Chroniques de Comines: «La mort du duc Charles le<br />

Jeméraire devant Nancy, en 1477 », d'après une ancienne enluminure.<br />

Bien entendu, l'occasion était belle aux<br />

ambitions pour se débrider ; ce fut une ruée<br />

autour de la couronne. Comines pressentait<br />

la fortune du duc d'Orléans, dans lequel<br />

il devinait un homme capable de devenir roi.<br />

Il prit donc place à ses côtés et entra à sa<br />

suite dans le grand complot des princes.<br />

Malheureusement, le seigneur d'Argenton<br />

avait des affaires très compliquées, entre<br />

autres certains démêlés avec la puissante<br />

famille des La Trémoïlle, que Louis XI avait<br />

dépouillée à son profit du fief de Talmont.<br />

Anne de Beaujeu jeta les yeux sur l'ancien<br />

valet de chambre de son père ; elle reconnut<br />

en lui un ennemi qu'il ne ferait pas bon<br />

dédaigner et, opposant la fermeté à la ruse,<br />

elle ruina en une minute les espérances politiques<br />

du conspirateur. Comines fut arrêté<br />

purement et simplement.<br />

A<br />

SON tour, il fit connaissance avec les fameuses<br />

« fillettes » du roi. son ami, les<br />

cages de fer du sinistre château de Loches.<br />

Il eut huit bons mois pour en juger le parfait<br />

agencement et gémir comme l'avaient<br />

précédemment fait d'illustres prisonniers.<br />

De là, on le transféra à Paris où un sort<br />

plus doux l'attendait. Sa prison se trouva<br />

en « la haulte chambre de la Tour carrée<br />

de la Conciergerie ». Là, il avait une distraction<br />

merveilleuse pour tuer le temps. Il<br />

regardait passer les bateaux ! principalement<br />

« ceux qui montaient contremont la<br />

rivière de Seine du côté de Normandie ».<br />

Mais le passage des chalands ne suffisait pas<br />

pour occuper l'esprit d'un homme tel que<br />

Comines et, après avoir passé les années<br />

1488 et 1489 dans cette situation mélancolique,<br />

il obtint de plaider sa cause luimême.<br />

Son qrand talent aidant — et aussi<br />

parce que le duc d'Orléans était rentré en<br />

faveur — il obtint sa grâce.<br />

Aussi, en 1492, le voyons-nous faire partie<br />

de l'expédition d'Italie. Charles VIII a appris<br />

à estimer à sa juste valeur le valet de chambre<br />

de son père. Il lui confie plusieurs missions<br />

diplomatiques aux cours italiennes de<br />

Venise et de Milan. Elles n'aboutissent pas<br />

toutes à des succès et les ennemis du seigneur<br />

d'Arqenton en profitent pour le rejeter<br />

dans l'ombre. Mais le fin matois possède<br />

plus d'une corde à son arc. Contre toute<br />

espérance, en 1495, nous le retrouvons en<br />

Italie, auprès du roi, et participant à cette<br />

chevauchée merveilleuse dont il a lui-même<br />

dit que : « Charles VIII réussit si bien qu'il<br />

faut conclure que ce voyage fut conduit de<br />

Dieu tant à l'aller qu'au retourner. » Ce<br />

n'étaient que cavalcades, fêtes, tournois.<br />

Le 31 décembre, l'entrée à Rome se fit « en<br />

bel et furieux ordre de bataille, trompettes<br />

sonnantes et tambours battants. »<br />

Mais, aux approches de la terre de France,<br />

le sort sembla soudain vouloir donner un<br />

démenti à cette promenade triomphale. Le<br />

lundi 6 juillet 1495, les Français, au nombre<br />

de 9.000, se trouvèrent en présence d'une<br />

nombreuse armée forte de 40.000 hommes,<br />

concentrée dans les défilés des Alpes, près<br />

de Fornoue. Le péril exalta tous les cou-?<br />

rages. Ecoutons Comines parler de cette<br />

journée où il joua de l'épée une fois de plus :<br />

« Le petit roi n'était plus reconnaissable<br />

tant il était grand, ferme, audacieux. Je vins<br />

à lui et le trouvais armé de toutes pièces<br />

et monté sur le plus beau cheval que j'ai<br />

vu de mon temps. Il semblait que ce jeune<br />

homme fut tout autre que sa nature né por-;<br />

tait, ni sa taille, ni sa complexion, et ce<br />

cheval le montrait grand, et avait le visage<br />

bon et la parole audacieuse et sage. »<br />

; \ (Lire la suite page 14.)

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