Dervin, F. (2006 c).

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Vol. 19, n° 110
Articles
avant tout comme étant français. Alain écrit : « Le temps importe
moins dans les relations avec mes connaissances en France ».
Mireille, quant à elle, parle « du retard obligatoire avec mes amis en
France ». Il y a ainsi une mouvance mentale vers la France pour
définir le temps vécu en Finlande. Ils font valoir également qu’ils
sont eux-mêmes “rangés” par les autres selon leur nationalité (ils ne
précisent pas s’il s’agit des Fin-landais ou des autres étrangers) :
« Ils pensent que je serai en retard à chaque fois » [Judith] et « You
French are too slow » 41 [Henri]. Enfin, leur maniement du temps
est remis en question par le séjour en Finlande. C’est la différence
qui les « force à être plus à l’heure » [Audrey], à faire un effort pour
respecter le temps codifié finlandais.
Temps finlandais stéréotypé
Ce temps codifié, tel que le définissent les étudiants Erasmus
français, permet des commentaires sur les Finlandais. Ils sont
“ponctuels” : « Les Finlandais savent gérer le temps mieux que les
Français… peut être est-ce l’une des raisons pour lesquelles ils ne
sont jamais en retard » 42 [Henri] ; ils prennent leur temps : « Je ne
les ai jamais entendu rouspéter si un bus était en retard » [Mireille] ;
ils sont efficaces : « Il ne faut pas perdre une minute » [Audrey] ; ils
découpent le temps 43 .
Ce “ils” s’oppose au “nous” (les Français), qui caractérisent le
temps (et s’autodéfinissent du même coup) autrement. Il est
étonnant de re-marquer que les réponses aux questions se
transforment parfois en conseils pour touristes ou visiteurs potentiels,
comme une sorte de phrase-book culturel sur la Finlande : « En
hivers [sic], on sort quand le soleil montre son nez… même si on
avait prévu autre chose, donc : être libre entre12 h et 14 h » [Jean].
Pour finir, Paul surenchérit : « Le temps finlandais ne me gène pas ;
au contraire, on en profite pour doubler la queue en sortie de boîte
de nuit… mais ce n’est pas un exemple à citer ». En d’autres termes,
cet étudiant atteste que le temps étranger (ici la durée) qu’il “habite”
41. En anglais dans le texte : « Vous, les Français, vous êtes trop lents ». Rappelons ici que les
étudiants Erasmus communiquent essentiellement en anglais lors de leur séjour en Finlande.
42. Les citations sont issues des réponses aux questionnaires.
43. Idée de monochronie chez Edward Hall. Voir HALL, Edward, Le langage silencieux, op. cit.