(Emma Lajeunesse) / par Napoléon Legendre
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KillIA LAJElJ.\ESSËï<br />
NAPOLÉON 'LECENHÎ\h;<br />
i -<br />
-<br />
. 'tl, rue Samle-Anne.<br />
| IS7i<br />
I<br />
|
1<br />
(KM M A<br />
ALBANI<br />
I.A.IK I tXKHSK.)
ALI5A.M.<br />
( I'M M A LAJEUNESSE;<br />
<strong>Emma</strong> Lajenncsse,—ou Albani, pour l'up<br />
polor du nom qu'elle a illustré ou si peu dt<br />
temps,—est née i\ Chambly, province de<br />
Québec, en 1848. Elle fut baptisée, plus tard,<br />
à Plattsburg, N. Y.<br />
Son pèro, Joseph <strong>Lajeunesse</strong>, d'abord étu<br />
diant en médecine, était un professeur do mu<br />
sique d'une certaine habileté et possédait<br />
surtout un goût com<strong>par</strong>ativement trôs-déve-<br />
loppé. <strong>Emma</strong> est l'ainéo do deux antres<br />
enfants, dont l'un est actuellement dans les<br />
ordres, au séminaire do Montréal.
Madame Lftjeunesse (néo Molina Mignault),<br />
fut la premier professeur de sa fille.<br />
Dès l'âge do quatre ans, la petite <strong>Emma</strong><br />
avait déjà commencé, dans les croches et les<br />
doubles croches, les pauses et les soupirs, ce<br />
travail
taneo, platemont ot lourdement. Ce n'est pas<br />
ainsi qu'un enfant est formé et moulé. Il faut<br />
des efforts graduels ot réitérés, des assauts<br />
intelligents et mesurés. C'est plutôt un acier<br />
généreux qui se façonne à l'aide de la flamme<br />
et d'une pression savante.<br />
Or, notre jeune virtuose n'était pas unociro<br />
molle; autrement elle no fût probablement<br />
jamais devenue la grando artisto que noua<br />
savons.<br />
Vers 1853, M. <strong>Lajeunesse</strong> vint s'établir à<br />
Montréal.<br />
Nous nous rappelons encoro la maison qu'il<br />
a occupée, sur la rue Saint-Charles Borromèe.<br />
Il enseignait la musique, ré<strong>par</strong>ait ot accordait<br />
les pianos. On ne devient pas riche, de no»<br />
jours, dans l'exercice de cette profession. A<br />
cette époque, elle était moins lucrative encore.<br />
Cependant, la petite <strong>Emma</strong> perdit sa mèro,<br />
et ce grand malheur vint la frapper à un âge
où il laisse déjà des traces profondes, surtout<br />
chez nno jeune fillo.<br />
La maison futtmto pondant bien des mois ;.<br />
les études, toutefois, no furent point aban<br />
données, ot M. La jeunesse y trouva une dis<br />
traction qui l'aida à supporter lo violent,<br />
chagrin qu'il avait ressenti.<br />
C'est vers ce temps qu'a commencé la véri<br />
table éducation musicale do la potito <strong>Emma</strong>.<br />
Dire que son père l'aimait sciait no peindre<br />
que faiblement l'espèce do culte qu'il avait<br />
pour sa fille. Il la sentait douée et ne songeait<br />
qu'à la faire briller, (ju'à en faire une grande<br />
artiste. Etait-ce lo révo do l'amour paternel<br />
ou la prévision du musicien on présence d'une<br />
organisation pleine do grandes promesses,?<br />
C'était probablement les deux. Quoi qu'il'en<br />
»oit, la prévimon a été juste, lo rêve est devenu<br />
une réalité.<br />
M, Lajennesso adorait safillo ; mais lorsqu'il
s'agissait de ses études musicales, il étaitd'un©<br />
«xtrême sévérité. La journéo de la petite <strong>Emma</strong><br />
était bien romplie. Elle s'exerçait six heures<br />
<strong>par</strong> jour régulièrement : deux ou trois heures<br />
de piano, une heure ou deux de harpe, et une<br />
heuro de chant matin et soir : tel était le programme<br />
dont elle ne s'écartait que trèsrarement,<br />
hors les occasions où sa constitution<br />
délicate lui dictait quelques jours d'un repos<br />
nécessaire. Son' père était alors son unique<br />
professeur ; et il est juste de dire qu'il lui a<br />
donné une excellente direction.<br />
Tout n'était pas rose, néanmoins, dans l'existence<br />
de la jeune musicienne. Le public qui<br />
voit j>araître un artiste sur la scène ou manœuvrer<br />
un régiment sur place, s'imagine<br />
volontiers que le jeu entraînant de l'un et les<br />
•évolutions brillantes de l'autre ont été acquis<br />
sans plus de peine et de difficultés qu'il n'en a<br />
il les regarder ou à les entendre. Hélas ! s'il
— 6 —<br />
lui était donné do jeter un coup d'œil dans la<br />
coulisse ou dans la salle d'exercico ; s'il pou<br />
vait voir combien ce qu'on est convenu d'ap<br />
peler la ficelle tient plutôt du cablo et do la<br />
chaîne ; comme il changerait d'idée ! Cepen<br />
dant, on admirerait-il plus les uns et les autres ?<br />
Nous croyons quo non. Car, dans ce monde,<br />
tout singulier que cola <strong>par</strong>aisse, la fiction est<br />
plus forte quo la réalité : et l'on plourera<br />
toujours plus volontiers sur lo malheur sup<br />
posé de l'Eléonoro du Trouvère que sur les<br />
angoisses réelles do l'artiste qui est peut-être<br />
obligée de chanter co rôle pendant que chez<br />
elle los cierges brûlent dans une chambre<br />
mortuaire, près du corps d'un <strong>par</strong>ent chéri.<br />
Nous avons déjà ou occasion de dire que-<br />
notro jeune musicienne, tout en cultivant son<br />
art, n'entendait pas rononcer complètement<br />
aux amusements do son âgo; elle conservait<br />
donc un goût prononcé pour lo jeu et le tapage.
_7 —<br />
Après tout, à cet âge, la choso est si naturelle !<br />
Mais elle se laissait emporter souvent au<br />
delà des limites qu'une raison plus froide<br />
dovait établir. De là aussi, maintos fois, de ces<br />
petites scènes de famille entre la fille ot le<br />
père : remontrances d'un côté, pleurs ot colères<br />
de l'autre.<br />
M. <strong>Lajeunesse</strong> avait trouvé, à Montréal,<br />
dans la personne do M. Guillaume David, alors<br />
célibataire aisé, un ami et un protecteur pré<br />
cieux. Ce digne citoyen avait conçu une<br />
affection toute paternelle pour la petite <strong>Emma</strong>.<br />
Ello no l'appelait pas autromont quo l'oncle<br />
Guillaume. Aussi, combien de fois no l'a-t-il<br />
pas consolée de ses chagrins d'enfant ; com<br />
bien de fois n'a t-il pas rétabli entre la fille et<br />
le père une paix que ce dernier ne demandait<br />
qu'tl signer jusqu'à la prochaine<br />
escapade de notre espiègle enfant.<br />
Madame Lavigne, la mère de notre violo-
niate populaire, a aussi été souvent, pour Mlle.<br />
<strong>Lajeunesse</strong>, la confidente de ces gros chagrins<br />
quo ntwjp avons tous ressenti*, et ses caresses<br />
maternelles ont bien dos fois remplacé les<br />
baisers de celle qui n'était plus. Nous ne<br />
pouvons résister au désir de raconter ici une<br />
on deux anecdotes qui peindront d'une ma<br />
nière plus frappante l'enfance et le caractère<br />
rie la jeune virtuose.<br />
La profession de M. Lajeunesee l'appelait<br />
souvent en .lebors do la ville, dans certains<br />
villages où il allait de temps à autre accorder<br />
ou ré<strong>par</strong>er les instruments. Il ne <strong>par</strong>tait<br />
jamais «ans faire à sa fille les plus minutieuses<br />
recommandations sur l'emploi du temps pen<br />
dant son absence.<br />
Or, un jour, il devait <strong>par</strong>tir à doux hotiros<br />
pour Vmidrouil. <strong>Emma</strong> avait pré<strong>par</strong>é avec<br />
«flirt la malle de son pére, ce qui ne l'avait pas<br />
d'ailleurs tellement absorbée qu'elle n'eût eu
— 9 —<br />
le temps d'avertir quelques-unes de ses petites<br />
.amies.<br />
—Papa ne revient que demain soir, avait-<br />
•elle dit ; nous pourrons nous amuser toute<br />
l'après-midi, et je trouverai bien le moyen<br />
ensuite de rattraper le temps perdu.<br />
A midi le papa vint dîner, et, un peu-avant<br />
une heure, une voiture l'emportait avec sa<br />
malle vers la gare de la Pointe Saint-Charles.<br />
—Surtout ne t'amuse pas et travaille; je<br />
saurai bien m'apercevoir, à mon retour, de la<br />
manière dont tu auras employé ton temps.<br />
Tâche d'être bonne fille I Telles avaient été<br />
ses dernières <strong>par</strong>oles, au moment do monter en<br />
voiture.<br />
<strong>Emma</strong> avait bon cœurles- derniers mots<br />
de la recommandation L'avaient touchée. JSîle .<br />
se serait probablement; mise à sonjjuano<br />
sa harpe. Mais, hélas I Mes potites amies'"<br />
Avaient été averties ot il-est si ^difficile JfcUj- J<br />
o u
—10 —<br />
décommander une fête, surtout à douze ans !<br />
Le père avait, d'ailleurs, à peine tourne" la<br />
coin de la rue qu'uno des invitées, qui guettait<br />
impatiemment ce dé<strong>par</strong>t, commence à montrer<br />
8a petite tête et entre sur la pointe du pied.<br />
—Est-il bien <strong>par</strong>ti ? dcmande-t-ello à voix<br />
basse et avec do petits yeux inquiets?<br />
Que repondre ? Que faire ? Il no fallait pas<br />
mentir. <strong>Emma</strong>, d'ailleurs, n'eut pas le temps<br />
de prendre uno décision. Une seconde petite<br />
Wto BO montra, puis uno troisième, une qua<br />
trième, uno cinquième; les amies et<br />
les amies des amies, un véritable essaim de<br />
fraîches figures.<br />
Il n'y avait plus moyen do reculer ; ladame<br />
de céans se résigno—sans trop de peine, il<br />
fhùt bien lodiro,—et la fête commence, c'est-<br />
à-dire, les francs éclats de rire, les jeux, le<br />
bruit a casser los vitres!<br />
On s'amusait comme nous nous sommos tous
— 11 —<br />
amusés dans ces jours frais et riants de notre-<br />
enfance, hélas ! maintenant envolés!<br />
Cependant, M. Lajeunesso avait dû arrêter<br />
un instant chez Secbold, pour prondro quel<br />
ques cfFots. L'instant s'était un peu prolongé.<br />
Puis il avait rencontré, plus loin, un ami avec<br />
lequel il avait causé. La bête qui le conduisait<br />
n'était pas un pur sang, et il lui fallut encoro<br />
subir un encombrement sur le pont Wel<br />
lington. Bref, lorsqu'il arriva à la Point©<br />
Saint-Charles, le dernier wagon du train était<br />
sorti do la gare.<br />
—Just in time to be too late t dit le chef de<br />
gare, homme spirituel maiB incompris.<br />
Il fallut revenir.<br />
En montant l'escalier, il entendit des sym<br />
phonies qui n'avaient aucune <strong>par</strong>enté avec<br />
la harpe ou le piano ; il écouta et comprit de<br />
suite la situation.<br />
La fête était à son apogée.
— 12 —<br />
On riait, on s'amusait, on tapageajt sur un<br />
volcan !<br />
Soudainement, un coup see est frappé à la<br />
porte. <strong>Emma</strong> ello-mCmo vient ouvrir, et reste<br />
pétrifiée on face de la figure paternelle à<br />
laquelle des lunettes bleues prêtaient je ne sais<br />
quello severity.<br />
En un clin d'œil toutes les petites amies<br />
étaient dis<strong>par</strong>ues,<br />
ISOUH ne savons trop eo qui arriva, mais la<br />
romoiitranco fut sévère; car lorsque lo père<br />
sortit pour aller à BCS leçons, la petite courut<br />
ao réfugier chez madame Lavigne.<br />
Elle en avait assez do chant et do musique,<br />
«t, dans son exaltation, elle <strong>par</strong>lait de s'en aller<br />
aux Etats-Unis on d'entrer dans une commu<br />
nauté.<br />
Madame Lavigne la consola avec de ces<br />
<strong>par</strong>oles comme les mères soulos savent en<br />
trouvor.
— 13 —<br />
Elle finit <strong>par</strong> calmer ses esprits échauffés et<br />
la retint à souper avec la famille.<br />
Pendant le repas, M. David ap<strong>par</strong>ut. <strong>Emma</strong><br />
dut lui raconter de nouveau toute son aven<br />
ture, et ce fut uno nouvelle explosion de san<br />
glots et de grandes résolutions.<br />
M. David avait une grande influence sur<br />
sa petite protégée. Il acheva de la calmer en<br />
se chargeant de négotier une paix durable.<br />
—Maintenant, dit-il en forme do conclu<br />
sion, te voilà ici, je te donne congé pour la<br />
soirée ; reste avec nous, nous allons faire de la<br />
musique. Je prends sur moi tous les risques.<br />
Tout alla bien jusque vers huit heures et<br />
demie, lorsque soudain, la sonnette de la porte-<br />
se fit ontondre.<br />
La musique se tut comme <strong>par</strong> enchante<br />
ment. Le jeune Arthur Lavigne, qui n'était<br />
pas encore, alors, l'artiste que nous connais<br />
sons aujourd'hui, alla ouvrir.
— 14 —<br />
A la vue de M. Lajeuncsse l'œil inquiet, la<br />
jggure défaite, il se trouble, ne trouve pas une<br />
<strong>par</strong>ole et court se réfugier au salon.<br />
vant-<br />
L'oncle va lui-même recevoir le nouvel arri<br />
—Ma fille est-elle ici ? sanglotte M. Lajou-<br />
ï»esse.<br />
—Mais non, dit tranquillement M. David.<br />
—Ah ! mon Dieu ! qu'est-clle devenue ? je<br />
Ja cherche <strong>par</strong>tout depuis sept heures, et je<br />
venais ici eu dernier ressort.<br />
—Eh ! bien, vous l'aurez grondée, et elle est<br />
<strong>par</strong>tie ; vous savez comme elle a lo caractère<br />
décidé 1 Je me doutais toujours qu'il en advien<br />
drait ainsi 1<br />
Le père se désole et voux recommencer<br />
eea recherches.<br />
M. David, qui ne veut pas prolonger ses souf<br />
frances, lo tire <strong>par</strong> lo bras :<br />
—En voilà assez, dit-il ; venez, je vais vous
— 15 —<br />
faire retrouver votre fille.<br />
Et il l'entraîne au salon.<br />
La joie do M. <strong>Lajeunesse</strong> pout se concevoir<br />
plus facilement qu'elle no peut se décrire.<br />
Nous avons dit qu'il avait pour sa fille un<br />
véritable culte. Il était facile de le com<br />
prendre à la vue des caresses qu'il lui pro<br />
digua en cette circonstance.<br />
La soirée s'acheva avec le plus charmant<br />
entrain et on ne s'aperçut même pas quo le<br />
jeune violoniste en lierbe fit trois ou quatre<br />
fausses notes dans la marche de l'ouverture<br />
de la Muette qu'il grattait, en lisant sur la<br />
<strong>par</strong>tition de piano.<br />
Lorsqu'elle s'en retourna chez elle, après la<br />
veillée, <strong>Emma</strong> avait oublié à pou près son<br />
entrée au couvent et son dé<strong>par</strong>t pour les Etats-<br />
Unis.<br />
On oublie si vite à cet âge heureux I<br />
Elle avait bien promis de ne plus donner
— 16 —<br />
de fête et de s'appliquer sans relâche à sori.<br />
étude. Mais il n'est pas absolument certain<br />
qu'elle ne soit jamais retombée en faute.<br />
Qui osera lui jeter la première pierre ? Ua<br />
enfant ne peut pas vivre de gammes et d'exercices<br />
à cinq notes.<br />
Elle travaillait cependant avec ardeur et<br />
faisait des progrès sensibles, lorsqu'un accident<br />
qui aurait pu avoir les suites les plus<br />
fâcheuses vint mettre dans le plus grand<br />
danger Ba carrière et son avenir.<br />
Tant il est vrai que nous sommes tous dansla<br />
main de la Providence et que les plus<br />
grands génies mêmes ont besoin de sa pro-^<br />
tection pour ne pas être arrêtés <strong>par</strong> les obstacles<br />
do la route.<br />
Un jour que M. Lajetmesso avait fait unecourse<br />
un pou longue, l'espiègle enfant avait<br />
profité do cette absence pour so récréer un,<br />
peu mec une petite amie.
— n —<br />
En jouant, avec sa pétulance ordinaire, elle<br />
s'était fait écraser un doigt dans l'embrasure<br />
d'une porte. Il fallut dissimuler lo mal et<br />
yuiriïvvv en patience.<br />
Pendant plusieurs jours elle joua ses exer<br />
cices avec un courage au-dessus de son àgo<br />
0t de son sexe. Il s'agissait de cacher à son<br />
père ce petit malheur qui eût dévoilé la faute.<br />
La douleur augmentait cependant, et la<br />
blessure, maltraitée, devint sérieuse. À tel<br />
point que, un jour, il lut impossible à l'eiiia.it<br />
de jouer sa harpe.<br />
lire.<br />
Elle s'assit prés do l'instrument et bc mit à<br />
On conçoit Y étonne mont du père, en face<br />
de cotte espèce de provocation.<br />
— Allons 1 lui dit il, il no s'agit pas de lire ;<br />
travaille.<br />
— Je ne puis pas.<br />
—Comment! voilà du nouveau,<strong>par</strong>cxcmplct<br />
2
— 18 —<br />
—Cela me fait mal aux doigts.<br />
—Voyons ! montro un peu tes mains.<br />
Elle n'eut garde do lo faire ; au contraire,<br />
elle se fourra les mains sous son tablier, dans<br />
la crainte de trahir sa conduite.<br />
M. Lnjeunesse so fâche et insiste.<br />
L'enfant s'entête do son côté, tant et si<br />
bien qu'à la fin, la colère l'emportant, elle<br />
saisit la harpe et se met à courir des gammes<br />
éehevclées, pendant que la douleur lui crispo<br />
le» nerfs. Malheureusement lo doigt nialado<br />
so prend dans une corde fine, et l'ongle tout<br />
entier s'en détache. <strong>Emma</strong> tombe évanouie<br />
sur lo <strong>par</strong>quet ot son père a tout juste le temps<br />
dessaisir le lourd instrument qu'ollo entraînait<br />
dans sa chute et qui lui eût brisé la tête.<br />
Kilo revint difficilement à elle, et lo doigt<br />
blessé fut longtemps sérieusement compromis.<br />
Enfin, à force de soins, laguérison fut amenée,<br />
et les études reprirent peu à peu leur cours
— 19 -<br />
accoutume. Nous sommes certain, cependant,<br />
que la grande cantatrice so rappelle encoro<br />
avec une' vivo émotion cet épisode do son<br />
enfance.<br />
Uuo des choses sur lesquelles M. Lajouncsso<br />
insistait beaucoup, dans les leçons qu'il don<br />
nait il sa tille, c'était la lecture à première vue.<br />
Il lui faisait déchiffrer toute la musique qui lui<br />
tombait sous la main: une ouverture classique<br />
ou une jJolka de salon, u;ie sonate ou uno <strong>par</strong><br />
tition d'opéra réduite pour le piano. Elle avait<br />
pour ce travail uno aptitude extraordinaire.<br />
<strong>Emma</strong> Lnjcnncsso avait cela do connu un avec<br />
notre pianiste distingué, Calixa Luvaliéo :<br />
elle jouait un morceau <strong>par</strong> intuition ; elle<br />
devinait plutôt qu'elle î.e lirait.<br />
M. Lajouncsso était extraordi::a!roment fior<br />
de ce talent ; mais il y avait uno cho.o iurtout<br />
qui lo transportait d'aise.<br />
—Jo lui met; so..a les yo. x, disait-il, uno
eonate tie Beethoven, puis, lorsqu'elle en a.<br />
déehill'ré lu moitié, je forme le livre; elle con<br />
tinue alors à improviser dans le môme style<br />
d'uno manière étonnante.<br />
, Sa mémoire îmuicalc était prodigieuse. Sou_<br />
vent, en faisant sa promenade, elle entendait<br />
jouer, <strong>par</strong> la musique militaire, un morceau,<br />
qui la frappait. Kl le l'écoulait, tout on causant,<br />
puis, revenue chez elle, elle écrivait la pièce<br />
d'un Lotit à l'autre pour le piano ou la harpe,<br />
et la jouait sur son instrument.<br />
M. Lnjeunesse, lorsque sa tille eut acquis<br />
une certaine habileté, allait, do temps à autre,<br />
avec elle, dans les principaux villages des<br />
environs du .Montreal, donner des concerte.<br />
Elle chantait, jouait le jjiano, la h.lrpo et<br />
l'harmonium; lui se chargeait de la <strong>par</strong>tie de<br />
violon.<br />
Sur toussas programmes, il y avait une noie<br />
qui invitai;, io public à présenter, outre la-
— 21 —<br />
première et la seconde <strong>par</strong>tie, un morceau ou<br />
doux que la jeuno planiste dovait lire à pre<br />
mière vue.<br />
Elle s'est toujours tirée avec honneur do ce<br />
pas périlleux.<br />
A ce propos, il nous rovient un fuit qui<br />
s'est passé, croyons-nous, dans le vilîago do<br />
Bcauharnois.<br />
La première <strong>par</strong>tio du concert avait été<br />
donnée avec beaucoup do succès. L'iniermrdo<br />
arrivé, M. Lajounesso attend que quelqu'un<br />
apporte lo morceau do rigueur. Un certain<br />
temps se passo ; personne no so présente<br />
L'impressario jette un regard dans la sal lo :<br />
rien ne bongo. Il s'avanco sur la scèno, ot<br />
attiro l'attention du public sur la note qui<br />
fait <strong>par</strong>tio du programme. On applaudit beau<br />
coup ; mais le morceau demandé n'est pas<br />
apporté. Lo fait est que personne n'avait songé<br />
k cette potito formalité.
— 22 —<br />
M. Lnjenticsse attend encore quelques ins<br />
tant.'!, puis l'impatience commence à le saisir:<br />
il arpente fiévreusement l'arrièrc-scène.<br />
— I\ t qu'on craindrait, se dit-il, que ma<br />
fille ne fût pas à la hauteur de la tâche ?<br />
Finalement, il n'y pout plus tenir. 11 sort<br />
lie In f-oulÎH>e et déclare au public que si l'on<br />
ne -e conforme au programme en produi<br />
sant le lu'irceau requis, il va suspendre le<br />
concert et remettre l'argent.<br />
L'audi toi rc chuchote pendant quelque temps;<br />
mai* lorsqu'on s'aperçoit^que l'incident me<br />
nace de se terminer d'une manière sérieuse,<br />
quelqu'un de bonne volonté est dépêché dans<br />
une mai on du voisinage et revient avec un<br />
morceau (ju'il s'em]'ivssc d'offrir.<br />
La jeune pianiste le joue sans hésitation : lo<br />
sourire renaît sur le front soucieux du père;<br />
le publ.'c applaudit, et le concert, qui avait<br />
failli «o t-cindor d'une manière abrupte, se
— 23 —<br />
termine nvce un entrain extraordinaire et au<br />
milieu des applaudissements tes mieux mé<br />
rités d'ailleurs.<br />
<strong>Emma</strong> La je'.messe avait débuté à Montreal,<br />
à l'nge de huit ans. " Elle recueille dos cou<br />
ronnes Mir nos théâtres, disait un journal<br />
du tenijis, comme elle cueillerait- des fleure<br />
dans les champs, pluio! pour s'en <strong>par</strong>er quo<br />
pour en tirer un Mijet de gloire. Elle ignore<br />
M>:> talent et chante <strong>par</strong> instinct, <strong>par</strong> besoin,<br />
et rien noTt'tomio plus que l'enthousiasme,<br />
qu'elle fait naître. Encore, dans lu première,<br />
enfance, elle échangerait volontiers M>U cerclo<br />
•l'admirateurs contre les amusements do sa<br />
]ottpéc."<br />
Nous assistions, quelques années plus tard<br />
à un concert qu'elle donnait nu Mechanics'<br />
Jhll, avec son père et un chanteur anglais<br />
dont le nom nous échappe A trois qu'ils<br />
oUicnt, ils avaient ù remplir tout lo pro-
— 24 —<br />
gramme qui, grâce nu triple talent de la jeune<br />
virtue, t'tiiit encore :is?tv. varié.<br />
Km ma I/ajeune-so avait joué plusieurs mor<br />
ceau K do piano et. un morceau de harpe. Kilo<br />
avait en outre chanté, on «'accompagnant de<br />
«a harpe, le Sûlut à In France de La Fille du<br />
Régi m m t.<br />
XiMi'i noa ; rappelons fjiio ce morceau fat<br />
aeeueilti avec beaucoup de faveur. .Mais on<br />
•chaqno foi" qu'elle <strong>par</strong>ut sur l'estrade ; mais<br />
l'enthou^iasmo fut réel lorsqu'elle exécuta,<br />
à première vue. et d'une manière tont-à-fait re-<br />
nmrqiKiItle les Murm>;rcs E' Venice Gottschulk.<br />
Nous no pouvons résister au dé4r iïo citer iei<br />
quelques lignes d'un artic'o écrit à ce, sujet<br />
<strong>par</strong> M. A. N. Montpetil. On verra ./»<br />
(/ f(••«»•'*>' ''• Nous MV liaitohs tîii suc, ;> ,i i.otnt jmiiro<br />
compatriote, <strong>par</strong>ce q m M ifîoir» -i>ra .n nt'lw. poro<br />
qu'cl'iî mérite i!" • Ou' coui'oiriiT S' 1<br />
* I ru s M'.iv.mx, cl<br />
surtout <strong>par</strong>e ' qu'elle a nne ilctii'Me recoimiMs-anee à<br />
payer à son peu. 1<br />
, homme do sacrtliee^ rpii dcpuiMpialorz'!<br />
ans. fuirvi-.llu avec la plus grande S', llieiUuie<br />
l'éclosion de ce beau talent. •<br />
En dehors do son talent do chanteuse, on<br />
entrevoyait en ello ut o pianiste do renom ; et<br />
lorsqu'elle, réduisit pour le, piano toute la <strong>par</strong><br />
tition do la grande cantato composée en l'hoti-
— 26 —<br />
iicur du prince de Galles, <strong>par</strong> le regretté<br />
Sabatier, ce planiste eminent fit lui-mémo le<br />
plu* grand éloge du talent de la jeune tille, et<br />
lui prédit un brillant avenir.<br />
Sabatier ne s'est pas trompé, seulement la.<br />
jeune artiste a changé d'instrument.<br />
Le public de Montréal avait eu plusieurs<br />
fois l'occasion d'entendre <strong>Emma</strong> I.ajeunesse et.<br />
d'applaudir :l so: sucrés, lorsque, en 1802, elle<br />
rentra (1 ) au couvent du Sacré-Cœur, au Sault-<br />
nii-Iîecollet, pmir continuer son éducation lit<br />
téraire, quelque peu né^'Iiyéo jusqu'alors. La<br />
musique, toutefois, ne devait pas être reléguée<br />
au second plan.<br />
<strong>Emma</strong> Lajeunesso avait, à cotte époque,<br />
manifesté déjà le désir d'entrer dans la vie-<br />
religieuse.<br />
(I) Elle avail déjà suivi Ii-s cours de cette institution<br />
quelques années au<strong>par</strong>avant.
— 27 —<br />
Etait-ce une vocation réelle, ou n'était-ce<br />
pas plutôt une do cos vagues aspirations, ou<br />
cotte soif mystique d'un dévouement indéfini<br />
qui s'em<strong>par</strong>e du cœur des jeunes filles à, un<br />
certain moment do leur existence ?<br />
Nous croyons que cette dernière hypothèse<br />
est lit plus probable ; car, avec le grand fonds<br />
do véritable piété que possédait la jeune pen<br />
sionnaire, si (-lie eût été réellement destinée<br />
à l'éiat religieux, nous ne doutons pas qu'elle<br />
n'eût suivi la voix qui l'appelait.<br />
Elle avaitd'uilleurs pour supérieure et direc<br />
trice la regrettée madame Trincano, dont la<br />
science ] irofor.de ot la vertu éclairé'.» sont encore<br />
si présentes au souvenir de la ville de Mont- •<br />
réal. Cette femmo distinguée n'aura pas<br />
manqué de saisir le fond du cœur de sa joune<br />
élève, et ses conseils ont dû la guider dans<br />
lo choix qu'elle a fuit.<br />
Au couvent, Mlle. Lajeuno.-sc menait une vie
— 28 —<br />
simple, peu bruyante, et réservée. Quoiqno<br />
sérieuse d'habitude, elle avait, cependant, co<br />
talent d'en trainer, à un moment donné, toutes<br />
ses compagnes de classe dans un irrépressible<br />
•ceint de riro. Impossible, alors, de la voir et<br />
l'cnlendro sans prendre <strong>par</strong>t à l'hilarité de<br />
venue contagieuse. Sous ce rapport, elle a<br />
«•hangé dopais lors ; ses voyages et ses fortes<br />
études ont imprimé à son caractère un sens<br />
sérieux et réfléchi, et il lui arrivo rarement,<br />
maintenant, de sa laisser aller à un franc éclat<br />
de riro.<br />
Une ehoso qu'ollo n'a pas perdue, néan<br />
moins, c'est son aimable simplicité. Los<br />
grands succès no l'ont point rendue vaino;<br />
son eu-ur est do ceux que la gloire élèvo sans<br />
les gonfler.<br />
A <strong>par</strong>t les explosions do cette espièglerie<br />
qui so faisait jour de temps slautre, c'était une<br />
timide jeune fille qui glissait silencieuse <strong>par</strong>
_. 20 —<br />
les longs corridors, ou rêvait seule dans u»<br />
coin aux heures de la récréation.<br />
Toujours vêtue modestement, avec une cer<br />
taine négligence même, oiio faisait preuve de<br />
la plus <strong>par</strong>lai to indifférence pour celte appa<br />
rence extérieure quo les jeunes tilles ont cou<br />
tume do priser si haut. Sa magnifique elievo<br />
lure était nouée sans soin et sans pretention ;<br />
le hasard était souvent son unique coiffeur.<br />
Cette simplicité ne laissait pasque d'être assez<br />
remarquable, au milieu d'une pépinière de<br />
jeunes filles dont un grand nombre, venues<br />
du pays voisin, i'uUaiont assez volontiers<br />
<strong>par</strong>ade de leurs toilettes et do leurs bijoux,<br />
aux heures, du moius, où il lour était permis<br />
do so dé<strong>par</strong>tir de la froide sévérité de l'uni<br />
forme réglementaire.<br />
21 y avait, néanmoins, un moment où, malgré<br />
sa modestie, elle briliait nécessairement entre<br />
sos compagnes et les effaçait mfî.no complè-
— 30 -<br />
Cement. C'était lorsque sa voix pure s'élevait<br />
dan» le silence do la chapelle, et, pour l'oreille<br />
icu seul, trouvait do ces accents angéli-<br />
qties qui lui ont ouvert plus tard les portes du<br />
temple de la eélébri té. Ou bien encore, lorsquo<br />
«tous ."-es doigt s inspires l'orgue du couvent<br />
fnîsait planer sur la foulo recueillie, do ces<br />
suaves mélodies, de. ces harmonies saisissantes<br />
qui ne peuvent, ùtm que l'écho (.'l'une ilv.vo à<br />
ItKjuollo le Créateur a donné ce mens dicinior<br />
qui fait cliunter les poètes.<br />
Co n'était plus la modeste jeune tille, c'était<br />
l'artiste qui so révélait. On lo sentait, on le<br />
comprenait de eetio vague perception qui<br />
emprunte do ses réticences mêmes je no sais<br />
quoi charme mystérieux.<br />
Kmma Lajouuesso était déjà, à cette époque,<br />
d'une force remarquable sur le piano. Eiio<br />
C0uniio»
— 31 —<br />
l'ôtmlo do son instrument avec autant do<br />
aèlo quo d'intelligence. Kile so livrait mémo<br />
au travail do hi composition, et ses com-<br />
pannes se rappellent encore certaine!» " Va<br />
riations " sur lo Home, su-cet home, que leurs<br />
jeunes imaginations incitaient bien au-dcssit*<br />
do celles do l'immortel Thalberg.<br />
M. Lnjeunesso était un des professeurs do la<br />
maison. 11 <strong>par</strong>tageait cotte tàeho avec .M.<br />
Gustave Smith, un do nos mu.- iciens les plus<br />
érudits.<br />
11 nourrissait dè-s lors le projec de paswr en<br />
Europe avec sa tille, pour lui .'aire entendre<br />
les œuvres de-; m ai 1res et la mettre nous la<br />
direction d'un professeur de renom. Il avait<br />
même clé question, à Montréal, d'une sous<br />
cription organisée dans; le but do subvenir<br />
aux frais do voyage et d'études do la jonno<br />
musicienne sur lo coutinont européen. On<br />
considérait la chose au point do vue do l'hon-
ncur national. Nous ne murions trop dire<br />
pourquoi vu projet n'a pas eu de suite. 11<br />
lïijm sein Wo, cependant, que ceux qui l'avaient<br />
iurmé n'étaient pas dans le tort ; l'événc<br />
tiieni, du nmins, leur a donné raison.<br />
Quoi qu'il en .-oit, et comme dans tonics les<br />
CIIQMM humaine-:, d'ailleurs, les avis étaient<br />
panade.. Ou argumentaitde <strong>par</strong>t et d'autre,<br />
l.a discussion devint même publique et se lit<br />
jour Uaiih les leuiiles de la ville, notamment<br />
dans l'Ordre, si WM souvenirs no nous trom-<br />
pent pas.<br />
2\'otro intention n'est pasdo ramener devant<br />
MO.-, lecteurs un Mijol qui a déjà donné lieu dans<br />
Ui temps à trop d'explications acrimonieuses;<br />
mai.-, nous nu pouvons nous empêcher do faire<br />
remarquer combien, souvent, il est .mprudent<br />
devenir, pour des mot ils honnêtes sans doute,<br />
mais certainement indiscrets, se jeter en tra<br />
vers d'un Loii mouvement, ou enrayer un
— 33 —<br />
projet qui, pour ne pas donner lu certitude<br />
immédiate du résultat attendu, no peut cepen<br />
dant faire tort à personne. Dans le doute,<br />
il vaut mieux .s'abstenir, c'est la maxime de<br />
• la Sagesse. JL Lajeunessc fut probablement<br />
découragé pur ces difficulté,, et erat qu'il<br />
perdrait à les vaincre un temps précieux.<br />
Dans tous les cas, il avait une toi inébran<br />
lable dans l'avenir do sa fille, et il prit un<br />
moyen terme qui trancha la difficulté.<br />
lui lSCt, il <strong>par</strong>tit avec sa famille JM.IT les<br />
Etats- t'iii- et alla s'établir à Albany, capitale<br />
de l'Etat do New-York. C'était déjà un hori<br />
zon plu-' largo et. un acheminement vers un<br />
théâtre plus proportionné à retendue de ses<br />
espérances.<br />
Les premiers tomps furent difficiles sur la<br />
terre étrangère, mais <strong>Emma</strong> Lïijounesso avait<br />
déjà ua médite ou'il était ditiieile do e.v pas<br />
remarquer. Elle trouva, d'ailleurs, dan^l'évê-
— M —<br />
que d'Albany, Mgr. Conroy, un protecteur<br />
plein île bienveillance. Il lui fit avoir des<br />
leçons dans le couvent do cette ville; elle<br />
obtint, en outre, <strong>par</strong> .son entremise, une place<br />
d'organiste et de premier soprano dans l'église<br />
de Si. Joseph. Elle no put toutefois garder<br />
son orgue que pendant un nn. Ce travail trop<br />
fatigant pour sa constitution délicate, com<br />
promettait sa sanlr à un tel point qu'elle dut<br />
y renoncer.<br />
Mais elle continua à tenir son emploi do<br />
premier soprano, et. chaque dimanche, son<br />
citant remarquable attirait A l'église une foule<br />
inaccoutumée et empressée quo la seule piété<br />
n'y aurait probablement pas conduite.<br />
Kmma <strong>Lajeunesse</strong> se rappelle ces jours<br />
<strong>par</strong>mi les plus heureux do son existence, et<br />
les grandes émotions qu'elle a éprouvées sur-<br />
les théâtres d'Europe sontencore impuissantes<br />
a efiacor le souvenir do ces fûtes religieuses
— 35 -<br />
dont lo charme, quoique lointain, vit encore<br />
tout entier dans son cœur. Le nom qu'elle<br />
a, pris, d'ailleurs, dit assez quelle touchante<br />
mémoire elle gardo do cetto première période<br />
de sa vie d'artiste.<br />
Après un séjour de plusieurs années A,<br />
Albany, M. Lajeunosso, avec se* économies et<br />
celles do sa fillo, ot à l'aide d'un concert où<br />
la population do la ville s'affirma avec uno<br />
libéralité enthousiaste, se trouva en moyens do<br />
passer en Europe.<br />
<strong>Emma</strong> Lajcuncsso avait d'ailleurs rencon<br />
tré dans madaino la baronne de La Pitto uno<br />
protectrice qui lui fut d'un grand secours<br />
dans cette entreprise difficile.<br />
Voilà donc notre jeune musicienne ronduo<br />
dans cetto grande ville de Paris, berceau des<br />
arts, terre promise des chanteurs, foyer res<br />
plendissant oil convergent tous les talents, et<br />
d'où re<strong>par</strong>tent les réputations établies, eomnio
— 3G —<br />
autant do rayon» chauds et lumineux quj<br />
vont répandre <strong>par</strong> le monde les lueurs et<br />
la flamme du ^énie.<br />
Elle y trouva, dans sa retraite, ïhiprez, le<br />
roi tle> tenors, qui HO consolait de la perte<br />
de f,n voix en consacrant au service du talent<br />
novice encore les fruits de sa glorieuse expé<br />
rience.<br />
Le maître vit de suite qu'il avait sons la<br />
main un .Mijet précieux, une future étoile,<br />
comme on dit en tenues du métier.<br />
—To-, irii'ë ne sont pas as.-ez solides pour<br />
<strong>par</strong>venir avec le piano, lui dit-il, surtout avec<br />
le piano comme on le traite de nos jours.<br />
Vi>;i;i rie, née ro-slgiiol, suivez les instincts<br />
do voire niée: noblesse oblige.<br />
Lu jeune Jîlle a ou foi dans la <strong>par</strong>ole du<br />
grand ténor : qui oserait dire, maintenant<br />
quVilo n'a pa; eu raison.<br />
l'endant près de doux ans elle suivit avec
— 37 —<br />
zèlo les leçons de Duprez ; puisant les ensei<br />
gnements do cette bouclio mémo qui avait fait<br />
délirer tout Paris. En dehors de son travail<br />
réjjlé, elle écoutait, elle com<strong>par</strong>ait; elle bu<br />
tinait <strong>par</strong>tout et goutto ù goutte, les inspira<br />
tions do l'art sur les pages brillantes dos<br />
maîtres, comme l'aboillo butine son miel sur<br />
los fleurs choisies d'un <strong>par</strong>terre.<br />
C'est là qu'a commencé sa vio véritable ;<br />
c'est à ce contact quo sou âme sympathique a<br />
laissé entrevoir l'étincollo sacrée qu'elle re<br />
celait.<br />
Après avoir donné à son élève tous les<br />
secrets do son art, Duprez comprit qu'il de<br />
vait l'onvoyor à un maître spécial pour la<br />
perfectionner et la pré<strong>par</strong>er au grand avouîr<br />
qu'il entrevoyait pour elle.<br />
<strong>Emma</strong> Lajounosse <strong>par</strong>tit donc pour Milan<br />
où, sur la recommandation de Duprez, elle fut<br />
reçue à l'institut de musique.
— 38 —<br />
EHeontpcarpi'ofesseurle célèbre Ijambcrti.<br />
Jjumborti n'est pas un maître ordinaire, et<br />
bien (les artistes qu'il a formés lui doivent<br />
leurs succès et lours couronnes.<br />
Il fit subir"un examen à sa nouvelle élève :<br />
*.—Ah! s'écria-til en l'entendant, Duprez<br />
xia m'a r<br />
i° n<br />
surfait, il y a une fortune dans ce<br />
•petit gosier; mais, ajouta-t-il finement, on<br />
voyant la répugnance quo manifestait <strong>Emma</strong><br />
Jvfijcunesse à monter sur les planches d'un<br />
théâtre, il n'y a que ce chemin pour y<br />
arriver.<br />
X*s hommos du mérito do Lambcrti ne<br />
donnent pas leurs leçons pour entretenir le<br />
pot-au-feu ; ils ont leur réputation à maintenir,,<br />
et ils obéissent surtout à ce besoin impérieux<br />
de so communiquer aux antres qu'oprouvo<br />
l'art véritable, à cotte soif insatiable de repro<br />
duire ses boautés et ses grandeurs.<br />
Xio seul fait d'être admiso à étudier sous ce
— 39 —<br />
maître était déjà, pour <strong>Emma</strong> Lnjeunosse, un<br />
immense encouragement.<br />
Elle le comprit et sut en profiter.<br />
Quelques années se passèrent en eîudes<br />
sérieuses, difficiles, sans trêve. Jamais son<br />
courage ne faillit un seul instant ; jamais la<br />
fatigue ne <strong>par</strong>vint à terrasser cette frêle<br />
créature qui empruntait do sa faiblesse mémo<br />
je ne sais quelle souple ot invincible vigueur.<br />
Pendant toute la durée do cet immense<br />
travail, cependant, elle avait encore à lutter<br />
contre les scrupules de sa conscience qui lui<br />
l'aidaient entrevoir d'une manière saisissante<br />
les entraînements do la scène.<br />
On conçoit quel combat terrible dut se livrer<br />
dans cotte âme quo les exigences de l'art en<br />
traînaient d'un côté et que sa candeur virgi-<br />
nalo rotonait do l'autre.<br />
A la fin cependant, cllo dut céder, et on<br />
1870 elle faisait son début à l'Opéra de Messine
— 40 —<br />
dan» le caractère d'Aminé, de la Somnambule,<br />
cl »om \o nom d'Albani que ses succès ont<br />
consacré depuis.<br />
C'était tin rôle éminemment adapté à son<br />
tafont fin et délicat; aussi est-ce toujours celui<br />
quelle a choisi depuis pour ses débuts dans les<br />
dirtV-ronU-s villes où elle a chanté.<br />
— 41 —<br />
résidents anglais, iiinsi que les nombreux offi<br />
ciers de l'amiéo dos L dos, qui vont dans retto<br />
ilo se reposer de lours fatigues, accueillirent<br />
avec transport cello qu'ils appelaient te doux<br />
rotsitjnol canadien. Son début dans la Somnam<br />
bule fut un véritable triumph',).<br />
Nous citerons à co sujet l'extrait suivant<br />
d'une lettre do JL Harvey, lieutenant d'artil<br />
lerie, alors en garnison à Malte.<br />
Le public do Québec a pu apprécier le talent<br />
clo co ténor agréable, et sait que ses connais<br />
sances musicales en font un juge compétent<br />
sur la matière :<br />
i Nous avons ici <strong>par</strong>mi nos iwime-domw —écrivait-il<br />
à un journal
— 42 —<br />
M. ITarvçy avait raison, et le charmant<br />
oiseau qui s'était posé un instant sur ce rocher<br />
classique niais stérile, devait bientôt s'envoler.<br />
La renommée de son chant arriva rapide<br />
ment en Angleterre, et M. éiye, directeur de<br />
l'Opéra italien do Londres, toujours à l'affût<br />
des talents nouveaux, engagea la jeune can<br />
tatrice pour la maison alors prochaine.<br />
Kilo devait débuter en juillet 1871; mais<br />
M. Gye, après l'avoir fait chanter il plusieurs<br />
répétition*, jugea
— 43 —<br />
dans co même rôle d'Amino qui lui avait déjà<br />
valu tant do succès.<br />
" Je vous envoie, avait-il écrit, la musi<br />
cienne la plus accomplie et la chanteuse la<br />
plus <strong>par</strong>faite, sous le rapport, du style, qui soit<br />
encore sortie de mon étude."<br />
Les Florentins virent do suite quo le maître<br />
ne les avait pas trompés.<br />
L'auditoire de la Pcnjo'a est peut-être le<br />
plus appréciateur do toute l'Italie; or le palco<br />
acenko fut jonché de fleurs à chaque ap<strong>par</strong>ition<br />
d'Alhani.<br />
Mais elle obtint son succès le plus éclatant<br />
lorsqu'elle joua la <strong>par</strong>tie do Mignon, dans<br />
l'opéra do co nom, <strong>par</strong> Ambrose Thomas.<br />
Mignon avait déjà subi uno chute regrettable<br />
dans quatre différents théâtres d'Italie; et les<br />
Florentins avaient naturellement leurs pré<br />
jugés à son endroit. <strong>Emma</strong> <strong>Lajeunesse</strong>, néan<br />
moins, renditson rOIoaveeun talent tellement
__44 —<br />
supérieur quo l'auditoire dut fairo taire la<br />
jalousie nationale pour applaudir au génie du<br />
compositeur.<br />
Mignon est peut-ètro un des earacteros les<br />
plu* difficiles du répertoire musical. A pre<br />
mière vue, c'oHt on ap<strong>par</strong>ence un rôle secon<br />
daire et la <strong>par</strong>tie de Philine semble beaucoup<br />
s<br />
plus importante et surtout beaucoup plus bril<br />
lante. C'est ce qui avait probablement trompe<br />
les Italiens plus enthousiastes peut-être du<br />
clinquant quo de l'art véritable. Le rôle do<br />
Philino demande un gosior souple et bion<br />
exercé; mtiis celui de Mignon oxigo les plus<br />
sublimes qualités de cot art qui no pout prendre<br />
sa Hourco que dans le cœur. Philino brille,<br />
éblouit; Mignon émeut et ontraino. Et c'est<br />
là lo génie du compositeur d'avoir su, à côté<br />
— 45 —<br />
jetée sur la voie publique, On avait peu com<br />
pris, en Italie, avant Albani, la grandeur, le<br />
.sublime de cette composition. Ce fut toute<br />
une révélation ; et du choc do deux inspira<br />
tions naquit un enthousiasme dont la gloire<br />
rejaillit avec un égal éclat HUI- le compositeur<br />
et sur son interprète.<br />
Ce succès avait consacré le talent de lajotmo<br />
cantatrice ; désormais elle pouvait affrovter<br />
sans crainte le public et la critique de Londres.<br />
Le mardi, deux avril suivant, elle subissait<br />
le feu de la rampe dans la métropole anglaise.<br />
Tout ce que Londres contient de connaisseurs<br />
distingués avait voulu aller entendre pour la<br />
première fois la grande cantatrice canadienne<br />
à laquelle on était lier de reconnaître le titre<br />
de sujet anglais.<br />
C'était encore Y Amine do la Somnambule.<br />
Ce rôle ost tres-souvcnt choisi <strong>par</strong> les sopra<br />
nos pour leurs débuts, et, naturellement, il
provoque des com<strong>par</strong>aisons sévère» quo, néan<br />
moins, au dire des critiques de Londres, Albani<br />
a pu soutenir avec un avantage dont on avait<br />
en peu d'exemple» jusque-là.<br />
Voici le jugement que porte le London News<br />
sur le mérite de [a jeune débutante :<br />
t A une figure très-agréable et une grùce <strong>par</strong>faite<br />
dans la démarche, Mlle. Allmni joint un'' voix d'une<br />
qualité exquise, dont le timbre pur et mélodieux<br />
trouve une puissance suffisante pour exécuter les<br />
passages de bravura les pius biillanls et les plu$<br />
fleuri». Tout son j"U indique une n dure richement<br />
douée, perf clîounec encore <strong>par</strong> une culture très-développée<br />
et une force extrioruinaire d'appréhension. Sa<br />
manière de dire les premieres mesures d'un simple<br />
récitatif a révélé de suite, la bcaut" «t la puissance<br />
entraînante
— 47 —<br />
morceau comme 'lins plusieurs antre*, on a pu remarquer<br />
les admirables leiiues do l'artiste et la faciliteavec<br />
laquidl» «Ho proloî.go un son mémo sur ie* noti>8<br />
les plus hautes et les plu*; piano, MUS la plus légère<br />
vacillation d« la voix, Mais nmi'ivs:toii la plus forte<br />
a été produite <strong>par</strong> les accents pathétiques qu'elle a su<br />
mettre dans le grand air Ah ! non qiunge.' Le succès<br />
delà cantatrice a été grand et complu."*<br />
Après avoir' répété la SMtmmbnle dans la<br />
mémo semaine, avec; un é.;al succès, Mlle.<br />
Albani trouva encoro des lauriers à cueillir<br />
dans la Lucie do Donizetti. 8a manière do<br />
rendre eo rôle si difficile qui exige une vigueur<br />
et un déploiement do passion extraordinaires,<br />
ne fit quo confirmer le jugement que le public<br />
do Londres avait porté sur la jeune chanteuse.<br />
Dès lors, ollo eut son droit de cité; et ses<br />
ap<strong>par</strong>itions subséquentes dans les caractères<br />
do Marta, do Gilda (Biijoletto) et do Linda<br />
di Chamouni fuient autant do brillants succès.<br />
Etencorol'artisto avnit-ollo à lutter contre une<br />
indisposition prolongéo qui lui enlevait uno<br />
<strong>par</strong>tie do ses forcos, et contre les fatigues
— 48 —<br />
d'une saison exceptionnellement longue, puis<br />
que, commencée en avril, elle no s'est ter<br />
minée qu'en juillet, c'est-à-dire après plus do<br />
trois mois d'un travail continuel.<br />
Il fallait, au surplus, une supériorité incon<br />
testable pour pouvoir briller au théâtre de<br />
Londres à cette époque. Tous les grands<br />
noms semblaient s'y être donné rendez-vous.<br />
Adcînia Pat-ti, Christine Kilsson, Paulino<br />
Lucca, Louise- Kellogg, Brandt, Miolan- Car-<br />
valho, Marimon, Scssi, Parcpa-Jïosa, fournis<br />
saient de.» point* do com<strong>par</strong>aison dangereux.<br />
Or Mile. Albani a chaulé avec la plu<strong>par</strong>t do<br />
ces artistes aux Floral IL'Il Concerts, et ses-<br />
SUCCCK i.'en ont pas été amoindris; loin de là,,<br />
elle a eu généralement les honneurs du rappel..<br />
Ces premiers succès étaient déjà quelque-<br />
chose, et plus d'une can latrie J s'en fût con<br />
tentée. Mais Albani -avait de plus hautes<br />
aspirations. Il lui fallait k baptême de Paris,
— 49 —<br />
comme disent les chanteurs.<br />
On sait, en oftbt, que la réputation d'un<br />
artiste n'est pas censée établie et confirmée<br />
tant qu'il n'a pas passé <strong>par</strong> la critique d'un<br />
auditoiro <strong>par</strong>isien.<br />
C'est le moment décisif d'uno carrière. Bien<br />
des artistos do mérite, pour n'avoir pu subir<br />
avec avantage cotte épreuve périlleuse, soit<br />
<strong>par</strong> timidité, soit à cause d'une prédispo<br />
sition défavorable du public, ont été con<br />
damnés à végéter toute leur vie dans les<br />
potites villes do province. Le pauvre Bri-<br />
gnoli fut, croyons-nous, une do ces victimes.<br />
Au reste, il ne l'avait pas volé.<br />
Le 24 octobre 1872, <strong>Emma</strong> Àlbani, <strong>par</strong>aissait<br />
pour la première fois devant un auditoire<br />
français, au Théâtre-Italien de Paris. Elle<br />
était annoncée depuis plus d'un mois ; toutes<br />
les lorgnettes de l'impitoyable critique de la<br />
capitale étaient braquées sur elle.
— 50 —<br />
Disons de suite que son succès n'a pas été<br />
inssi grand, aussi complot qu'à Londres.<br />
Klait-ce l'émotion bien naturelle en <strong>par</strong>eille<br />
jirconstaiice, ou l'excessive sévérité des juges ?<br />
D'était probablement les deux choses réunies.<br />
Le public de Paris est difficile à satisfaire;<br />
s'est son droit; mais il ne faut pas qu'il l'exa<br />
gère. Eh ! mon Dieu ! quand on s'extasie de<br />
vant la musique d'Offenbach, on peut bien<br />
être quelque peu indulgent pour ceux qui no<br />
rendent pas du premier coup, et à la satisfac<br />
tion universelle, 1» musique de Bellini.<br />
Nous aimons cependant à établir une dis<br />
tinction honorable en faveur des habitués du<br />
Théâtre-Italien.<br />
Au reste nous allons citer, autant que l'es<br />
pace peut nous le permettre, des extraits dos<br />
comptes-;ondus de plusieurs journaux <strong>par</strong>i<br />
siens sur ce début do notre compatriote.<br />
On verra qu'au fond, on en pense plus de
— 51 —<br />
bien, peut-être, qu'on ne voudrait le laisser<br />
voir.<br />
M. Savigny, de Y Illustration, après avoir<br />
consacré une vingtaino do lignes nu portrait<br />
do la jeune débutante, poursuit en ces termes<br />
son appréciation :<br />
< Cette première surprise passée, écoutons la diva<br />
nouvelle.<br />
i La situation continue, il y a évidemment méprise<br />
et voyez le tort quo lu réclumo a fait h CHU* jeune<br />
nrtistë. Si, au lieu do nous dire : vous allez entendre<br />
une merveille, quelque chose comme un** heureuse<br />
fusion do la voix éclatante do la l'aiti et des notes<br />
touchantes de la Nilsson, un organe d'une beauté<br />
achevée manié <strong>par</strong> tintaient des plut coin;-let», on nous<br />
eût dit : écoutez bien la débutante; i>llee*t évidemment<br />
au début dosa carrière, vile hésite, elle s'étonne, elle<br />
n'est pas encore hors do maître, elle ne sait pas<br />
sa voix, elle l'aventure <strong>par</strong>fois au risque de se la briser<br />
et de se casser le cou avec, elle ost inexpérimentée,<br />
elle manque de style ; mais il y a là une voix agréable,<br />
sympathique, qui, à ses moments, a do la chaleur, qui<br />
porte en elle une certaine émotion et qui émeut le<br />
public ; elle a ce rare bonheur : elle est dramatique,<br />
laissez Cairo le temps, laissez faire l'étude et soyez<br />
persuade qu'un jour celte jeuno lllle, qui entre maintenant<br />
<strong>par</strong> les portes de côlé, entrera au théâtre <strong>par</strong><br />
les grandes portes. Si l'on avait <strong>par</strong>lé de la sorte, on<br />
eût dit vrai, et le succès de l'Abanl aurait eu sa marche
— 52 —<br />
progressive ; on l'a compromis pour avoir voulu la<br />
lancer trop vite •<br />
i Ce rôle d'Amina elle l'a dit d'une façon assez pâle<br />
dans le premier acte et dans le finale du second si<br />
athétiquo et si émouvant : en vérité, nous cherchions-<br />
F<br />
artiste, étonné de ne l'avoir pas encore rencontrée ;<br />
puis, <strong>par</strong> un changement bien inattendu, elle s'est<br />
affirmée dans l'adagio : Ali! non credea mirarli ; maisavec<br />
une pureté, un charme, une délicatesse adorables.<br />
Le public a salué Mello. Albani <strong>par</strong> îles applaudissements<br />
unanimes. Oui, c'est bien là une véritable<br />
chanteuse ; mais il fallait donc nous le dire tout<br />
d'abord • •<br />
Plug tard, on <strong>par</strong>lant do l'exécution de Lucia<br />
di Lammcrmoor, M. Savigny, après avoir-<br />
signalé les défauts qu'il a remarqués, ajoute:<br />
• Quand cet instrument délicat <strong>par</strong>vient à se poser<br />
sur un aiidanle, alors il l'ait merveille. La phrase est<br />
nettement dessinée, elle s'attaque sûrement et s'aehévo<br />
heureusement dans un sentiment vrai et juste. Cette<br />
voix qui a de l'émotion vous louche et vous émeut i<br />
Voici maintonantlo sontiment deL'Univers<br />
Illustré. On verra qu'il est beaucoup moins<br />
Bévèro quo celui do .L'Illustration ; et rien ne-<br />
saurait nous forcer à le croire moins autorisé;<br />
i L'important pour nous est de connaître sur quel<br />
titre se fonrio sa rei utation naissante, dans quel rang<br />
du firmament artistique il convient de la classer.
— 53 —<br />
i Au premier rang, sans contredit, si l'on tient<br />
•compte avant tout de ce qui constitue l'an proprement<br />
dit -. de la méthode, du style, du goût, de la virtuosité.<br />
1 1 8<br />
Non pas I<br />
l a<br />
nature ait refusé ses dons à MH&<br />
Albani ; mais en les lui dispensant, elle y a mi*<br />
certaines résêrvos: la voix, chaude et sympathique,<br />
pourrait avoir plus de puissance et d'agilité : le physique<br />
intéressant, est un peu grêle; les traits, expressifs,<br />
n'ont ni la beauté sculpturale de la Grisi, ni la<br />
gnice piquante de la Palti. Que voulez-vous ? on ne<br />
peut tout avoir, et, tel qu'il est, le lot de la nouvelle<br />
diva est encore assez riche pour Faire envie à bien<br />
des rivales.<br />
• En choisissant pour ses debuts le rôle d'Amina,<br />
Mlle. Albani a été bien inspirée. Son succès qui<br />
s'était déjà affirmé dés le premier hcle, n'a pas cessé<br />
de grandir et s'est élevé, au troisième, jusqu'au<br />
triomphe. L'amour dans ce qu'il a de plus chaste et de<br />
plus pur, la douleur imméritée d'un conir lendro et<br />
naif n'ont jamais trouvé des accents plus émus, plu»<br />
pénétrants, plus pathétiques. Dans cette grande<br />
scène de somnambulisme, la pierre dé touche de<br />
l'expression et du style dramatiques, l'Albani a déflô<br />
tous les souvenirs. ><br />
Le Monde Illustré : s'exprtmo ainsi :<br />
i Et d'abord il n'était pas besoin do crever toutes les L<br />
grosses caisses de Barnum pour célébrer à l'avance<br />
les débuts de Mlle. Albani. Cette jeune cantatrice a<br />
déjà assez de mérite pour se présonter toute seule.<br />
D'autre <strong>par</strong>t, sommes-nous à Paris si dégoûtes de»<br />
gens de talent qu'il faille nous guider dans nos<br />
applaudissements ?
— 54 —<br />
* 11 y avait là à ses débuts le Paris des grands soirs,<br />
c'est-à-dire, l'éliie des blasés. Et il lui a fallu émouvoir<br />
c-s gens difficiles, et c'est, ma foi, ce qu'elle a<br />
foiU On ne lui aurait pas passé une fausse note;<br />
aussi 8V«i-elle bien gardée d'en donner.!<br />
* lie seul moment où le public lui ait montré de la<br />
froideur celui de sou entrée. Et, en effet, comme<br />
nous l'avons dit, elle ressemble si peu au portrait<br />
publié d'elle, qu'oit o cru d'abord à un changement<br />
de persontjK.<br />
« La vi-ritA est que. durant les deux premiers actes<br />
«le la Siinvmmlmlr. Mellc. Albani a obtenu un succès<br />
m-. re q'l'ordinaire, et qu'elle ne s'est révélé»<br />
dans son Icii» qu'au troisième acte, en chantant cet<br />
amiante de !n se.'-ne du sommeil nu B''lfini a mis tout<br />
son génie. Li, clic s'est montrée cantatrice de grand<br />
stylo. CM n'est pas (pie sa voix soit d'une qualité rare,<br />
car le médium n'en est pas d'un timbre assorti il celui<br />
lie l'aigu ; ce n'est pas non plus que la cantatrice ait<br />
encore acquis toute la souplesse désirable dans les<br />
traits vocalises ; mais sa qualité maîtresse est justement<br />
e Ile qu'on doit priser le plus : elle sent vivement<br />
co qu'elle dit. et "Ile sait communiquer son émotion à<br />
qui l'écoute. Klle a ce magnétisme, cette fascination<br />
qui s'appelle l'éloquence chez l'orateur, et qui n'a<br />
point de nom encore chez les chanteurs, peut-être a,<br />
cause
M. de Lagcnovais, dans la Jtevue des D e, u<br />
3fondes, donne de notre cantatrice canadienne<br />
un appréciation dont nous transcrivons } 0 t<br />
passages suivants : Kile non» <strong>par</strong>ait franche,<br />
en dehors, peut-être, d'une légère teinte de<br />
préjugé national ; car, pour M. de Lngt».<br />
Devais, l'Albani est une Anglaise, ou uric<br />
Américaine, ce qui, aux yeux <br />
gens, est. même chose:<br />
i Aux Italien?, l'Albani, que nous vivions d'enlendri<br />
d'abord ilansla Sonnnnbula, puis dans la Luiu 0<br />
liigo.'e lo, est un talent île nire distinction: mninte<br />
nant, l'accueil honnête et modéré que nous lui l'.u-,,,!^<br />
la, eontenlera-t-il, coritoiiteni-t-il surtout l'A iipu-tern<br />
qui iunis l'envoyait à la reelr-rche d'une position >h<br />
diva? Nous lo souhaitons sans oser l'unirai» r. L' i i r<br />
— 56 —<br />
mince veut s'affirmer on pleine situation, lutter contre<br />
les sonorités ambiantes, attaquer des ré-bémol <strong>par</strong>delà<br />
e s c o m m e d i l n s<br />
les regW ' le quatuor de Riq .kilo, elle<br />
v réussit, et c'est alors un de ces effets de mirage tels<br />
que la fée Morgane seule en Fait évoquer dans lu<br />
détroit '' e<br />
Messine. Le phénomène s'évanouit presgU'ttus9;iôt,<br />
mais vous avez eu pendant quelques<br />
secondes le spectacle d'une grande cantatrice •<br />
« ...... Impossible du détailler une cavaline avec plus<br />
de g'oiït. de pureté. Caro nome dus il mio cor,—allez<br />
l'entendra dans fli/joletlo dire cet air de l'escalier ;<br />
c'est la perfection. Son trille pour la netleté de vibralion<br />
et In tenue vaut la cadence du rossignol. Dans<br />
L"c a. elle enlève la scène de folie de manière à délier<br />
tous les souvenus. »<br />
Telle est donc, en résumé, l'impression que<br />
Molle. Albani a créée dans ce public si difficile<br />
et si exigeant de la capitale dos arts.<br />
Tous les critiques s'accordent, en fin de<br />
compte, a reconnaître, chez notre compatriote,<br />
un aujet do force à aspirer au premier rang, et<br />
ayant déjà, de fait, <strong>par</strong>couru d'une manière<br />
magistrale la majeure <strong>par</strong>tie de cette voie<br />
difficile et peu fréquentée qui conduit aux<br />
plus hauts soin mets d u temple do 1 a Eon omméo.<br />
Son succès final n'était plus alors une question
_57 —<br />
do moyens, c'était une simple question de<br />
temps.<br />
Depuis, Melle. Albani a marché d'un pas<br />
rapide dans la carrière artistique. Son passage<br />
il Paris l'avait rendue justement populaire;<br />
aussi, tous les théâtres de l'Europe étaient-ils<br />
prêts à lui ouvrir leurs portes.<br />
Après avoir cueilli en plusieurs endroits<br />
une nouvelle moisson de couronnes, le 21 avril<br />
1873 elle <strong>par</strong>aissait do nouveau devant le<br />
public'de Londres qui lui fit un accueil encore<br />
plus enthousiaste que l'année précédente.<br />
Elle avait ajouté à son répertoire le rôle de<br />
La Comtesse dans Le nozze di Figaro, et celui<br />
A'Elvira dans I Puritani de Bellini.<br />
Ses soirées alternaient avec colles de la<br />
Patti. Cette circonstance, loin do lui être<br />
défavorable, ne fit qu'ajouter à l'éclat de SOB<br />
succès.<br />
Elle eut l'honneur de chanter à la grande
— 58 —<br />
fete musicale qui avait été organisé pour Sa<br />
Majesté le Shah do Pctve, et ce fut pour elle<br />
l'occasion d'un splcndide triomphe.<br />
Le monarque oriental, comme témoignage<br />
d'admiration pour rémittente cantatrice, lui a<br />
offert un cadeau digne de celui qui donnait et<br />
de colli! qui acceptait, un magnifique collier<br />
en brillants.<br />
C'est pendant celte wnson que M. Ernost<br />
Gagnon, do passade; à Lnndrcx, eut. l'avantage<br />
d« l'entendre. Voici l'appréciation qu'on fait,<br />
notre compatriote distingué dont le jugement<br />
est. pour nous une haute autorité.<br />
" J'ai suisM entendu Albani (Mademoiselle<br />
Lnjennosso), dans un duo et dans le quatuor<br />
de Ritjoletto. La pauvre petite s'est admira<br />
blement tirée d'affaire, bien quo cotte musique<br />
Boit interprétée d'ordinaire <strong>par</strong> des voix beau<br />
coup plus puissantes que la sienne. Ello
— 59 —<br />
chante avec un goût exquis, gout naturel et<br />
éclairé <strong>par</strong> l'étude. Autant, que je puis m<br />
juger <strong>par</strong> cette seule audition, je pense quo ce<br />
qui lui a surtout valu tant de succès*, c'est ce<br />
tact, cotte absence d'exagération, eette mesure<br />
qui, en toutes choses, est le trait dintinctif des<br />
natures d'élite. Et cette qualité ressortait<br />
d'autant plus, l'autre soir, que mademoiselle<br />
Lajounesso avait à interpréter de la musique<br />
do Verdi. Chacun sait combien la musique<br />
du compositeur lombard est rageuse, et com<br />
bien elle prèle aux intempérances de sonorité<br />
et d'oxpression."<br />
" On peut, sans doute, chanter aussi bien,<br />
que Mlle. Album, ajoute ailleurs M. Chignon,<br />
mais je ne crois pan, qu'il soit possible de<br />
chanter mieux."<br />
Le renom de la grande artiste était <strong>par</strong>venu<br />
jusque dans la eapitalo do l'autocrate du Nord,<br />
et, lo 15 octobre 1873, précédée d'une réputa-
— 60 —<br />
1àon aussi brillante que méritée, elle faisait sa<br />
première ap<strong>par</strong>ition au théâtre de Saint-<br />
Pétersbourg, on présence du grand duc<br />
•Constantin et d'un auditoire distingué accouru<br />
pour applaudir la diva canadienne.<br />
Ce ne fut pas un succès, ni même un<br />
triomphe, ce fut une véritablo ovation; les<br />
bravos, les cris, les trépignemonts : rien no<br />
<strong>par</strong>aissait assez fort pour traduire l'impression<br />
délirante que la jeune cantatrice exerçait sur<br />
la foule enthousiasmée. Los loges faisaient<br />
pleuvoir sur la scène, les fleurs, les couronnes,<br />
les bijoux. Puis, tout-a-coup, aux accents de<br />
la sirène, lo calme renaissait, les cœurs pal<br />
pitants se contenaient; pou à peu, l'émotion<br />
montait, gagnait tout l'auditoire, et, avec la<br />
•dernière note de la phrase musicale, s'échap<br />
pait en frénétiques applaudissements.<br />
On n'avaitjamais ou d'exemple d'un enthou<br />
siasme <strong>par</strong>oil, et les fils mêmes de l'Italie, tout
— 61-<br />
pétris de feu et de passion, auraient pu &<br />
peine se monter à cette ardeur fiévreuse.<br />
Chaque fois que <strong>par</strong>ut Albani, dans la Som<br />
nambule, dans Jiigoletto, dans Marta, dans<br />
Linda di Chamovni, ce fut le même triomphe,<br />
la m6me ovation. C'était un grand spectacle<br />
que cetto fille des neiges du Canada réchauf<br />
fant, embrasant ces habitants des glaces de<br />
là Eussie : tant il est vrai quo le génie n'a pas<br />
do patrie et que cotte lumière éclatante s'al<br />
lume aussi bien sous les latitudes boréalos que<br />
dans les zones où le soleil verse ses plus chauds<br />
rayons. Ce fut toute une récolte do roubles,<br />
de couronnes et de pierres précieuses; maisco-<br />
fut <strong>par</strong>-dessus tout une moisson de distinction»<br />
et d'honneurs, cos bijoux qui valont mieux quo<br />
l'or, les fleurs et les diamants.<br />
Toute l'Europe avait entondu les accents»<br />
mélodieux du rossignol canadien, il était temps<br />
que l'Amériquo eût sa <strong>par</strong>t de la fête.
— 62 —<br />
Vers le milieu d'octobre dernier, Mlle. Al-<br />
tani, impatiemment attendue, débarquait à<br />
New-York, et, le 21 du môme mois, elle<br />
•débutait à l'Académie de Musique de cette<br />
ville.<br />
Voici comment le Courrier des Etats-Unis<br />
rond compte do cette première soirée.<br />
i Le loul New-York s'était donné rendez-vous<br />
h l'Académie de Musique pour assister au premier<br />
début de Miss <strong>Emma</strong> Albani.<br />
Le spectacle se composait modestement de la Sonnambula,<br />
ce mélodieux quoique court chef-d'œuvre de<br />
Bellini. Mais Amina était Miss Albani, et cette attraction<br />
suffisait.<br />
Les éloges qui avaient précédé ici cette brillante<br />
Artiste ont été justifiés au centuple ; il n'y a rien à en<br />
rabattre. Gracieuse comédienne, chanteuse irréprochable,<br />
Miss Albani a enlevé le succès d'assaut. Le<br />
•public, en entendant cette voix sonore, agile, et d'une<br />
.fraîcheur toute juvénile, interpréter avec tant de<br />
charme et de précision ces audacieuses vocalises,<br />
semblait oublier toutes les Amines passées, présentes<br />
•et futures, y compris Miss lima de Murska qui, récemment<br />
encore, provoquait tant d'enthousiasme dans ce<br />
rôle dont elle avait fait le plus beau fleuron de sa couronne.<br />
Fleurs, bis, rappels, tout a été prodigué à Miss<br />
Albani dans cette soirée triomphale où New-York à<br />
son tour, conllrmant les jugements de Paris et de<br />
«Londres, l'a proclamée étoile de uremière grandeur.
— 63 —<br />
Les b^aux soirs de Miss Nilsson et de Pauline Lueca<br />
vont done renaître ! •<br />
Et pourtant, Mlle. Albani, dans cette Boirée<br />
d'inauguration, était pauvrement secondée.<br />
Beaucoup do personnes KO figurent qu'une<br />
artiste brille d'autant plus facilement que les<br />
rôles secondaires sont plus effacés. Cost une<br />
grande erreur. Il suffit souvent d'uno réplique<br />
gauche ou d'une interprétation pâle et fausse<br />
de la <strong>par</strong>t d'un acteur on scène, pour jeter un<br />
froid singulier sur le rplc principal. Bien des<br />
jalousies d'acteurs de second ordre se sont<br />
exercées de cette manière. Pour qu'un premior<br />
rôle soit brillant, il faut qu'il soit brillamment<br />
secondé : c'est une maxime élémentaire do<br />
l'école théâtrale.<br />
Dans Lucia di Zammermoor, Mllo. Albani a<br />
obtenu un succès encore plus grand, plus en<br />
thousiaste que dans la Sonnambula ; ce n'est<br />
plus la eune fille qu'un auditoire <strong>par</strong>isien avait
— 64 —<br />
peut-être quelque peu intimidée. Maîtresse de-<br />
son rôle dans tous ses détails, elle a marché<br />
sur les fleurs du commencement à la fin, et elle<br />
a été <strong>par</strong>tout artiste de premier ordre.<br />
i Le charme de celle artiste, dit M. Charles Villa,<br />
c'est qu'elle ne vise ]
- 6 5 -<br />
Lo troisième rôle de Mllo. Albani a été celai<br />
do Gikla dans Migoîetto. Hùpletto est regardé,<br />
<strong>par</strong> la plu<strong>par</strong>t des juges, comme le chef-<br />
d'œuvre de Yerdi. Tel était, du reste, le sen<br />
timent de Rossini lui-même. Mlle. Albani ft<br />
su interpréter ce role de CHkia de manière à<br />
effacer tous les souvenirs. J>o la première<br />
noto à la dernière, l'auditoire était sous le<br />
charme. D'ailleurs le public no compte plu»<br />
avec elle les bravot, los rappels ni les bou<br />
quets : dès qu'ello entre on scène, c'est lo<br />
signal d'une ovation non interrompue. Dans<br />
cette représentation do lliijoletto, Mlle Albani<br />
semblait avoir mis lo comble à sa gloire désor<br />
mais hors de touto atteinte ; elle avait cepen<br />
dant encore à cueillir, dans Mignon, de nou<br />
veaux lauriors, plus brillants peut-être.<br />
Noua avons déjà dit ce que nous jjensons do<br />
co rôle de Mignon, et du talent hors ligne que<br />
nécessite son interprétation. Il n'y a pas<br />
0
^j^mfldc^t qwlVk. ;,l\l\p..Altyi?i a,yfut<br />
.,dpniç> à,Jut^V: çontro ep (grand. ,pt .jtfcqnfc squ-<br />
« v<br />
fiRJ*< /. Ewwe 11110<br />
&»8>.Jto :8uccèa a pomiom^j<br />
,.1'audjiçp, . Ji.estju.sto do dirp q^'cjla^c^se-<br />
.,ço^o,d'uno.ipaniiry adipirab^c plaque,}Mlp.<br />
.Jï»i}\>rp,.famto rÇlo.do I'hi^inc,, a ;rcpi.pQrt.ô<br />
opjiijpp q*tqno AIJlo..Al.twnj ajeoniptp.B,nji|o\ix<br />
.,fl«jB .^iltuffln, pi&po ,çe, rolp .do Mig/iop* ; Co<br />
. xj.'^pt p^g .«otto;, flanimp,, .la^dpntp,,• jbfupçinp,<br />
: fyilftOUf»c,'eK(), cct.an^v tih^tp p,t|Uaïf,do, )a<br />
àcupp^pur «l«o l'exil fang efc Jufl, ^^cjjaj Kfffiffre<br />
mm-. plaindre, jusqu/au; ;jnpiqent,,flù ;}'pjc-<br />
.(Ja-^f, la^tude l».#>rçpfpur, la pvfiipiijrfi.foia<br />
de d&sp^iKà fftfk poprjscau,! G'pst.pjïn^qyo<br />
.$l}f^ Al,t)apj. çqmpr,i» :jçp .l'êjQ.pt fj'pfit -dans<br />
...fi^fi^«^BT^^'PÎ 1<br />
:aw'AJ 1<br />
© ;.ft1 a>^?i»A Partus<br />
.feaufej qâfrfc;idraioatiquep,;• mn
qlitPchbse"c!w poignatit r|ùî ft ton*!! T*awtHtid/fe<br />
pendant toute Ta'feoîh'è leëoiip de Tà fMs'<br />
vite ojiiôtfort. Elle a rendit d'une manière admi<br />
rable'éet'airsi !<br />
plciiV('Ie charme'" Connhis-tti U<br />
pWy.v." et' le tfdb des « Hirondelles:" ÎMala<br />
sô'ri triomphe a été dans 'Ta ''Styrienne.'' lia<br />
s.'tlTè foiit/eiitiè're, enthousiasmée, éloctriô'tfëj rie'<br />
savait plus 1<br />
meltfe'firi it'ses applaudissements.<br />
TJO'succès do la grande cantatrice' cana<br />
dienne'n'a pas été mollis complet dans MartiL<br />
Le'rôle de Lady Henrietta cependant;' ci de'<br />
ffiît l'op&'a toiït entier, sont loin d'être tailles<br />
dans cette grande manière do nos bons operas<br />
français et italiens.<br />
Elle, a aussi jo'tïo le.role ù'.Hlsa dans'Lofièn-<br />
gi-iii.' Maïs' on' a beau d'ire!, cette' musiqHto 'do<br />
Wagitèr-^tnusiqiie 'àe"Tavchir —,' pleïii'o'' ëë<br />
réclthtife etfh'A-issée d'arithmétiq-iM, ri'éét <strong>par</strong>i<br />
fàïte! ,<br />
p6 !<br />
ni J<br />
'la :<br />
Vôix1itimaiiië; etTartî^ pérÛ'cà'<br />
que la science ^ttl jr^àgHèri 1<br />
~ ,;l<br />
"'
Au milieu de tous ces succès, Mlle. Albanî<br />
n'a cependant pas oublié lo premier théâtre<br />
do sa carrière musicale ; l'endroit où son<br />
talent a été, pour la première fois, apprécié<br />
comme il le méritait. Il y a quelques jours<br />
(le 8 novembre), elle est allée assister à l'office<br />
divin dans eeUo égliso deSt. Joseph d'Albany<br />
où sa voix avait naguère fait lo premier essai<br />
do ces ailes qui l'ont depuis portée si haut.<br />
Après la messe, elle est entrée danslasacristio<br />
où ollo a reçu lex félicitations des membres<br />
du chicur dont elle avait fait <strong>par</strong>tie pondant<br />
près de cinq ans, et ollo a serré avec effusion<br />
la main à cos anciens compagnons qui l'avaient<br />
aidée et encouragée à ses débuts.<br />
Le lundi soir elle donnait un grand concert<br />
auquel assistait l'élite de la société d'Albany<br />
et plus do trois cents personnes venues exprès<br />
de Troy pour entendre celles qu'on appelle<br />
avec raison la " Reine du Chant. "
— 69 -<br />
Co concert, on le conçoit, a été une ovation<br />
continuelle.<br />
Donnons, avant de terminer quelques dé-<br />
tails intimes que nos lecteurs aimeront suns<br />
doute à connaître.<br />
La position do Mlle. Albanî lui commande<br />
une conduite très-réservée et lui interdit bien<br />
dos délassements innocente que peuvent pren<br />
dre le commun dos mortels.<br />
Elle reçoit très-pou chez olle, ot s'occupe à<br />
son piano et à son chant; elle n'a d'ailleurs<br />
que très-peu do loisirs pendantla saison d'opéra.<br />
A ses repas, dans ses sorties, elle est cons<br />
tamment accompagnée <strong>par</strong> une vieille dame<br />
anglaise qui lui sert de Mentor. M. Lajeunosse<br />
suit d'ailleurs sa fille dans tous SOB voyagea.<br />
Mlle. Albani a un extérieur très-agréable et<br />
des manières d'une grâce accomplie. Elle s<br />
une grande piété, ot une vertu irréprochable<br />
qui lui vaut de la <strong>par</strong>t de tout le monde les
égaras les plus ronpcotneuxL Extrêmement<br />
obligeante, elle n'entend pas raisorij 'eepèïN •<br />
dant, lorsqu'il 9'agit d'un potit. "opugnoitl dont<br />
elle ruflble; Après -se* moirées;-elle''s'amnta- !<br />
pendant de longs moments do sauts- et ;<br />
de'<br />
a&à peambadw, et tyaW à dèlfer ipw• encourt \o<br />
dépJâteii- dtrpet'ït/fhvori'!- " '» :<br />
'•"•<<br />
MI!o. :<br />
AUxint a hmiiitenniht'eoWfdis sa"piheb •<br />
an premier rang des artifctôâ- lyrî'cjiieU' :<br />
'T)
•,ff>nunfSi'sTi9P^*i6 dfc!VhibriiWr plus teid..loi%-<br />
^u'j\B>
— 72 —<br />
foi dans son droit incontestable à prendre<br />
place <strong>par</strong>mi les nations qui produisent les<br />
grands artistes.
BlJOUTERiEj ORFEVHEiÊ ! ï<br />
iJUQUiOT et Oie..<br />
No, I, RUE DE LA FABRIQUE,<br />
• U i; !" S \ ! NT- ,]< i : Kl >i :, S' INT- Rrw.il,<br />
QUÉBECI<br />
1 MCi.KT.vna lî- î-.T :'Ai:;:fr \\T,<br />
BI.1'0 UTK H IKS FI N KS.<br />
MONT.KKW.<br />
HOIUiOHflK,<br />
Objets plaquas on ARC4ENT, ou-..
A T AVTH-NT<br />
IMPOR r AT EUR Ot-<br />
/7. / \ OS,<br />
î 1 A H M.ON 1 V tdS c • IKSTR U M 8NTK !